Texte intégral
« L’Europe peut-elle éviter la crise ? »
Avec la participation de : Pierre Le Marc – France Inter ; Annette Ardisson – France Inter ; Fabien Roland-Levy – Le Parisien ; Jean-Michel Apathie – Le Parisien
Émission animée par Gilbert Denoyan sur France Inter (avec les rédactions de France Inter et du Parisien)
M. Denoyan : Bonsoir.
Des réactions mitigées pour la réforme de l’enseignement supérieur présentée hier par le ministre de l’Éducation nationale. Peu ou pas de moyens financiers nouveaux. Les mesures concrètes restent à définir. C’est sans aucun doute la critique qui vient le plus souvent, tant du côté des milieux universitaires que de l’Opposition.
On se croirait revenu au temps du clivage Gauche-Droite, surtout si on y ajoute la montée en puissance du Parti Socialiste sur d’autres dossiers : l’affaire des HLM de Paris ou la politique économique et sociale.
Le gouvernement Juppé a bien du mal à briser la morosité chronique des Français, alors que dans le même temps les socialistes, aux élections locales ou dans les sondages d’opinion, paraissent reconquérir la faveur des Français.
Invité d’Objections ce soir, Monsieur Jack Lang.
Jack Lang, bonsoir.
Chacun se souvient que vous avez été le dernier ministre de l’Éducation nationale de gauche. Il sera intéressant de vous entendre sur le projet de Monsieur Bayrou.
Pour vous interroger ce soir avec moi : Annette Ardisson et Pierre Le Marc de France-Inter ; - Fabien Roland-Lévy et Jean-Michel Aphatie du Parisien-Aujourd’hui.
Les socialistes ont déposé leur motion de censure du gouvernement Juppé cet après-midi à l’Assemblée. On a pu l’entendre tout à l’heure dans le journal de Patrice Berlin. Les échanges ont plutôt été vifs, notamment de la part de Monsieur Juppé qui vous a reproché d’avoir mis, lorsque vous étiez aux affaires, la France en mauvaise posture.
Lorsqu’on vous critique sur ce qu’a été la gestion économique de la France durant cette période, aujourd’hui pouvez-vous dire que, si vous revenez aux affaires, vous aurez une autre politique économique ?
M. Lang : D’abord, il n’est pas acceptable de dire que l’action qui a été conduite a été négative, comme l’a décrite Monsieur Juppé. Si vous regardez les choses sur la longue période, c’est-à-dire sur les deux fois cinq ans de politique de Gauche, quand nous avons été en charge de la France en 1981, vous vous souvenez sans doute que le taux d’inflation était de 15 %, que le déficit du Commerce extérieur se creusait d’année en année, que la France n’avait pas réussi à engager une véritable modernisation de l’économie. Bref, il y avait toute une série de facteurs négatifs…
M. Denoyan : … Il y a eu aussi quelques dévaluations.
M. Lang : Qui ont été, après quelques difficultés, maîtrisés. Donc, ce qui a été légué en 1993, lorsque le gouvernement de Pierre Bérégovoy a dû céder la place au gouvernement de Monsieur Balladur, c’est une situation économique dans laquelle l’endettement de la France, l’endettement public français, était très largement inférieur ce qu’il est aujourd’hui. Même chose pour les prélèvements obligatoires. Nous avions laissé une inflation à 2,5 %. Bref, à l’exception, en effet, de ce qui était la conséquence de la récession économique, je crois pouvoir dire que, lorsque Monsieur Balladur nous a succédé, il avait à hériter d’un pays en santé relativement bonne.
M. Le Marc : La motion de censure des socialistes est motivée par la politique du gouvernement en ce qui concerne les services publics. Finalement, ce reproche n‘est-il pas un peu excessif dans la mesure où la Gauche n’a pas modernisé les services publics, au cours de sa gestion de telle manière à éviter le démantèlement qu’elle déplore aujourd’hui ?
M. Denoyan : Que ce soit Air France, la SNCF et ailleurs.
M. Lang : Je ne vais pas passer mon temps, ni vous non plus, à donner des bonnes ou des mauvaises notes et à me transformer à l’instant en avocat d’une action passée. Ce que je veux bien faire d’ailleurs si vous le souhaitez…
M. Denoyan : … Brièvement.
M. Lang : Je vais le faire brièvement, à l’instant, à propos du service public…
M. Denoyan : … En répondant tout de même à la critique qui a été exprimée par Monsieur Juppé.
M. Lang : Ce que vous dites n’est pas tout à fait juste, je ne dis pas que c’est entièrement faux, ce n’est pas tout à fait juste. Et, en particulier, observez ce qui a été entrepris, par exemple, par Paul Quilès pour moderniser les Télécommunications et La Poste et permettre, par conséquent, à ce service public national d’affronter, dans des conditions de modernité et de développement, la concurrence internationale.
M. Le Marc : Cela a été à la fin du second septennat du Président…
M. Lang : Ce fut réalisé.
M. Le Marc : Alors que les socialistes étaient au Pouvoir depuis 1981, tout de même.
Mme Ardisson : Dans son envolée oratoire, Alain Juppé a reproché aux socialistes d’être contre toutes les réformes qui étaient engagées, que ce soit celle de la Sécurité sociale, que ce soit celle de l’Éducation, l’Université. De votre côté, vous lui reprochez des réformes en trompe-l’œil. Qu’est-ce que réformer ? Quel est le besoin de réformes de la France en ce moment ?
