Déclaration de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État à la santé et à la Sécurité sociale, sur la règlementation des prélèvements et transplantations d'organe et les compétences de l'Établissement français des greffes, Paris le 7 novembre 1996.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Hervé Gaymard - Secrétaire d'État à la santé et à la Sécurité sociale

Texte intégral

Je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui pour un nouveau point presse au cours duquel nous pourrons aborder, comme nous l’avons déjà fait, il y a un mois, les principaux sujets d’actualité en matière de santé.

Je compte débuter cette rencontre par un rapide panorama de ce qui constitue, incontestablement, un volet considérable de notre politique de santé, je veux parler du don d’organes, de tissus et de cellules et de la greffe.

Pourquoi plus particulièrement profiter de cette réunion pour faire un point d’actualité sur ce sujet du don et de la greffe ?

1° Tout d’abord, parce que je considère que le moment est opportun pour faire un bilan de l’état d’avancement des textes réglementaires à prendre en application de la loi bioéthique dans ce domaine des greffes d’organes, de tissus et cellules.

En effet, des textes importants seront :

 - soit, dans les prochains jours, mis à ma signature : il s’agit du décret relatif aux conditions du constat de la mort, du décret relatif aux conditions d’autorisation des établissements de santé effectuant des prélèvements d’organes et de tissus, de l’arrêté portant homologation des règles de répartition des greffons prélevés sur personne décédée en vue de transplantation d’organes ;
 - soit prochainement transmis au Conseil d’État : il s’agit du décret relatif aux conditions de gestion et de fonctionnement du registre national automatisé des refus de prélèvement.

Sans vouloir, bien évidemment, vous décrire l’intégralité des dispositifs mis en place par chacun de ces textes, je désirerais cependant vous indiquer brièvement les principales dispositions mises en œuvre :

S’agissant du décret sur le constat de la mort, dont la presse a déjà assez largement fait écho, il est prévu des critères cliniques de constat de la mort pour la personne décédée présentant un arrêt cardiaque et respiratoire persistant et pour la personne dont le décès est constaté mais qui est assisté par ventilation mécanique et conserve une fonction hémodynamique. Dans ce dernier cas, la principale innovation a consisté à faire figurer l’angiographie cérébrale au titre des examens pouvant être mis en œuvre, concurremment à l’électroencéphalogramme (2 électro-encéphalogrammes nuls et aréactifs étant exigés dès lors que le choix de l’angiographie n’a pas été fait) pour attester du caractère irréversible de la destruction encéphalique.

Concernant le décret relatif aux conditions de gestion et de fonctionnement du registre national automatisé des refus de prélèvement, ce texte confie à l’Établissement français des greffes la mission d’assurer la mise en œuvre et le fonctionnement de ce registre et précise les modalités pour l’inscription sur le registre de toute personne souhaitant manifester son refus à un prélèvement à des fins thérapeutiques ainsi que les modalités d’interrogation de ce registre avant la réalisation de tout prélèvement à ces mêmes fins. Ce registre sera donc, dans un premier temps, limité aux oppositions de prélèvement à des fins thérapeutiques : concernant l’ensemble des questions posées par les atteintes, à des fins scientifiques, au corps des personnes décédées, j’ai décidé de prochainement mettre en place une commission de réflexion afin qu’elle me fasse des recommandations sur ce sujet qui touche à de délicates questions éthiques et de sensibilité. Afin de préparer les travaux de cette commission, j’ai confié au professeur Claude Got, une mission d’expertise médico-scientifique relative aux activités de prélèvement à des fins scientifiques en général et intégrant en particulier le domaine des autopsies.

Enfin, à propos de l’arrêté portant homologation des règles de répartition des greffons prélevés sur personne décédée en vue de transplantation d’organes, il s’agit de rendre plus aisément compréhensible au lecteur non averti un ensemble de règles souvent fort complexes, de conserver ce que l’on appelle la priorité locale, mais en faisant évoluer le contenu de cette règle de répartition vers la notion de réseau de prélèvement, de pouvoir faire appel, pour les situations en limite d’attribution prioritaire, à un comité d’experts, de modifier le système de répartition des greffons hépatiques. Je précise que cet arrêté succède à un précédent arrêté homologuant, à titre transitoire pour un an, les règles de répartition et d’attribution des greffons et que ce nouvel arrêté prend en compte les conclusions du rapport de la Commission nationale de consultation publique sur les règles de répartition et d’attribution des organes prélevés sur des personnes décédées, présidée par M. Jean Michaud. Je profite de la présente occasion pour féliciter à nouveau cette commission et son président pour les remarquables travaux menés sur ce sujet, de mars à juillet 1996, et qui ont abouti à des recommandations claires pour les futures règles.

D’autres textes sont, par ailleurs, en cours de préparation avec un objectif de parution pour le courant de l’année 1997 : il s’agit de textes sur la sécurité sanitaire, sur la vigilance, sur la thérapie cellulaire. Toute cette réglementation a, comme vous le percevez, pour objectif de rendre l’activité de greffe la plus sûre, la plus efficace, la plus transparente possible.

2° Ce rappel sur la réglementation en cours est l’occasion pour moi de souligner la part déterminante prise par l’Établissement français des greffes, dont le conseil d’administration est présidé par le professeur Jean-Pierre Revillard, dans l’élaboration de ces nouvelles règles, dans la plus étroite concertation avec la Direction générale de la santé, et c’est pour moi l’occasion de saluer, ici présents, son directeur général, monsieur le professeur Didier Houssin et son secrétaire général madame Danielle Toupiller.

