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Les mesures alternatives à la prison

Temps de lecture  9 minutes

Par : La Rédaction

Peines alternatives à la prison, suspensions et aménagements de peine : les voies existent pour rompre avec la logique du tout carcéral. La loi de réforme pour la justice du 23 mars 2019 encourage tout particulièrement ces mesures alternatives.

Conçues pour se substituer aux peines d'emprisonnement classiques - le code pénal parle de peines "de substitution" ou "de remplacement" - les mesures alternatives à la prison n'ont, pour l'instant, pas conduit à une stagnation, voire une diminution du nombre d'emprisonnements. 

Si la politique pénale et la législation encouragent le recours aux peines alternatives, elles ne se développent qu'assez lentement et l'incarcération reste la référence. La loi de réforme pour la justice du 23 mars 2019 tente d'inverser cette tendance. Elle modifie l'échelle des peines correctionnelles, interdit les peines de prison ferme de moins d’un mois, favorise l'aménagement de peines de moins d'un an (hors de détention) et introduit la peine de détention à domicile sous surveillance électronique.

Les peines de substitution à la prison

Le code pénal met à la disposition du juge plusieurs peines alternatives à la prison. Ces peines concernent les auteurs de délits et non de crimes. Elles visent notamment à prévenir le risque de récidive, le caractère désocialisant de l’incarcération et le surpeuplement des prisons.

Plusieurs peines alternatives existent. Les premières datent des lois du 11 juillet 1975 et du 10 juin 1983 : il s’agit des peines restrictives ou privatives de droits (restrictions affectant le permis de conduire, etc.), du travail d’intérêt général (TIG) et des jours-amende. Dans les années 2000, deux nouvelles peines sont instituées : le stage de citoyenneté par une loi du 9 mars 2004 et la sanction-réparation par une loi du 5 mars 2007.

Afin d’encourager les alternatives à la prison, la loi du 15 août 2014 dite "loi Taubira" sur l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales modifie le code pénal sur de nombreux points, applicables pour la plupart depuis le 24 mars 2020 :

  • elle fusionne toutes les peines de stage ;
  • elle développe le recours à la peine de TIG ;
  • elle crée une nouvelle peine autonome : la peine de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), qui remplace le placement sous surveillance électronique, mis en œuvre en 2001. Elle peut être prononcée en alternative à l'incarcération, ou en tant qu'aménagement de la peine.

Toutefois, malgré le principe énoncé par la loi pénitentiaire de 2009, et réaffirmé depuis, selon lequel l’emprisonnement doit être le dernier recours en matière correctionnelle, les peines alternatives prononcées par les juges sont rares. L’emprisonnement reste, avec l'amende, la peine de référence (les deux représentant 81,7% des peines prononcées en 2023, selon les Chiffres-clés de la justice de 2024). Ainsi, sur l’ensemble des condamnations prononcées en 2023, 14,8% seulement étaient des peines alternatives contre 45,9% pour les peines de prison (avec ou sans sursis) et 35,8% pour les amendes.

Quelles sont les peines alternatives à l'emprisonnement applicables aujourd'hui ? 

  • le sursis simple, qui permet à la personne de ne pas être condamnée à la peine prononcée, si elle ne commet pas une nouvelle d'infraction durant le délai d'épreuve ;
  • la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) : condamnation d'une durée de 15 jours à 6 mois obligeant la personne à porter un bracelet électronique et à rester à son domicile ;
  • le travail d'intérêt général (TIG) : travail non rémunéré effectué dans une association, un hôpital, une école... La loi du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice prévoit le prononcé systématique d'une peine en cas d'inexécution du TIG ;
  • les stages, d'une durée d'un mois maximum et aux frais de la personne, sur différentes thématiques : citoyenneté, sensibilisation à la sécurité routière, lutte contre les violences sexistes...
  • la sanction-réparation : indemnisation de la victime pour le préjudice subi.
  • les jours-amendes : versement au Trésor public d'une somme d'argent pendant un certain nombre de jours

La peine de contrainte pénale, entrée en vigueur le 1er octobre 2014 pour les auteurs de délits passibles de 5 ans maximum de prison, puis étendue en 2017 à tous les auteurs de délits punis d’emprisonnement, a été abrogée par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

 

Les suspensions de peine

Lorsque le juge prononce une peine d’emprisonnement, il peut suspendre son exécution en décidant d’une condamnation avec sursis. Introduit par la loi dite "Bérenger" du 26 mars 1891, le sursis avait à l’origine pour finalité d’éviter à des primo-délinquants d’être "pervertis" par un passage en prison. Il a par la suite été diversifié et étendu aux délinquants endurcis. 

