Déclaration de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, sur le projet de loi sur la cohésion sociale, prévoyant l'accès de tous aux droits sociaux fondamentaux et donnant priorité à l'insertion sociale et professionnelle, à l'Assemblée nationale le 15 avril 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Examen du projet de loi de cohésion sociale à l'Assemblée nationale du 15 au 21 avril 1997

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,

Le projet de loi de cohésion sociale est un engagement du président de la République.

Monsieur le Premier ministre vient de rappeler que la cohésion sociale est au cœur de l’action du gouvernement.

Avec Xavier Emmanuelli, nous allons maintenant préciser devant vous les intentions que le gouvernement a entendu faire prévaloir dans ce projet de loi d’orientation pour le renforcement de la cohésion sociale. Et, pour ma part, je préciserai particulièrement nos intentions dans le domaine de l’emploi et dans celui des institutions.

Dès le mois d’août 1995, les premiers travaux préparatoires ont été engagés.

Une phase officieuse de concertation a commencé dès décembre 1995. Puis nous avons eu une phase officielle de concertation. L’avant-projet de loi a été transmis, dès le mois d’août, au Conseil économique et social qui a remis son avis le 10 décembre. Le projet de loi a été présenté au Conseil des ministres du 26 février 1997.

Je veux souligner que ce projet a fait l’objet de l’une des concertations les plus larges auxquelles a donné lieu un projet de loi en matière sociale. Les associations gestionnaires d’établissements et de services sociaux, les associations militantes, les experts, les groupements professionnels ont été associés à cette concertation. Tous les préfets ont organisé, dans leur département, des réunions d’information et de débat. Toutes les instances officielles compétentes ont été saisies. Le Comité de suivi du sommet de Copenhague a bien voulu, dans son rapport aux Nations unies, souligner le caractère exemplaire de cette concertation.

Aujourd’hui, l’ambition du gouvernement est de poursuivre cette concertation pour l’élaboration des textes d’application de la loi et la mise en œuvre du programme d’action qui l’accompagne. La loi de cohésion sociale a commencé avec les associations, elle sera mise en œuvre avec elles.

L’exclusion est une notion complexe

La tendance naturelle, lorsqu’on évoque l’exclusion, est de décrire les types de population qui en sont les victimes :
    - les chômeurs, exclus de l’emploi ;
    - les pauvres, exclus de la consommation ;
    - les illettrés et les analphabètes, exclus de l’accès à la culture, etc.

Ce constat rencontre rapidement ses limites.

L’exclusion a une dimension individuelle et collective.

L’exclusion prend des formes différentes.

La solitude, le désœuvrement, l’errance, la pauvreté monétaire, l’illettrisme, la délinquance, sont des formes apparentes d’exclusion.

D’autres, plus ordinaires, sont moins visibles, mais tout aussi prégnantes dans une société en évolution rapide. J.-B. de Foucauld parle de « deux formes très ordinaires, si ordinaires qu’on risque de ne pas les voir » :
    - L’exclusion par la complexité qui résulte :
        - de la multiplicité de législations difficiles à comprendre,
        - d’institutions qui ont chacune leur logique, leur code, leur visage,
        - de démarches et de demandes, etc. ;
        - Et aussi l’exclusion qui est dans la tête avant d’être dans les faits, celle qui résulte de la peur des autres.

L’exclusion est un enchaînement qui traverse parfois les générations.

L’action publique est également confrontée à cette difficulté qu’il lui faut arrêter une spirale qui, à partir d’une situation temporaire, par exemple la perte d’un emploi, ou encore la maladie, va conduire à une profonde et durable exclusion de la société parce qu’elle se combine avec d’autres facteurs sociaux défavorables.
 
Parfois cet enchaînement se reproduit entre générations. Quel élu local, quel travailleur social ne connaît des familles où hélas l’exclusion se reproduit de génération en génération, selon des enchaînements qui paraissent quasi intangibles : pauvreté culturelle et monétaire de parents qui freine la socialisation des enfants, risques plus élevés d’échec scolaire, d’une formation insuffisante, d’un équilibre personnel perturbé. C’est la porte ouverte au chômage, au recours à l’assistance ou à des réseaux de solidarité en marge, aux configurations familiales troublées, voire à la délinquance.

Nous savons aussi que :
    - il y a des lieux où les risques d’exclusion sont plus élevés : certaines régions, certains quartiers d’habitat dégradé ;
    - il y a des moments, il y a des phases plus cruciales dans la vie qui peuvent également interférer : échec scolaire, échec d’une vie conjugale, perte de l’emploi.

