Texte intégral
PRÉFACE – André Rossinot
Il y a un peu plus d'un an, à l'occasion de l'élection présidentielle de 1995, le Parti Radical publiait le Manifeste des Radicaux, qui dégageait les grandes priorités radicales pour le septennat qui s'annonçait.
Si le Manifeste des Radicaux demeure une référence pour qui souhaite connaître ou faire sien le projet radical, un parti politique se doit de mettre à jour sans cesse sa pensée et ses propositions, pour tenir compte de l'évolution de notre société et des enjeux qui en résultent. À cet objectif répond la publication du présent ouvrage. Destiné à un large public, il reprend, dans un format abrégé et actualisé, l'essentiel des propositions du projet politique des radicaux.
Ce projet reste d'actualité. Si certaine des réformes que nous proposions il y a un an ont été adoptées, la plupart des grandes questions de société auxquelles le politique doit faire face sont loin d'être réglées et appellent une réponse avant tout soucieuse de replacer l'homme au coeur du débat public.
En 2001, le Parti Radical fêtera le centenaire de sa fondation. Par son attachement aux valeurs humanistes et par sa méthode pragmatique, il a inspiré les grandes réalisations de la République tout au long de notre siècle. Le projet radical contenu dans le présent ouvrage vient rappeler la modernité de ces valeurs, alors que de partout montent l'intolérance et l'extrémisme. Pour répondre aux attentes de nos concitoyens, le politique doit être capable de redonner du sens à son action autour de quelques objectifs fondamentaux : retrouver les liens essentiels de solidarité, rendre un contenu au contrat républicain construire une Euro politique pour garantir la paix et la prospérité de notre pays sont autant de défis que nous lance le monde d'aujourd'hui. Proposer une réponse humaniste, laïque, sociale et européenne à ces défis, voilà l'ambition de ce projet manifestement radical.
Tout comme le Manifeste des Radicaux, cet ouvrage est le fruit d'un travail collectif auquel militants, membres des commissions du parti et responsables politiques, ont participé. Je tiens à remercier et à féliciter tous ceux qui se sont associés à son élaboration. Qu'il me soit permis de rendre un hommage tout particulier à Jean-Thomas Nordmann, qui a assumé la direction de ce travail.
INTRODUCTION
Des valeurs, un projet de société
Réussir notre entrée dans le troisième millénaire nous impose de relever d'innombrables défis. L'accélération prodigieuse de ta technologie nous place de plain-pied dans la société de l'information et de la communication mondialisée alors même que l'écart entre pays riches et pays pauvres compromet le développement harmonieux et pacifique de la planète, et que la déréglementation financière internationale multiplie les facteurs de déséquilibre. Dans certaines parties du monde, la pauvreté grandissante jette de populations entières dans les bras des formes le plus obscurantistes du totalitarisme politique et religieux. Au sein même des sociétés occidentales, l'accroissement de la misère est venu apporter un démenti douloureux au mythe de la croissance éternellement créatrice d'emploi qu'avaient créé les « trente glorieuses ».Le modèle démocratique et républicain est parfois lui-même remis en question. L'émergence d'une philosophie post moderniste qui s'accommode du brouillage des repères quand elle ne vient pas le théoriser, témoigne du désarroi dans lequel nous nous trouvons pour penser l'organisation d'une société insaisissable sans recourir au mythe ou à la providence pour guider nos choix.
S'en remettre à l'Homme, avec ses défauts et ses qualités, son imperfection et on génie créateur, voilà la difficulté et l'honneur du parti républicain. Les valeurs humanistes prônées par les révolutionnaires de 1789 et l'idéal d'épanouissement individuel et d'autonomie personnelle dont la politique radicale n'a jamais cessé de se réclamer restent le meilleur remède contre l'intolérance, l'ignorance, la violence et contre tous les totalitarismes.
Condition de l'adhésion délibérée de citoyens responsables au contrat républicain, la possibilité pour chaque individu d'exercer pleinement son esprit critique doit être recherchée sans relâche. Elle suppose l'égal accès des citoyens au savoir et à la réflexion. C'est pourquoi l'école a toujours été au coeur des préoccupations radicales. Seul un système éducatif efficace, moderne et démocratique permettra à chaque enfant d'acquérir les bases nécessaires pour comprendre et analyser la quantité croissante d'information à laquelle il sera confronté dans sa vie quotidienne. Mais l'école ne remplirait pas véritablement sa fonction d'apprentissage de la citoyenneté si elle n'était cet espace de neutralité et de dépassement des particularismes qui doit permettre à l'enfant de se former en toute sérénité. Le principe de la laïcité, qui trouve son application la plu concrète au sein de l'école de la République, est un impératif républicain qui ne doit souffrir aucun affadissement. Si le Parti Radical s'est toujours présenté comme le parti de la tolérance, soucieux d'écarter les extrémismes, indifférence et laïcité ne doivent en aucun cas être confondues. Face à la montée d'intégrismes religieux dont certain affirment une volonté claire de destruction des bases de notre démocratie, l'heure n'est pas au relativisme généralisé au nom du respect différences culturelles et parfois du mépris des lois de la République. La séparation du politique, du savoir et de la religion devra s'accompagner de la défense d'une éthique républicaine propre à garantir le respect des droits fondamentaux auxquels nous sommes attachés.
C'est parce qu'il revendique, la modernité et l'actualité des valeurs républicaines, fondées sur l'esprit d'ouverture et tolérance, que le Parti Radical a toujours eu le pragmatisme indispensable pour proposer un projet de société on adéquation avec les défis d'aujourd'hui et de demain.
Seule une politique sûre de ses valeurs et de sa tradition sera capable de répondre aux enjeux fondamentaux pour notre pays en cette fin de siècle : le défi de la puissance, tout d'abord, car le rayonnement de notre nation passe désormais par une adaptation en aux transformations sociales, politiques, économiques et technologiques du monde contemporain. Les enjeux de la solidarité, en ensuite, car dans un monde où les évolutions sont brutales et les interdépendances fortes, il est indispensable de définir et de construire le modèle d'une société ouverte à tous conciliant autonomie et sécurité ; le choix la citoyenneté, enfin, car, au niveau national comme à l'échelon européen, il est capital de préserver et de promouvoir les valeurs de liberté individuelle et de démocratie.
I. Le défi de la puissance
1. Du monde clos à l'univers infini
La mondialisation des échanges
Le défi majeur de la fin du XXème siècle est celui de la mondialisation des échanges, non seulement sur les plans économique et financier, mais également dans le domaine de l'information et de la culture qui naviguent aujourd'hui à la vitesse de la lumière sur les réseaux informatiques planétaires. Cette mondialisation a permis à l'économie et à la culture anglo-saxonne de s'imposer progressivement. Malgré cette tendance de fond, la France, quatrième puissance économique du monde, conserve un rôle de tout premier plan sur la scène internationale.
Au cours des deux dernières décennies, l'économie mondiale a connu des bouleversements sans précédent dont les maîtres mots sont progrès technique, internationalisation, interdépendance des économies, persistance des grands déséquilibres mondiaux, croissance cyclique, importance accrue de la sphère financière ; ce sont là autant d'éléments d'incertitude et d'instabilité.
La France a su s'adapter à cette nouvelle donne. L'ouverture de son économie lui a permis de rester présente sur de très nombreux marchés et de figurer parmi les premières puissances économiques du monde. La modernisation de ses marchés financiers a évité sa marginalisation. Aujourd'hui, la compétitivité de notre pays se fortifie ; il a su renforcer sa monnaie et son commerce extérieur qui jadis faisaient sa faiblesse.
La persistance et l'aggravation du chômage éclipsent ces atouts. Les causes en ont multiples : Certains sont directement liées à l'organisation des sociétés occidentale et en particulier européennes. Par exemple le niveau élevé de protection sociale auquel nous sommes habitués a, de nos jours, un coût qui pèse sur l'emploi ; tout doit être fait pour en rationaliser la gestion. De même, le ralentissement de la natalité dans les pays développés et Je vieillissement de la population qui en découle ne sont pas propres à assurer, à terme, la pérennisation de notre dynamisme économique.
Mais la France a un taux de chômage plus élevé que certains de ses partenaires européens. C'est donc qu'il existe des faiblesses propres à notre économie nationale : absence d'un système efficace de formation professionnelle, mauvaise structure de nos prélèvements obligatoires (en France, les cotisations représentent 80 % des ressources de la protection sociale contre 66 % en moyenne dans le reste de l'Union européenne), faiblesse de nos petites et moyennes entreprises, conservatisme des classes dirigeantes, insuffisance du dialogue social.
Les facilités conjoncturelles auxquelles nous avons pu recourir nous sont désormais interdites. Nous n'avons d'autre choix que de conduire des réformes de structure, qui modifieront à long terme la logique de certaines de nos institutions, voire de certains de nos comportements et du fonctionnement de notre société.
Vers la communication universelle et généralisée
A l'internationalisation des échanges s'associent, comme facteur de bouleversement du monde, les transformations du traitement et de la transmission de l'information.
Le couplage de l'ordinateur et des instruments de télécommunication permet l'interconnexion des utilisateurs et donne à cette communication une extension mondiale ; aujourd'hui déjà, le réseau des « autoroutes » où circule l'information planétaire comporte près d'une trentaine de millions d'utilisateurs dans le monde, et il s'étend toujours davantage sans l'obstacle des frontières ni des distances.
Cette révolution, comparable à celle de l'apparition de l'imprimerie, est grosse de transformations sociales singulièrement importantes : créatrice d'emplois nouveaux, notamment en matière d'équipements et de maintenance, elle périme certaines fonctions et, dans un premier temps, pèse sur le niveau de l'emploi, comme on le voit dans certains services, par exemple les banques. Elle affecte aussi les relations au sein de l'entreprise, court-circuitant parfois certaines hiérarchies. Avec le développement envisageable du télétravail, et donc de l'emploi à domicile, l'économie générale des transports des personnes sera considérablement modifiée. La politique doit envisager ces perspectives dès maintenant. Seule une stratégie positive favorisant la création de produits et de services télématiques compensera les pertes d'emplois liées à la productivité croissante. D'autant que la révolution de l'information renforce le caractère mondial des principaux enjeux. Nous entrons dans une cosmopolis de l'information et du savoir. L'horizon de l'homme s'élargit au « village planétaire » qu'entrevoyait Mac Luhan. Cette extension est gage de pluralisme, et donc de liberté. Mais elle pose le problème de l'usage, et du bon usage, de ces informations.
Une éthique comportementale doit donc servir de « garde-fou » face aux dangers de ce que l'on a déjà dénommé la « dictature du computariat ».