La création de l’Établissement français des greffes, par la loi du 18 janvier 1994, est la traduction de l’engagement de l’État dans un domaine désormais perçu comme véritablement de santé publique. Je rappellerai pour mémoire que les principales missions de l’Établissement français des greffes sont la gestion de la liste nationale des malades en attente de greffe, l’établissement des règles de répartition et d’attribution des greffons, la préparation des règles de bonnes pratiques de prélèvement et de conservation, la promotion du don d’organes et de tissus. L’Établissement français des greffes s’est révélé être, pour ces différentes missions, à la hauteur des ambitions légitimes qui avaient motivé sa création.

Je voudrais également rendre hommage à la qualité du travail qu’a fourni le conseil médical et scientifique de l’Établissement français des greffes, présidé par monsieur le professeur Dominique Durand. Le conseil médical et scientifique, qui est composé de 40 membres représentant l’ensemble des médecins spécialistes œuvrant dans le domaine de la greffe, a rendu de nombreux avis sur la sécurité des greffes, sur les règles de prélèvement et de conservation des éléments du corps humain en vue de greffe, ainsi que sur l’évaluation des résultats des activités de prélèvements et de greffe, sur l’information et promotion de la greffe. Les avis de cette instance consultée sur toute question de nature médicale, scientifique, technique ou éthique de son domaine de compétence ont été très précieux pour l’avancement des projets de textes réglementaires qui lui étaient soumis.

3° Ce point d’actualité me permet également de vous faire un rapide descriptif de ce qu’est aujourd’hui la greffe d’organes en France.

La greffe d’organes en 1996 se caractérise par :

- une diminution nette de la liste des patients en attente de greffe d’organes suite à une profonde mise à jour (4 817 au 12 juillet 1996 contre 5 605 au 12 juillet 1995), le nombre de patients non-résidents inscrits sur cette liste ayant également diminué ;
- une légère diminution du nombre de personnes en état de mort encéphalique recensées (1 290 au 31 octobre 1996 contre 1 360 au 31 octobre 1995) ;
- une stabilité du nombre de personnes en état de mort encéphalique prélevées (760 au 31 octobre 1995 comme au 31 octobre 1996) ;
- une très légère augmentation du nombre d’organes greffés (2 321 au 31 octobre 1996 contre 2 290 au 31 octobre 1995), l’analyse selon le type d’organe greffé montrant que la très légère augmentation porte sur la greffe des organes thoraciques alors que l’activité de greffe de foie et de rein est stable.

Le présent point presse est enfin, pour moi, la possibilité de lancer la campagne nationale d’information sur le prélèvement et la greffe qui se tiendra les 21 et 22 novembre, au sein des établissements de santé.

La mobilisation de l’ensemble du tissu hospitalier français est en effet indispensable à l’essor de la greffe qui a une place à part dans la médecine moderne : en effet, si comme toute thérapeutique elle s’inscrit dans le combat pour la vie, elle y associe une exigence de solidarité dans la mesure où elle n’est possible que par l’acceptation par une personne du don d’un ou des éléments de son corps après sa mort. Sensibiliser l’opinion publique en faveur de la greffe est une démarche indispensable que nous avons cru bon de faire précéder par une mobilisation en direction du monde hospitalier.

En effet, c’est d’abord par une réflexion sur l’accueil des familles des personnes décédées, qui passe notamment par la création d’un local d’accueil des familles, c’est par une bonne coordination hospitalière des prélèvements qui relève tant de la désignation d’un médecin chargé du projet prélèvement que de l’organisation efficace des prélèvements de tissus à la morgue, c’est par la participation accrue des personnels hospitaliers aux diverses étapes qui conduisent du prélèvement à la greffe, c’est en définitive par la prise de conscience dans chaque établissement de santé que le prélèvement d’éléments du corps humain en vue de greffe présente un intérêt thérapeutique majeur – vital même – pour certains patients, que passera une nouvelle croissance de cette thérapeutique.

C’est afin d’assurer cette prise de conscience que l’Établissement français des greffes conduira, les 21 et 22 novembre prochains, en liaison avec plus de 260 établissements de santé qui se sont portés candidats, une campagne d’information. Tous les centres hospitaliers universitaires se sont portés candidats ainsi que de très nombreux centres hospitaliers généraux et quelques établissements privés de santé. Cette campagne se traduira par de nombreux événements organisés de manière très diverses : tables rondes, conférences, boîtes à idées, mise en place de stands… Apporter une information précise sur les aspects juridiques, médicaux, éthiques et d’organisation du prélèvement et de la greffe, souligner l’importance de chacun des personnels dans cette chaîne et rappeler qu’elle mobilise un large pan du secteur hospitalier, tels sont les objectifs assignés à cette campagne. Une brochure est à votre disposition sur cette campagne dont l’intitulé « chaîne de la greffe : n’interrompez pas une œuvre collective » indique bien le sens : c’est par un effort commun de tous les participants, du prélèvement à la greffe, qu’il est possible aujourd’hui, et qu’il sera je l’espère plus encore possible demain, de sauver des vies humaines dans la confiance du public et pour les besoins des malades.