L'article 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose que les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle. Dans ce cas, l'État prend en charge le coût de la procédure.
L'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 dispose que sont admises au bénéfice de cette aide :
- les personnes de nationalité française ;
- les ressortissants de l'Union européenne (UE) ;
- les étrangers en situation régulière.
Le même article prévoit des dérogations pour les étrangers en situation irrégulière (mineurs, mis en cause dans une procédure pénale, bénéficiaires d'une ordonnance de protection…).
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 1er mars 2024 par la Cour de cassation de trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) relatives à la conformité de la loi de 1991 aux droits et aux libertés que la Constitution garantit. Le Conseil constitutionnel a joint les trois QPC et censuré certaines dispositions législatives dans une décision du 28 mai 2024.
Les critiques formulées contre les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle
Les requérants soutenaient que les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle méconnaissent le principe d'égalité devant la justice en n'assurant pas aux étrangers en situation irrégulière des garanties égales à celles dont bénéficient les autres justiciables pour agir en justice, alors que la loi leur reconnaît des droits, en particulier lorsqu'ils sont salariés.
Ainsi, un travailleur étranger en situation irrégulière peut être amené à saisir le conseil de prud'hommes contre une entreprise qui l'aura employé en contournant le droit. Il n'aura toutefois pas droit à l'aide juridictionnelle s'il est sans papiers.
La décision du Conseil constitutionnel
La loi peut prévoir des règles de procédures différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent. Le Conseil constitutionnel rappelle que c'est à la condition que ces différences ne soient pas fondées sur des distinctions injustifiées. Les justiciables doivent se voir appliquer des garanties égales, notamment quant au respect du droit d'agir en justice et des droits de la défense.
Le Conseil constitutionnel relève qu'en disposant que, sauf dans certains cas, des étrangers en situation irrégulière ne peuvent avoir droit à l'aide juridictionnelle, les dispositions contestées instaurent une différence de traitement entre les étrangers, selon qu'ils sont en situation régulière ou pas.
Des dispositions spécifiques à l'égard des étrangers, notamment relatives à la régularité de leur séjour, ne peuvent être prises qu'à la condition de respecter les droits et libertés garantis à tous par la Constitution sur le territoire de la République.
Les dispositions contestées méconnaissant le principe d'égalité devant la justice, le Conseil constitutionnel les a censurées.
La déclaration d'inconstitutionnalité intervient à compter de la date de publication de la décision, soit le 28 mai 2024, et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement.