La densité carcérale
Le parc pénitentiaire
Au 1er janvier 2025, le parc pénitentiaire compte 186 établissements.
Depuis 1986, la construction et une partie de la gestion des prisons peuvent être déléguées au secteur privé, les fonctions de direction, de greffe et de surveillance restant assurées par l’administration pénitentiaire. C'est la "gestion déléguée".
En 1988, le programme "13 000" pour la construction de nouvelles places de prison est lancé. Il conduit à la construction, en moins de quatre ans, de 25 établissements, dont 21 sont à gestion déléguée (portant sur les prestations d’hôtellerie, de restauration, de maintenance et de nettoyage des locaux, du travail des détenus, etc.).
Tous les programmes qui vont suivre font appel à la gestion déléguée, voire aux partenariats public-privé.
Lors de la campagne présidentielle de 2017, Emmanuel Macron s‘est engagé à mettre en œuvre un nouveau programme immobilier pénitentiaire de "15 000 places" sur 10 ans, afin de porter la capacité du parc immobilier pénitentiaire à plus de 75 000 places en 2027. Il s'agit de créations nettes (construction de 18 000 places et fermeture d'établissements qui ne sont plus adaptés). Pour accélérer la réalisation de ce programme, la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit un investissement de 1,7 milliard d'euros et facilite certaines procédures, notamment d’urbanisme. La loi du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 prévoit une hausse de 21% du budget de la justice entre 2023 et 2027. Une partie de ces moyens supplémentaires doit permettre de financer les chantiers immobiliers.
La surpopulation carcérale
Ces programmes n’ont cependant pas permis de résoudre le problème chronique de la surpopulation carcérale. Si 33 300 places ont bien été inaugurées sur la période 1988-2016, les établissements pénitentiaires ont vu leur capacité croître de seulement 28 000 places, du fait des fermetures concomitantes des établissements les plus dégradés. En outre, la réalisation de ces programmes immobiliers au coût élevé s’est faite au détriment de la maintenance et de la rénovation du parc pénitentiaire existant encore largement vétuste.
Au 1er juillet 2025, l’administration pénitentiaire dénombre 84 951 détenus pour 62 509 places opérationnelles, contre 63 189 détenus pour 53 182 places en 2009. De 2009 à 2024, la population carcérale a augmenté de plus de 25%. Après des années de hausse constante, la crise sanitaire 2019-2021 a contribué à réduire drastiquement le nombre de détenus sur l'année 2020. Cette fluctuation s'explique notamment par une baisse de la délinquance pendant le premier confinement et un ralentissement de l'activité judiciaire, ainsi que par des libérations anticipées pour les fins de peine afin de limiter la propagation du Covid-19.
Dans son rapport annuel 2021 publié le 2 juin 2022, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) met en évidence "l'inacceptable retour de la surpopulation carcérale à son niveau d'avant la crise sanitaire". La CGLPL Dominique Simonnot écrit que 1600 détenus dorment sur des matelas au sol. La densité carcérale globale atteint 122,9% en 2024, et le taux d'occupation des maisons d'arrêt 145,5%. Pour la CGLPL, il faut mettre en place un système de régulation carcérale dans chaque juridiction. L'objet de ce dispositif serait d'examiner périodiquement la situation de la population pénale afin de veiller à ce que le taux d'occupation d'un établissement ne dépasse jamais 100%. La CGLPL demande aussi d'inscrire dans la loi l'interdiction générale d'héberger des personnes détenues sur des matelas au sol.
Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer l’inflation carcérale :
- le recours fréquent à la détention provisoire (près d'un tiers de la population incarcérée au 1er octobre 2024) ;
- l’augmentation du nombre de condamnations à de la prison ferme pour les courtes peines (et ce malgré la consécration par la loi pénitentiaire de 2009 du principe de subsidiarité de la peine d’emprisonnement en matière correctionnelle) ;
- la fin des lois d’amnistie et des grâces présidentielles collectives en 2007 ;
- l’allongement des peines prononcées, conséquence de lois toujours plus répressives (par exemple les peines planchers en 2007, qui ont été supprimées en 2014). La durée moyenne en détention a ainsi plus que doublé en 35 ans : elle est passée de 4,6 mois en 1980 à 10,3 mois en 2014. En 2019, la durée moyenne de détention est de 10,7 mois ;
- la politique même de construction de nouveaux établissement peut aussi conduire à un recours plus fréquent à des peines de prison.
Le principe de l'encellulement individuel
L’état de surpopulation du parc pénitentiaire pose inévitablement la question de l’encellulement individuel. Moins de la moitié des détenus en bénéficient. Au 1er juillet 2021, le taux d’encellulement individuel tout établissement pénitentiaire confondu était de 44,1%.
Ce principe, institué en 1875, n’a jamais réussi à être pleinement mis en œuvre. Il est réapparu dans le débat public en 2000 à la suite du livre de Véronique Vasseur "Médecin-chef à la prison de la santé" et des rapports des deux assemblées qui ont suivi la même année sur les prisons. Depuis, plusieurs lois l’ont réaffirmé mais ont, à chaque fois, différé son application :
- loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence ;
- loi du 13 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière ;
- loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;
- loi du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014,
- loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui repousse à 2023 l'application du principe de l'encellulement individuel ;
- loi du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, dont le plan est censé permettre d'atteindre un taux d'encellulement individuel de 80%.
Dans un rapport du 20 septembre 2016 relatif à l’encellulement individuel, Jean-Jacques Urvoas, garde des Sceaux, avait proposé de renforcer le parc pénitentiaire en soulignant "l’immensité du chemin à parcourir" pour parvenir à l’encellulement individuel. Les établissements pour peine respectent très souvent le principe de l’encellulement individuel mais, dans les maisons d’arrêt, moins de 20% des détenus sont affectés en cellule individuelle.
Pour le chercheur Pierre-Victor Tournier, l’encellulement individuel ne saurait à lui seul résoudre toutes les difficultés de la prison et il convient d'investir dans l'enseignement, la formation professionnelle, le travail, les activités culturelles, etc. des détenus afin de faciliter leur réinsertion sociale.
La sécurité en prison
La mission de sécurité de l’administration pénitentiaire consiste à assurer une sécurité optimale dans les établissements pénitentiaires en prévenant les évasions, les mutineries, les violences et les dégradations mais aussi les suicides. Elle repose sur la sécurité passive (comme l’architecture des bâtiments et les équipements matériels) et la sécurité active (gestes et formation des personnels, suivi des détenus dangereux, etc.).
De nombreuses réformes ont marqué l’ordre carcéral, suivant l’évolution de la délinquance, des mentalités et des progrès technologiques.
Quelques dispositifs importants méritent d’être mentionnés.
En 1967, la catégorie des détenus particulièrement signalés (DPS), destinée à l’origine aux condamnés pour grand banditisme, est apparue. En 1972, la procédure disciplinaire est réformée et certaines sanctions avilissantes supprimées. En 1975, les quartiers de haute sécurité (QHS) voient le jour avant d’être fermés en 1982. En 2002, le brouillage des téléphones portables dans les prisons est autorisé. En 2003, les équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS) ainsi que le renseignement pénitentiaire sont mis en place. En outre, la construction des prisons s’appuie depuis 1987 sur des règles de sécurité maximale, reposant sur une technologique omniprésente (multiplication des caméras, des sas, etc.).
En 2009, la loi pénitentiaire consacre plusieurs articles à la sécurité en définissant les droits des prisonniers et les pouvoirs de l’administration : droit du détenu à sa sécurité, règlements intérieurs types des établissements, régimes disciplinaires, de l’isolement, des fouilles, caméras de surveillance dans les espaces collectifs, etc.
En juin 2013, à la suite d'une évasion à la maison d’arrêt de Sequedin (Nord), un plan de renforcement de la sécurité en prison, doté de 33 millions d’euros de crédits, est lancé. En complément, une note sur les détenus particulièrement signalés vient repréciser les modalités de leur prise en charge.
