Article de Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, dans "Le Figaro" du 7 décembre 1999, sur les rapports Chancellerie-parquet, l'information de la Chancellerie, la nomination des magistrats, la lutte contre la délinquance économique et la réorganisation des directions du ministère de la justice.

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

Des actions conformes au discours

Le dossier que vous avez consacré à la justice dans votre nouvelle formule du lundi 29 novembre 1999 appelle de ma part des remarques et des précisions sur certains points.

1. En ce qui concerne les rapports Chancellerie-parquet. J’ai annoncé dans ma communication en Conseil des ministres du 29 octobre 1997 que je ne donnerai aucune instruction particulière dans les procédures judiciaires. Depuis deux ans et demi, aucun exemple contraire n’a pu être apporté.
En revanche, l’information de la Chancellerie par les parquets reste indispensable.
Elle prépare et aide à formuler les directives générales de politique pénale nécessaires pour assurer l’égalité de tous les citoyens devant la loi ; elle permet d’en évaluer leur mise en œuvre ; elle permet également de répondre aux questions du Parlement et de préparer les projets de lois.

2. En ce qui concerne les nominations. Je vous rappelle qu’aucune nomination depuis deux ans et demi n’a été faite contre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature, ce qui n’avait pas été la pratique des gouvernements précédents.
Je veux souligner ici que les nominations se font selon les mêmes règles pour tous. Parmi ces règles, il existe celle de la nomination sur poste vacant. C’était le cas de M. Courroye qui a été nommé sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et sur un poste vacant et non sur création d’un poste spécial. Pour M. Van Ruymbecke, il en ira de même : sa candidature – bien placée selon les critères d’ancienneté et d’expérience – sera examinée dès qu’un poste de premier juge d’instruction sera vacant à Paris avec affectation au pôle financier.

3. En ce qui concerne les pôles financiers. J’ai obtenu des moyens sans précédent pour donner à la justice les outils performants dont elle manquait pour lutter efficacement contre la délinquance économique et financière.
Des pôles financiers sont aujourd’hui opérationnels dans quatre cours d’appel, jugées prioritaires à cet égard : celles de Paris, de Bastia – dont le Sénat salue la création dans son rapport sur la Corse – de Lyon et de Marseille. À terme, ce seront une dizaine de cours d’appel qui seront dotées de moyens nouveaux et bénéficieront du concours d’assistants spécialisés versant de l’administration des Finances ou de la Banque de France, dont le statut a été, à mon initiative, consacré dans la loi.
La volonté affichée de lutter plus fermement contre la corruption, notamment dans les transactions internationales (notre droit est déjà très performant pour la délinquance nationale) s’est traduite par des actes clairs : les conventions de l’OCDE et de l’Union européenne ont été ratifiées dès le 27 mai 1999. La loi qui transpose scrupuleusement ces nouveaux instruments est aujourd’hui en cours d’examen au Parlement.
Il faut pour être complet également mentionner la loi du 23 juin 1999 qui facilite l’entraide judiciaire et qui dote la justice d’une nouvelle composante de police judiciaire, les agents des douanes, d’une part et, d’autre part, le chapitre consacré au contrôle de la police judiciaire dans le projet de loi parquet-Chancellerie : il vise précisément à permettre aux magistrats de discuter d’égal à égal avec les chefs de services de police judiciaire pour convenir des effectifs mis à disposition de la justice et pour stabiliser les équipes d’officiers de police judiciaire affectés à des affaires complexes.

4. En ce qui concerne la réorganisation des directions de mon ministère. Elle relève, comme pour tout ministre, de mes prérogatives et de ma responsabilité. La réforme de la Direction des affaires criminelles et des grâces poursuit un objectif simple et lisible : traduire dans son organisation et son fonctionnement ses deux missions fondamentales, l’élaboration de la législation pénale d’une part, l’animation de la politique pénale, d’autre part.
À partir du moment où le ministère n’a plus à donner d’instruction dans des procédures judiciaires, où son rôle ne doit jamais se confondre avec la conduite des enquêtes, il est parfaitement naturel que son organisation ne soit pas calquée sur l’organisation propre aux juridictions. On gagnera demain en efficacité dans la loi et dans son application si le ministère est capable de fédérer ses compétences. Ces quelques remarques simples démontrent clairement que les actions annoncées sont mises en œuvre dans les faits et qu’elles sont bien conformes au discours que je tiens depuis deux ans et demi.