Interview de Mme Elisabeth Borne, ministre des transports, à BFMTV/RMC le 11 juin 2019, sur la politique des transports, notamment la loi d'orientation Mobilités.

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Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elisabeth BORNE, bonjour.

ELISABETH BORNE
Bonjour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ministre des Transports. Loi Mobilités à l'Assemblée nationale, fin de l'examen de cette loi fin de la semaine, c'est cela. Elisabeth BORNE, vous confirmez : en 2040, dans vingt-et-un ans, aucune voiture essence ou diesel, - voiture neuve, véhicule neuf - ne sera vendue en France.

ELISABETH BORNE
Je vous confirme que c'est l'objectif qui va être maintenant dans la loi. On a un objectif de neutralité carbone en 2050 et on a voulu avoir une trajectoire crédible pour atteindre cet objectif, ce qui passe notamment par l'arrêt des ventes des véhicules qui consomment des énergies fossiles en 2040.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc 2040. Pourquoi n'arrive-t-on pas à faire aussi bien que l'Allemagne qui prévoit la fin de ces véhicules à énergies fossiles en 2030 ? A moteur thermique.

ELISABETH BORNE
Je ne pense pas que l'Allemagne ait inscrit cela dans sa loi. Je suis même sûre que l'Allemagne n'a pas inscrit ça dans la loi. Du reste, aucun pays européen n'a inscrit ce type d'objectif dans sa loi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La Norvège, qui n'est pas dans l'Union européenne mais qui est associée à l'Union européenne, a inscrit ce choix : 2025. Donc ils font beaucoup mieux que nous.

ELISABETH BORNE
Ils n'ont pas de constructeur automobile.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est pour ça donc.

ELISABETH BORNE
Non, mais attendez. Je pense que l'idée, ce n'est pas simplement d'annoncer des objectifs dans la loi. C'est d'avoir une trajectoire crédible pour y parvenir. Ça suppose évidemment qu'on accompagne nos constructeurs automobiles pour qu'ils proposent des modèles électriques, des modèles à hydrogène, des modèles éventuellement avec du biogaz et c'est bien ce qu'on fait. C'est l'objectif qu'on a fixé depuis le début du quinquennat. C'était le plan climat que Nicolas HULOT avait annoncé à l'été 2017 et donc on inscrit maintenant cet objectif dans la loi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pourquoi pas 2030 aux Pays-Bas ? 2030 ?

ELISABETH BORNE
Vous savez, je pense que cet objectif il est très ambitieux. Très ambitieux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils n'y arriveront pas ?

ELISABETH BORNE
Je ne sais pas si…

JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Allemagne n'y arrivera pas. Parce que l'Allemagne construit des véhicules automobiles.

ELISABETH BORNE
Je ne sais pas si la Norvège achètera des véhicules chinois. Nous, on veut avoir un objectif qui entraîne l'ensemble des acteurs, y compris les constructeurs automobiles. Vous savez, c'est quatre cent mille emplois.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.

ELISABETH BORNE
Et cet objectif, il est cohérent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement, le problème c'est qu'il faut préserver les emplois ou il faut assurer la transition.

ELISABETH BORNE
Oui, il faut assurer la transition. On a bien vu que quand on veut aller trop vite, c'est par exemple ce qu'on a pu voir sur la taxe carbone, les gens ne suivent pas. Donc il faut des objectifs. C'est ceux qu'on a annoncés au début du quinquennat dans le plan climat, ceux que Nicolas HULOT avait annoncés. Il faut aussi développer des infrastructures, des bornes de recharge, si on veut développer les véhicules électriques et donc c'est une trajectoire cohérente pour y arriver.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les bornes de recharge justement, que prévoit la loi ?

ELISABETH BORNE
La loi, elle prévoit par exemple de diviser par deux le coût de ces installations et elle prévoit aussi de diviser par deux les délais pour…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour un particulier diviser par deux ?

