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© Sébastien Bozon/AFP

Détention des mineurs : une expérience déstructurante

Temps de lecture  3 minutes

Par : La Rédaction

Les conséquences de la détention sur les mineurs sont analysées par la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) dans un rapport du 9 octobre 2023. Pour sa part, la Cour des comptes s’interroge sur l’efficacité des centres éducatifs fermés (CEF) et des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM).

En 2022, 3 142 mineurs ont été incarcérés en France. Début janvier 2023, 614 mineurs étaient détenus (61% en détention provisoire, soit une baisse de 16% par rapport au 1er janvier 2021).

La DPJJ a construit son rapport en menant une enquête auprès de neuf établissements pénitentiaires : cinq quartiers mineurs (QM), deux quartiers mineures filles (QMF) et deux établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Les observations de la Cour des comptes mises en ligne en octobre 2023 énumèrent des pistes d’amélioration des CEF et des EPM.

Une expérience déstructurante

Les mineurs font souvent état d’une dégradation de leur hygiène de vie. À la sédentarité induite par la détention, s’ajoutent une alimentation insatisfaisante, un sommeil perturbé qui bouleverse les cycles jour/nuit, ainsi qu’une consommation fréquente de tabac ou de cannabis.

Le rapport distingue deux types de profils de détenus :

  • les jeunes adaptés à la détention qui disent bien vivre leur peine, acceptent leur sort et affirment être préparés à cela (leur incarcération s’inscrit pour eux dans un "destin collectif") ;
  • les jeunes qui ne connaissent pas la détention. Minoritaires, ces jeunes vivent une expérience particulièrement difficile. Faisant l’objet d’une observation accrue, ils suscitent davantage l’empathie des professionnels et s’inscrivent plus souvent dans des stratégies occupationnelles efficaces. Ces résultats mènent à relativiser l’idée qu'ils seraient moins adaptés à l’univers carcéral.

Le risque suicidaire est particulièrement élevé. En 2021, deux mineurs se sont suicidés en prison. 86% des tentatives de suicide signalées à la DPJJ sont commises en détention.

La justice pénale des mineurs trouve principalement son origine dans une ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.

C’est une justice spécialisée : création du juge des enfants, primauté de l’éducatif sur le répressif.

Elle atténue également la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge.

Maintes fois modifiée, l’ordonnance est complétée par de nombreux textes pour lutter contre les nouvelles formes de la délinquance.

Dotée d’un ensemble hétérogène de textes, la justice pénale des mineurs s’est vu reprocher un manque de cohérence et de lisibilité.

À cela s’ajoutent des délais de jugement de plus en plus longs et des juridictions débordées.

Face à ce constat, un Code de la justice pénale des mineurs entre en vigueur le 30 septembre 2021.

Reprenant les principes de l'ordonnance de 1945, il vise à raccourcir les délais de jugement et mieux prendre en charge les mineurs délinquants.

La procédure pénale comporte trois étapes afin de prendre en compte le temps et l’évolution du mineur.

Une audience sur la culpabilité a lieu dans un délai de 10 jours à 3 mois à compter de l’interpellation.

Le mineur reconnu coupable doit suivre une période de mise à l’épreuve éducative d’une durée de 6 à 9 mois.

Une audience sur la sanction a lieu à la fin de la période de mise à l’épreuve éducative.

Le Code renforce également le rôle de la protection judiciaire de la jeunesse.

Des conditions de détention qui exacerbent les conflits entre détenus

La DPJJ souligne la rupture de lien social que provoque l’enfermement. Cette rupture est liée :

  • à la séparation avec la famille ou les proches : les détenus confrontés à l’éloignement des proches nourrissent des frustrations propices aux conflits avec d’autres mineurs ;
  • à l’isolement en détention : la plupart des sanctions à l’égard des détenus produisent de l’isolement tel que le confinement en cellule.

Les jeunes et les professionnels s’accordent sur le fait que les bagarres et violences physiques sont fréquentes en détention. Cette violence s’exerce notamment à l’encontre des jeunes catégorisés comme homosexuels.

Quelles alternatives aux quartiers pour mineurs ?

Créés par la loi dite "Perben I" du 9 septembre 2002, les 54 centres éducatifs fermés (CEF) de la protection judiciaire de la jeunesse et les six établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) proposent une alternative aux quartiers pour mineurs (QM). Les CEF relèvent du secteur éducatif et les éducateurs sont seuls en charge de l’organisation de la vie quotidienne. Dans les EPM la prise en charge journalière des jeunes détenus est structurée autour d’un binôme éducateur/surveillant.

La Cour des comptes s’inquiète d’abord du manque d’études sur le coût de la prise en charge dans ces deux types d’établissement. La Cour recommande par ailleurs d’améliorer la formation des personnels et de redéployer les effectifs des EPM vers les QM.

Au 1er janvier 2022, 455 mineurs étaient en CEF et 244 mineurs étaient détenus en EPM