Interview de M. Christian Sautter, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à RTL le 22 décembre 1999, sur la répartition des recettes fiscales supplémentaires entre l'aide aux chômeurs (3 milliards de francs) et la réduction des déficits ( 8 milliards de francs), sur les mesures de suppression d'impôts pour les chômeurs surendettés et sur l'éventualité d'une baisse de la taxe d'habitation en 2000.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Vendredi, vous déclariez au journal Les Echos : « Les rentrées fiscales supplémentaires sont de 13 milliards de francs. » Trois jours plus tard, le lundi, vous dites aux sénateurs : « Finalement, j'ai trouvé 11,3 milliards de plus. » Comment avez-vous fait ?

- “J'ai tout simplement constaté que le 15 décembre – le jour limite pour le paiement du troisième acompte de l'impôt sur les bénéfices des sociétés -, les entreprises françaises ont payé plus d'impôts que prévu. Donc, cinq jours après, le 20 décembre, j'ai dit aux sénateurs : “Bonne nouvelle, nous avons des impôts supplémentaires payés par des entreprises qui sont en meilleure santé plutôt qu'anticipés.””

Q - Les mêmes sénateurs vous disaient depuis longtemps : “Vous avez plus d'argent que vous ne l'affirmez” et aujourd'hui l'opposition hésite entre la moquerie, certains vous traitent d'Arpagon qui dort sur sa cassette, et d'autres, comme J.-L. Debré disent : “Il y a eu un trucage des chiffres”, qui continue peut-être d'ailleurs !

- “Ecoutez, avec J.-L. Debré, en 1996, il y a eu la surprise, inverse. On s'est aperçu qu'il manquait 15 milliards de francs pour boucler les comptes de l'année. Il n'y a pas de cassette. Si notre pays avait une cassette, ce serait un bonheur formidable, mais vous le savez, l'Etat pays des intérêts sur sa dette. Et les intérêts que paye la dette, qui viennent des déficits passés, c'est l'équivalent du budget de l'Emploi et de la Solidarité. C'est le troisième budget de l'Etat. Donc, les impôts rentrent mieux. On doit s'en réjouir, c'est un signe de dynamisme de l'économie française. Et la question est de savoir ce que l'on fait avec cet argent. Les sénateurs ont voté, à l'unanimité, cette rentrée fiscale nouvelle.”

Q - Dans le débat entre L. Jospin et J. Chirac, le Président de la République ne marque-t-il pas un point, car en juillet dernier, il disait : “L'argent rentre et le ministre déploie tous ses efforts pour masquer ce fait.” Il y a confirmation !

- “Ce qui est important, c'est que les Français constatent qu'ils ont bien travaillé, qu'ils ont bien consommé, qu'ils ont bien investi dans leur logement, que les entreprises sont sorties d'une léthargie qui les avait saisies entre 1991 et 1997, qu'elles s'équipent pour le prochain millénaire. Ce qui est important pour les Français c'est que notre économie va beaucoup mieux, que le chômage recule. C'est cela la bonne nouvelle de la fin d'année !”

Q - Oui, mais dans le débat politique, l'opposition ne marque-t-elle pas un point ?

- “Je pense que, dans le débat politique, le Gouvernement qui obtient ces résultats avec une conjoncture internationale favorable – l'an prochain, nous serons médaille d'or de la croissance parmi les grands pays industrialisés -, le gouvernement donc et le Premier Ministre, L. Jospin, en tireront quelques bénéfices, tout simplement parce que, je crois, la France a bien travaillé, le gouvernement a bien travaillé.”

Q - Au sein de la majorité plurielle, les communistes et les Verts, également les associations de chômeurs – qui ont été reçues hier au ministère de l'Emploi – disent : “Puisque il y d'avantage d'argent, rajoutez-en un peu pour les démunis !”

- “D'abord, avec ces 10 milliards de francs, - grosso modo payés par les entreprises, alors que le taux sur les entreprises baisse – le gouvernement a fait deux parts : 3 milliards de francs vont servir à payer les primes de Noël que L. Jospin a décidé de verser précisément aux chômeurs, aux Français qui sont les plus en difficulté. Et le reste, 8 milliards de francs grosso mode, va servir à réduire les déficits.”