La diffusion de l'ordinateur multimédia ouvrant à chaque foyer l'accès à un marché véritablement mondial de l'information s'inscrit dans la continuité des progrès qui ont permis d'étendre et de multiplier l'offre des biens et des produits culturels. Elle laisse entière la question de la qualité de la demande : c'est en fonction de leur culture acquise que les utilisateurs se tourneront vers tel ou tel domaine d'informations à obtenir, des jeux les plus infantilisants à l'accès à la contemplation esthétique des chefs d'oeuvre de l'humanité. Les autoroutes de l'information ne doivent pas devenir une machine à fabriquer des exclus de la communication. Dès maintenant des actions doivent être prévues pour assurer la sensibilisation des maîtres et les conduire à inscrire plus directement dans leur enseignement l'accès à la maîtrise de ces nouveaux instruments. Attention à ne pas perdre l'avance que nous avions en ce domaine. Le multimédia facilite l'apprentissage des savoirs ; il ne se substitue pas à l'esprit critique et au discernement individuels ; il rend encore plus indispensable l'exigence, laïque et radicale, d'une pensée libre, capable d'exercer son jugement et de choisir en connaissance de cause. La tradition humaniste du sujet formé à juger, à comparer, à classer, à mettre en perspective en tirera un regain de jeunesse et de vitalité.
Dans cette perspective, les collectivités territoriales sont appelées à s'ériger en espace public d'expérimentation et de développement, prenant la forme d'une plate-forme urbaine interactive, articulée autour de tout un ensemble de réseaux et de services, dont la définition et la mise en oeuvre technologique, économique et sociale réclament la participation de tous les acteurs locaux, de tous les citoyens. Intégré dans un réseau métropolitain interactif, chaque commune sera à même de mettre en oeuvre un nouveau contrat social de proximité et de solidarité permettant l'approche « grand public » de ces services, et de leur appropriation la plus large, notamment par les populations les plus fragilisées socialement. Bref, des services pour tous.
2. La France : un rôle privilégié sur la scène internationale
La mondialisation n'est pas en soi un nouvel ordre mondial, qui reste à construire. La France doit être en première ligne du combat pour faire reculer l'injustice, l'intolérance et la guerre.
L'histoire de notre pays, sa culture, son rayonnement linguistique lui permettent de figurer parmi les puissances de premier plan sur la scène internationale. La France dispose, en outre, d'atouts qui lui permettent d'exercer des responsabilités mondiales : son poids économique et commercial, sa place au Conseil de Sécurité et dans le groupe des sept pays industrialisés, son rôle central en Europe et dans la communauté internationale en témoignent.
Sa force de discussion indépendante, enfin, a été confortée par l'ultime campagne d'essais nucléaires décidée par le Chef de l'État, qui a estimé – avec raison – cette dernière série de tirs indispensable.
Mais, comme toutes les vieilles nations européennes, la France a aussi ses points faibles : notre pays ne restera pas une puissance mondiale sans un effort de volonté, d'adaptation et d'imagination. Sur le plan extérieur comme à l'intérieur, le plus grand danger qui nous guette est celui du renoncement. Nous ne voulons pas d'une France repliée sur elle-même, conservatrice et frileuse ; nous avons une autre idée de notre pays et une autre ambition pour lui.
C'est d'ailleurs le message que nous adressent aussi les centaines de milliers de nos concitoyens expatriés. Par leur travail, par leur dynamisme, ils sont les vecteurs irremplaçables de notre influence. Comment ne pas rendre hommage au sacrifice de ceux qui ont pays de leur vie le fait d'être Français et comment ne pas saluer le courage de tous ceux qui, avec leur famille, vivent des événements tragiques dans les pays où règne la violence ? La France doit rester soucieuse de ses compatriotes éloignés et attentive à leurs droits légitimes.
A l'étranger, l'attente à l'égard de notre pays demeure intacte. Il nous arrive que la France dérange, il arrive que son exemple ne soit pas suivi, il arrive aussi, hélas, qu'elle déçoive ; mais, elle laisse rarement indifférent. Notre rayonnement dépend de no capacité à accueillir et à comprendre les autres. Expansion, francophonie et francophilie sont liées. Notre pays peut, s'il le veut, retrouver un nouvel élan en Europe et dans le monde. Cette ambition exige le rassemblement de tous les Français autour d'une vision et d'un projet pour renforcer le rôle et la présence de la France dans le monde.
3. L'Europe des radicaux : un projet politique ambitieux
Face à la mondialisation des échanges, le projet européen demeure le meilleur moyen pour nous de jouer un rôle dans le monde. Aussi doit-il être l'ambition commune à tous les Français qui souhaitent regarder résolument vers l'avenir et savent que le rayonnement de la France est indissolublement lié au renforcement de l'Europe. Face à l'euroscepticisme, il faut réaffirmer l'Europe comme projet politique et donner un contenu à ce projet. L'Union Européenne doit devenir une Union fédérale et décentralisée pour être plus forte, plus unie et plus démocratique. C'est par cette étape que l'Europe politique pourra prendre corps et rompre avec les atermoiements qui conduisent trop de citoyens à douter de l'Union.
Deux échéances majeures nous donnent l'occasion de construire cette Europe fédérale. La Conférence intergouvernementale qui s'est ouverte le 29 mars 1996 à Turin doit nous permettre de rendre les institutions européennes plus démocratiques et d'améliorer leur fonctionnement, tout en tenant compte de l'élargissement de l'Union à d'autres pays.
Seconde échéance, celle de la monnaie unique, qui verra le jour le 1er janvier 1999. Pour les radicaux, l'institution d'une monnaie unique n'est pas seulement une étape technique ; elle comprend les éléments d'un véritable projet politique susceptible de faciliter la vie des citoyens, de créer des emplois, de renforcer la confiance dans l'avenir et de sceller dès 1999, le destin des pays européens. Cependant, la monnaie demeure un moyen au service d'ambition politique qui repose en grande partie sur les institutions communautaires.
C'est pourquoi les négociateurs de la conférence doivent s'attacher plus que jamais à favoriser le renforcement des institutions européennes dans le sens du fédéralisme bien compris, autour de trois enjeux essentiels :
L'Europe de la défense, et de la sécurité
C'est sans doute l'absence de Gouvernement européen qui a discrédité notre continent au moment de la tragédie qui a ensanglanté l'ex-Yougoslavie. D'ailleurs, les divisions apparues entre les pays de l'Union pour régler le conflit montrent à l'évidence le besoin d'une politique extérieure et de sécurité commune cohérente et substantielle, seule capable de transformer l'Europe en une véritable puissance. Pour assurer la capacité militaire de l'Union, il est nécessaire d'élargir l'Europe aux dimensions d'une véritable armée européenne et de mettre en place, à brève échéance, une politique commune de l'armement pour les armes conventionnelles.
Au plan institutionnel, il conviendra d'étendre le champ du vote à la majorité au sein du Conseil aux questions de politique extérieure et de défense, tout en laissant la possibilité aux États membres de ne pas participer à une action commune s'ils ne le souhaitent pas. Pour renforcer la légitimité de la politique extérieure de l'Union, le Parlement européen devra également être informé et associé aux décisions.
Enfin, les réformes annoncées par le Président de la République doivent permettre à notre potentiel nucléaire de constituer, le moment venu, la base d'une force de dissuasion de l'Union européenne. C'est pourquoi elles doivent être accompagnées de concertations avec nos partenaires, et en particulier avec, l'Allemagne.
Institutions et démocratie
La construction d'une Europe politique suppose un renforcement et une démocratisation de l'Union par une adaptation de ses institutions, permettant de tenir compte de l'entrée de nouveaux pays pour autant sacrifier l'approfondissement à l'élargissement. Les radicaux souscrivent à cet égard à la proposition de « domaines de coopération renforcée » qui représente une hypothèse de travail féconde pour éviter de réduire l'Union à un grand marché voué au seul libre-échange.
Dans un premier temps, cette formule suppose le recours à des procédures de décision relevant de l'intergouvernemental pour un certain nombre de domaines, mais elle ne doit faire oublier ni l'objectif d'une communautarisation progressive, ni la nécessaire démocratisation de l'Union. Pour répondre à ces exigences, il faudra renforcer les pouvoirs du Parlement européen, tout en simplifiant les procédures législatives de l'Union par une généralisation de la codécision. Vingt ans après la première élection du Parlement européen au suffrage universel, il est essentiel que celui-ci devienne enfin une assemblée législative de plein exercice.
De leur côté, les parlements nationaux devront être mieux associés aux discussions et aux négociations préalables à l'intégration dans le pilier communautaire de certains domaines de compétence des deux autres piliers qui ont vocation à y entrer, par exemple la défense et la libre circulation des personnes.
Les réformes à mettre en oeuvre concernent également le fonctionnement du Conseil des Ministres et du Conseil européen. Outre l'élargissement domaines de vote à la majorité qualifiée, l'institution d'une double majorité au Conseil (majorité des états et majorité de la population) serait également une réponse à l'élargissement. La présidence du Conseil doit également évoluer vers une formule qui rende compatible l'efficacité et l'élargissement : l'hypothèse d'une troïka (présidence pour un grand pays et deux vice-présidences pour deux petits pays) pendant un an, voire deux, ouvre une piste féconde.
Pour parfaire la démocratie européenne, il conviendra aussi de donner au Parlement une responsabilité pour les recettes, et non pas seulement en matière de dépenses. Une fiscalité européenne directe se substituerait aux contributions nationales versées par les États membres. Il ne s'agit en aucun cas d'alourdir la pression fiscale dans notre pays pour financer la construction européenne, puisque ce transfert, qui ne suppose aucune augmentation d'impôt, permettrait simplement d'introduire plus de transparence dans la fiscalité et de clarifier la destination des prélèvements.
Il faut encore prévoir des mécanismes plus efficaces de rétorsion dans les négociations commerciales internationales. Leur existence jouerait un rôle dissuasif face à la menace protectionniste que certains grands pays font peser, aujourd'hui encore, sur le commerce mondial.
L'Europe compte aujourd'hui 18 millions de chômage. Cette situation est insoutenable. La monnaie unique, facteur de stabilité économique et monétaire, facilitera le retour à la croissance ; elle constitue à cet égard un instrument non négligeable de lutte contre le chômage. Mais l'épanouissement du modèle social européen, fondé sur un niveau substantiel de protection sociale, doit devenir une priorité : des initiatives peuvent être prises, dans le cadre du principe de subsidiarité, pour promouvoir des solutions encore trop peu utilisées, telles que, par exemple, l'aménagement du temps de travail.
Convaincus que, pour lutter contre le chômage, il faut plus et non pas moins d'Europe, les radicaux sont également partisans d'une mobilisation européenne en faveur de l'emploi par une politique de grands travaux, notamment d'infrastructures de transports et de communication, assortie d'un contrôle plus rigoureux de l'utilisation de l'argent public européen et d'une lutte accrue contre les fraudes. Que cette priorité ne fasse pas encore l'objet d'un consensus, c'est d'autant plus regrettable que de nombreux États européens sont aujourd'hui gouvernés par des socialistes qui ont applaudi des deux mains lors de la parution du livre blanc qui proposait cette politique, mais qui ne semblent pas toujours disposés à fournir les moyens de son application. L'hypothèse du, lancement d'un grand emprunt européen pour financer cette politique de grands travaux mérite d'être étudiée sérieusement.