M. Lang : C’est là peut-être qu’il y a un malentendu, il y a réforme et réforme. En soi, cela ne veut rien dire « réformer », la question est de savoir ce que l’on veut réformer et en vertu de quel idéal ? Dans quel but ? S’il s’agit de réformer la Sécurité sociale en assainant des prélèvements obligatoires plus lourds sur ceux qui gagnent moins bien leur vie, c’est pour nous une réforme qui n’est pas acceptable. C’est une réforme, au sens de Monsieur Juppé. C’est, dans notre sens, une régression et non pas du tout une avancée.
Mme Ardisson : Quand il s’agit, par exemple, de réduire les dépenses de santé, vous considérez que c’est une réforme nécessaire que vous auriez dû faire ?
M. Lang : Nous jugerons sur pièce, comme les Français jugeront sur les actes. Des pistes ont été ouvertes. Je n’oublie pas d’ailleurs que lorsque, avec des textes très nouveaux, nos ministres et, en particulier, Monsieur Teulade, avaient entrepris de maîtriser les dépenses de santé, nous avons reçu des volées de bois vert sur le thème : il ne faut surtout pas limiter les dépenses de santé ». Et, au fond, d’une certaine manière, Monsieur Juppé, en reprenant à son compte cette exigence absolue de la maîtrise des dépenses de santé, nous rend un hommage indirect. Simplement, la question sera de savoir, dans quelques mois, si la politique engagée aboutit effectivement à une réelle maîtrise.
M. Roland-Lévy : Tout de même, en entendant Monsieur Fabius évoquer l’abandon des services publics par le gouvernement, on se demande s’il n’y a pas une facilité dans ce genre d’effet d’éloquence ? Parce qu’on a l’impression que les socialistes oublient le gouffre financier qu’est devenu la SNCF. Ils oublient que l’Union européenne rend obligatoire l’ouverture du secteur de l’énergie, de l’EDF à la concurrence. N’est-ce pas un peu dangereux pour vous de sembler oublier ce que sont les contraintes de l’exercice gouvernemental ?
M. Lang : Il ne s’agit pas du tout d’oublier les contraintes de l’art de gouverner. Nous savons très bien que notre pays est confronté à toute une série de concurrences face auxquelles il faut être capables de nous organiser et nous sommes favorables la modernisation des administrations et des services publics. Mais là encore il y a réforme et réforme. On ne peut pas faire ces réformes sur le dos de ceux qui, depuis tant d’années, sont les serviteurs du service public. Il faut le faire de façon négociée, concertée, progressive, qui assure une véritable maîtrise, là encore, du développement de chaque entreprise française.
M. Roland-Levy : Donc, vous vous engagez à faire des réformes quand ce sera votre tour de gouverner…
M. Lang : … Bien sûr. Nous n’avons jamais été favorables à l’immobilisme.
M. Roland-Levy : De faire des réformes sans faire de peine à qui que ce soit. Je croyais que les réformes étaient toujours douloureuses pour certaines catégories.
M. Lang : La douleur n’est pas nécessairement le critère absolu de la réussite d’une réforme, pas plus d’ailleurs que le plaisir. La question est de savoir si la réforme engagée est conforme à l’idéal d’un mouvement de pensées qui a la charge du pays et si c’est utile et efficace pour le pays. Le reste, c’est secondaire.
M. Aphatie : Peut-être que ce que l’on ne comprend pas bien dans votre propos et que vous aurez peut-être l’occasion de préciser dans votre réponse, c’est au fond : pourquoi aurait-on envie de voter pour vous en 1998 sur des dossiers aussi problématiques et difficiles pour les Français que le chômage ? Que pourriez-vous proposer compte tenu de l’état des finances du pays, des marges de manœuvre étroites qui sont celles de tout gouvernement aujourd’hui ?
M. Denoyan : C’est un peu la question que je vous posais, Monsieur Lang, tout à l’heure.
M. Lang : Vous m‘interrogiez tout à l’heure, Gilbert Denoyan, sur le passé…
M. Denoyan : … Non, c’était : y a-t-il une autre politique aujourd’hui ? Quelle serait la vôtre ?
M. Lang : Je ne crains pas du tout de l’aborder et j’ai été moi-même, parfois, assez sévère sur notre propre gestion pour pouvoir en parler librement.
Sur le chômage, c’est vrai que nous avons longtemps pensé, nous n’étions pas les seuls, c’était d’ailleurs le sentiment général, ce qui n’est pas une excuse, qu’un redressement de la conjoncture économique pourrait être créateur d’emploi en nombre suffisant pour nous permettre d’endiguer le chômage. Et puis chacun a mesuré, pas seulement en France, dans tous les pays de l‘Europe, que, même si la croissance est au rendez-vous, les changements technologiques, la transformation de la civilisation ne permet pas de faire face aux besoins d’emplois dans nos sociétés. Ce qui veut dire, par conséquent, que l’on doit imaginer des solutions radicalement nouvelles. Lesquelles ?
