Rénovation des écoles insalubres, développement des transports en commun, réduction de la fracture géographique et sociale, augmentation des effectifs de police… Le plan "Marseille en Grand" prévoyait de mobiliser 5 milliards d’euros.
Dans un rapport publié le 21 octobre 2024, la Cour des comptes évalue la structuration et les premières retombées du plan. Dans des observations publiées le même jour, la Cour examine spécifiquement la question des forces de police à Marseille.
Un "défaut de cohérence d'ensemble"
"L’organisation du plan Marseille en Grand est insuffisante au regard des enjeux qu’il porte et de la complexité qui le caractérise" estime la Cour des comptes.
D’après le rapport, le plan "Marseille en Grand" présente un caractère "inabouti" en raison de sa "gestation rapide". Le contenu du plan ne s’appuie en effet que sur le discours présidentiel du 2 septembre 2021, aucun autre document n’ayant été produit depuis afin de préciser la nature, le contenu, les méthodes de mise en œuvre et les objectifs du plan.
L’absence de "formalisation" et de "cohérence d’ensemble" s’accompagne de difficultés de gouvernance entre les différents acteurs que sont l’État, la ville de Marseille (dirigée par le maire Benoît Payan à la tête d'une alliance de partis de gauche) et la métropole d'Aix-Marseille-Provence (dirigée par Martine Vassal, divers droite). De fait, fin 2023, seulement 1,31% du montant total annoncé (5 milliards d’euros) a été versé par l’État.
Des réalisations moindres par rapport aux ambitions affichées. Près de trois ans après son lancement, la Cour déplore ainsi une "prise en compte insuffisante" des facteurs de l’échec scolaire, de la ségrégation résidentielle, du chômage des jeunes… autant de sujets dont le plan "Marseille en Grand" devait initialement s’emparer.
Quelles pistes pour pallier les "insuffisances" du plan ?
Pour pallier les "insuffisances intrinsèques" du plan, la Cour préconise de "formaliser des modalités de gouvernance" capables d'obtenir l'adhésion des différents acteurs locaux. D’après elle, "l’absence d’instance décisionnelle unique au profit d’une décision déconcentrée au niveau des volets thématiques apparaît adaptée", à condition que des modalités de remontée et de partage d’information et qu'un système de régulation et de contrôle soient mis en place.
La Cour suggère également l'établissement d’"échéances de réalisation" afin de mieux synchroniser les actions des différents intervenants. Un calendrier précis et des rapports d’étape périodiques devraient être réalisés afin de rendre compte publiquement du niveau de mise en œuvre des actions de chacun.
Forces de police : des moyens en hausse mais "en deça des besoins"
Les quartiers nord, le centre-ville et certaines cités du sud de Marseille qui concentrent les difficultés économiques et sociales (précarité, mal-logement, enclavement) sont également les principaux lieux de la délinquance locale (cambriolages, vols de véhicules, trafic de stupéfiants, homicides).
Marseille en chiffres
La problématique sécuritaire à Marseille est liée à un certain nombre de "défis sociaux" que connaît la ville, Marseille ayant un taux de pauvreté moyen de 26% (15% à Paris) :
- plus d’un Marseillais sur quatre vit sous le seuil de pauvreté ;
- près d’un actif sur 10 est en recherche d’emploi ;
- un tiers des quartiers sont prioritaires au sens de la politique de la ville ;
- plus de 13% du parc de résidences principales de la ville est considéré comme insalubre.
Malgré l’augmentation de moyens (humains et matériels), notamment pour faire face aux problématiques de ressources humaines (conditions de travail dégradées, hausse de l’absentéisme…), la Cour pointe un "climat social éruptif" avec plusieurs "mouvements sociaux" au sein des forces de l'ordre ces dernières années. Les effectifs globaux, en baisse continue entre 2017 (4 249 agents) et 2020 (3 953 agents) ont cependant été renforcés en 2021, année de lancement du plan "Marseille en Grand". Toutefois, avec 4 064 agents en 2023, le niveau de 2017 n’est toujours pas atteint.
À Marseille, les forces de police se concentrent sur la lutte contre le trafic de stupéfiants et la délinquance de proximité. Mais "la pénétration géographique, sociale et économique du trafic de stupéfiants à Marseille, les montants croissants qu’il génère et son extension à d’autres villes" rendent indispensable une "réflexion, nationale, sur le cadre juridique applicable à l’activité policière et judiciaire".