Enfin, une Europe plus proche des citoyens, cela signifie l'installation de l'Europe dans la culture et dans les habitudes de chacun. C'est pourquoi il importe de favoriser l'apprentissage des langues européennes et la multiplication des échanges culturels et linguistique entre pays de l'Union. Cela nous conduit également à mieux définir le type de société sur lequel nous voulons asseoir les institutions européennes. Nous pensons par conséquent que la laïcité doit figurer parmi les principes fondamentaux de l'Union et marquer la place prépondérante de notre modèle d'intégration des individus dans la société, aujourd'hui dominant en Europe, de préférence au modèle communautaire britannique. Il n'y aura pas de citoyenneté européenne sans laïcité européenne.
II. – Les enjeux de la solidarité
Une France plus solidaire, c'est, depuis sa fondation, l'objectif du Parti radical. Dès le siècle dernier, face au collectivisme des socialistes, les radicaux jetaient les bases d'une doctrine républicaine de la solidarité visant à renforcer l'unité de la nation par des réformes de justice. Il s'agissait d'assurer l'essor et l'ascension sociale de chacun, en opposition avec les dogmes de la lutte des classes, qui, tout comme le néotraditionnalisme des nostalgiques de la monarchie d'ancien régime, enferment les individus dans des groupes, castes, ordres ou classes, dont ils ne peuvent s'évader. Ce solidarisme, pour l'appeler par son nom, a inspiré les grandes réformes sociales, en même temps que la politique scolaire de la IIIème République.
Aujourd'hui le retour des corporatismes se conjugue avec la montée de l'exclusion et la crise des régimes de protection sociale liée à l'essoufflement de l'État providence, pour donner au solidarisme une nouvelle actualité, une nouvelle jeunesse. Ce n'est plus d'un cadre permanent que l'individu doit attendri support et protection. Nous sommes entrés dans un monde de mobilité généralisée. Chacun doit être capable de changer d'activité, de statut professionnel, de cadre ou d'environnement intellectuel et social. Ces changements, il faut pouvoir les vivre sans les ressentir comme des mutilations, comme des négations, comme des remises en cause angoissantes. Des insertions successives doivent être appréhendées, comme le résultat d'une réelle autonomie. Elles supposent notamment de sérieuses améliorations de notre politique de formation. L'exigence de solidarité et de maintien de la cohésion sociale nous impose par ailleurs de revoir en profondeur notre approche des problèmes de l'emploi et de l'exclusion.
1. Sauvegarder notre modèle de société
Vaincre le chômage et l'exclusion
Parce que le travail est un élément essentiel de l'insertion de l'individu dans la société, la progression du chômage et de son corollaire dramatique, l'exclusion, prend aujourd'hui des proportions qui risquent de miner notre cohésion et d'asphyxier notre économie si aucun remède n'y est apporté rapidement. Nous savons aujourd'hui que la croissance ne suffira pas à rétablir le plein emploi en raison des transformations de notre économie. Par ailleurs, la maîtrise des déficits publics est indispensable pour conserver une économie compétitive : laisser « filer » les dépenses, c'est s'exposer à une hausse des taux d'intérêts, déjà beaucoup trop élevés en France pour permettre à l'investissement de se développer correctement. Laisser « filer » la monnaie, ce serait s'exposer à un retour de l'inflation, c'est-à-dire à un renchérissement du prix de nos produits et du prix de nos importations, donc à une baisse de notre compétitivité. Pour lutter contre l'exclusion et réduire le chômage, il n'existe donc pas de remède miracle, c'est pourquoi il est essentiel de ne négliger aucune action susceptible de favoriser l'emploi.
Exclure l'exclusion, pour un contrat social de proximité : L'exclusion gagne chaque jour du terrain dans notre pays et la frontière se déplace quotidiennement entre ceux qui s'intègrent, par leur travail dans la société et les autres. Avec près d'un million de bénéficiaires du RMI en France, la fracture sociale atteint aujourd'hui les limites du tolérable.
L'État joue déjà rôle important en matière d'aide et de soutien aux exclus, au moyens de systèmes généraux, comme le RMI, dont les finalités ne sauraient être remises en cause. Bien au contraire, l'expérience montre que les jeunes de 18 à 25 ans, qui ne peuvent pas en bénéficier, ne disposent d'aucun filet sécurité en matière de revenus. Parce que la solidarité n'est pas l'assistanat, il faut mettre l'accent sur le « i » du RMI. Il faut donc ne pas attendre un an de chômage pour proposer un contrat Emploi-Solidarité, et rendre cette formule accessible à tous les jeunes, y compris aux diplômés.
Mais la lutte contre l'exclusion ne peut se satisfaire de la seule mise en place de dispositifs globaux et impersonnels. Elle suppose également d'améliorer les relations sociales aujourd'hui dégradées, qu'il s'agisse par exemple de la faiblesse des syndicats en France ou de l'univers d'incompréhension et de solitude qui entoure les exclus. La signature d'un véritable contrat social de proximité entre tous les acteurs : État, syndicats, associations, collectivités locales, organismes de sécurité sociale permettrait d'engager la lutte contre l'exclusion sur son véritable terrain : celui des relations sociales. Le principe de la fongibilité des aides, c'est-à-dire d'une souplesse accrue dans l'attribution des fonds alloués à la lutte contre l'exclusion et à la réinsertion devrait prévaloir dans ce cadre contractuel. L'établissement de passerelles entre les différents dispositifs (RMI, soins gratuits, relogement des exclus) commande la réussite d'une telle politique.
L'exclusion ne pourra être vaincue en France que par un engagement de tous à tous les niveaux. Dans cette entreprise collective, les partenaires locaux ont un rôle particulièrement important à jouer parce qu'ils peuvent conduire des actions de proximité, à la fois plus personnalisées et plus efficaces parce que plus en prise sur la réalité quotidienne des exclus. Les pouvoirs publics ont certes un rôle d'impulsion à jouer, mais en vertu du principe de subsidiarité, compris comme un principe de proximité, l'échelon municipal est mieux à même de jouer pleinement sur les trois variable, qui, combinées, permettent de sortir de l'engrenage infernal de l'exclusion, à savoir l'emploi, le logement et les soins médicaux. C'est en général l'impossibilité de trouver un emploi qui plonge les individus dans l'exclusion ; privés de revenus ils ne sont plus en mesure de payer un loyer, perdent leur logement, ce qui le prive le plus souvent du bénéfice de la protection sociale. Puis, c'est le cercle vicieux, sans adresse les exclus ne peuvent plus faire les démarches leur permettant de retrouver un emploi puis un logement et une couverture sociale. La réinsertion dans la société ne passe pas uniquement par la possibilité de trouver un travail et de subvenir à ses besoins. Pour ceux qui ont été plongés, durablement dans la marginalisation, le processus de resociabilisation peut également se faire par l'accès aux soins ou la possibilité de trouver un logement. La convivialité, la chaleur et la proximité leur sont nécessaires pour retrouver la confiance en eux-mêmes. Pour apporter une réponse humaniste aux problèmes de la rupture sociale et des dérives, l'idée radicale de contrat social de proximité met au premier plan l'unité de la personne.
A cette fin, les différents services sociaux doivent travailler ensemble et non côte à côte. Plus généralement, on ne peut mettre en oeuvre un véritable « droit » à l'activité sans la mobilisation de tous les acteurs au niveau le plus proche du terrain et de la réalité.
Choisir l'emploi : Le souci de faire prévaloir l'Homme sur le système, le politique sur l'économique et la valeur sociale du travail sur sa valeur économique a conduit les radicaux à proposer des mesures respectueuses de la liberté et de la dignité sociale des individus. Les principaux axes en sont la formation professionnelle, la réduction du coût du travail, le partage du travail, et l'encouragement de l'esprit d'entreprise.
L'action simultanée et à long termes sur l'ensemble de ces leviers permettra à la France de retrouver le chemin de l'emploi. Ce choix implique un changement de nos comportements collectifs et individuels : il s'agit de passer d'un consensus fondé sur une logique de partage des revenus dont le chômage est la résultante à un consensus fondé sur l'aménagement du temps de travail dont la maîtrise et le contrôle des revenus seraient la clé de voûte. Ce choix de société suppose une évolution des comportements de la part des chefs d'entreprises, des organisation syndicales et des gouvernants qui doivent, ensemble, privilégier le dialogue social et la négociation, base d'une véritable politique réformiste, encore trop peu présente dans notre pays. Un accord des partenaires sociaux sur l'embauche systématique de 3 % d'apprentis dans les entreprises montrerait de façon significative leu souci de favoriser l'insertion des jeunes.
La formation professionnelle est un outil fondamental d'adoption des individus au marché du travail. Mal relié à ce marché, notre système de formation souffre d'un manque de simplicité, d'efficacité et de transparence.
La formation en alternance doit devenir une priorité, ce qui passera par un rapprochement de filières aujourd'hui concurrentes. Il existe une palette de dispositifs de formations en alternance considérés comme relativement efficaces. Cependant, la multiplicité des formules différent par leur durée et leur rémunération mais offre des formations voisines (Contrat d'apprentissage, contrat de [manque un mot], contrat d'orientation, contrat d'adaptation), marginalise certaines filières peu avantageuses pour l'employeur. Conformément aux principes posés par la loi quinquennale sur l'emploi, la mise en place, à termes, d'une filière unique, d'une durée de trois ans et accessible à partir de 14 ans (contre 16 ans aujourd'hui) permettra de renforcer la qualité de la formation, de clarifier le dispositif et de l'adapter aux besoins du marché du travail.
La clarification des filières suppose également une réforme du financement de la formation professionnelle dans le sens d'une plus grande transparence et d'une souplesse accrue. La taxe d'apprentissage ne répond plus à sa vocation initiale puisque moins de 30 % de son produit bénéficie effectivement à l'apprentissage. La fusion de la taxe d'apprentissage (0,5 %) et de la fraction de l'obligation légale en faveur de l'alternance (0,4 %) en une taxe unique de 0,9 % permettra de dégager une contribution unique et élargie pour l'ensemble de la formation en alternance.
Enfin, la généralisation de l'année sabbatique répondra à l'exigence d'adaptabilité des individus et redonnera à la formation permanente sa vocation de seconde chance. Accessible à tous les salariés, une fois dans leur vie, ce dispositif serait financé par un fonds spécial.