ELISABETH BORNE
Pour un particulier dans sa copropriété. Aujourd'hui c'est très long quand vous voulez mettre une borne de recharge dans votre garage, donc on a simplifié les procédures pour que ce soit plus rapide. Il y a un véritable droit à la prise quand vous êtes dans une copropriété…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que je peux demander, si je suis dans une copropriété, je peux demander l'installation d'une borne.

ELISABETH BORNE
Absolument, absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour recharger ma voiture.

ELISABETH BORNE
Je pense que ce qui est important, c'est d'avoir une trajectoire cohérente. Il ne suffit pas d'inscrire des objectifs dans la loi, on se fait plaisir. Il faut un objectif ambitieux, crédible et un ensemble de mesures pour y arriver.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout à l'heure je recevais Delphine BATHO qui a cosigné avec Matthieu ORPHELIN un amendement visant à interdire la publicité à la télévision, dans la presse, au cinéma pour les voitures qui émettent plus de soixante grammes de CO2 par kilomètre. En fait, tous les véhicules à moteur thermique. Vous soutenez ou pas.

ELISABETH BORNE
On a fait mieux. En commission, on a adopté un amendement qui dit qu'à chaque fois qu'on fait une publicité pour une voiture, on doit passer un message pour encourager les transports en commun, les mobilités actives : par exemple, le vélo. Donc ça, ç'a déjà été voté en commission.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mieux ?

ELISABETH BORNE
Oui, je pense que c'est mieux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est comme la loi Evin. Parce que la loi Evin existe. Interdiction de la publicité alcool, tabac.

ELISABETH BORNE
Oui. Alors vous avez aussi les voix qui vous disent « mangez bougez », vous le savez, chaque fois qu'on vous fait une publicité pour des bonbons, on vous dit : « Il faut bouger. » Là, c'est pareil. Quand on vous fait une publicité pour les voitures, on vous dit : « Attention, il faut aussi faire du vélo, les transports en commun. »

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous avez remarqué, Elisabeth BORNE, qu'il n'y a jamais de publicité pour les véhicules, ou très rarement, pour les véhicules électriques ? Vous avez vu ça ?

ELISABETH BORNE
Il y a plein de publicités pour les véhicules électriques.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas beaucoup, pas beaucoup.

ELISABETH BORNE
Il y a des publicités qui vous expliquent…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. 50 % pour les SUV.

ELISABETH BORNE
Enfin, je ne peux pas vous dire que je me réjouis que les Français achètent des SUV alors même qu'on a mis des malus sur ces véhicules. Je pense qu'il faut aussi qu'on se e compte qu'en achetant des véhicules qui consomment moins, c'est aussi moins de dépenses pour son budget et donc c'est aussi important.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vous dis ça, Elisabeth BORNE, parce que l'urgence climatique est là et qu'il faut vraiment accélérer les choses.

ELISABETH BORNE
C'est absolument ce qu'on fait. Vous savez, ce qui est dans la loi, ça respecte l'objectif du GIEC de ne pas dépasser 1,5 degrés de réchauffement climatique et donc on veut baisser de plus de 40 % les émissions de gaz à effet de serre des transports à l'horizon 2030. Mais c'est un ensemble de mesures. C'est trois quarts de nos investissements dans les transports qui vont aller sur le ferroviaire. C'est-ce qu'on fait aujourd'hui avec la prime à la conversion parce que, vous voyez, on peut parler des véhicules qu'on vend en 2030 ou en 2040. Pendant le quinquennat, on va permettre à un million de ménages de remplacer leurs voitures par des véhicules qui consomment moins et donc qui émettent moins de gaz à effet de serre et qui coûtent aussi moins cher. On veut aussi encourager, tripler la part du vélo.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il est temps. Il est temps parce que les émissions de gaz à effet de serre des voitures ont augmenté ces deux dernières années en France.

ELISABETH BORNE
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il est temps.

