Texte intégral
Monsieur le président,
Monsieur le délégué général, Mesdames, Messieurs,
Lorsque vous êtes venu me voir il y a quinze jours, Monsieur le président, nous avons eu une discussion de fond sur le transport routier de marchandises et ses perspectives. C'était notre première rencontre et j'ai apprécié, croyez-le, la clairvoyance de vos analyses. Cette pertinence, on la retrouve d'ailleurs dans le fameux feuillet bleu hebdomadaire de la CLTI, que je lis avec intérêt, et dont je salue l'auteur, M. de CHAUVERON.
Avant d'aborder le fond de mon propos, je souhaite vous rendre hommage, M. MEYLAN, et au-delà de vous-même, à l’ensemble des membres de la CLTI et des chefs d'entreprise résolument tournés vers l'avenir. Je tiens à saluer également les autres fédérations professionnelles et vos partenaires : M. le ministre TRORIAL, président de l’AFT, M. PETIT, président de la FNTR, M. AMATO, président de I'UNOSTRA, MM. LEROI et CHABRERIE, présidents de la FFOCT, M. de MARNE, délégué général de l'UFT, M. DUMONT-FOUYA, président du GETRA, M. BERTHOD, président du Comité de liaison transport et au-delà, l’ensemble de votre profession ainsi que tes organisations représentatives des salariés.
C'est un plaisir pour moi d'être parmi vous ce soir, pour la première fois. Et je suis heureux aussi de constater que la tonalité de votre réflexion et de vos propos est à la mesure du défi qui nous attend.
Car c'est de cela qu'il s'agit : relever le défi auquel est confronté le transport routier français. Avec Mme IDRAC, qui n'a pas pu être là ce soir, puisqu'elle est en Asie avec des entreprises françaises, avec M. du MESNIL, directeur des transports terrestres, M. SAADIA, inspecteur général de la main-d'œuvre des transports et les services déconcentrés de mon ministère, j'entends être avec vous dans ce combat.
Même si la conjoncture est morose, même si les choix de la profession sont difficiles, vous ne les remettez pas en cause. Vous croyez résolument à l'avenir du transport routier français, en Europe et dans notre pays. Et vous avez raison. Je le souligne, car cette vision ne repose pas sur un optimisme béat ; elle se fonde au-delà de la conjoncture, sur une analyse structurelle de votre secteur d'activité et sur la définition de la place de chacun des partenaires.
Je veux parler des entreprises et de leurs fédérations professionnelles, des syndicats de salariés et de l'État.
Dans votre discours, vous avez délivré un triple message :
– pas de retour en arrière ;
– alléger les contraintes et les charges des entreprises ;
– se placer dans une logique européenne.
Ce message, je le fais mien. Permettez-moi d'en reprendre chacun des thèmes.
I. – Premier thème : Pas de retour en arrière
Vous avez raison. Il ne peut être envisagé de revenir à un secteur d'activité administré, encadré par une tarification obligatoire et des réglementations multiples.
Nous nous situons dans une logique de libéralisation de l'ensemble des modes de transport à l'échelle européenne. Cette libéralisation concerne également le transport routier de marchandises depuis plusieurs années. Il n’est pas question de la remettre en cause, mais il faut qu’elle soit maîtrisée et non débridée.
Je dis oui à la libéralisation. Je dis non au libéralisme aveugle et irresponsable.
Vous avez abordé la question du Comité national routier et de son domaine de compétence. C'est effectivement un sujet conflictuel entre les fédérations de transporteurs. Le CNR existe, c’est un fait. Je souhaite que les fédérations se mettent, d'accord entre elles sur son rôle qui doit d'être, à mon sens, l'instrument de la profession. Dans cette perspective j'ai demandé à M. du MESNIL de les réunir rapidement pour essayer d'avancer sur ce sujet délicat.
Enfin, je partage également vote avis lorsque vous confirmez le choix du contrat de progrès que vous avez fait et que vous ne remettez pas en cause. C’est en effet la bonne direction, celle d'une plus grande qualité des entreprises, de meilleures conditions de travail pour vos salariés avec plus de sécurité, de formation, de transparence.