Nous devons reconnaître qu’à un moment donné un enchaînement se noue entre un contexte défavorable et une fragilité de l’individu.

C’est le but de ce projet de loi que d’intervenir de façon préventive et dans tous les domaines pour casser de tels enchaînements.

Le but de projet de loi, c’est de réveiller l’espoir chez ceux qui n’ont plus rien, plus de projet à bâtir, qui ne sont plus reconnus et qui peut être ne se reconnaissent plus, avec la part de la dignité que chacun porte en lui : familles du quart-monde, sans abri, clochards, marginaux.

L’exclusion oblige à s’interroger sur l’organisation de la société

Quelles réponses pouvons-nous apporter à ceux qui sont au bout du tunnel de l’exclusion, à ces hommes et à ces femmes auxquels notre société a peut-être demandé un trop gros effort d’adaptation à ses valeurs et à son rythme, au point que le lien social s’est distendu ?

Tournons-nous brièvement vers le passé.

Pendant les Trente Glorieuses, l’idée s’est formée que l’on pouvait vaincre la pauvreté dans les pays riches, pour reprendre le titre d’un ouvrage connu. L’idée s’est formée que le niveau de richesse atteint par nos sociétés autorise la garantie d’un revenu minimum à tous : salaire minimum garanti, minimum garanti pour les personnes âgées et handicapées, assurance chômage pour les autres. Ces minima sociaux nous les avons créés. Nous avons su profiter de cette prospérité exceptionnelle pour mailler étroitement notre protection sociale et éviter le basculement dans la pauvreté de tous ceux qui par leur âge ou leur handicap sont éloignés du travail.

La crise économique ouverte en 1975 va conduire à élargir encore notre protection sociale.

Certes, dans un premier temps, on a mal perçu les effets sociaux de la crise. Sans doute parce que, comme le souligne la Commission du bilan, dans son rapport de 1981, la protection sociale très étoffée et très généreuse a permis de maintenir la demande et a retardé l’apparition de situations de pauvreté.

Mais, au tournant des années 80, la cause est entendue. Le chômage était désormais clairement désigné comme la grande route vers la pauvreté. Les gouvernements successifs ont d’abord tenté de combler « les trous » de la protection sociale. Puis, ils ont organisé des plans d’urgence pendant l’hiver. Et l’opinion a pris lentement conscience des risques nouveaux de pauvreté.

Ce n’est qu’en 1988 que la loi instituant le RMI sera votée. Avec le RMI, la France rejoignait les autres pays européens mais avec une ambition plus large. L’allocation monétaire était liée à un contrat d’insertion. Là était l’innovation juridique et le progrès social.

Faut-il le dire ? Cette grande ambition n’a été que partiellement réalisée. Un allocataire du RMI sur deux bénéficie aujourd’hui d’un contrat d’insertion et ce contrat est parfois peu substantiel. Un allocataire du RMI sur trois sort du RMI pour aller vers l’emploi. Ces chiffres ne sont pas négligeables. Ils restent malgré tout insuffisants.

Le chômage est encore la grande route vers la pauvreté, mais il n’explique pas tout.

Tout se passe comme si les politiques de solidarité nationale ne suffisaient plus à elles seules à maintenir la cohésion sociale.

La cohésion sociale exige un engagement plus actif de tous, des individus eux-mêmes mais aussi des collectivités et des pouvoirs publics et de l’ensemble des corps intermédiaires.

Il y a déjà 20 ans, René Lenoir proposait, en parallèle à un enrichissement de la protection sociale, une action sociale à visée préventive, moins assistancielle, imprégnant toutes les politiques et reposant sur la participation des intéressés. Il proposait une gestion nouvelle des rapports sociaux.

Le monde a changé. Le contexte économique et social est aujourd’hui très différent. Néanmoins, l’idée qu’il faut gérer autrement les rapports sociaux est encore féconde et mérite d’être reprise et approfondie. Nous devons réaffirmer :
    - que l’assistance est un droit mais qu’elle n’est pas une fin en soi. Elle est un moment transitoire vers l’insertion qui reste prioritaire ;
    - que la solidarité a pour complément naturel la responsabilité ;
    - que l’approche globale des problèmes d’insertion doit l’emporter sur les approches segmentées, qui ne favorisent, hélas, que l’acharnement assistanciel.

Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes à un tournant.