ELISABETH BORNE
Donc il faut autant que possible permettre aux Français de prendre autre chose que leur voiture ou en tout cas de ne pas la prendre tout seul. C'est par exemple ce qu'on fait en encourageant le covoiturage. Maintenant les collectivités pourront aider les conducteurs ou les passagers qui font du covoiturage. C'est simple : si on a deux personnes dans une voiture, c'est deux fois moins d'émissions de gaz à effet de serre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, évidemment.

ELISABETH BORNE
Donc vous voyez, c'est des mesures qui sont peut-être simples mais qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez concéder certaines routes nationales à de grosses entreprises privées, VINCI ou autres ?

ELISABETH BORNE
Je ne sais pas d'où vient cette rumeur.

JEAN-JACQUES BOURDIN
D'où vient cette rumeur ? J'ai vu, il y a eu des articles de presse.

ELISABETH BORNE
Je ne sais pas, je vous pose la question. Je ne sais pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a eu des articles de presse en février, en mars, en avril. Il n'en est absolument pas question ?

ELISABETH BORNE
Alors, que les sociétés d'autoroutes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Le demandent. Est-ce qu'elles le demandent ?

ELISABETH BORNE
Bien sûr, ça fait des années qu'elles le demandent. Elles continuent à le demander. Rien dans la loi ne change le droit pour les concessions. Par exemple, on ne peut pas allonger une durée de concession sans passer par la loi. Depuis 2015, c'était la loi Macron, il y a un régulateur qui regarde tous les contrats de concession et rien ne change de ce point de vue dans la loi. Je ne comprends pas d'où vient cette rumeur.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc aucune route nationale - aucune route nationale - ne sera concédée.

ELISABETH BORNE
Des routes existantes, aucune route nationale ne sera concédée. Je vous le confirme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les routes existantes, c'est-à-dire ?

ELISABETH BORNE
Les routes qui existent aujourd'hui, elles ne vont pas passer dans des concessions.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les routes futures ? Les routes futures ? Je ne parle pas d'autoroutes.

ELISABETH BORNE
Non, non, non. Il y a un amendement qui a été voté dans la loi qui dit qu'une autoroute, ça peut être à deux fois deux voies, mais quand il y a des contraintes par exemple en montagne, ça peut aussi être des routes à deux fois une voie. Il dit ça l'amendement. Donc demain quand on fera des concessions autoroutières, si on a des contraintes particulières plutôt que de ne pas y arriver ou de faire quelque chose qui coûte très cher, on pourra faire une route à deux fois une voie. Mais évidemment, on n'assouplit pas le droit des concessions.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. On va parler du train, on va parler de l'avion Elisabeth BORNE, mais je voudrais parler de la prime mobilité. On est bien d'accord, vous souhaitez, vous souhaitiez la rendre obligatoire. C'est vrai.

ELISABETH BORNE
Alors je souhaite que tous les Français qui ont des difficultés pour aller à leur travail aient une aide, un accompagnement par l'employeur. Je pense qu'aujourd'hui, il y a effectivement une forme d'injustice puisque quand vous êtes dans une grande ville, vous avez des transports en commun et votre employeur prend en charge 50 % de l'abonnement de transports en commun. Aujourd'hui quand vous habitez dans une petite ville, à la campagne, vous n'avez ni transports en commun ni aide de l'employeur.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes pénalisé.

ELISABETH BORNE
Voilà, vous êtes pénalisé.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous incitez. Mais vous incitez. Pourquoi ne pas avoir rendu cette prime mobilité obligatoire ?

ELISABETH BORNE
Ce qu'on rend obligatoire, c'est le fait que ce soit un thème de dialogue social dans l'entreprise. Donc ça veut dire que les entreprises de plus de cinquante salariés devront avoir une négociation entre l'employeur et les salariés sur la façon dont l'entreprise va aider ces salariés à venir au travail.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et si l'employeur ne veut pas ?