Q - M. Bocquet qui est président du groupe communiste à l'Assemblée nationale vous dit : “Inversez les deux chiffres ! 8 milliards pour les plus démunis et 3 milliards pour la réduction des déficits.”

- “Je répondrai très courtoisement et amicalement à M. Bocquet qu'il est aussi important de réduire les déficits. Car si nous réduisons les déficits nous réduisons les intérêts qui sont payés chaque année : plus de 200 milliards de francs. Moins la France paye d'intérêts sur sa dette, plus elle peut consacrer d'argent à l'emploi, à la solidarité. Ce qui est important, et je pense que le gouvernement y travaille avec toute sa majorité, c'est de redonner de l'emploi à ceux qui n'en ont pas. Nous avons encore en la matière, un long chemin à faire. Le chômage a diminué de 13 % à 11 %. J'espère que si la croissance se poursuit, si la réduction du temps de travail continue à donner de bons effets, on sera en dessous de 10 % à la fin de l'an prochain.”

Q - Il n'y aura plus que les 2 % de réévaluation des minima sociaux et l'effacement des dettes fiscales pour les plus démunis ?

- “Je crois que le Premier Ministre l'a bien expliqué : un effort important – 3 milliards de francs ce n'est pas une somme négligeable - a été consacré aux Français les plus en difficulté. En plus, le Premier Ministre a annoncé que les chômeurs surendettés ne payeraient pas d'impôts. D'ailleurs, je profite de ce que vous m'invitiez pour leur lancer un appel : il suffit qu'ils aient, d'ici le 31 janvier, soit dans un centre des impôts, soit dans une perception, qu'ils déclarent leur situation et leurs impôts – qu'il s'agisse d'impôt sur le revenu – peu en payent -, de la taxe d'habitation, de la redevance de télévision – seront supprimés. Voilà encore un effort concret. L'administration fiscale se mobilise pour que les Français les plus en difficultés ne paient pas d'impôts.”

Q - A l'inverse, l'opposition vous dit : « Il faut profiter de cette manne pour réduire, réduire, réduire les impôts, d'autant que les Allemands se lancent dans cette compétition et vont chercher à attirer chez eux les entreprises, les plus inventeurs, les plus imaginatifs…

- “Effectivement, le Chancelier Schröder vient d'annoncer pour la période 2001-2002 des réductions d'impôts directs importantes. Je vous rappellerai que le Premier Ministre a déjà dit que nous allions travailler à des baisses d'impôts directs  - impôts sur le revenu, taxes d'habitation – sur cette période 2001-2002…”

Q - Les Allemands vont mettre le paquet !

- “Oui, mais vous verrez – il faut voir quelles seront les marges disponibles pour ce faire – mais nous seront ambitieux en la matière et nous avons déjà baissé les impôts que paient les Français : la TVA, les frais de notaire à partir du 15 septembre.”

Q - Une cagnotte de printemps ?

- “Une cagnotte au printemps, cela est possible. Je ne vis pas de supputations comme l'opposition, je vis de constatations, je regarde les chiffres : si au mois de février, il y encore un peu d'argent en plus, le gouvernement a pris l'engagement à l'égard de sa majorité de baisser la taxe d'habitation à l'automne 2000. Donc, vous voyez, nous serons même en avance sur nos voisins allemands.”

Q - Le 31 décembre, vous êtes sur le pont ? Vous craignez le bogue ?

- “Je ne crains pas le bogue. Mais vous savez que les ordinateurs ont cette caractéristique bizarre que lorsqu'ils arrivent à la fin de l'année 1999, ils ne savent pas – s'ils ne sont pas préparés – s'ils passent en l'an 2000 ou s'ils reviennent en 1900. Il y a eu un travail considérable pour tout vérifier dans les services publics, dans les administrations, dans les entreprises, mais il faut être vigilant. Donc je serai dans mon ministère le 31 décembre pour voir la ligne du Réveillon passer d'abord de la Nouvelle-Zélande et venir jusqu'à nous, et nous allons surveiller pour que les grands services publics fonctionnent. Juste un mot : certains chefs de petites entreprises n'ont peut-être pas encore vérifié : qu'ils appellent le 08-01-31-20-00, on leur donnera tous les renseignements. Il est encore temps de vérifier ses installations.”