Prenons-en une dont je suis certain qu’elle peut être efficace. Elle concerne la création la création d’emplois de qualité de vie, destinés à répondre aux immenses besoins de notre Société dans le domaine de la sécurité, de la santé, de l’éducation, des loisirs, etc. La question se pose de savoir, évidemment, comment financer ces immenses besoins ?
Je vais répondre très concrètement : d’un côté, depuis trois ans, ce n’est pas la première fois que je le dis, je le dis depuis la première minute – et, d’ailleurs, j’ai même été, dans les gouvernements auxquels j’ai appartenu, toujours hostile à toutes les formes d’exonérations fiscales, en particulier la baisse de l’impôt sur les sociétés, en disant : C’est du bois jeté au feu en vain – on a dépassé 200 milliards sous forme d’exonérations fiscales. Résultat, je ne dis pas « néant », ce serait exagéré, mais le coût budgétaire de la création d’emplois est abusivement élevé. Et, même, je crois que, dans les sphères gouvernementales, on prend conscience que la route choisie n’est pas la bonne.
Imaginez qu’on accorde un jour à un Fonds national d’initiative ou à un Fonds d’encouragement à la création d’emplois de qualité de vie, non pas 200 milliards, mais 20 ou 25 milliards, croyez-moi, s’il y avait à la tête d’un tel Fonds un homme ou une femme d’action qui, en liaison avec chacun des maires des villes en France, eux-mêmes transformés en soldats d’avant-garde pour la création d’emplois , prospectant, recherchant, il y a, là, comme on dit aujourd’hui, des gisements d’emplois très importants. Je pense que c’est une route que nous devons absolument suive avec énergie et détermination.
M. Aphatie : En vous écoutant, je retrouve, quelques échos que l’on peut trouver dans le livre de Philippe Séguin, « En attendant l’emploi », qui dit deux choses que vous avez dites là : « Ce n’est pas une croissance conjoncturelle et ce n’est pas la croissance qui résoudra le problème ». Et puis, « il faut imaginer une autre société avec d’autres emplois ». Ce que dit Séguin vous paraît…
M. Lang : … Je n’ai pas lu son livre, mais j’ai lu des comptes rendus et, sur ce point, je crois que nous serions en accord. L’important, ce n’est pas seulement de le dire, comme le lui dit ou comme je le dis, c’est de le faire. Et peut-être le grand reproche que l’on pourrait faire aux hommes politiques en général et disons à beaucoup de ministres du moment en particulier, c’est de se contenter…
M. Denoyan : … À tous, souvent.
M. Lang : D’énoncés généraux sans passer à l’acte.
M. Denoyan : On peut mettre tout le monde dans le même sac.
M. Lang : Ah ! mais pas du tout. Je prends le domaine dont j’ai eu la charge et je pense aussi à beaucoup d’autres ministres qui ont été mes collègues, ils ne se sont pas contentés de dire : « On va faire », ils ont fait.
Vous avez bien voulu évoquer l’action que j’ai menée à l’Éducation nationale, peut-être était-elle mauvaise ? C’est votre jugement éventuel…
M. Denoyan … Ah ! non, je n’ai pas de jugement là-dessus.
M. Lang : Mais en tout cas nous avons agi en 11 mois, croyez-moi, pax scolaire avec l’enseignement catholique, rénovation des lycées, rénovation du bac…
M. Denoyan :… Il y a eu aussi la guerre scolaire.
M. Lang : On a agi. On ne s’est pas contentés du bla-bla.
M. Denoyan : Mais il y a eu aussi la guerre en 1984, l ne faut pas l’oublier.
Pierre Le Marc, on va peut-être parler de l’Éducation ?
M. Le Marc : Non, encore un petit mot sur la censure. La Gauche a voulu censurer le gouvernement cet après-midi, il s’agissait d’une motion commune, n’a-t-elle pas montré dans le même temps sa limite ? Je ne fais pas allusion au rapport de forces défavorables à l’Assemblée qui résulte des élections de 1993, mais de l’incapacité pour elle de présenter un projet commun. Car le Parti communiste et le Parti socialiste peuvent-ils se mettre d’accord sur la modernisation des services publics ? Sur l’Europe ? Sur la fiscalité ? N’est-ce pas une utopie de croire encore à un projet commun ?
M. Lang : Nous n’avons pas dit cela. Pour l’heure, dépassons la question de la motion de censure qui est un moment important mais qui est un moment dans une procédure, dans un débat parlementaire, qui oppose l’Opposition et le Gouvernement. Le plus important, si vous voulez à mes yeux, c’est le travail qui est accompli, jour après jour, depuis plusieurs mois, par le Parti socialiste pour élaborer son programme et ses programmes d’action pour le futur. Nous l’avons fait dans le domaine de l’Europe et de l’économie. Nous sommes en train de le faire dans le domaine de la démocratie et, un peu plus tard, nous le ferons dans le domaine économique et social.
Donc, nous préparons, dans le cas où la conjoncture politique serait favorable à la Gauche, à gouverner. À gouverner avec des idées, nous l’espérons, neuves, fortes et efficaces.