ELISABETH BORNE
Alors si l'employeur ne veut pas, on aura un plan… Enfin s'il n'y a pas d'accord, il y aura un plan d'action qui sera présenté par l'employeur. Mais vous savez, c'est non seulement la prime mais c'est aussi aider par les horaires de travail, faciliter le télétravail, éventuellement faciliter le stationnement des vélos, le branchement de véhicules électriques. Donc moi je suis convaincue que les employeurs peuvent faire beaucoup. Ils nous ont dit, le MEDEF nous a dit : « Vous allez voir, on va faire des choses consistantes. »

JEAN-JACQUES BOURDIN
Jusqu'à maintenant, je n'ai pas vu grand-chose.

ELISABETH BORNE
Non mais attendez, la loi n'est pas encore votée.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord. Mais il y avait déjà des indemnités vélo par exemple. Cent cinquante entreprises seulement.

ELISABETH BORNE
Ce que je peux vous dire, c'est que quand les entreprises font des plans de mobilité, et malheureusement elles en ont trop peu faits, alors on voit que ça change la vie des salariés.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais elles en ont trop peu faits parce qu'on ne les a pas obligées.

ELISABETH BORNE
Voilà. Maintenant, ça devient un thème de négociation obligatoire dans l'entreprise. On a dit qu'on fera un bilan dans dix-huit mois. Soit les employeurs ont apporté des bonnes solutions aux salariés, soit le gouvernement prendra ses responsabilités avec des obligations.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Des obligations. Vous pourriez rendre obligatoire la prime mobilité dans dix-huit mois.

ELISABETH BORNE
C'est bien ce que je vous dis. Moi, j'écoute le MEDEF…

JEAN-JACQUES BOURDIN
J'entends. Parce que vous étiez favorable, vous, à l'obligation. Franchement.

ELISABETH BORNE
Moi ce à quoi je tiens, c'est qu'il y ait des solutions pour tous les salariés pour qui les transports domicile-travail sont une galère. Donc je pense qu'il faut qu'on agisse. C'est ce qu'on fait, notamment en prévoyant de développer le transport ferroviaire, vous savez : tous les gens qui sont pris dans des embouteillages tous les matins pour aller travailler à Bordeaux, à Toulouse ou à Lyon. On va investir 3,6 milliards d'euros dans les dix prochaines années pour passer de cinq cent mille voyageurs par jour à un million de voyageurs par jour dans ces trains régionaux. Donc l'Etat prend ses responsabilités et je pense que chacun doit les prendre. Moi mon objectif, c'est qu'on facilite les déplacements domicile-travail et je pense que le dialogue social sera une bonne façon de trouver des solutions dans les entreprises.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Elisabeth BORNE, pourquoi ne pas baisser la TVA sur les transports, la faire passer à 5,5, par exemple ?

ELISABETH BORNE
Alors, c'est aussi des débats que l'on a eus, c'est évidemment une mesure qui coute des centaines de millions d'euros…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, qui coûtent cher, oui. Mais il y a urgence !

ELISABETH BORNE
Et ce que l'on a pu voir, c'est que quand la TVA, et ce n'est pas moi qui l'ai décidé, elle a augmenté sous le quinquennat de Nicolas SARKOZY et celui de François HOLLANDE, vous savez, elle a augmenté. Maintenant on nous dit : il faudrait la baisser. Bon, ce que je constate c'est que quand elle avait augmenté, en réalité ce n'est pas le prix du billet qui avait augmenté. Donc moi je ne pense pas que ce soit une façon de faire baisser le prix du billet, au demeurant en France il n'est pas très élevé quand on se compare à nos voisins. Donc il faut encourager les transports en commun, je pense que la priorité c'est qu'on ait plus de transports en commun, des transports de meilleure qualité, qu'on facilite aussi l'utilisation des transports en commun, vous avez vu qu'on va ouvrir les données pour que vous puissiez en un seul clic sur votre téléphone, trouver le bus qui vous amène à la gare pour prendre le train et terminer par exemple en réservant un vélo en libre-service. Donc il faut encourager toutes les solutions alternatives à la voiture.