D'autres outils peuvent être utilisés : l'effort entrepris pour réduire le coût du travail doit être poursuivi, tant il est clair que le coût élevé du travail peu qualifié constitue, dans notre pays comme chez nos principaux partenaires, un frein à l'embauche. Si le coût du travail n'est pas sensiblement plus élevé en France que dans les pays ayant un niveau de développement comparable, le poids des cotisations sociales y est en revanche excessif. C'est pourquoi, on peut, sans remettre en cause le niveau des salaires, ni le principe d'un salaire minimum, réduire ce coût grâce à une baisse des charges sociales. Dans un premier temps, une franchise de cotisations patronales sur une fraction de tout salaire mensuel pourrait être instituée, afin d'encourager l'embauche. A plus long terme, et dans le cadre d'une vaste réforme fiscale, il faut envisager le transfert sur l'impôt des charges des branches famille et maladie de la Sécurité sociale, qui relèvent manifestement de la solidarité nationale, à l'opposé des branches chômage et retraites qui relèvent de la solidarité professionnelle.
De même, l'aménagement du temps de travail peut être un puissant instrument de lutte contre le chômage. Pour cela, il ne doit pas nuire à la compétitivité de nos entreprises et être respectueuse des aspirations individuelles. Plusieurs mesures peuvent être prises pour favoriser cette nouvelle approche du travail :
– la possibilité pour tout salarié qui le désire de réduire son horaire hebdomadaire de travail et le droit de revenir à son ancien statut pendant deux ans ;
– l'utilisation d'une part des économies faites sur l'indemnisation du chômage pour aider les salariés les moins aisés à recourir au temps partiel ;
– l'assouplissement de la législation sur le repos dominical obligatoire et sur le travail de nuit, assorti des garanties nécessaires.
De telles mesures permettraient d'encourager les partenaires sociaux, qui se sont engagés dans cette voie par l'accord du 31 octobre 1995, à conclure des accords de branches et d'entreprises en vue de la réduction du temps de travail pour donner un contenu positif à cet accord de principe.
Il faut enfin favoriser l'esprit d'entreprise, en apportant des solutions aux problèmes de financement des PME-PMI pour compléter le plan mis en oeuvre par le Gouvernement. Il est également urgent d'améliorer les aides à la création d'entreprise et de poursuivre l'effort de simplification des formalités administratives pour les petites entreprises par la désignation d'un interlocuteur unique pour la déclaration des formalités de gestion.
Redéfinir la place de l'État
La France est un pays de tradition jacobine. Louis XI, Colbert, Napoléon et la République ont contribué à donner à l'État une place prépondérante dans l'économie et dans la vie de la nation. Mais aujourd'hui, le poids de l'État en France est devenu un handicap pour faire face à la concurrence internationale et relever le défi de la construction européenne. Peut-on pour autant faire porter à l'État tous les maux de notre société ? Rien n'est moins sûr.
L'économie française a de bons atouts dans la compétition internationale : son commerce extérieur n'a jamais été aussi florissant ; quatrième puissance économique du monde, elle maîtrise son inflation. Cependant, les structures de son économie restent peu adaptées aux exigences de la compétitivité mondiale : ses PME sont fragiles et ont du mal à trouver des financements, les taux d'intérêt demeurent élevés malgré une baisse récente, le chômage y est plus élevé que chez nos voisins, le rôle de l'État reste mal défini et appelle un large débat.
Il est donc urgent, et c'est la tâche du politique, de proposer à nos concitoyens un modèle clair de développement économique, qui tienne compte de l'environnement international mais également des spécificités historiques et culturelles de la nation française. Entre l'option libérale de l'État minimum et l'option socialiste du tout étatique, il existe une sorte de troisième voie, qui reconnaît à l'État un rôle fondamental de garantie de l'égalité des chances entre les citoyens.
Cette voie réformiste exige la définition précise des missions fondamentales de l'État : l'éducation, la justice, le maintien de la sécurité intérieure, la politique étrangère et la défense sont autant de fonctions que l'État ne peut abandonner, sauf à remettre en cause les principes mêmes de la République. Aux yeux des radicaux, il appartient aussi à l'État de garantir la nécessaire solidarité nationale pour corriger les inégalités sociales que, rappelons-le, dix années de gouvernements socialistes ont accrues.
Elle exige également la clarification du rôle de l'État, aujourd'hui trop présent dans certains secteurs de l'économie, dans les domaines concurrentiels, comme la banque, l'assurance ou la plupart des industries, les privatisations doivent être poursuivies car l'État n'a pas de mission particulière de service public à y assurer. D'autres secteurs, comme le transport aérien, les télécommunications, la distribution d'électricité s'ouvrent progressivement à la concurrence, du fait notamment du grand marché européen. S'il existe bien une mission de service public dans ces secteurs, il n'est pas certain que l'État soit le meilleur acteur pour assurer cette mission au meilleurs prix pour les usagers et pour les contribuables. Il est donc indispensable que l'État se désengage progressivement des entreprises publics de ces secteurs, tout en leur concédant une mission de service public qui suppose certaines obligations afin de répondre aux exigences de continuité du service, d'égalité des usagers et de modération des prix.
Fiscalité et protections sociale : vers une plus grande solidarité
Fiscalité et protection sociale sont deux instruments essentiels de la solidarité. Sur eux deux repose la mise on oeuvre d'une réforme d'ensemble.
La réforme de la sécurité sociale mise en oeuvre par le Gouvernement au printemps 1996 constitue une première étape décisive, qui permettra de maîtriser les dépenses et en particulier les dépenses de santé.
La question des retraites demeure cependant entière. Malgré les difficultés que pose une telle mesure, l'évolution démographique qui consacre le vieillissement de la population française nous contraindra à étendre la réforme du 22 juillet 1993 (allongement de la durée de cotisation et de la période de référence pour le calcul des retraites pour le seul régime général) aux régimes spéciaux de Sécurité sociale, et à compléter noue système de répartition par un système de capitalisation, avec la création de fonds de pension. Les partenaires sociaux auront un rôle particulièrement important à jouer dans la mise en place des structures de prévoyance, même s'il appartient à la loi d'en poser les grands principes.
Aux yeux des radicaux le traitement de la dépendance des personnes âgées relève de la solidarité nationale, loin de se cantonner dans une logique d'assurance. L'allocation-dépendance, qu'il faudra créer, ne saurait être financée par un relèvement des cotisations d'assurance-maladie. Car il s'agit de répondre à un devoir de solidarité nationale et, plus précisément, de solidarité entre les générations. C'est donc par l'impôt que les ressources nécessaires à une prise en charge complète de la dépendance doivent être dégagées.
La politique familiale ne doit pas être dénaturée par l'application de critères sociaux trop étroits qui tendraient à exclure de son bénéfice les classes moyennes.
La réforme de la sécurité sociale devra également être complétée très rapidement par une refonte de nos prélèvements obligatoires, que les Français attendent avec impatience.
Les principes d'une telle réforme sont simples à formuler. Justice sociale et efficacité doivent en être les maître-mots. Nous le savons, nos prélèvements obligatoires sont trop élevés et inéquitablement répartis.
Par exemple, les récentes ordonnances sur la sécurité sociale instituent un régime universel d'assurance maladie, c'est-à-dire que l'ensemble de la population bénéficie désormais d'une couverture sociale en matière de santé. Mais les dépenses de santé sont encore financées par des cotisations sociales, payées essentiellement par les salariés et proportionnelles à leurs revenus. L'établissement d'une cotisation sociale universelle, c'est-à-dire, étendue à tous les revenus, est une option cohérente, mais elle méconnaît l'objectif de justice sociale, justement parce que les cotisations sociales ne sont pas progressives.
Transférer le financement de ces dépenses de solidarité nationale sur l'impôt sur le revenu, qui lui est progressif, serait à la fois plus juste et plus efficace, à condition d'élargir l'assiette de cet impôt à d'autres revenus, et notamment les revenus du capital et les revenus de remplacement, qui en sont aujourd'hui exonérés. La réforme viserait à associer les avantages respectifs de l'impôt sur le revenu et de la CSG pour fusionner ces deux prélèvements en un seul impôt progressif, bénéficiant d'une large assiette et retenu à la source.
Une telle modification de la structure de nos prélèvements aurait d'ailleurs des effets positifs sur l'emploi car elle se traduirait par une baisse significative du coût du travail.
La question de la baisse des impôts est au coeur du débat sur la réforme fiscale. Il est toujours souhaitable de pouvoir réduire la pression fiscale, mais la baisse des impôts est un exercice délicat en période de faible croissance, car elle implique également une baisse des dépenses publiques qui ne mette pas en péril les missions fondamentales de l'État. L'urgence, c'est la réduction de nos déficits publics et la réduction des inégalités sociales. Pour répondre à ce deuxième objectif, une baisse des impôts devrait commencer par une réduction de la TVA dot les taux actuels pénalisent la consommation.
La baisse de la TVA constituerait, en outre, un geste en faveur de l'harmonisation des taux européens et rendrait nos produits plus compétitifs dans le cadre du grand marché européen.
C'est dans cette perspective de baisse des impôts qu'on peut raisonnablement envisager la suppression de la redevance TV.
Pour plus de justice, l'impôt sur les successions devrait être prélevé sur la base d'un barème unique progressif et tenant compte de la fortune de l'héritier. Il faut également prévoir des mesures d'exonération de droits de succession en faveur des transmissions d'entreprises. Enfin, l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune devrait être aménagée.
Relancer le dialogue social
Les blocages de la société française résultent, pour une part, d'une incapacité à nouer, à ses différents niveaux, des relations stables entre partenaires sociaux, dégageant des compromis positifs à moyen et à long terme.
Les syndicalismes français, encore traversé de débats surannés, se caractérise par son émiettement en une multitude d'organisations, dont certaines sont étroitement corporatistes, et par une représentativité globale des plus faibles d'Europe. Tiraillé entre immobilisme (la défense des acquis) et surenchère (dont l'appel permanent à l'État est une des formes les plus prisées) le syndicalisme français n'a pas toujours su faire des choix modernes, ni mobiliser les salariés sur une nouvelle approche de travail et de sa rémunération.
Parce qu'en France les rapports sociaux entre employeurs et syndicats ne se sont pas encore dégagés des conflits originels, parce que la culture dominante est celle de l'affrontement, les employeurs été amenés à conduire seuls les transformations qu'imposaient les changements économiques, et dès lors à le faire trop souvent dans une logique étroitement financière, patronats et syndicats se retrouvant néanmoins pour en faire supporter le coût social à l'État.
Les grèves de décembre 1995, qui avaient pour objet apparent de défendre le principe de la sécurité sociale, nous ont montré tout à la fois les faiblesses et les divisions du syndicalisme français, ainsi que, pour certains, les prémisses d'une évolution vers une démarche réformiste.
Essentiel au maintien de la cohésion nationale le renforcement du dialogue social, aujourd'hui encore très hésitant, passe par une meilleure reconnaissance des organisations syndicales et professionnelles qui doivent redevenir les interlocuteurs privilégiés des politiques. Il est de l'intérêt bien compris du politique de contribuer à redonner légitimité et crédibilité aux partenaires sociaux. On pourrait envisager, dans cette perspective, l'institution d'un financement public des organisations syndicales, sur le modèle du financement de la vie politique, comme cela se pratique dans d'autres pays.