Nous sommes au moment où il ne suffit plus d’imaginer des dispositifs en faveur des pauvres et des exclus.

Nous sommes à un moment où les pauvres et les exclus nous demandent de porter un autre regard sur l’exclusion, nous font l’obligation morale d’imaginer les politiques sociales de l’avenir, nous apprennent dans quelle voie nous devons engager la société toute entière.

Mesdames et Messieurs les députés,

Telle est l’ambition du projet de loi qui vous est soumis.

Ce projet de loi ne vise pas à créer un nouveau droit des exclus.

Il vise au contraire :
    - à aménager le droit existant, à repenser le droit existant pour que tous y accèdent ;
    - à affirmer la priorité de l’insertion sur l’assistance ;
    - à renouer avec l’approche globale, unifiée, personnalisée, que nous suggérait R. Lenoir il y a déjà vingt ans.

L’accès de tous aux droits de tous

L’accès de tous aux droits de tous, a-t-on dit. J’y ajouterai, l’accès de tous à tous les droits.

Le projet de loi de cohésion sociale ne crée pas un droit des exclus. Il favorise un accès effectif de tous aux droits fondamentaux. Il vise à recréer les liens sociaux par l’accueil, l’écoute, l’information et l’orientation, l’accompagnement et le conseil dans les situations de détresse comme dans les situations courantes de la vie.

Nous avons refusé de faire un droit pour les exclus, un droit de deuxième classe. Nous avons voulu, au contraire, faire de cette loi une loi de prévention des exclusions, une loi qui intègre dans la communauté nationale l’ensemble des individus en les restaurant dans leurs droits.

La France doit être une vraie communauté sans impossibilité d’accéder aux droits fondamentaux de la citoyenneté française.

Dans ce domaine, l’action du gouvernement a été guidée par :
    - la volonté de donner aux personnes les plus défavorisées les moyens d’exercer pleinement leurs droits ;
    - la volonté de lutter contre l’exclusion par la complexité du droit ou l’inadaptation des structures ;
    - le souci de reconnaître et de consolider par la loi les formes nouvelles d’action sociale.

Je voudrais pour ma part mettre en exergue trois ambitions :
    - le plein exercice des droits sociaux ;
    - le plein exercice du droit à une vie familiale ;
    - la reconnaissance plus forte de l’action sociale.

1) Permettre le plein exercice des droits sociaux (articles 9, 3 et 7)

Le programme d’action prévoit, à côté de la loi, un important volet de mesures.

Un formulaire unique de demande de RMI, d’aide médicale, de mise à jour des droits à la protection sociale permettra désormais de simplifier les procédures pour les bénéficiaires et de libérer les travailleurs sociaux de tâches administratives pour mieux se consacrer à l’insertion professionnelle.

Les conventions d’objectifs et de gestion, qui seront passées par l’État et les caisses nationales, gestionnaires de prestations sociales, en application des ordonnances du 24 avril 1996, prévoiront les conditions pratiques de mise en œuvre des obligations faites à l’ensemble des organismes de protection sociale de prendre des dispositions et se doter des moyens nécessaires pour informer de manière concrète et complète les personnes sur leurs droits, les aider dans leurs démarches administratives ou sociales et faire aboutir leur droit dans les délais les plus rapides.

Pour améliorer et harmoniser le niveau de l’aide médicale :
    - des conventions d’objectifs seront signées entre le préfet et le président du conseil général, visant à achever la mise en œuvre de l’aide médicale ;
    - la convention d’objectifs et de gestion en cours de négociation avec la CNAMTS prévoit d’associer les organisme d’assurance maladie au suivi de l’aide médicale. Elle prévoit par ailleurs, notamment pour les familles modestes dont les revenus sont supérieurs aux barèmes d’accès aux droits à l’aide médiale, de s’assurer de la présence effective d’une offre médicale aux tarifs opposables, de renforcer l’intervention des fonds de prévention pour la prise en charge des dépassements tarifaires des prothèses et des appareillages, de développer les conventions de tiers payant avec les professionnels de santé.

Enfin, un médiateur indépendant sera institué dans les organismes de sécurité sociale, de manière à rendre mieux compatibles la logique de l’ayant droit, qui est souvent celle de l’administration, et la logique des besoins, qui est toujours celle des personnes à aider.