JEAN-JACQUES BOURDIN
La taxation du fret routier, où est-ce qu'on en est ?

ELISABETH BORNE
Alors on continue à réfléchir à la façon dont les modes les plus polluants peuvent participer au financement des modes les moins polluants. C'est par exemple ce qu'on a fait en affectant une partie de la taxe Chirac, vous savez la taxe sur les billets d'avion, pour financer des transports propres. Et on va continuer à mener ses réflexions, qui devraient déboucher maintenant rapidement, avec un sujet, moi que je pense effectivement utile, de dire que ces poids lourds en transit voyez qui ne font pas le plein en France, si on peut trouver une solution pour les faire payer…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça fait des mois qu'on me dit, ça fait plusieurs fois que vous venez, à chaque fois on dit : on va trouver une solution, on réfléchit. Mais enfin, vous réfléchissez, très bien mais il va bien falloir prendre une décision, concernant ces poids lourds qui transitent en France.

ELISABETH BORNE
Eh bien je vous le confirme.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah vous me confirmez quoi, qu'il va y avoir une taxe ?

ELISABETH BORNE
Non je vous confirme qu'il faudra que dans la loi de finances…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous confirmez que vous réfléchissez.

ELISABETH BORNE
Oui, absolument, et enfin je pense que ce n'est pas non plus des sujets hyper simples…

JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est bien de réfléchir aussi, mais enfin bon, il arrive un moment où il faut trancher.

ELISABETH BORNE
Ça sera tranché pour la Loi de finances 2020.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'il y a urgence. Loi de finances 2020, c'est-à-dire qu'il y aura une taxation.

ELISABETH BORNE
Non, ça n'est pas décidé, il y aura des ressources à trouver pour 2020.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais comment, à part la taxation, comment trouvez-vous des ressources ?

ELISABETH BORNE
Eh bien je vous le dis, on a déjà la taxe sur les produits pétroliers qui alimentent le financement des infrastructures, qu'on a décidé de continuer à affecter au financement des infrastructures, ce n'est pas idiot de prendre les taxes qui existaient déjà, plutôt que de créer des nouvelles taxes, donc déjà on garde les taxes qui existent, et puis donc ce travail il est en cours, il sera tranché d'ici à la présentation de la loi de finances pour 2020.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais alors, qu'est-ce que vous pourriez faire ? Quelles décisions pourriez-vous prendre ?

ELISABETH BORNE
Eh bien écoutez, moi j'entends beaucoup de gens qui nous disent : il faut taxer, il faudrait mettre une taxe sur les billets d'avion, il faudrait mettre une taxe sur les poids lourds en transit. On va mener cette réflexion tranquillement avec une discussion qui est en cours, qui aura aussi lieu dans le cadre de l'examen de la loi…

JEAN-JACQUES BOURDIN
A l'automne on le saura.

ELISABETH BORNE
Oui absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
A l'automne nous saurons. Bien. A propos d'avions, puisque, je vais parler des trains après, mais à propos d'avions, la France a donc appelé ses partenaires européens, si j'ai bien compris, à réfléchir là encore, à une taxe sur les transports aériens, c'est bien cela ?

ELISABETH BORNE
Enfin, ce n'est pas comme si on faisait que réfléchir, voyez, on a des mesures aussi très concrètes…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais d'accord, mais Elisabeth BORNE je vous taquine…

ELISABETH BORNE
… On baisse de 30 % le cout du permis de conduire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
… avec la réflexion, parce qu'il y a urgence.

ELISABETH BORNE
Non mais j'insiste, on baisse de 30 % le coût du permis de conduire…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi j'insiste aussi parce qu'il y a urgence !

ELISABETH BORNE
Absolument.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout le monde parle de climat, tout le monde parle d'environnement, mais enfin il y a des décisions à prendre.

ELISABETH BORNE
Il y a des décisions qui se prennent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et les décisions c'est quoi ? C'est que l'avion ça pollue, vous le savez bien, mieux que moi, 285 g de CO2 par passager kilomètre, 14 g de CO2 pour le train.