Mais je suis bien conscient que ce choix a un coût qui pèse sur vos budgets et que le processus engagé doit être progressif pour ne pas fragiliser les entreprises par rapport à la concurrence européenne. Comme vous, je pense qu’il faut rapidement clarifier certains points de l'accord et aboutir à une nouvelle rédaction du décret de 1983 sur les temps ouvrés.
C'est pour cela que j'ai demandé à M. du MESNIL et à M. SAADIA de réunir très vite les partenaires pour dissiper les zones floues du contrat de progrès. II est cependant indispensable que nous continuions d'aborder ce sujet de façon contractuelle.
II. – Deuxième thème : l'allègement des contraintes et des charges des entreprises
Au-delà de ce souhait que je partage, c’est du rôle de l’État dont je veux parler. L'État a une triple fonction de :
– financement et investissement ;
– réglementation ;
– contrôle.
En ce qui concerne la fonction financière de l'État
Nous sommes dans le cadre d'un contexte global des diminutions des dépenses publiques. Pour la première fois depuis la Ve République, le budget pour 1997 prévoit, comme le Gouvernement s'y était engagé, une baisse des dépenses publiques. Vous aviez écrit au Premier ministre sur ce point. Voilà la réponse à votre demande.
Ce même budget prévoit également une hausse de la TIPP limitée à l'érosion monétaire. Je l'ai déjà dit, c'est le fruit d'un travail en commun que Mme IDRAC et moi avons mené avec les fédérations et qui a été pris en considération par le Premier ministre.
Je tiens à redire très clairement que le Gouvernement s'opposera de façon très ferme, à tout amendement d'origine parlementaire, qui aurait pour objet d'augmenter la TIPP lors du débat au Parlement.
Vous m'avez interrogé sur la possibilité, au regard de nos obligations européennes, d'instituer un carburant professionnel. Outre le caractère difficile, au plan interne et technique à la fois, de ce dossier, pour lequel nous continuerons de nous battre, les analyses juridiques dont je dispose me laissent à penser que nous ne pouvons instaurer un carburant utilitaire sans l'accord des autres pays de l'Union européenne.
Cela étant, le débat est loin d'être clos, aussi bien au plan interne qu'au plan international, et le dossier se traite maintenant au niveau politique.
Cependant ce n'est pas parce que les dépenses publiques sont globalement en diminution que le secteur des transports routiers ne fait pas l'objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics.
C'est ainsi que les financements par l'État du volet économique du contrat de progrès seront assurés dans le budget 1997. À cet égard je ne partage pas tout à fait votre analyse sur l'aide au regroupement d'entreprises ; celui-ci présente de l'intérêt, même si ce type de démarche met un certain temps avant d'être pleinement compris. En clair, il y a dans les régions de nombreux dossiers en cours d'instruction, qui concernent les regroupements d'entreprises et la cessation anticipée d'activité.
Vous savez également que depuis le mois de juin dernier, comme vous l'aviez demandé, les entreprises de transport routier de marchandises peuvent bénéficier des dispositifs d'aides CIRI-CORRI-CODEFI lorsqu'elles sont en difficulté.
Au plan européen, j'al obtenu que les entreprises de ce secteur d'activité ayant moins de 250 salariés, soient éligibles au programme communautaire PlC/PME. Ce programme permettra de faire co-financer sur les fonds communautaires, vos montages de projets européens ou encore vos projets d'innovation, d'amélioration des systèmes d'organisation, de recherche de nouveaux marchés, sur la base de partenariats.
Au plan de l'emploi, les entreprises de transport routier bénéficieront du dispositif simplifié et unique d'allégement des charges qui se met en place ce mois courant, en application des dispositions du décret du 20 septembre 1996, relatives à la réduction de cotisations sociales.
Par ailleurs je vous confirme que l'État sera en mesure de signer avec l'Union des Fédérations de transport une convention permettant aux entreprises de transport routier, appliquant les réductions horaires de travail prévues dans le contrat de progrès, de bénéficier des aides financières de l’État.
Enfin les investissements sur les réseaux routiers et autoroutiers font partie des mesures qui facilitent l'activité de votre profession. Je tiens à souligner que, malgré la rigueur du projet de loi de finances, les moyens affectés à ces réseaux sont globalement en progression dans le budget de mon ministère pour 1997 par rapport à 1996. L'entretien et la modernisation des routes sont une de mes priorités. La réalisation des grands programmes routiers et autoroutiers sera donc poursuivie.