Le sursis vise à lutter contre la récidive par la dissuasion ou par la probation. Il devient la règle en matière correctionnelle avec la loi Taubira du 15 août 2014, qui prévoit que "toute peine d’emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu’en dernier recours si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est inadéquate". 

La loi du 23 mars 2019 de réforme pour la justice rappelle ce principe. Surtout, elle fusionne d'anciennes peines (la contrainte pénale, le sursis avec mise à l'épreuve et le sursis doublé d'un TIG) en une unique mesure de probation : "le sursis probatoire". Ce nouveau sursis, applicable depuis le 24 mars 2020, reprend le mécanisme du sursis avec mise à l’épreuve, qui consiste en une série de mesures de contrôle et d'assistance, ainsi que d'obligations et d'interdictions. Mais la nouvelle peine permet son adaptation aux circonstances et à la personnalité du condamné. Un "sursis probatoire renforcé" est également créé. 

Cette nouvelle probation peut être prononcée comme peine autonome ou comme modalité d'exécution d'une peine de prison (avec éventuellement une partie ferme et une partie sous forme probatoire). 

Les aménagements de peine

Afin de faciliter leur réinsertion, les condamnés peuvent bénéficier d’aménagements de peine. Ces aménagements ont largement progressé et apparaissent comme une nécessité afin de prévenir la récidive au moyen d’une individualisation des peines.

Il s’agit principalement des dispositifs suivants : 

  • la semi-liberté, créée par la réforme "Amor" en 1945, qui permet au détenu d'être libre de ses activités la journée, et de réintégrer l'établissement pénitentiaire ou la structure associative le soir ;
  • le placement à l’extérieur, créé en 1970, qui permet au détenu d'exercer une activité dans un centre la journée, puis de réintégrer la structure le soir ;
  • la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE).

Les aménagements à destination des condamnés à de courtes peines

les aménagements peuvent concerner l’exécution-même de la peine. Les conditions d’octroi des aménagements de peines ont été revues par la loi du 23 mars 2019, avec une entrée en vigueur au 24 mars 2020 :

  • entre 1 et 6 mois, les peines de prison ferme sont obligatoirement aménagées, sauf impossibilité tenant à la personnalité ou à la situation du condamné ;
  • entre 6 mois et 1 an, les peines doivent être également aménagées, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, sauf impossibilité matérielle ;
  • au-delà d'un an, les peines ne peuvent plus être aménagées (contre 2 ans auparavant). 

Les aménagements de peine accordés en préalable à une libération

Les détentions à  domicile sous surveillance électronique, en semi-liberté ou à l’extérieur bénéficient également aux détenus en préalable à l’octroi d’une libération conditionnelle. La liberté conditionnelle, créée par la loi Bérenger du 14 août 1885, permet une remise en liberté de manière anticipée, avant que la peine d'emprisonnement arrive à échéance. Elle permet au condamné de finir de purger sa peine hors de la prison, en vue d’un retour progressif à la vie sociale. Elle concerne les condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale et s’accompagne de contraintes et d’obligations. L’aménagement de peine est dans ce cas accordé à titre probatoire à la libération conditionnelle : pendant une période d'épreuve, la personne qui en bénéficie doit respecter certaines obligations et interdictions.

Une autre mesure, créée par la loi du 15 août 2014, permet d'accomplir une partie de la peine en dehors d'une prison : la libération sous contrainte. Elle prévoit que les personnes condamnées à 5 ans maximum de prison peuvent achever le dernier tiers de leur peine hors de détention, à condition de respecter les obligations et interdictions liées à leur aménagement de peine. Elle conduit les personnes incarcérées à un retour encadré à la liberté, dans le cadre d'une libération conditionnelle, d'une DDSE, d'un placement à l’extérieur ou d'une semi-liberté. 

Depuis le 1er juin 2019, en vertu de la loi "Belloubet" du 23 mars 2019, la libération sous contrainte est accordée par principe par le juge de l'application des peines. En cas de refus, il doit prendre une ordonnance spécialement motivée.

Vers un retour en arrière ?

Une proposition de loi, déposée le 15 octobre 2024 et adoptée en première lecture le 1er juillet 2025, envisage la possibilité de rétablir les très courtes peines de prison (moins d'un mois) et d'abroger la quasi-obligation pour les juges d'aménager les peines de moins d'un an. Elle prévoit également de supprimer le recours automatique à la libération sous contrainte.

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