Les mesures contre le terrorisme
À la suite des attentats de 2015, l’exigence de sécurité en prison s’accentue encore. Les plans d’action de lutte contre le terrorisme (PLAT) de janvier et de novembre 2015 prévoient un volet pénitentiaire : généralisation des brouilleurs de haute technologie des téléphones portables en prison, création de cinq unités dédiées aux détenus radicalisés dénommées unités de prévention de la radicalisation (UPRA), renforcement des effectifs et des crédits pénitentiaires, professionnalisation et augmentation du nombre d’aumôniers musulmans dans les prisons, mise en place d’un fichier recensant les prévenus ou condamnés pour terrorisme. Ce fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT) est instauré par la loi relative au renseignement du 24 juillet 2015.
La loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement renforce le renseignement pénitentiaire qui est désormais rattaché au "2e cercle" de la communauté du renseignement, donne une assise légale aux unités dédiées aux détenus radicalisés et durcit le régime des fouilles intégrales défini en dernier lieu par la loi pénitentiaire de 2009.
La loi sur l’état d’urgence et de lutte antiterroriste du 21 juillet 2016 donne une base légale à la vidéosurveillance dans les cellules des prévenus pour crimes "dont l’évasion ou le suicide pourrait avoir un impact important sur l’ordre public". La loi reprend et complète l’arrêté du 9 juin 2016 qui a permis l’installation de caméras dans la cellule de Salah Abdeslam, seul survivant présumé du commando terroriste du 13 novembre 2015. Depuis la loi d'orientation et de programmation de 2023, les surveillants peuvent être dotés de caméras individuelles et enregistrer leurs interventions en cas d'incident ou de risque d'incident.
Début 2017, une sous-direction de la sécurité pénitentiaire et un bureau central du renseignement pénitentiaire (devenu en juin 2019 le service national du renseignement pénitentiaire -SNRP-, un service à compétence nationale) sont créés au sein de la direction de l’administration pénitentiaire. Les quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) remplacent les unités de prévention de la radicalisation (UPRA). Avant de prendre en charge les détenus considérés comme radicalisés, l'administration pénitentiaire évalue le degré de leur radicalisation. À l'issue du séjour en QER, les détenus peuvent être placés soit en détention ordinaire, soit en quartier d'isolement (QI), soit dans des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR).
Des établissements développent, en outre, des programmes de prévention de la radicalisation violente (PPRV).
Pour renforcer la sécurité dans les prisons, le budget 2019 de la justice et la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018 - 2022 et de réforme pour la justice prévoient 150 millions d’euros (lutte anti-drones, etc.). 159 nouveaux emplois sont aussi programmés pour consolider le renseignement pénitentiaire, déployer les équipes locales de sécurité et mettre en place les extractions judiciaires de proximité.
De nouveaux dispositifs de sécurité en matière de criminalité organisée
La loi du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic crée des quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO). Le régime qui s'y appliquera sera plus strict, afin d'assurer un niveau de sécurité élevé : isolement strict, parloirs avec un dispositif de séparation, fouilles intégrales systématiques après tout contact physique avec une personne extérieure... Il s'inspire du modèle anti-mafia italien.
Le 6 mars 2025, le ministre de la justice a annoncé l'ouverture des deux premières prisons de haute sécurité : une à Vendin-le-Vieil, opérationnelle depuis le 31 juillet 2025, et une à Condé-sur-Sarthe, dont l'ouverture est prévue pour la mi-octobre 2025. Le premier comité de pilotage interministériel relatif à la création de ces prisons s'est tenu le 7 avril 2025.
Un protocole d'accord pour la sécurité des agents pénitentiaires
Après l'attaque d'un convoi pénitentiaire dans l'Eure en mai 2024 qui a entraîné la mort de deux agents pénitentiaires, un protocole d'accord dit d'Incarville a été signé le 13 juin 2024 entre le ministère de la justice et l'intersyndicale de l'administration pénitentiaire. Le protocole prévoit notamment des mesures matérielles pour la protection des agents (systèmes anti-drones, dispositifs mobiles de brouillage de téléphones, renforcement de l'armement et sécurisation des véhicules) ainsi qu'un cadre renforcé des extractions judiciaires.