Articles de M. Jean-Louis Debré, ministre de l'intérieur, et de M. Dominique Perben, ministre de la Fonction publique de la réforme de l’État et de la décentralisation, dans la revue "Administration" n° 171 d'avril juin 1996, intitulée "Les finances locales".

Prononcé le 1er avril 1996

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Média : Administration

Texte intégral

Préface - Jean-Louis Debré, ministre de l'Intérieur

La part des finances locales dans la richesse nationale (elles représentent aujourd'hui plus de 10 % du produit intérieur brut) justifierait largement, à elle seule, que les questions qu'elles soulèvent soient débattues et que les enjeux soient mieux connus.

La présente livraison de la revue « Administration » est destinée à rester un ouvrage de référence. La variété des modes d'approche du sujet, le renom des auteurs, le sérieux des contributions font de ce numéro de la revue du corps préfectoral une oeuvre qui fera date.

À la lecture de ces pages, une inquiétude peut saisir le lecteur : les finances locales sont-elles affaire de spécialistes ? Le débat est-il réservé à une caste de connaisseurs seuls à même de discuter de concepts et de procédures obscurs pour le citoyen et opaques pour le contribuable ?

À la complexité du droit fiscal se superpose en effet, s'agissant des finances locales, le régime des dotations d'État aux critères multiples et que la globalisation a rendu paradoxalement plus difficiles à appréhender.

On peut déplorer cette complexité mais on doit bien admettre que toute volonté de simplification drastique serait irréaliste. Si le droit des finances locales est ardu, c'est bien parce que le législateur a entendu compenser les différences de situation entre les ressources potentielles qu'elle peut dégager de son territoire et prélever sur ses habitants. La complexité est, en l'espèce, la conséquence et, en quelque sorte, la rançon de la solidarité nationale.

C'est cette même solidarité nationale qui justifie les transferts, qui impose, par ailleurs, les contrôles ne serait-ce que pour préserver les citoyens des conséquences des quasi-faillites dont plusieurs exemples peuvent malheureusement être relevés au cours des dernières années. Ces contrôles budgétaires constituent, pour les préfets et les sous-préfets, une mission difficile mais de toute première importance. Il est à peine besoin de rappeler que c'est la Constitution qui la leur confie. Au-delà même du contrôle budgétaire au sens traditionnel, la période récente a vu le développement de procédures de suivi et d'alerte qui n'ont été rendues possibles que par la coopération étroite entre les préfectures et les services du ministère des Finances.

Les finances locales ne peuvent naturellement être considérées seulement du point de vue de la solidarité nationale.

Elles sont aussi et surtout le socle de la démocratie locale. Celle-ci perdrait son contenu et s'étiolerait si le débat au sein des conseils municipaux, généraux et régionaux était rendu impossible et si le bon emploi des ressources n'était plus l'objet d'une véritable discussion entre ceux que les citoyens ont désigné pour les représenter.

À une époque où l'indispensable effort de redressement des finances publiques est au premier plan, l'espace du débat dans les conseils élus n'existe que si les exécutifs savent être des gestionnaires avisés. Beaucoup de progrès ont été, quoi qu'on en dise, réalisés en la matière.

En posant les vraies questions « Administration » contribue à conforter l'exercice d'une démocratie responsable dans les collectivités.


Préface - Dominique Perben, ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'État et de la Décentralisation

Les finances locales constituent un enjeu majeur pour les années à venir.

Tout d'abord, un enjeu de démocratie. La bonne gestion de budgets locaux et le niveau des contributions demandées à nos concitoyens en tant qu'habitants des communes, des départements et des régions sont au coeur du lien de responsabilité et de confiance entre les élus et leurs électeurs. La nécessité de préserver ce lien, à chaque niveau de collectivité locale, me paraît fondamental.

Ensuite, un enjeu de politique économique et financière. Les recettes et les dépenses des administrations publiques locales représentent désormais près de la moitié de celles de l'État et près des trois quarts de l'effort d'investissement des administrations publiques. L'équité et l'adéquation des impôts locaux aux exigences de notre économie, ainsi que le partage des ressources des collectivités locales entre les dotations d'État – financées par le contribuable national – et la fiscalité locale doivent donc être au centre de notre réflexion sur la politique fiscale.

Face à ces enjeux, quatre objectifs me paraissent prioritaires :

En premier lieu, il faut poursuivre le renforcement de la péréquation et de la solidarité financière entre collectivités locales. Cet objectif s'est traduit par une loi du 26 mars 1996 qui améliore en ce sens les règles de répartition de la dotation de solidarité urbaine et du fonds de solidarité pour la région Île-de-France. Les règles de répartition de ces dotations ont en effet été modifiées afin de mieux prendre en compte les charges auxquelles doivent faire face les communes confrontées aux difficultés économiques et sociales les plus importantes.

En second lieu, dans un contexte de forte contrainte budgétaire à tous les niveaux, il faut que les relations financières entre l'État et les collectivités locales reposent sur des règles stabilisées, permettant aux uns comme aux autres de pouvoir programmer le financement de leurs politiques dans de bonnes conditions. Tel est l'objet du « pacte de stabilité financière » qui garantit aux collectivités locales une évolution des principales dotations de l'État correspondant à celui des prix pour les années 1996, 1997 et 1998.

En troisième lieu, les règles applicables en matière de finances locales doivent accompagner et promouvoir le développement de l'intercommunalité. Tel est le sens de la réflexion que je conduis actuellement dans le cadre d'un rapport global sur l'intercommunalité, sur les dotations de l'État aux groupements de communes et sur les outils permettant de favoriser l'harmonisation de taux de taxe professionnelle au niveau des agglomérations.

Je viens de formuler dans ces domaines des propositions qui, je l'espère, feront l'objet d'un réel débat avec les collectivités locales, en vue du dépôt d'un projet de loi à l'automne.

En quatrième lieu enfin, je suis convaincu qu'il faut renforcer la sécurité financière dans laquelle interviennent les décisions budgétaires des collectivités locales. L'exemple de nombreuses collectivités confrontées aujourd'hui à des situations budgétaires très difficiles montre qu'il est nécessaire de mieux définir les règles de l'équilibre budgétaire des collectivités locales et d'améliorer les procédures d'information, de discussion, de prévention et de contrôle à tous les stades de la procédure budgétaire.

Tels sont les objectifs sur lesquels les articles regroupés dans le présent numéro de la revue « Administration » donnent des éclairages particulièrement intéressants et riches. Ils reflètent la compétence des auteurs dont les contributions sont rassemblées et leur engagement au service de nos collectivités locales. Qu'ils en soient remerciés très sincèrement.