2. Renforcer la cohésion sociale
Garantir la laïcité républicaine
Le Parti Radical a toujours été à l'avant-garde du combat pour la laïcité, conçue comme la garantie pour chaque citoyen du plein exercice de sa liberté individuelle grâce au développement de son esprit critique. La laïcité, c'est aussi la catégorie philosophique qui sous-tend l'organisation de notre société et notre modèle d'intégration. La France est la nation de la citoyenneté. A cet égard, elle ne reconnaît aucun organe, aucune communauté entre l'individu et la société dans son ensemble. Elle a le souci d'intégrer les individus dans le corps social dès lors qu'ils sont citoyens, quelle que soit leur origine, leur religion ou leur couleur. Comme le faisait déjà remarquer Rousseau, l'exercice de la démocratie n'est entier que si les groupes et communautés particuliers ne viennent pas entraver la volonté générale.
A ce modèle d'intégration républicain s'oppose le communautarisme qu'illustrent les sociétés britannique et américaine, faites d'une superposition de différentes communautés et minorité ethniques, religieuses ou sociales qui s'agrègent sans se fondre véritablement en un tout social unitaire et solidaire. D'où des affrontements parfois violents entre groupes, comme en ont connu les États-Unis tout au long de leur histoire et comme ils continuent à en connaître. D'où également une persistance plus nette des inégalités sociales selon qu'on appartient à telle ou telle communauté. Du point de vue de la laïcité, l'aspect le plus contestable de l'organisation communautaire est qu'elle aliène l'expression des individus à celle des communautés ethniques ou religieuses. Profitant de leur reconnaissance sociale, ces groupes s'arrogent le droit de faire pression sur le pouvoir politique pour faire reconnaître le bien-fondé de la défense de leurs intérêts, somme toute particuliers. Ainsi a-t-on pu voir le Parlement britannique légiférer sur le blasphème sous la pression de l'intégrisme islamiste au moment de l'affaire Rushdie, chose tout à fait inconcevable dans notre République.
Faute d'avoir posé correctement les termes du débat sur la laïcité, certains se sont laissés aller en France à prôner le multiculturalisme, sans voir que derrière cette position en apparence généreuse, c'est toute notre conception de la République et de l'organisation de la société qui est en cause. Car la tolérance ne signifie nullement renonciation à ses principes ; elle signifie avant tout égalité de droit pour tous les individus et respect des lois la République pour lutter contre l'arbitraire et la discrimination. L'explosion des banlieues et la montée de l'intégrisme islamique, montrent que c'est d'un manque de laïcité que souffre aujourd'hui notre République et non d'un excès. Accepter le communautarisme, c'est renoncer à un modèle qui a fait ses preuves depuis un siècle et qui reste le meilleur rempart contre les totalitarismes religieux ou politiques.
Par-delà les différences de religions et de coutumes, la culture républicaine et le respect des droits de l'homme doivent continuer à constituer le tissu conjonctif à notre communauté nationale. Le problème de l'assimilation de certaines communautés est posé, dès lors que celles-ci se définissent par un mode de vie fondé sur des principes différents de ceux qui régissent notre législation. Problème que posent, pourquoi le cacher, certaines fractions de l'Islam qu'une foi obscurantiste et expansionniste conduit à refuser toute perspective d'assimilation et à mettre l'orthodoxie religieuse au-dessus des règles du pays d'accueil. Des incompatibilités existent entre la loi coranique et le code civil. Entre l'Islam et les droits de l'homme, il faut parfois choisir, il faut alors que chacun choisisse, librement, mais sans équivoque. La France doit dire oui à ceux qui lui disent oui. Elle n'a pas de devoir d'intégration à l'égard des autres. Pour vivre ensemble, il faut vouloir vivre ensemble. Nous affirmons donc notre opposition résolue à la notion d'une France multiculturelle, faite de ghettos juxtaposés.
Seule une République forte et sûre de ses convictions sera capable de faire face à l'intégrisme et à la tentation toujours présente dans la religion d'intervenir dans le domaine politique. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour faire prévaloir leur conception de la laïcité. En particulier, il faut à tout prix éviter que le dialogue soit rompu entre l'Islam et la République. L'absence d'un clergé organisé et hiérarchisé au sein de la religion musulmane, si elle ne facilite pas le dialogue, permet à tout le moins de choisir ses interlocuteurs. Face au risque de l'intégrisme islamique, les gouvernants doivent s'adresser en priorité aux représentants d'un Islam tolérant et ouvert. Ils devront ainsi veiller à limiter le développement des lieux de cultes clandestins, ainsi que le financement des lieux de cultes officiels par des pays dont la position intégriste est notoirement connue.
Au problème des intégrismes religieux s'ajoutent les questions éthiques nouvelles que posent les progrès de la science et de la technique. Aujourd'hui, ces questions sont traitées de manière incomplète par le législateur, quand l'appréciation du droit n'est pas laissée au juge administratif. L'absence de définition rigoureuse de la laïcité dans notre droit positif fragilise notre société tout entière. Pour conforter le droit en vigueur, il faut organiser un large débat parlementaire qui devra se conclure par le vote d'une grande loi laïque, permettant de rappeler et de préciser les principes laïcs sur quelques points fondamentaux :
1. L'égalité entre les hommes et les femmes : il faut proscrire sans ambiguïté la polygamie et les pratiques mutilantes sur les femmes. Pour faciliter le respect de la loi, un vade mecum devra être diffusé auprès des officiers d'état civil dans les mairies.
2. L'interdiction de signes religieux ostentatoires au sein de l'école de la République devra être expressément consignée dans la loi.
3. La loi devra définir les principes d'une éthique républicaine, en matière de bioéthique notamment, pour compléter et préciser les textes existants.
L'éducation : une nouvelle ambition pour l'école
Malgré les ratés du système, l'Éducation nationale reste à ce jour un instrument fondamental d'intégration. Face au risque d'éclatement de l'institution scolaire, il faut définir une nouvelle ambition pour l'école et faire le choix de la diffusion du savoir tout en privilégiant une volonté d'adaptation pragmatique.
L'égalité des chances, c'est d'abord l'ouverture de l'École à tous sans aucune forme de discrimination. La condition de l'égalité, c'est donc la laïcité, mais une laïcité effective et non une laïcité caricaturée ou vidée de sens voire de sa substance.
Car la laïcité de l'école n'est pas l'acceptation de la diversité juxtaposée des convictions mais la mise entre parenthèses, pendant le temps et dans le cadre scolaire, des convictions partisanes, religieuses, des contingences que chacun tient de son origine familiale ou sociale. Si « la République respecte les croyances » comme le dit la Constitution française, il n'en demeure pas moins que le respect implique une certaine mise à distance ; si les croyants en tant que personne sont évidemment et éminemment respectables, des croyances en tant que telles ne sauraient fonder ou régler une institution de la République comme l'est l'École.
Car la laïcité demande plus que la tolérance : au-delà de la séparation du temporel et du spirituel, de la sphère publique et de la sphère privée, elle affirme avec force que la connaissance seule libère l'homme et que ce savoir ne saurait être un savoir révélé mais un savoir par principe accessible à tous par la raison et développé par l'instruction et l'éducation. Elle affirme qu'il vaut mieux renforcer en chacun ce qui le rend semblable aux autres et qui tient avant tout aux principes universels de la raison, plutôt que d'accentuer ce qui divise.
La laïcité est donc vidée de sa substance quand l'École perd son exigence première de culture. Et malheureusement elle n'a pas toujours échappé à ce risque au nom d'un vague souci d'ouverture sur la vie oubliant qu'elle doit être le complément voire parfois le correctif de la vie. La première condition de l'égalité des chances est donc de recentrer l'École sur des missions premières et essentielles car l'esprit même de l'enseignement tient en cette conviction : le savoir et l'apprentissage des connaissances est le meilleurs moyen d'éduquer, de préparer à la vie, de s'affranchir de la servitude des opinions et des préjugés pour accéder à l'autonomie et à la liberté.
« Aie le courage de te servir de ton propre entendement, voilà, disait Kant, la devise des Lumières ». Dans le même esprit disons : que l'École ait le curage d'instruire et de diffuser le savoir, voilà la devise de la laïcité et la condition de l'égalité des chances.
Si l'École fait partie de ces « choses publiques » que nul ne peut s'arroger, elle préserve un espace et un bien communs soustraits aux intérêts partisans et ne doit pas être réduite à un simple service soumis aux seules lois du marché. Le caractère national de l'Éducation doit être préservé. Mais l'École publique se caricature et se condamne si elle s'enferme dans ses rigidités. Sans tomber dans les travers du consumérisme, qu'elle prenne en compte l'attente des citoyens ! Qu'elle réponde au souci d'un meilleur encadrement des élèves, d'un suivi plus individualisé de chacun d'eux, d'une aide à leur travail personnel, qu'elle accepte une plus grande participation des parents à la vie des établissements, qu'elle réponde sans frilosité au souhait d'une plus grande liberté dans le choix des établissements publics.
Car l'égalité des chances connaît sa caricature, l'égalitarisme qui entend appliquer à tous des pédagogies identiques et qui conduit alors inéluctablement à l'échec et à l'exclusion de ceux qui ne peuvent pas tirer profit de ce moule unique. Illusion au revers antidémocratique : par sa complexité le système scolaire devient opaque pour le citoyen ; par ses rigidités, il n'assure plus cette égalité des chances qu'il était censé garantir.
Voilà pourquoi, notre système éducatif doit être réformé dans le sens d'une plus grande souplesse, afin de valoriser les initiatives, sans pour autant remettre en cause le principe de l'égalité des chances.
Si les radicaux ne prétendent pas faire du « tout budgétaire » la solution miracle à la crise du système éducatif français, ils soulignent l'importance des moyens que réclame une réforme ambitieuse de l'école et souhaitent que l'éducation demeure une priorité politique et financière.
Pour assurer l'égalité des chances, il est essentiel de revoir notre système et nos pratiques d'orientation pour tenir compte des réalités du marché du travail. Plus que le nombre de lycéens ou d'étudiants, est en cause notre incapacité à éclairer les choix des jeunes vers des voies de formation qui ne soient pas des impasses. Le maquis que constitue notre système scolaire aux yeux de bien des élèves et des parents, l'ignorance trop fréquente des professeurs de l'enseignement général de la réalité de la formation technologique et professionnelle comme de la vie économique et des entreprises doivent conduire à revoir tout notre système d'information et d'aide à l'orientation et ceci dès le collège. Il convient donc de renforcer la formation et le nombre des conseillers d'orientation dans les établissements, tout en prévoyant des rencontres plus fréquentes avec les élèves afin d'assurer un véritable suivi individualisé. Les contacts avec le monde de l'entreprise et le monde étudiant devront être multipliés au collège et au lycée afin de sensibiliser les élèves aux choix qui s'imposeront à eux.