2) Permettre le plein exercice du droit à une vie familiale (articles 6 et 8)

Outre les avancées de la Conférence de la famille, notamment le report à 19 ans de la limite d’âge pour le versement des allocations familiales et le cumul temporaire de l’API avec un revenu d’activité pour encourager les parents isolés à la reprise d’un emploi.

Outre le programme gouvernemental Agir pour la protection des enfants maltraités qui comporte notamment le statut de Grande cause nationale 1997 pour l’enfance maltraitée.

La loi et le programme d’action prévoit trois séries d’actions nouvelles importantes :
    - le maintien des liens familiaux grâce aux dispositions de l’article 6 de la loi relative à l’accueil groupé des familles dans les établissements sociaux ;
    - le développement la médiation familiale pour prévenir la séparation ou le divorce et pour s’entendre sur des lieux de visites enfants-parents ;
    - la lutte contre les violences intrafamiliales, c’est-à-dire la maltraitance des enfants, les violences conjugales et les violences trop souvent ignorées sur les personnes âgées.

3) Reconnaître les nouvelles formes d’action sociale

Enfin, sans attendre la refonte en cours de la loi de 75 sur les institutions sociales et médico-sociales, le projet de loi prévoit de reconnaître la qualification d’institution sociale aux nouvelles formes d’action apparue dans la lutte contre l’exclusion telles les SAMU sociaux et les boutiques de la solidarité.

En outre, les missions nouvelles des centres d’hébergement et de réinsertion sociale sont reconnues et leurs capacités d’accueil sont accrues.

Enfin, l’application aux départements d’outre-mer du nouvel article 185 du Code la famille et de l’aide sociale leur permettra de bénéficier d’une égalité de traitement avec la métropole pour les mêmes catégories de publics en difficulté. Cette décision s’inscrit pleinement dans le cadre de la politique d’égalité sociale décidée par le président de la République et mise en œuvre par le gouvernement avec la loi du 5 juillet 1996 qui a étendu aux départements d’outre-mer, avec effet rétroactif au 1er janvier 1996, et dans les mêmes conditions qu’en métropole, l’allocation pour jeune enfant, l’allocation parentale d’éducation et les dispositions relatives aux examens médicaux de la mère et de l’enfant. Elle trouve un champ d’application privilégié dans un domaine où l’outre-mer souffre de handicaps certains.

Priorité à l’insertion : le contrat d’initiative locale

Le projet de loi porte un autre regard sur les allocataires des prestations d’assistance, en les considérant comme des personnes employables, qui ont la volonté de s’insérer durablement dans la société et auxquelles la loi propose des dispositifs simples, proches et accessibles, conduisant à un vrai emploi.

Notre ambition est de définir les politiques sociales de l’avenir, beaucoup plus marquées par l’insertion que par l’assistance.

Nous avons voulu transformer en salaire plusieurs prestations qui sont devenues, avec la montée du chômage, des prestations d’assistance : le RMI, l’ASS, l’API.

Nous n’avons pas voulu modifier la loi sur le RMI. Mais nous avons souhaité l’enrichir pour donner toute sa force au « I » de l’insertion.

Tel est l’objectif du contrat d’initiative locale qui permet à un allocataire du RMI ou de l’ASS ou de l’API de devenir un vrai salarié, titulaire d’un contrat de travail pendant cinq ans, avec un vrai bulletin de salaire plutôt qu’avec un bordereau d’assistance.

Nous avons aujourd’hui 1,6 million d’allocataires de minima sociaux :
    1 million de RMI ;
    500 000 ASS ;
    et 150 0000 API.

Contrairement à une idée répandue, ces personnes, dans leur presque totalité, ne sont pas inemployables. Et la très grande majorité d’entre elles souhaite travailler plutôt que de vivre enfermée dans la prison de l’assistance.

À ces personnes, aux titulaires de minima sociaux, nous proposons désormais un emploi auprès d’une association ou d’une collectivité publique, 30 heures minimum par semaine, payé au moins au Smic et garanti pendant cinq ans.

À tous les acteurs de l’insertion, de mobiliser leurs énergies pour les sortir de l’assistance. Le gouvernement en crée les moyens : 300 000 CIL en cinq ans. C’est un effort massif, nouveau, sans précédent, en faveur de personnes jusqu’ici cantonnées dans l’assistance.

J’ajoute que les CIL seront ouverts, à titre expérimental, aux emplois d’auxiliaire de vie, ce qui aura un double avantage :
    - satisfaire les besoins des personnes à revenu modeste ;
    - ouvrir un débouché aux allocataires de l’API.