M. Le Marc : Que pourraient accepter les communistes ?
M. Lang : C’est une autre question. Le débat est ouvert…
M. Le Marc : C’est une question.
M. Lang : D’accord, mais c’est une autre question. Pour l’heure, nous travaillons en tant que socialistes pour que le Parti socialiste soit mieux armé intellectuellement, politiquement, pour faire face à l’éventuelle victoire dans un an et demi.
Nos relations avec le Parti communiste sont en mouvement permanent, si j’ose dire. Nous sommes en rencontre. Pour l’heure, il n’est pas question de rechercher un accord sur un programme ou sur un autre.
Mme Ardisson : Venons-en à la réforme de l’université, aux orientations présentées hier par le ministre de l’Éducation nationale. Auriez-vous fait quelque chose de sensiblement différent ? Parce que j’ai noté que les socialistes, qui se sont exprimés sur ce sujet, ont été d’une amabilité rare, y compris Julien Dray, pourtant expert en contestation estudiantine. Les seules réserves portent sur les moyens.
M. Lang : Pour parler rapidement de ce sujet qui est un sujet ample, je dirais que Monsieur Bayrou est un homme intelligent et habile. Depuis trois ans, il est ministre de l’Éducation nationale. Il a la charge des universités depuis un an. Enfin, il est au gouvernement depuis trois ans. Il a su avec habilité énoncer toute une série de propositions, malheureusement, le plus souvent, qui n’étaient pas suivies d’actes concrets.
Lorsqu’on porte une appréciation sur son plan sur les universités, on ne peut pas faire un bref retour en arrière sur la méthode qui a été la sienne depuis trois ans, sur l’école – ce qui a été appelé « le contrat » sur l’école – ou sur le collège puisqu’il a proposé une réforme de la 5ème et de la 6ème et puis comparer les annonces et les actes.
Le contrat sur l’école se traduit dans la réalité par peu de choses. Le contrat ou les réformes sur le collège se traduit par une série de petites choses qui concernent l’enseignement du français en 5ème et en 6ème.
Donc, on ne peut pas ne pas être sceptiques et poser la question de savoir si ces orientations sont simplement des mots ou donneront naissance à des actes ?
Sur le fond, je dirais : « Rien de très neuf dans ce qui est proposé. Une bonne part de ce qui est proposé, c’est la reprise de ce que Lionel Jospin et moi-même avions indiqué et même commencé à réformer pour le 1er cycle ». Songez, par exemple, que nous avions réussi à faire passer les Deug d’une centaine à moins d’une vingtaine…
Mme Ardisson : … Mais le taux d’échec reste le même.
M. Lang : Oui, mais ce qui s’est produit, Annette Ardisson, c’est que, lorsque nous avons quitté le gouvernement, nous avons été remplacés par François Fillon qui a mis au placard l’ensemble des décrets d’application que j’avais signés. Et donc, la réforme des Deug qui avait été réalisée dans le cadre de cette réforme Jospin-Lang, pour parler vite, est restée inappliquée. Au fond, on ne peut pas être mécontents que l’on retire du placard ces textes en les habillant autrement.
M. Denoyan : Donc, on vous rend ce qu’on avait mis de côté ?
M. Lang : Si vous voulez. C’est une forme d’hommage indirect.
M. Denoyan : Voilà !
M. Lang : Si nous trouvions aujourd’hui au gouvernement, on ne se contenterait pas de reprendre des idées, mêmes bonnes, qui ont été les nôtres voici trois ans, il faut aller beaucoup plus loin. S’attaquer non seulement au premier cycle, mais aussi au 2ème cycle et au troisième cycle qui sont eux aussi malades et qui méritent une réforme profonde.
Par ailleurs, les rares changements ou les rares nouveautés énoncées qui concernent en particulier la filière technologique sont reportés aux calendes grecques. J’ai cru comprendre, dans trois ans, quatre ans ou cinq ans. Pourquoi pas dans dix ans ? Et, enfin, pas un centime de plus à l’horizon.
Il m’est arrivé de donner un coup de chapeau à Monsieur Bayrou sur telle ou telle mesure qu’il a pu prendre dans le passé. Mais aujourd’hui comprenez le scepticisme qui est le nôtre.
M. Aphatie : Vous dites : « Pas un centime de plus à l’horizon », mais tout de même cela fait des années que l’on met un argent fou dans l’Éducation nationale.
M. Lang : C’est vous qui vous vous laissez comme ça impressionné par tous ces slogans qui ont été propagés d’ailleurs par l’actuel gouvernement qui se trouve aujourd’hui était dans l’opposition en disant qu’il fallait professionnaliser à mort, qu’il fallait introduire la sélection, qu’il y avait trop d’argent. Aujourd’hui, il se trouve un peu pris en tenaille par ses propres contradictions. Savez-vous que l’université française est l’une des plus mal subventionnées d’Europe ?
M. Aphatie : C’est peut-être l’un des plus mal subventionnées d’Europe, mais on a l’impression tout de même, quand on regarde ce dossier de l’Éducation, que l’Éducation nationale a atteint un tel stade en France qu’on n’arrive pas à réformer ce monstre. N’y a-t-il pas – déjà, on le propose – des décongestions à faire et peut-être casser un peu ce Service immense de l’Éducation ? Est-ce qu’un homme peut réformer cela ? On n’y croit plus.