La formation professionnelle doit retrouver toute sa place dam l'enseignement. Il n'est pas question ici de remettre en cause le principe du collège unique, conçu comme un lieu de rencontres entre élèves aux parcours différents, et illustrant à ce titre le principe du creuset d'intégration républicain. Il faut cependant valoriser davantage la formation en alternance, notamment grâce à l'institution d'une filière unique accessible dès l'âge de 14 ans, prémisse d'une grande filière professionnelle permettant d'accéder à des formations de qualité à tous les niveaux. Tout comme la formation continue, l'alternance doit également entrer dans la préparation des maîtres à leur métier, afin de réconcilier les volets pédagogique et théorique de l'activité des enseignants.
Dans cette perspective, voilà plusieurs années déjà, les radicaux ont formulé une proposition originale qui reste d'une singulière actualité, si l'on aspire à ce que l'enseignement technique cesse d'être considéré comme une branche inférieure, et en quelque sorte roturière, du système éducatif. Cette proposition consiste à inclure dans l'ensemble des études sanctionnées par le baccalauréat d'enseignement secondaire l'acquisition d'un certificat d'aptitude professionnelle. Ce couplage du baccalauréat et du CAP conduirait tous les élèves des établissements secondaires à s'exercer à une activité pratique professionnelle ou à une formation d'ordre artistique. Bien évidemment ces activités pourraient recouvrir une grande variété de domaines et conduire au développement d'aptitudes pratiques utiles même pour des études ultérieures plus abstraites : ainsi l'apprentissage généralisé de la dactylographie ne nuirait certainement en rien à l'exercice ultérieur de professions intellectuelles ou libérales.
L'école doit, par ailleurs, redevenir le lieu où les enfants sont protégés contre les agressions extérieures pour se consacrer entièrement et en toute sérénité à l'apprentissage du savoir et à la formation de leur esprit critique. La violence à l'école doit être combattue, non seulement par des mesures d'urgence et de répression (encadrement, meilleur filtrage des élèves), mais aussi, surtout peut-être par l'intégration des questions scolaires dans un plan d'ensemble d'intégration, qui passe par la définition d'une politique de la ville ambitieuse et par la résorption du chômage.
De ce point de vue, l'adaptation des rythmes scolaires contribuera à une meilleure intégration des futurs citoyens dans la vie de la cité. Des quelques expériences-pilotes existantes, elle doit s'étendre d'abord à l'ensemble des quartiers sensibles, puis à la totalité du territoire national. Elle se traduira par un rééquilibrage des apprentissages fondamentaux et des activités d'éveil. Elle suppose également une réforme du contenu des enseignements qui doit éviter l'écueil de l'encyclopédisme et généraliser l'apprentissage précoce d'une langue étrangère. Une telle réforme ne sera possible que grâce à la généralisation de la formation continue pour les enseignants, qui devient ainsi un impératif d'adaptation de notre système éducatif.
L'université a aussi besoin de réformes profondes. Il faut replacer l'étudiant au point de rencontre des activités d'enseignement et de recherche. Il est indispensable de réformer le premier cycle universitaire pour mieux assurer la transition du secondaire au supérieur grâce à l'institution d'un enseignement général et « propédeutique ». Il est également urgent de redéfinir le statut de l'étudiant par une allocation plus équitable des aides et des bourses et en permettant aux universités de tenir compte des revenus des parents pour décider du montant des droits d'inscription à payer par l'étudiant (dans les limites d'une fourchette définie au plan national). La réforme de l'enseignement supérieur suppose de favoriser davantage les liens entre l'université et l'entreprise et de revoir le recrutement et le statut des enseignants du supérieur, aujourd'hui recrutés sans aucune transparence et sur des critères de recherche et non d'enseignement. Il convient également de généraliser à l'ensemble des cursus la pratique d'un semestre européen de mobilité.
Il est enfin indispensable de dégager des ressources supplémentaires pour doter les universités des moyens convenables de leur fonctionnement quotidien. La faiblesse des dotations que nous avons accordées à l'enseignement supérieur au cours des dix dernières années est particulièrement inquiétante et doit nous inciter à un effort particulier pour rejoindre le niveau de nos principaux partenaires européens.
Le service national : préserver l'esprit de défense
Notre pays s'oriente aujourd'hui vers une armée professionnalisée dont les crédits seront réduits de l'ordre de 30 % à l'horizon des années 2015.
La présence de la France dans le monde, sa participation aux missions de paix internationales sous l'égide de l'ONU, ta construction de la Politique européenne de sécurité commune et le soutien à des pays amis ou alliés nécessitent sans doute une plus grande professionnalisation de nos armées : la protection d'intérêts jugés essentiels la sécurité de notre pays implique en effet la projection des forces hors des frontières nationales.
Mais, s'il est vrai que la menace n'est plus ce qu'elle était avant la chute du mur de Berlin, nos inquiétudes n'ont pas pour autant disparu : la Russie – instable et imprévisible – reste dotée d'un potentiel considérable, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient sont explosifs et le danger intégriste permanent.
Dans ces conditions, compter sur la seule dissuasion nucléaire pour défendre notre sol comporte bien des risques.
Il n'y a d'ailleurs pas que le danger extérieur ; la sécurité intérieure peut à tout moment nécessiter l'intervention de l'armée, si les forces du maintien de l'ordre, les CRS et la gendarmerie se trouvaient débordées. Il ne s'agit pas là d'une hypothèse d'école : les phénomènes de violence urbaine le démontrent.
Sans doute devait-on réduire les dépenses, mais préservons au moins l'essentiel ! Face à une situation de crise, il faut conserver le recensement des classes d'âge et maintenir une période de quelques semaines destinée à l'information civique et militaires des jeunes.
C'est en tout cas pour le Parti Radical la solution minimale ; pour que vive en chacun de nous cet esprit de défense, une défense qui doit être l'affaire de tous les citoyens, nous veillerons au contenu et à la durée du « rendez-vous citoyen », pour en faire le lieu et l'occasion d'un bilan individuel d'ensemble au seuil de l'entrée dans la vie active.
Non, le service de la Partie n'est pas un service inutile…
3. De la maîtrise du territoire à l'intégration sociale
Pour une politique d'aménagement du territoire ambitieuse
La solidarité, c'est également le développement harmonieux et équilibré du territoire national. La lutte contre les inégalités géographiques doit faire jouer la solidarité entre les individus et les collectivités territoriales, à travers une politique de la ville ambitieuse dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire. En pointe dans les années 1950 1970, la politique publique d'aménagement du territoire a connu, ces dernières années, un relatif déclin d'intérêt. Mais en 1994 un tournant a été pris en y a associant l'ensemble de la population à travers l'organisation du Grand Débat National lancé par le Gouvernement, et en complétant « l'aménagement » du territoire par la notion de « développement ». Par là-même, c'est une dimension nouvelle, dynamique, qui est conférée à une politique dont l'ambition est de permettre à l'homme d'évoluer dans un espace harmonieux et adapté.
Pour réussir cette ambition, il faut de la volonté politique et l'imagination de voies originales dans le respect des grands principes républicains.
Affirmer une autorité politique : L'aménagement du territoire doit relever du Premier ministre. Touchant à la plupart des départements ministériels, il nécessite, en effet, de nombreux arbitrages. Confier cette politique au Chef du Gouvernement, c'est démontrer la réelle implication du pouvoir.
Rattaché au Premier ministre, un Haut conseil pour l'aménagement du territoire aurait pour principale mission de coordonner les actions de la DATAR et du Commissariat général du plan, et d'intégrer la nécessaire interpénétration entre la planification et l'aménagement du territoire. Ce Haut conseil serait composé de représentants de l'État (administrations, entreprises publiques, etc.) et de personnalités politiques représentants les communes et leurs groupements, les départements et les régions.
Le Parlement doit être associé plus étroitement à l'élaboration et à la conduite de la politique d'aménagement du territoire. A l'instar de ce qui existe déjà, par exemple pour les grandes options militaires, la discussion de lois de programmation pluriannuelle, présentées par le Gouvernement, permettrait d'engager régulièrement un débat public de fond sur les questions relatives à la gestion de notre espace, et d'assurer une plus grande continuité, ne serait-ce que par la définition de lignes budgétaires sur plusieurs années. Le contrôle doit s'exercer pleinement en ce qui concerne l'aménagement du territoire. A cet effet, complétant l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques mis en place en 1996, et qui a une vocation budgétaire, il paraît judicieux de créer un Office parlementaire pour la planification et l'aménagement du territoire, qui effectuerait des missions d'information sur des points directement liés à l'aménagement du territoire, et qui fournirait régulièrement bilans et évaluations de l'application des lois de programmation pluriannuelle.
Dégager de nouvelles voies : Plusieurs programmes, pour la plupart définis par la loi sur l'aménagement et le développement du territoire de 1995, sont actuellement en cours d'expérimentation. L'un des plus significatifs est très certainement la mise en place des « pays », qui bouleversent les entités administratives classiques et privilégient les identités géographiques, historiques, culturelles et économiques. Encourageant l'intercommunalité, les pays délimitent des zones dans lesquelles une complémentarité peut être obtenue, à la fois par la diversification des activités économiques, et par le maintien de services publics.
La création d'un fonds national pour le développement des entreprises soutiendrait efficacement l'activité économique, de façon très pragmatique : tout franc privé y serait doublé d'un franc public. L'investissement serait par ailleurs relancé par le lancement de grands emprunts régionaux, pour financer à ce niveau de grands travaux d'utilité publique.
L'instauration de zones de revitalisation rurale s'inscrit dans la volonté de mettre en place des dispositifs spécifiques aux zones rurales fragiles, tout comme les zones urbaines défavorisées sont prises en compte dans le cadre de la politique de la ville. Trois critères sont pris en considération : le déclin de la population totale, celui de la population active, le taux de population active agricole.
Ce traitement spécifique ne doit pas entrer en contradiction avec les grands principes républicains ; Au contraire, loin de remettre en cause le principe d'indivisibilité du territoire, l'instauration des pays et des zones de revitalisation rurale participe du processus visant à garantir l'égalité des chances et l'accès pour tout citoyens aux services publics. Il s'agit d'une « discrimination positive », qui doit répondre à l'état d'urgence dans lequel se trouvent les zones les plus fragiles.
La politique d'aménagement du territoire doit aussi tenir compte de l'évolution de l'agriculture française. Il n'est aujourd'hui plus possible d'opposer les villes aux campagnes. C'est pourquoi il faut jouer leur complémentarité par la mise en place de structures liant les villes aux campagnes, en mettant l'accent sur le logement social en zone rurale. L'institution d'un statut de l'entrepreneur rural permettant la pluriactivité, le respect de l'environnement et le développement du tourisme vert est un impératif pour faciliter la reconversion de certaines zones rurales et éviter la désertion des campagnes. Cette évolution va de pair avec l'adaptation de la politique agricole commune à la dynamique d'élargissement de l'Union européenne, dans le sens d'une diversification des activités rurales et d'une responsabilisation des entrepreneurs ruraux.