En ce qui concerne la réglementation l'objectif de l'État est de poursuivre la démarche de simplification des documents administratifs tout en évitant de réglementer à l'excès.
La simplification et l'unification des documents de transports que la direction des transports terrestres même avec vous sera poursuivie. Je n'ignore pas les difficultés, mais je constate que certaines qui étaient en suspens depuis de nombreuses années, ont été surmontées en 1996. Cela étant, il faut faciliter au maximum la vie des entreprises et nous préparer activement à l'ouverture des marchés européens. Ce sont les instructions que j'ai données à mes services. Vous savez que la simplification est une des priorités du Premier ministre dans le cadre de la réforme de l'État, qui fait l'objet d'un projet de loi dont le Parlement discutera cet automne.
Vous souhaitez, M. le président, qu'en matière de réglementation, nous n'alourdissions pas les contraintes pesant sur les entreprises par rapport à nos voisins européens. Je partage totalement votre avis. Dans cet esprit, les 62 fiches d'approfondissement du contrat de progrès, sont des propositions ouvertes à la discussion entre tous les partenaires de ce contrat. Je sais qu'un consensus se dégage déjà sur un certain nombre de thèmes.
Vous souscrivez notamment à une des mesures proposées consistant à étendre la formation obligatoire aux non-salariés et au transport pour compte propre. J'espère que cette mesure se concrétisera dans la concertation avec les représentants du compte propre et des artisans. Elle va dans la bonne direction et des contacts appropriés ont déjà été pris, ils doivent se poursuivre.
D'une manière générale, pour l’ensemble des propositions, que la discussion ait lieu, sans sujets tabous, nous verrons bien ce qu’il en résulte ! L'État, sur ce point, a rempli son rôle d'impulsion comme le souhaitaient les fédérations de transporteurs, et il continuera de le faire.
Enfin vous m'avez fait part de votre inquiétude sur le texte de la loi sur l'air ainsi que sur les projets de réglementation en matière de transport de déchets et de matières dangereuses. Sur ces deux points aussi je suis clair.
Pour ce qui concerne la loi sur l’air et notamment l'amendement d'origine parlementaire, obligeant de renouveler 20 % des flottes de plus de 50 véhicules, selon des critères environnementaux, cet amendement, je le répète, n’est pas acceptable.
Concernant les projets de règlement sur le transport des matières dangereuses et des déchets, j'ai demandé à mes services, en liaison avec le ministère de l'Environnement, de mener une concertation approfondie avec votre profession. La discussion est ouverte comme je vous l'ai déjà indiqué, je ne souhaite pas que l'on en rajoute.
Enfin, au plan fiscal vous m'avez fait part de votre inquiétude sur les propositions du Livre Vert de la Commission en matière de taxation routière. Là encore je tiens à être très clair, je me suis opposé ce matin très fermement à Bruxelles au projet de M. KINNOCK et j'ai demandé que la précédente directive, annulée pour des raisons de procédure, soft reprise à l'identique.
En ce qui concerne le rôle de contrôle de l'État
Nous avons avancé ensemble sur ce point et vous avez été entendus lorsque vous avez demandé une plus grande efficacité des contrôles, grâce à un ciblage des entreprises.
D'une part, mon ministère poursuit ses efforts sur les moyens de contrôle par l'augmentation des effectifs, comme le prévoit le budget 1997, ou encore par l'amélioration des outils informatiques et techniques (lecteurs de disques). De fait, le, nombre de contrôles en entreprise et sur route ainsi que les sanctions prononcées se sont accrues en 1995 et en 1996.
D'autre part, le Premier ministre, sur la proposition de Mme IDRAC et de la mienne, vient de signer une circulaire l’intention de l’ensemble des ministres compétents en matière de contrôle routier de marchandises et de voyageurs.
Ce texte très concret, et à l'élaboration duquel vous avez participé permettra d'améliorer la qualité des contrôles sur route et en entreprise, grâce à une meilleure coordination des opérations sous l'autorité des préfets. Les préfets et les services déconcentrés de I'État ont reçu également pour instruction d'informer davantage la profession et les chargeurs sur l'organisation et le résultat des contrôles, en liaison étroite avec les procureurs.