ELISABETH BORNE
Et pour la voiture on n'est pas très loin de l'avion. Donc je n'ai pas de doute que le transport aérien doit aussi participer à la réduction des émissions de gaz à effet.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est exonéré de tout !

ELISABETH BORNE
Non, enfin, ce n'est pas comme s'il n'y avait pas de taxes.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas de taxe sur le kérosène…

ELISABETH BORNE
Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas de taxe sur un billet d'avion. Vous savez, quand vous payez un Paris – Nice à 100 €, plus de la moitié c'est des taxes et des redevances ; il se trouve que ce n'est pas une taxe sur le kérosène mais il ne faut pas non plus laisser croire qu'il n'y aurait pas de taxe sur l'aviation.

JEAN-JACQUES BOURDIN
TVA à 10 % sur un achat de billet.

ELISABETH BORNE
Oui, absolument, c'est vrai.

JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord pour les vols intérieurs. TVA à 0 % sur un achat de billet intra européen ou pour un vol du monde. Ce n'est pas normal !

ELISABETH BORNE
Donc eh bien vous voyez bien que ce n'est pas des décisions…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que c'est normal ?

ELISABETH BORNE
Je pense que le transport aérien pourrait davantage participer donc à la fois à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je pense que les constructeurs aussi de l'aéronautique sont bien convaincus qu'ils doivent faire des progrès, je pense qu'il faut qu'on prépare aussi une génération d'avions qui sera zéro carbone, et on y travaille, et la France porte l'objectif d'une taxation au niveau européen.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi ne pas le faire en France ? Ça existe ailleurs dans le monde, dans les vols intérieurs.

ELISABETH BORNE
La taxation du kérosène eh bien vous voyez, on n'est pas comme aux Etats-Unis, nous si on mettait une taxe sur le kérosène en France, c'est simple, les compagnies aériennes iraient faire le plein en Espagne ou en Angleterre et finalement on aurait autant d'avions, autant de pollution, simplement on aurait des emplois qui seraient déplacés chez nos voisins.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais la Suisse le fait, non ?

ELISABETH BORNE
Je ne sais pas si la Suisse le fait, en tout cas je pense que la bonne échelle c'est une taxation au niveau européen, et ce n'est pas comme si on fait rien, moi je vous dis on est les premiers à avoir une taxe sur les billets d'avion qui finance les transports propres.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, donc pour l'instant au niveau européen seulement, rien d'autre, aucune autre mesure concernant les avions.

ELISABETH BORNE
Au niveau européen, et éventuellement si tous les pays européens ne sont pas d'accord, on peut aussi trouver un accord avec nos voisins.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors le train, est-ce que des petites lignes vont fermer ? Je voudrais que vous répondiez à cette inquiétude.

ELISABETH BORNE
Mais je sais bien que c'est une inquiétude, c'est pour ça que le gouvernement est engagé depuis le début du quinquennat, a dit qu'on n'abandonnerait pas les petites lignes, qu'on met 1,5 milliard d'euros dans les contrats de plan, pour remettre en état les petites lignes, que moi ce que je souhaite aussi c'est qu'on ne se retrouve plus devant le fait accompli comme on l'a été trop souvent, où on découvre qu'une petite ligne est en mauvais état et qu'elle doit fermer. Donc j'ai voulu qu'on ait un diagnostic ligne par ligne, qu'on partage avec chaque président de région et qu'on ait un véritable plan de bataille, région par région, pour remettre en état ces petites lignes. Par exemple, moi il y a une ligne qui a fait parler d'elle, la ligne Epinal – Saint-Dié, moi je serai très prochainement à Epinal et on pourra discuter avec le président de la région Grand-est qui est concernée, de la façon dont on va engager les travaux. L'objectif il est que cette ligne elle rouvre d'ici la fin du quinquennat.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que des trains continueront à arriver à Rungis ?