M. Denoyan : Et peut-elle éviter de fabriquer des chômeurs ? Parce que nous sommes malheureusement un des pays en Europe où il y a le plus de jeunes qui se trouvent sur le marché de l’emploi.
M. Lang : Il ne faut pas mettre sur le dos de l’Éducation nationale ce qui appartient à la société, aux entreprises et à l’économie. L’Éducation nationale est là, sans doute, pour aider des jeunes à se former, à se préparer, à entrer dans un métier, elle n’a pas une obligation, dans aucun pays d’ailleurs…
M. Denoyan : … Elle ne les forme pas à un métier aujourd’hui.
M. Lang : Elle donne en principe une formation et sans doute y a-t-il une adaptation à faire ? Je ne dis pas qu’il n’y a pas de réformes à faire. Mon reproche est que ce qui est proposé là est infiniment trop timide. Ce qui est proposé là, c’est en gros la reprise habillée, élégamment, de ce que nous avions nous-mêmes commencé à transformer, qui était une première étape, qu’il faut aujourd’hui compléter par une réforme infiniment plus radicale des universités.
Objections
M. Denoyan : Objections de Monsieur Pierre Albertini qui est député UDF de Seine-Maritime, bonsoir Monsieur.
Je dis cela à os auditeurs qui ne le savent peut-être pas, vous êtes professeur d’université, donc vous avez dû regarder avec beaucoup d’intérêts les propositions de Monsieur Bayrou et aussi entendre avec intérêts les réponses que vient de faire Monsieur Jack Lang.
M. Albertini : Bien entendu.
M. Denoyan : Votre objection ?
M. Albertini : Je voudrais dire à Monsieur Jack Lang que le commentaire qu’il a fait à chaud, hier, après l’annonce par François Bayrou des principes de sa réforme, était un commentaire sans nuances. Je le cite, car c’est dans la presse de ce sir : « Simulacre de concertation, simulacre de réforme ».
Le propos que j’entends à l’instant est un peu en retrait, probablement parce que Jack Lang s’est rendu compte peut-être qu’il détonait un peu, alors que les réactions générales sont plutôt favorables, au moins sur l’énoncé des principes.
Je voudrais dire simplement deux ou trois choses, et puis poser ma question qui sera une question très concrète : « D’abord que l’on peut certainement faire fonctionner mieux la « Maison » Éducation Nationale et la « Maison » Université avec des moyens égaux. C’est déjà un premier principe.
L’Éducation Nationale en France, c’est 360 milliards de francs et par étudiant c’est 40 000 francs chaque année.
Alors, bien sûr, on pourrait dire : « Injections plus d’argent, mais ce qui compte, c’est lutter contre l’échec, réussir l’insertion professionnelle, donner plus d’autonomie aux universités », cela me paraît bien préférable.
Monsieur Bayrou a annoncé des principes. Je crois que plusieurs d’entre eux, Jack Lang vient de le dire, sont positifs, notamment la filière technologique, l’amélioration de l’orientation, la modernisation du fonctionnement des Universités, et ce qui m’intéresse dans cette affaire, ce n’est pas tellement de rechercher les points de désaccord mais plutôt les points d’accord, car ce qui me paraît important, c’est de donner à l’Université une chance de se réformer.
M. Denoyan : Alors, dans ce sens, quelle est votre question maintenant ?
M. Albertini : Ma question dans ce sens, sachant que chaque ministre a provoqué des manifestations soit d’étudiants, soit de lycéens, ma question est la suivante, elle est très simple, très concrète. Elle porte sur l’autonomie des Universités. Je voudrais demander à Jack Lang s’il pense que l’on peut continuer à piloter les 80 Universités françaises depuis Paris ?
M. Lang : Il me semble que dans le long texte de Monsieur Bayrou cette question était à peine effleurée. J’espère ne pas dire de bêtises. C’est un sujet qui n’a pratiquement pas été abordé hier, me semble-t-il ?
Autant je serais hostile à certaines propositions qui avaient cours, venant des mouvements politiques que vous incarnez, monsieur le député, d’avant 1988 et qui visaient à démanteler l’Éducation Nationale, autant je crois, en effet – et j’avais commencé à le faire – qu’il est souhaitable que, dans le cadre d’une politique nationale les Universités disposent d’une autonomie, d’initiatives beaucoup plus grandes.
Et sans doute, un jour, faudra-t-il imaginer des réformes, des adaptations qui permettent aux Universités de jouer plus pleinement leur rôle dans leurs relations avec les chefs d’entreprise, dans l’organisation de leur système pédagogique.
Il faut aussi, ce que nous avions commencé à faire, leur donner un minimum de moyens, en particulier aux Présidents d’Université, pour qu’ils aient vraiment la possibilité de s’organiser, de faire face. C’est un métier qui est devenu un vrai métier.
D’ailleurs, c’est dans cet esprit que nous avions, par exemple, après les 5 ans qu’un Président d’Université a exercé à la tête de son Université, prévu une année sabbatique.