Enfin, on s’est beaucoup demandé s’il y aurait de la formation pour le CIL. Il y aura la formation de droit commun comme pour tout salarié. Mais il y aura aussi en cas de besoin une formation adaptée, un accompagnement social, un tutorat, et cela avec le concours du Fonds social européen.

Priorité à l’insertion : l’itinéraire personnalisé d’insertion professionnelle

C’est aussi l’objectif de l’itinéraire personnalisé d’insertion professionnelle pour les jeunes les plus en difficulté, parcours évitant les ruptures successives entre stages et emplois précaires. Nous voulons des dispositifs simples, proches et accessibles, conduisant à un vrai emploi ou à un vrai premier emploi.

200 000 jeunes en voie d’exclusion professionnelle et sociale constituent aujourd’hui le public prioritaire des Missions locales et des PAIO. La conférence nationale pour l’emploi des jeunes a décidé que tous les jeunes chômeurs de longue durée seraient reçus par l’ANPE et qu’une solution leur serait proposée. Près de 20 000 jeunes ont déjà été reçus depuis la Conférence nationale pour l’emploi des jeunes. Ils peuvent bénéficier de formations pré-qualifiantes, du contrat d’orientation financé par les OPCA, parfois des CES et des CEC, enfin de prestations d’accompagnement dans l’insertion professionnelle : appui sociale individualisé (ASI, financée par les DDASS) et accompagnement personnalisé pour l’emploi (APE et l’ANPE).

Pour les plus défavorisés de ces jeunes, pour ceux qui ne maîtrisent pas les langages de base, nous voulons faire plus encore. Nous voulons progressivement, en cinq ans, offrir 100 000 itinéraires personnalisés d’insertion professionnelle (IPIP) et 20 000 dès 1997.

L’IPIP combine la formation professionnelle et l’accompagnement social. Mais son originalité, par rapport à tout autre dispositif, c’est de garantir un enchaînement des différentes mesures qui concourent à l’insertion du jeune. Son originalité, sa plus-value, c’est l’ingénierie sociale.

Et pour donner à l’IPIP toutes ses chances de succès, la loi fait peser sur l’organisme une obligation de résultat.

En quoi consiste cette obligation ? D’abord, à éviter les ruptures dans l’enchaînement des stages ou des emplois aidés, ruptures qui limitent l’efficacité des mesures. Ensuite, à conduire progressivement le jeune, dans un mouvement ascendant, vers les contrats de travail du secteur concurrentiel.

Enfin, le projet de loi et le programme d’action développent trois autres mesures :
    - le cumul d’un CES avec une activité salariée, pour aménager la transition vers l’emploi marchand ;
    - une aide à l’initiative des exclus, une aide à la micro-activité des titulaires de minima sociaux : maintien de l’allocation durant 6 mois, maintien des droits attachés à l’allocation, chèque conseil ;
    - un accroissement de 50 % en cinq ans des capacités du secteur de l’insertion par l’activité économique ;
    - en même temps que :
        - une stabilisation des financements de ce secteur grâce à des conventions pluri-annuelles ;
        - un élargissement du Conseil national de l’insertion par l’activité économique, par la création d’un quatrième collège comprenant les partenaires sociaux ;
        - et un renforcement de ce Conseil grâce à la création d’une cellule d’animation de groupes de travail.

Une approche unifiée, globale et personnalisée

Enfin, notre troisième ambition est d’avoir des approches à la fois plus globales et plus personnalisées pour ceux qui sont menacés par l’exclusion.

Cette démarche nouvelle devrait inspirer toutes les politiques sociales.

Les politiques d’insertion doivent désormais :
    - dépasser les approches par catégorie de populations ou par populations cibles ;
    - pour prendre en compte les problèmes d’insertion des personnes et des familles sur une base territoriale ;
    - qui autorise une vision d’ensemble du problème.

Dans ce sens, les départements pourront désormais choisir d’affecter aux actions d’insertion du plan départemental les 20 % que la loi leur faisait obligation d’affecter aux actions d’insertion en faveur des seuls allocataires du RMI. La formation aux problématiques de l’insertion sera développée dans la formation des professionnels et des bénévoles qui œuvrent dans le champ de l’action sociale. Enfin, les relations entre les acteurs institutionnels de ces politiques doivent se développer dans un cadre juridique simple, clair et souple.