ELISABETH BORNE
Eh bien en tout cas je vous assure que la SNCF s'est engagée à maintenir sa desserte jusqu'à la fin de l'année. Ensuite il faut qu'il y ait…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, enfin, jusqu'à la fin de l'année…

ELISABETH BORNE
Le temps que l'on trouve une bonne solution pérenne au transport combiné.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura des trains.

ELISABETH BORNE
En transport combiné, ce qui est la bonne solution. Il faut que les chargeurs, les clients de la SNCF, confirment qu'ils vont toujours utiliser le train. Là chacun prend ses responsabilités. Moi j'ai pris les miennes, la SNCF continuera à faire son train, maintenant il faut que les clients l'utilisent.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Lyon – Turin, la liaison se fera ?

ELISABETH BORNE
Eh bien elle se fait à deux.

JEAN-JACQUES BOURDIN
A deux, oui.

ELISABETH BORNE
La France est pour, les Italiens pour l'instant ils n'ont pas tout-à-fait clarifié leur position, en tout cas nous on est déterminé à appliquer le traité international. Vous savez, c'est simple, entre la France et l'Italie, le trafic ferroviaire c'est 8 % des marchandises transportées entre l'Italie et la Suisse, qui a des tunnels identiques au Lyon-Turin, c'est 70 % de transport ferroviaire. Donc l'enjeu, il est là. Je pense que les habitants des vallées des Alpes qui voient passer les poids lourds, ils attendent avec impatience qu'on puisse faire de projet et moi aussi.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Trois questions pour terminer. Casque obligatoire pour monter sur un vélo ?

ELISABETH BORNE
Non. Je pense que nous ne le ferons pas parce que toutes les associations qui défendent le vélo nous disent : « Ça décourage d'utiliser le vélo. » Donc je pense aussi que les Français, ils en ont marre qu'on leur mette des interdictions. Ils sont conscients et je pense qu'on peut aussi leur faire… Enfin, voilà, leur faire confiance sur le fait qu'on recommande un casque. Il est obligatoire pour les moins de douze ans mais je pense qu'il faut aussi laisser les Français prendre leurs responsabilités.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-il encore possible que la fusion RENAULT-FIAT-CHRYSLER se fasse ?

ELISABETH BORNE
Je pense que c'est un dossier… Vous avez vu qu'il n'a pas débouché immédiatement.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'est pas clos ?

ELISABETH BORNE
Je pense qu'il n'est pas clos. Il y a beaucoup de coopération entre RENAULT et NISSAN. On voit que les défis sont considérables dans l'industrie automobile. C'est ça le sens de cette…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc il n'est pas clos.

ELISABETH BORNE
Je pense qu'il n'est pas clos.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Les discussions pourraient reprendre.

ELISABETH BORNE
De toute façon, je pense que les constructeurs sont face à des défis considérables : la transition énergétique, la révolution des véhicules connectés, des véhicules autonomes et ces alliances ou ces fusions, elles doivent permettre de relever ces défis considérables.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puis j'ai une dernière question. Je change des transports, je quitte les transports. Dans un an, il y a des élections municipales. Vous serez candidate à Caen ?

ELISABETH BORNE
Je ne vous confirme pas, je ne vous confirme pas.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous ne m'infirmez pas.

ELISABETH BORNE
Je pense que c'est très intéressant un mandat de maire parce que…

JEAN-JACQUES BOURDIN
Maire de Caen, c'est pas mal, non ?

ELISABETH BORNE
Je vous dis, je ne vous confirme pas. Je pense que c'est un mandat passionnant.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y pensez ?

ELISABETH BORNE
Alors Caen pas spécialement, mais a priori c'est un mandat qui m'intéresse, les municipales, parce que je pense qu'on agit très concrètement pour améliorer la vie des gens et c'est un peu pour ça que je me suis engagée en politique.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas spécialement Caen. Une autre ville peut-être.

ELISABETH BORNE
Ecoutez, on vous le dira un jour.

JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Elisabeth BORNE.


Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2019