Changer la ville
Le renforcement de la politique de la ville suppose des moyens supplémentaires et la rationalisation de leur usage. Au niveau gouvernemental, la politique de la ville devra privilégier concertation interministérielle et contrats entre État et villes. L'État s'attachera à privilégier les structures intercommunales dans l'attribution des aides. C'est d'abord à l'échelon municipal que doit se négocier le « contrat social de proximité » pour sortir de l'engrenage : chômage, errance, maladie. Il faut également mieux organiser la ville par une répartition plus harmonieuse de l'habitat social, en généralisant les services publics de proximité (politique de « points publics » et mise en place d'écrivains publics dans les mairies) et en facilitant l'accès aux transports en commun.
I faudra également redonner à chacun le sens de la vie et des références communes ainsi que les bases de la citoyenneté, en développant les consultations de la population, en privilégiant la prévention de la délinquance, notamment par le sport, et en facilitant l'action des associations.
Au moment où le chômage, la drogue et la violence touchent une partie de la jeunesse, il convient de rappeler la vocation première du sport à rassembler et à créer des liens de solidarité. S'il n'est pas un remède miracle, le sport – véritable école de vie, de dynamisme et d'enthousiasme – permet de lutter efficacement contre le désoeuvrement et le mal de vivre, en particulier dans les grands ensembles urbains. Dans un environnement fragilisant qui conduit parfois à des comportements violents, l'activité sportive peut servir de thérapeutique dérivative à l'agressivité, en même temps qu'elle constitue un apprentissage de la tolérance et du respect d'autrui.
Le mouvement sportif doit être un des piliers de la prévention en direction des populations en voie de marginalisation ; il faut lui en donner les moyens juridiques, matériels et humains, qui seuls lui permettront de remplir sa vocation traditionnelle et les missions nouvelles qu'il doit assumer.
Nous proposons donc de prélever 1,8 % sur le prix de vente de chaque paquet de cigarettes, ce qui rapporterait environ un milliard de francs ; cette somme alimenterait un Fonds de compensation en faveur du sport dont l'objectif serait de financer des emplois sportifs.
Quant au Fonds national pour le développement du sport – le FNDS – qui subventionne le sport de masse, il faut stabiliser ses crédits autour de un milliard de francs. Le fond étant financé par un prélèvement de 2,4 % sur les sommes encaissées par la Française des jeux, il faudrait porter ce taux à 3 %, pour lui permettre de mieux assurer sa mission de soutien à la pratique du sport et aux associations sportives qui en sont le vecteur.
III. – Le choix de la citoyenneté
1. Rendre le pouvoir aux citoyens
Rapprocher le pouvoir des citoyens est un défi majeur à relever pour éviter que les citoyens ne se tournent encore davantage vers l'extrémisme et la violence. L'action sur les causes du malaise social (chômage, exclusion) ne saurait être dissociée d'une action civique spécifique indispensable à la cohésion sociale. Cette action doit commencer par une campagne d'information et de mobilisation civique incitant les citoyens à s'inscrire sur les listes électorales. En effet, on constate que depuis dix ans, le nombre des inscriptions a considérablement baissé, ce qui mesure l'affaiblissement de l'esprit civique dans notre pays. Une disposition symbolique pourrait également inciter nos concitoyens à participer plus activement à la vie civique de notre pays : elle consiste à comptabiliser les votes blancs de manière séparée lors des élections, car ceux qui votent blanc souhaitent que leur voix soit entendue, Ces incitations ne suffiront pas à réconcilier les citoyens et la politique, mais elles constituent un geste dans le sens d'une meilleure compréhension entre le peuple et ses élus.
Une nouvelle organisation des pouvoirs
La République doit s'adapter à la diversification des sources et des niveaux de pouvoirs et secréter ses propres contre-pouvoirs. Face à la puissance de l'appareil d'État, la sauvegarde prérogatives du parlement doit lui permettre de s'ériger en contre-pouvoir. Or force est de constater que, malgré les récentes réformes constitutionnelles, le déséquilibre subsiste entre l'exécutif et le législatif. Au-delà de la session unique du Parlement, qui a indéniablement permis d'améliorer le travail parlementaire, il convient de poursuivre la modernisation du pouvoir législatif, en lui permettant d'exercer pleinement son rôle de contre-pouvoir. Le transfert des corps de contrôle et de la documentation publique sous la responsabilité du Parlement, de même que la simplification de la procédure budgétaire, qui absorbe une grande partie de la session, constituent des éléments de réponse au problème du déséquilibre entre les pouvoirs. En vigueur dans de nombreuses assemblées parlementaires, la règle du vote personnel non transmissible pour les parlementaires serait également de nature à responsabiliser ces derniers. Mais il faudra sans doute aller plus loin et réduire de 7 à 5 ans la durée du mandat du Président de la République, en limitant à une seule fois la possibilité de renouvellement immédiat de ce mandat.
Mais au-delà du pouvoir d'État, la République a changé de visage. D'un pouvoir exclusivement centralisé on est passé en l'espace d'une décennie à un renforcement des pouvoirs locaux grâce à la décentralisation, même si celle-ci reste encore timide comparée à l'organisation de pays voisins. De nouveaux enjeux de pouvoir ont vu le jour, de nouvelles responsabilités également. Devant les difficultés liées à l'apparition de ces nouveaux pouvoirs locaux, certains préconisent une recentralisation. Telle n'est pas la position des radicaux, qui considèrent que les abus et excès de la décentralisation doivent être corrigés par l'amélioration du contrôle démocratique. A l'État d'accompagner la décentralisation par une meilleure déconcentralisation de ses services. Seule cette politique de déconcentralisation permettra de rapprocher véritablement les citoyens du niveau de décision administrative. C'est en particulier par une plus grande souplesse dans la gestion des services publics locaux que l'État parviendra à jouer pleinement son rôle de correcteur des inégalités géographiques dans la politique d'aménagement du territoire.
Pour améliorer l'efficacité administrative, les radicaux proposent une règle simple : que l'instruction de tout dossier (permis de construire, etc.) soit limitée dans le temps entre la date du premier avis et la décision finale et que, par un « état des lieux » périodique, le citoyen puisse suivre l'évolution et l'aboutissement du traitement de son dossier.
Enfin, avec la signature du traité de Maastricht, c'est l'ébauche d'une Europe politique qui a vu le jour. La France est engagée dans une entité européenne qui suppose, outre une étroite coopération économique. La définition d'un projet politique commun et les transferts de pouvoirs qui l'accompagnent.
Ces évolutions vont sans aucun doute bouleverser la conception que nous nous faisons de la Nation française et la culture politique dans notre pays. La prise en compte et la connaissance de ces trois niveaux de pouvoir : État républicain, pouvoir décentralisé et échelon européen doivent rapidement s'intégrer à la culture de tout élu, local, national ou européen, de tout responsable administratif, et pour tout dire, de tout citoyen français. Déjà, la haute fonction publique française a pris les devants en intégrant dans sa formation la sensibilisation à ces trois réalités politiques. Ce mouvement se généralisera ; l'État aura une responsabilité particulière pour l'accompagner.
Donner un nouveau souffle à la décentralisation
A la recherche d'un second souffle, la décentralisation constitue un acquis démocratique essentiel : elle a permis de rapprocher sensiblement le pouvoir des citoyens, malgré les difficultés de sa mise en oeuvre et les abus qui en ont parfois résulté.
Il faut l'améliorer en développant l'intercommunalité et en privilégiant l'échelon régional, appelé à jouer un rôle important dans le cadre européen. Cette évolution suppose une modification du mode de scrutin régional afin de permettre au Conseil régional de bénéficier d'une majorité claire. Il conviendrait donc d'instituer un scrutin de liste à la proportionnelle à un tour dans le cadre départemental avec prime majoritaire au niveau régional. Cette réforme aurait l'avantage de dégager une majorité, tout en respectant le droit des minorités et en garantissant la représentation des départements.
Il faut ensuite clarifier les niveaux de décision en limitant le cumul des responsabilités politiques. Cette limitation ne doit pas se borner au nombre des mandats détenus ; elle doit également porter sur la nature des fonctions occupées. Ainsi, le cumul de plusieurs fonctions exécutives telles les fonctions ministérielles et la fonction de Président de conseil régional doit-il être proscrit, ne serait-ce que parce qu'il est peu compatible avec l'exigence d'impartialité de l'État, par exemple dans le cadre des contrats de plan passés entre l'État et la région.
Par ailleurs, on peut considérer qu'à terme, pour rendre au parlementaire ses missions de législateur et de contrôle de l'exécutif il faudra plus clairement distinguer mandats nationaux et des mandats locaux. Cette distinction tend à se renforcer, dans la plupart des démocraties modernes occidentales.
Il faut enfin clarifier les compétences et les financements de la décentralisation. En plus de réformes de bon sens, comme la révision des bases cadastrales, il est aujourd'hui urgent de revoir une fiscalité directe locale, par trop complexe. Cette révision doit avoir deux objectifs : simplifier et responsabiliser.
Il est capital de parvenir à une meilleure clarté des finances locales. Afin que les collectivités locales soient pleinement autonomes et responsables, leurs recettes ordinaires doivent émaner de l'impôt. Par ailleurs, elles peuvent toujours, dans le cadre de la loi, recourir à l'emprunt pour financer leurs investissements. L'achèvement du processus de décentralisation suppose, à terme, le transfert aux collectivités locales de charges aujourd'hui financées par des dotations de l'État. Destinée à permettre aux élus locaux de disposer des moyens de leur politique, une telle réforme aura pour effet de confier aux collectivités territoriales le soin de collecter une partie de l'impôt aujourd'hui prélevé directement par l'État.
Nous retenons, comme orientation d'ensemble, le principe de la spécialisation des impôts locaux : à un impôt correspond une collectivité locale par exemple la taxe d'habitation à la commune, la taxe professionnelle à l'agglomération les taxes foncières au département et une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers à la région ; cette, spécialisation ne peut être absolue car des ajustements peuvent se révéler indispensables en cas de déséquilibres ou de variations brutales.
La simplification des finances locales repose également sur une clarification des compétences des collectivités locales. En matière de financements croisés, la désignation contractuelle d'un chef de file par projet permettra une meilleure responsabilisation des acteurs, sans que cela ne consacre une quelconque tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre.