C’est dans cet esprit que la loi prévoit de refondre les institutions locales de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion. Le département devient, avec des institutions rénovées, le lieu d’une politique d’insertion unifiée, globale et personnalisée, qui proposera des dispositifs simples, proches et accessibles, pour toute action d’insertion, favorisant ainsi un accès effectif de tous aux droits fondamentaux.

La loi ne modifie pas la répartition des compétences mais les leçons de l’expérience ont été tirées. Tout en respectant les libertés locales, la mobilisation conjointe des compétences est mieux assurée grâce à des institutions rénovées, plus simples, plus claires.

1) Le CODILE, c’est le Conseil départemental de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion. Le CODILE, ce n’est pas un autre nom de l’actuel CDI (Conseil départemental de l’insertion), c’est un CDI d’une autre nature.

D’abord, parce qu’il absorbe l’actuel CDI et qu’il intègre différents commissions ou comités. Il est un lieu d’unification.

Ensuite, parce qu’il devient en quelque sorte « le parlement social » du département, le lieu du débat et du dialogue, de la réflexion à moyen terme qui permet de tracer des perspectives.

Enfin, le CODILE est un lieu de la planification parce qu’il lui revient d’élaborer le nouveau plan départemental de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion, qui présente trois caractéristiques principales :
    - il regroupe des plans existants ;
    - c’est un plan pluriannuel ;
    - et surtout, il comporte des matières obligatoires, de sorte que la garantie est apportée que certains sujets souvent négligés seront désormais traités, je pense en particulier à l’illettrisme et à l’accès aux soins.

Cette nouvelle planification, indicative mais puissante, permet une meilleure appréciation des situations, des processus et des politiques, ainsi qu’une plus grande efficacité de l’action dans le domaine de l’insertion et de lutte contre l’exclusion.

2) La Conférence des programmes est le lieu de la décision. C’est là que sont réunis les financeurs, c’est-à-dire les décideurs, qui auront la liberté et la responsabilité de conjuguer leurs efforts.

La loi crée le cadre juridique du dialogue, de la coordination, du partenariat entre les départements, les communes, les organismes de protection sociale, dans le respect des compétences de chacun. À eux de le faire vivre.

La Conférence des programmes sera donc :
    - le lieu de la programmation cohérente des orientations fixées dans le plan départemental d’insertion et de lutte contre l’exclusion ;
    - le lieu de la coordination des décisions budgétaires ;
    - le lieu de la coordination des interventions des services sociaux.

Et l’État y aura un rôle actif grâce au fonds libre l’utilisation dont le préfet disposera pour animer et adapter les politiques locales d’insertion avec les collectivités territoriales et les organismes sociaux qui auront obligation d’être au tour de table de l’insertion.

3) Enfin, les Commissions locales de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion (CLILE), dont la composition et les missions sont renouvelées et élargies par rapport à celles des CLI (Commissions locales d’insertion) actuelles, renforcent le dispositif local et le rapprochent de l’entreprise.

Le programme d’action prévoit que la CLILE comportera deux sections :
    - une section pour examiner les dossiers individuels qui font problème, et qui mobilisera les bailleurs sociaux et les administrations compétentes ;
    - une section qui s’occupera de planification sociale et économique locale, élargie aux monde des entreprises.

Mesdames et Messieurs les députés,

Le projet de loi qui vous est soumis est inspiré par une certaine conception de la personne, une certaine idée de notre communauté.

Chaque personne, quels que soient ses handicaps, participe à la communauté en l’enrichissant, dès lors qu’elle est sollicitée par un geste de solidarité.

La communauté nationale ne peut pas afficher l’idée de fraternité si elle abandonne à leur sort tous ceux qui se trouvent aux marges de la société par le hasard, l’enchaînement des circonstances, les handicaps culturels, les difficultés économiques du moment et si demain elle n’est pas capable de leur offrir le minimum de participation sans lequel l’égale dignité de chaque être humain n’est qu’un vain mot.

La cohésion sociale fonde la stabilité d’une société. En nous portant à l’avant-garde du combat nous consolidons notre communauté nationale. En construisant une communauté plus solide, à l’abri de ses déchirures sociales, nous trouverons plus facilement les voies de la prospérité, nous éviterons les pièges de l’intolérance, de la violence et de l’injustice.

Les choix que nous avons faits dans la loi de cohésion sociale sont une contribution à un modèle social dont l’Europe a besoin pour être fidèle à ses grandes traditions, pour garder un visage humain à la mondialisation, en lui opposant un certain nombre de valeurs auxquelles nous sommes attachés.