Donc, je pense que l’idée d’autonomie est une idée que l’on doit absolument creuser, étudier et adapter aux différentes situations. Parce qu’, c’est vrai, une très ancienne université qui a été créée au 19ème siècle, n’a pas tout à fait la même physionomie qu’une jeune université créée dans la région parisienne voici 5 ans ou 6 ans.
M. Denoyan : Merci d’avoir répondu à Pierre Albertini, Jack Lang.
M. Le Marc : Autre sujet, le Conseil des Ministres a pris ce matin des mesures de solidarité financière à l’égard des éleveurs (allègement des charges, extension des délais de paiement, etc.), approuvez-vous ces mesures de soutien ? Comment jugez-vous la manière dont le Gouvernement réagit dans cette crise ? Et où se situent les niveaux de responsabilité de ce qui est une catastrophe, à la fois sanitaire et agroalimentaire ?
M. Lang : La première réaction du gouvernement, lorsque cette question s’est posée, a été bonne. Et Monsieur Vasseur a eu un comportement clair et net. Et puis l’on a assisté il y a une dizaine de jours à une sorte d’oscillation de la part des autorités de l’État : fallait-il ou non partiellement lever l’embargo ? Ce qui a créé aussitôt une inquiétude justifiée.
Et j’ai le sentiment que, depuis quelques heures ou quelques jours, le comportement du Gouvernement est à nouveau un comportement de fermeté. D’où l’intérêt d’une démocratie, j’ose dire que les interpellations de l’opposition ne sont pas pour rien dans ce retour à la fermeté indispensable dans le domaine de la protection de la santé publique.
Les mesures prises ce matin sont des mesures destinées à permettre aux éleveurs de viande bovine de traverser cet orage qu’ils doivent subir.
M. Le Marc :… la question de la responsabilité ?
M. Lang : Elle est d’abord du côté du gouvernement britannique, celui de Madame Thatcher, qui a été ensuite prolongée ou prorogée par d’autres comportements de son successeur, Monsieur John Major. Malgré toute une série d’informations, on a continué à encourager une agriculture rentabiliste, à faire fi des considérations de santé. Et puis, malheureusement, le jour est venu où la vérité, en tout cas le doute a éclaté : est-ce que la maladie de ces animaux ne risquait pas de se propager vers l’homme.
M. Le Marc : N’est-ce pas une responsabilité européenne et nationale ?
M. Lang : D’après ce que l’on dit, les autorités européennes ont été dans l’ensemble plutôt rigoureuses. Nous aurions aimé d’ailleurs, lorsque nous étions nous-mêmes au gouvernement, que l’Europe soit, sur ce plan-là, peut-être encore plus radicale et plus ferme, parce que nous pensons que les questions de santé publique sont des questions qui n’autorisent aucun compromis.
M. Denoyan : Jack Lang, aujourd’hui, puisque tout à l’heure on rappelait l’anniversaire de la mort de Coluche, on a l’impression que le monde est fou quand on voit ce genre d’affaire : donner à manger des farines de viande aux vaches, simplement pour gagner de l’argent et mettre en jeu la santé publique !… Tous les gouvernements ont été plus ou moins concernés, gauche comme droite ?
M. Lang : C’est toujours désagréable ce genre d’échange, parce que je ne veux pas tout à coupe me faire l’avocat systématique de l’action que nous avons menée. Nous avons commis des erreurs que je suis prêt à reconnaître sur les sujets où nous avons commis des erreurs.
Mais sur ce plan en particulier parce que j’ai regardé de près cette question qui m’intéresse en tant que parlementaire européen. J’ai interrogé nos anciens ministres de l’agriculture, en particulier Monsieur Henri Nallet. Je crois que leur comportement, sur cette question, a été impeccable du début jusqu’à la fin de leur mandat.
Disons que si l’on veut absolument trouver des coupables, il y en a ! Ils ne sont pas sur le territoire français, ils se trouvent, hélas, du côté du gouvernement de Madame Thatcher.
M. Denoyan : Il y avait une interdiction en Angleterre, vous le savez bien, Monsieur Jack Lang, alors que nous étions, nous, toujours en train de distribuer cette farine à nos animaux. Il a fallu attendre près d’un an et demi pour que nous arrêtions de la commercialiser.
Mme Ardisson : Vous mettiez en cause l’agriculture productionniste des Anglais, mais est-ce que, quand même, nous n’avons pas sur notre territoire aussi une agriculture productionniste ? On n’arrête pas de se féliciter de la place de l’agriculture française à l’exportation, on a oublié de nous dire comme l’on y était arrivé !
M. Lang : C’est vrai, vous avez tout à fait raison. C’est une question qui mériterait de longs développements…
M. Denoyan :… certainement !
M. Lang :… et, sans doute, sous la contrainte de toute une série de préoccupations internationales, les unes européennes, les autres liées aux concurrences internationales, notamment à la suite des accords conclus dans le cadre du GATT, on a eu tendance à encourager une agriculture trop productiviste.
