Effet d'aubaine, budget non maîtrisé, manque de contrôle... La Cour des comptes livre un premier bilan très critique du Pass culture dans un rapport publié le 17 décembre 2024.
Application gratuite, le Pass culture prévoit pour tous les jeunes de 15 à 18 ans de bénéficier d’un crédit individuel pour accéder à des activités ou à des biens culturels et artistiques. D'abord expérimenté localement, le dispositif a été généralisé en 2021 à tous les jeunes de 18 ans (300 euros) sur tout le territoire, puis aux jeunes de 15 à 17 ans (80 euros sur trois ans) en 2022.
Un impact insuffisant sur les jeunes des classes populaires
4,2 millions de jeunes se sont inscrits sur Pass Culture depuis 2019. Ce succès global est toutefois à relativiser par l'effet moindre sur les jeunes les moins familiers de la culture, souligne le rapport. Seuls 68% des jeunes des classes populaires (parents ouvriers ou employés) ont activé le passe.
La Cour des comptes relève que le dispositif a plutôt eu pour conséquence "une intensification des pratiques culturelles déjà bien établies, ce qui contribue à confirmer le risque d’effet d’aubaine de son utilisation par des jeunes disposant déjà, notamment par leur environnement familial, d’un capital culturel plus élevé."
Un rapport de l'Inspection générale des affaires culturelle, paru en juillet 2024, pointait déjà les effets inégaux sur les pratiques culturelles des bénéficiaires du passe et une transformation incertaine des pratiques culturelles.
Par ailleurs, la diversité des pratiques n'est pas au rendez-vous regrette la Cour. Le passe est surtout utilisé pour l'achat de livres (entre 42% et 55% des montants dépensés chaque trimestre), suivent les places de cinéma et de concert (le spectacle vivant représente moins de 1% des réservations).
Un budget non maîtrisé
Les dépenses dépassent le budget alloué au Pass Culture. La Cour des comptes appelle à des arbitrages pour "mettre un terme à la croissance non maîtrisée des crédits budgétaires."
Le rapport propose :
- la réduction du crédit aux jeunes âgés de 18 ans ;
- la mise sous condition de ressources ;
- le ciblage des bénéficiaires selon des critères sociaux (boursiers) ou territoriaux (quartiers de la politique de la ville, milieu rural).
Par ailleurs, la Cour préconise une réforme du modèle de gestion et de gouvernance du dispositif, notamment :
- inscrire "sans délai" la société Pass culture (plus de 90% de financement public) dans la liste des opérateurs de l’État, puis internaliser ses agents et missions au sein du ministère de la culture ;
- développer des offres comportant une médiation dans les secteurs plus éloignés des pratiques habituelles (spectacle vivant, musées, etc.).