Cette instruction, signée du Premier ministre lui-même, témoigne de la volonté de l'État d'assumer pleinement ses responsabilités afin de faire respecter les règles de concurrence entre les entreprises qu’elles soient françaises et étrangères, publiques ou privées.
Concernant le contrôle des prix abusivement bas, vous m'avez fait part de votre scepticisme sur l’intérêt du texte que Mme IDRAC et moi-même avons fait voter en urgence au Parlement au printemps dernier. Vous aviez pourtant contribué à en enrichir la rédaction et votre proposition avait fait l'objet d'un amendement gouvernemental au Sénat. Soyez assurés que nous sommes déterminés à faire appliquer la loi de façon très ferme pour mettre fin à des pratiques de concurrence déloyale inacceptable.
Enfin, vous m'avez fait part de propositions en matière de contrôle dans des domaines aussi variés que la lecture rétroactive des disques, la vérification des normes techniques européennes, la réforme des commissions des sanctions administratives, l’interdiction de circuler le dimanche.
Certaines d'entre elles ont fait l'objet d'un débat au Conseil national des transports au mois de juin dernier, d'autres relèvent de dispositions réglementaires ou législatives qui ne peuvent figurer dans une circulaire ministérielle. Je souhaite que sur ces propositions, que j'accueille avec beaucoup d'intérêt, une concertation approfondie ait lieu au sein de la profession. J'ai demandé à M. du MESNIL de la mener d'urgence.
Ill. – Troisième thème : la logique européenne
L'Europe des quinze et plus tard des vingt ou des trente, est notre environnement d'aujourd'hui et de demain. Nous sommes dans une logique économique européenne. Votre profession évolue dans un cadre juridique et réglementaire très largement européen. Ce sont là des données fondamentales.
Cependant, le Gouvernement est déterminé à tout faire pour défendre et promouvoir les intérêts du pavillon français Bruxelles. Nous l'avons dit ensemble à M. KINNOCK lorsqu'il est venu à Paris au mois de mai dernier. Mme IDRAC et moi-même ne manquons jamais de le rappeler lors des conseils européens des ministres des Transports. Je l'al encore fait avec force à Bruxelles aujourd'hui.
Nous veillons également dans nos discussions avec les pays qui ne sont pas encore membres de l'Union européenne et notamment les pays d'Europe centrale et orientale à préserver les intérêts français en nous opposant à l’augmentation des autorisations et des contingents lorsqu'elle n'est pas justifiée.
Nous continuerons en ce sens, soyez en certains.
Sur le plan social, nous devons poursuivre la sensibilisation de nos partenaires sur la nécessaire harmonisation, au Comité paritaire route, à la Commission ou au conseil.
II nous appartient également d'être pragmatique afin d'être efficace. Dans cette perspective, la modernisation des règlements européens 38-20 at 38-21 est une nécessité. La France fera entendre sa vole en ce sens.
Enfin, II convient d'être vigilant sur les autres projets de réglementation européenne, fiscale ou technique. C'est ainsi que sur le dossier de la libéralisation complète de la location en Europe, la France a soutenu les propositions d'assouplissement de la Commission qui vont dans le sens que vous souhaitez. Ce projet ne recueille pas l'assentiment de l’ensemble des États. La France continuera de se mobiliser pour le faire avancer.
Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, les propos dont je voulais vous faire part.
Notre défi, c'est d'assurer la place de la France dans une Europe économique, sociale, politique. Une Europe qui représente pour le transport routier un formidable marché sur lequel nos entreprises sont bien placées. Sait-on que plus des 3/4 des trafics de marchandises de l'Union européenne sont réalisés par la route ? C’est dire le caractère fondamental du transport routier de marchandises dans la vie économique de notre pays et son aspect.
Mais notre atout majeur, c'est notre volonté :
– volonté d'innovation de nos entreprises, à l'organisation de plus en plus performante ;
– volonté de mobilisation totale de l’État, dans son rôle de régulateur et de contrôle ;
– volonté de travail en commun des représentants de la profession et des pouvoirs publics.
Cette volonté, cette communauté des objectifs, que je viens de rappeler, sont, dans les temps que nous connaissons, une force essentielle.
Tous les transporteurs routiers doivent en être conscients.
Ensemble, continuons d'avancer, de lutter, de faire face, et de construire. Mme IDRAC et mol sommes déterminés.