Améliorer le fonctionnement de la justice
La place faite à la justice dans une démocratie est tout à fuit significative de sa tradition politique et de la réalité de l'État droit sur son territoire. Afin de soustraire le fondement de la justice aux pressions politiques ainsi qu'aux jeux de pouvoirs, la France est attachée à la notion d'autorité judiciaire, par opposition à celle de pouvoir judiciaire. La neutralité politique de la justice est en effet indispensable à sa double fonction d'équité et de protection de l'intégrité physique et morale des citoyens. Pour rendre la justice en toute équité, il faut pouvoir bénéficier de la sérénité requise, ce qui suppose évidemment qu'on ne soit soumis à aucune injonction politique. Cela implique également que les pressions de l'opinion publique et des médias ne deviennent pas prépondérantes. En d'autres termes, il ne suffit pas qu'il y ait séparation des pouvoirs et de l'autorité judiciaire, encore faut-il jouir de la discrétion qui sied au travail d'enquête et à l'accumulation de prouves préalables au procès. D'où le principe du secret de la procédure d'instruction judiciaire en vigueur dans le droit français, qui vise, non seulement à garantir la sérénité du juge, mais aussi et surtout à préserver les droits des personnes mises en cause dans une procédure judiciaire. Le fonctionnement de la justice est régulièrement entravé par des violations du secret de l'instruction et par une utilisation abusive de la mise en détention provisoire, véritable instrument de pression psychologique sur les personnes mises en examen pour les contraindre à l'aveu.
Face à ces dérives judiciaires, il est urgent de réaffirmer le principe de l'habeas, corpus, c'est-à-dire du droit pour tout individu à disposer de sa personne, parce que la démocratie ne peut s'accommoder de pratiques arbitraires contraires aux principes fondamentaux du droit. Seule l'application de la loi peut garantir l'existence d'un véritable état de droit. Une question demeure cependant en suspens une fois réaffirmés les principes fondamentaux sur lesquels il est inconcevable de transiger, et c'est celle de la possibilité de faire appliquer la loi. Comment en effet s'assurer du respect du secret de de l'instruction alors qu'en droit français, tous ceux qui interviennent dans une procédure d'instruction ne sont pas soumis aux mêmes obligations, seul le juge d'instruction étant astreint au secret de l'instruction et les avocats étant simplement soumis au secret professionnel par exemple ?
La tradition pénale française est celle d'une procédure inquisitoire, qui comprend une phase d'enquête ou d'instruction, soumise au secret, et pendant laquelle le justiciable ne dispose d'aucun moyen de se défendre face à la violation du secret. A l'opposé, on trouve la tradition britannique de la procédure dite accusatoire, fondée sur une accusation publique et une suite de débats contradictoires. Certains préconisent de s'orienter vers une procédure accusatoire. Outre, que cette procédure ne correspond pas à la tradition française, il faut garder à l'esprit que dans le système britannique, c'est la police qui procède au travail d'enquête, ce qui, compte tenu du fait que les services de police sont largement dépendants du ministère de l'intérieur, ne constitue sans doute pas la meilleure garantie de protection de la liberté individuelle. En conséquence, les mesures qui devraient être prises devraient consister à aménager la procédure d'instruction en rendant public son aspect contradictoire, c'est-à-dire les débat devant la Chambre d'accusation, à ouvrir et à aménager enfin plus largement et plus complètement le droit de réponse, de sorte que la personne mise en cause ait les moyens de s'expliquer si elle l'estime nécessaire.
En matière d'incarcération provisoire, la dernière réforme n'a pas retenu le détachement de la fonction d'instruction de celle ayant pour objet de statuer sur la privation de liberté pour remplacer ce dispositif par un système de référé devant le Premier président, qu'on a appelé référé liberté. Compte tenu des résultats obtenus, il serait probablement préférable de revenir au dispositif antérieur et de faire en sorte que le juge d'instruction ait besoin d'une décision des juges du siège pour décider de l'incarcération du mis en examen. Cela permettrait probablement de mettre fin à un triste record français qui est celui de l'incarcération préventive.
Les radicaux accueillent favorablement la réforme des cours d'assises qui permettra d'instituer une procédure d'appel dans le cadre du droit pénal criminel. En effet, alors que dans toutes les procédures judiciaires, la possibilité de faire appel d'une décision de justice est prévue, il est particulièrement choquant que pour ce qui concerne les accusations les plus graves et les peines encourues les plus lourde, aucun recours ne puisse être envisagé pour les justiciables. Cette injustice est d'autant plus criante que, dans le cas des cours d'appels, le jury populaire n'a pas à motiver sa décision puisque les jurés se fondent uniquement sur leur intime conviction. Il est donc indispensable de prévoir deux degrés de jugement, tout en demandant au jury populaire, dont les radicaux souhaitent le maintien en première instance, de motiver sa décision pur faciliter la procédure d'appel.
Mieux organiser les pouvoirs, c'est aussi permettre à l'autorité judiciaire d'exercer sa mission dans des conditions matérielles convenables. C'est pourquoi un effort financier important doit être consenti pour remédier au manque de moyens humains et financiers qui bloque aujourd'hui le fonctionnement de la justice. Les radicaux considèrent que le pays des droits de l'homme ne peut s'accommoder des lenteurs excessives qui portent atteinte au droit fondamental de tout individu à être jugé dans un délai raisonnable. C'est pour cette raison qu'ils préconisent la poursuite et l'accroissement continu de l'effort budgétaire en faveur de la justice.
2. Pour une « citoyenneté universelle »
Vers une réforme des institutions internationale
Le renforcement de notre démocratie suppose également la promotion des principes qui guident notre action au plan international, dans la perspective d'une sorte de « citoyenneté universelle » que la France a naturellement vocation à défendre au sein du concert des nations. La démocratisation du droit international qui, compte tenu de la mondialisation des échanges, correspond à notre intérêt bien compris, passe par une réforme de l'action et des institutions internationales dont le principal est l'ONU.
Aujourd'hui l'ONU se voit souvent paralysée dans son action et se trouve réduite à une politique attentiste voire condamnée à une figuration-alibi. Il faut la réformer et renforcer sa légitimité.
Construire un ordre mondial, ce n'est plus une utopie, c'est une urgence. Certains débats ne peuvent être envisagés sans cette référence dès lors que des enjeux décisifs ne peuvent être maîtrisés à l'échelle des nations, comme le contrôle des ressources maritimes ou la protection du patrimoine naturel. L'un des premiers, le droit de la mer (convention de Montego Bay) a tenté de concilier revendications souveraines et contraintes nées de l'internationalisation. Mais le refus des États-Unis et de la Grande Bretagne de s'y associer au nom d'un prétendu « libéralisme » rend impossible son application.
En matière de droit de l'environnement, les difficultés sont comparables. La conférence de Madrid a certes permis de faire de l'Antarctique une « réserve naturelle mondiale » mais le sommet de la terre (Rio 1992) n'a débouché que sur des normes juridiques très limitées. Le problème est donc aujourd'hui de trouver les voies pour concilier la souveraineté des États et la mise en oeuvre de nouvelles règles du jeu dans le fonctionnement du système international.
La légitimité de L'ONU doit en conséquence être renforcée par une amélioration de son efficacité selon quelques principes simples : créer un conseil de sécurité économique, élargir le « club » des membres permanents du conseil de sécurité, admettre le principe du droit d'ingérence humanitaire au rang des principes du droit international, donner à l'ONU les moyens militaires lui permettant d'assurer ses missions de maintien de la paix, voilà autant d'éléments susceptibles de renforcer l'institution.
Le succès de ces réformes suppose en outre que l'Organisation dispose de moyens d'actions suffisants. C'est pourquoi, il faut doter l'ONU, rénovée de ressources propres, soit par l'institution d'un impôt international, soit, plus vraisemblablement, par la mise en place d'un marché des changes organisé, placé sous la tutelle de l'ONU. Cette institutionnalisation des échanges de devises permettrait de faire baisser les prix des transactions et les sommes considérables en jeu fourniraient, par de faibles commissions, à l'Organisation le moyen de dégager des ressources importantes à côté des subventions versées par les nations. Une telle manne pourrait, en particulier, être utilisée pour financer l'aide internationale au développement, qu'il s'agisse des équipements, de l'aide alimentaire d'une politique mondiale de la population.
Facteur d'aggravation des déséquilibres entre pays riches et pays pauvres, la croissance démographique mondiale ne pourra être contenue que par une politique volontariste des gouvernements. Comme l'ont rappelé les participants à la conférence du Caire dans une résolution commune, la maîtrise des naissances devra passer par une politique d'information et de sensibilisation des populations tendant à favoriser les voulues plutôt que contraintes. Mais il faudra aller bien au-delà et consacrer des fonds internationaux aux politiques sociales, ainsi qu'aux politiques de de santé publique des pays en voie de développement, notamment pour y faire prévaloir, dans une perspective humaniste, la liberté des choix individuels, en particulier pour les femmes.
En guise de conclusion
Les perspectives et les pistes de réflexion esquissées dans ce document se réfèrent aux valeurs et à la philosophie qui, depuis la révolution française, ont contribué à ancrer la doctrine radicale au coeur de la modernité.
Loin de se complaire dans une contemplation mélancolique d'un passé révolu, les radicaux souhaitent au contraire souligner l'actualité et la cohérence de ces valeurs qui sont celles de la république et des républicains.
Le souci d'apporter une réponse républicaine et humaniste aux questions d'aujourd'hui constitue également une réplique appropriée à la montée des extrémistes dans le monde et dans notre pays. C'est en expliquant sans cesse la cohérence de la politique que l'on propose, en s'adressant à l'esprit critique de nos concitoyens, en privilégiant la rationalité sur les passions quotidiennes que l'on combattra sérieusement l'extrémisme politique qui s'est installé depuis plus de dix ans dans notre paysage politique.
Les attitudes adoptées jusqu'à présent à l'égard de l'extrême droite se sont révélées impuissantes à faire reculer le populisme et l'intolérance, qui s'appuient sur les difficultés économiques et sur la dilution du lien social qui en résulte. Ni l'ignorance médiatique, ni la caricature outrancière ne constituent des réponses susceptibles de faire reculer l'extrême droite en France, parce qu'elles consistent davantage à ignorer le problème plus qu'à chercher à le résoudre.
La montée des extrêmes doit être prise au sérieux, car elle symbolise la détresse, le désespoir et l'exclusion d'une part croissante de la population, persuadée que les hommes politiques républicains et modérés sont incapables de résoudre ses problèmes.
C'est donc en proposant un projet ambitieux et cohérent, soucieux de justice et de cohésion sociale, et en l'expliquant de la manière la plus claire, que l'on parviendra à combattre l'extrémisme. Argumenter, dialoguer, débattre, tels sont les ressorts essentiels la démocratie que les extrémistes tentent, parfois avec succès, de mettre à mal. C'est pourquoi, il est essentiel, si l'on part du principe que le Front national doit être pris aux sérieux, d'engager une stratégie fondée sur l'analyse précise des implications idéologiques des propositions démagogiques de l'extrémisme sous toutes ses formes.
C'est à ce souci d'explication et de cohérence politique que tente de répondre notre projet humaniste, laïc, social et européen, dans la continuité des valeurs fondamentales du radicalisme.