M. Roland-Levy : L’affaire de la « vache folle » est en train de provoquer une crise entre la Grande-Bretagne et les autres partenaires de l’Union, je voudrais savoir si vous êtes de l’avis de certains : au cas où les Anglais continueraient à bloquer la marche de l’Europe, comme ils le font actuellement, est-ce qu’il faudrait, à votre avis, continuer à travailler, à fabriquer l’Union, à bâtir la CIG sans les Anglais ?
M. Lang : Nous n’en sommes pas là pour l’instant ! Une crise n’est pas à écarter… mis nous n’en sommes pas là ! Mais en tout cas, je répète, rien n’autoriserait, en particulier le souci d’éviter une crise, si l’initiative des États européens risquait de compromettre la santé publique.
On disait, là, ces dernières heures, que dans la perspective du Sommet de Florence le gouvernement britannique serait de meilleure composition. Nous verrons bien !
M. Aphatie : Parmi les enseignements de cette crise qui est quand même très révélatrice, on peut aussi noter que, finalement, les mesures de protection qui paraissent les plus efficaces et celles qui sont de nature à calmer les opinions publiques, sont prises par les États. Vous savez, ces bons vieux États de ces bonnes vieilles Nations ! Est-ce que cela ne démontre pas aussi que toutes les instances communautaires sont tellement éloignées qu’on ne les entend pas, qu’elles ne sont pas de nature à intervenir dans le débat et à rassurer les gens ? Est-ce que cela ne vous incite pas à réfléchir un petit peu à cette construction européenne qui est un peu dépassée par les évènements ou qui donne le sentiment de l’être ?
M. Lang : Je ne suis pas un admirateur fanatique de l’actuel président de la commission, Monsieur Santer, mais vous l’avez entendu s’exprimer…
M. Aphatie :… c’est un problème de responsabilité ?
M. Lang : Vous l’avez entendu s’exprimer à l’instant même sur votre radio, ses propos sont d’une grande fermeté.
M. Le Marc : Je voudrais parler de l’affaire Tiberi, cette affaire du logement du fils de Jean Tiberi, Dominique, devrait être transmise au Parquet de Paris qui est, dit-on, favorable au classement de cette affaire. Y voyez-vous la main du Garde des Sceaux ?
M. Lang : Je n’ai pas de preuve écrite, mais disons que le comportement de l’actuel Garde des Sceaux qui tranche avec celui de son prédécesseur, Pierre Méhaignerie, est un comportement de reprise en main de la Justice à tous les étages : nominations de magistrats proches du pouvoir, dans des fonctions importantes ; classement d’affaires qui risquent de mettre en cause des personnalités poches du gouvernement. Ceci est aujourd’hui connu.
On a le sentiment en ce moment de vivre un peu un retour en arrière par rapport à ce qu’avait été la pratique des ministres de la Justice des années 88 et suivantes, par rapport aussi, je le répète, à ce qu’a été, semble-t-il, le comportement de Monsieur Pierre Méhaignerie qui a respecté, je crois, la liberté de la Justice.
Ceci devrait conduire – nous n’avons pas le temps de l’évoquer ce soir – à évoquer toute une série des changements que nous souhaitons, le jour venu, réaliser en faveur d’une démocratie différente, et, en particulier, nous proposons, dans le texte qui sera soumis au vote des militants la semaine prochaine, une réforme profonde de la Justice. Elle consiste d’abord en une rupture claire et nette des liens entre le Garde des Sceaux et le Parquet… .
M. Aphatie : Rétrospectivement qu’est-ce qui vous a conduits à ne pas mettre en pratique cette réforme à partir de 1988 par exemple ? Un pouvoir politique peut toujours contrôler ses juges ?
M. Lang : Je n’en sais rien ! Je le regrette. Je le regrette vraiment. Parce qu’on l’entend souvent, cela : il faut rendre son indépendance à la Justice. C’est une constante du débat politique.
M. Lang : L’indépendance a été pleinement respectée par nos Gardes des Sceaux …
M. Aphatie :… En êtes-vous sûr ?
M. Lang :… Mais je crois qu’il est préférable sur ce plan de ne pas dépendre du bon vouloir, du caprice du ministre de la Justice, il faut qu’il y ait des règles claires. La démocratie, c’est d’abord des règles : il faut des règles claires, et pas en permanence des arrangements avec les règles, des règles claires.
Donc, premièrement, rupture de la relation entre le Garde des Sceaux et le Parquet.
Deuxième règle absolument indispensable : la séparation entre le juge chargé de l’instruction et le juge des libertés. Je crois que c’est une mesure absolument indispensable si l’on veut que le droit et les droits de l’homme, en particulier, soient respectés.
Dans le projet que nous proposons, il y a beaucoup d’autres réformes de la Justice, qui touchent en particulier la Justice quotidienne, pour la rendre plus rapide, plus accessible et moins onéreuse.
M. Roland-Levy : Parmi les réformes que le Parti Socialiste, sous votre férule, je crois, entend mener sur la démocratisation…
M. Lang :… ma douce férule !
M. Roland-Levy :… votre douce férule, bien sûr !… je crois qu’il y a le rétablissement de l’autorisation administrative de licenciement.
Je voudrais savoir si, une fois cette réforme faite, le gouvernement – ce gouvernement éventuel – pourrait faire davantage dans l’affaire Moulinex que ce que fait le gouvernement aujourd’hui qui a décidé d’interdire le plan tel qu’il est prévu ?
M. Lang : Dans ce domaine je crois qu’il faut être très clair : il n’y a aucune solution qui soit parfaite. La question des licenciements est liée au rapport de forces qui existe un moment donné entre le patronat et les travailleurs… beaucoup de choses dépendent de l’organisation du mouvement des travailleurs, dépendent aussi de la conjoncture économique.
L’établissement d’un contrôle administratif sur les licenciements, que nous avons introduit dans notre texte, est un signal qui est donné aux chefs d’entreprise et aux organisations syndicales, indiquant que nous ne pourrons pas, en effet, rester bras croisés face aux charrettes de licenciements qui ont tendance à se multiplier.
Et j’observe d’ailleurs que certains des membres de l’actuel gouvernement, en particulier Monsieur François Fillon, ont quasiment demandé le rétablissement d’une telle mesure qui a été abolie en 1986…
M. Denoyan : Il a été demandé au ministre des Affaires Sociales et du Travail, Monsieur Jacques Barrot, d’intervenir dans cette affaire…
M. Roland-Levy :… en tant que Président du département de la Sarthe.
M. Lang :… en tant que Président du département de la Sarthe, il a, au fond, souhaité un retour de l’État.
M. Denoyan : Oui, en quelque sorte !
Mme Ardisson : Mais quand on voit par petites touches les propositions socialistes se construire, en quelque sorte, on a l’impression que sur, justement, ces affaires économiques, de licenciement, etc., vous semblez regretter votre engagement à 180 % européen, je serais tentée de dire, de la période de gouvernement ?
M. Lang : Pas du tout. Je crois que l’on peut avoir un engagement européen et en même temps souhaiter une économie régulée, une économie modulée, une économie respectueuse des droits des personnes.
M. Roland-Levy : C’est ce que le Président de la République appelle la 3ème voix ?
M. Lang : Oui… et, en effet, il y a une 3ème voie, c’est celle que nous préconisons depuis longtemps entre un système collectiviste qui a prouvé son incapacité, qui a accompli, par ailleurs, toute une série d’actes de destruction des hommes et des économies, et puis une économie ultra-libérale dont certains étaient partisans dans les années 1986.
La 3ème voie, c’est celle que nous préconisons depuis longtemps. L’important, c’est de ne pas s’en tenir aux paroles, là encore, et de passer aux actes.
Concrètement, cela veut dire que va s’ouvrir ce Sommet de Florence dans quelques jours. Il y aura d’autres réunions pour préparer la réforme du Traité de Maastricht. Nous souhaitons que l’on incorpore, effectivement dans le Traité, des dispositions d’ordre social. Nous souhaitons que la politique de Grands Travaux, qui avait été préconisée par Jacques Delors, entre en application.
Bref, il y a toute une série de mesures que l’Europe pourrait prendre, pour peu que certains des gouvernements européens, dont le gouvernement allemand et le gouvernement français, en prennent l’initiative.
Mme Ardisson : Vous l’aviez déjà demandé, cela n’a pas pris !
M. Lang : Pour l’instant, cela n’a pas pris ! Mais, vous savez, la politique, c’est un long combat, et rien n’est acquis, ni gagné d’avance, notamment dans le domaine économique et dans le domaine des droits.
M. Le Marc : L’investissement politique du Front National dans les milieux associatifs, dans les milieux syndicaux, progresse. Ce Parti progresse aussi sur le plan électoral, si l’on en croit le sondage de BVA qui lui donne 16 %. C’est une menace pour la Droite, pour la Majorité, mais c’est aussi une menace pour la Gauche, parce que le Front National séduit beaucoup d’électeurs de la Gauche.
Peut-il y avoir une réponse commune de la Droite et de la Gauche à cette menace ?
M. Lang : Quand des actes sont perpétrés, par exemple certains meurtres qui se sont produits à l’occasion de manifestations, comme ce jeune garçon qui avait été précipité dans la Seine, il est normal que tout le pays se dresse et qu’il y ait, par conséquent, dans cette hypothèse, union sacrée.
Mais pour le reste, je crois qu’il est important que chacune des deux grandes familles de pensée imagine et conçoive une politique qui s’attaque, chacune selon son idéal propre, à la racine des causes qui font prospérer le Front National.
Et disons la vérité, nous ne sommes pas au bout de nos peines, ni l’actuel gouvernement, puisque, actuellement, le Front National, selon ce que vous me dites, progresserait, ni le Parti Socialiste qui doit, au cours de prochains mois, réfléchir pour concevoir des solutions qui permettraient, sur le terrain, concrètement, d’apporter les améliorations, dans le domaine du logement, dans le domaine de la sécurité, dans le domaine de l’enseignement, dans le domaine de la vie de tous les jours, qui ramèneraient aux Partis républicains, à la Gauche de préférence, mais aux Partis républicains en général, des électeurs qui, par désespoir le plus souvent, se sont porté vers ce Parti extrémiste, ce parti d’Extrême-Droite.
M. Denoyan : Merci Jack Lang.
Objections est terminé pour ce soir ;
L’invité de la semaine prochaine sera Monsieur Jean-Claude Gaudin.