L'une des 46 "notes d’analyse de l’exécution budgétaire" jointes au rapport annuel sur l’exécution et les résultats du budget de l’État en 2024, publié le 16 avril 2025 par la Cour des comptes, est consacrée aux dépenses fiscales, plus communément appelées "niches fiscales".
Les niches fiscales sont "des dispositions fiscales dérogatoires induisant un coût pour le budget de l'État." Leur coût est estimé à 2,8% du PIB en 2024.
Une perte de recettes qui interroge la lisibilité du système fiscal
Les 467 dépenses fiscales recensées dans l’annexe au projet de loi de finances pour 2024 induisent une diminution des recettes fiscales de l’État estimée à 83,29 milliards d'euros (Md€) en 2024, ce qui représente un peu plus du quart (25,8%) des recettes fiscales nettes de l’État.
Les trois principales niches fiscales sont :
- le crédit d'impôt en faveur de la recherche (7,8 Md€) ;
- le crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile (6,7 Md€) ;
- l'abattement de 10% sur le montant des pensions - y compris les pensions alimentaires - et des retraites (4,8 Md€).
Les niches fiscales réduisent particulièrement le coût de quelques grands impôts et minorent leur rendement de manière très significative :
- 44,4% de l’impôt sur le revenu ;
- 43,4% des accises sur les produits énergétiques ;
- 43,2% de la taxe foncière (pour sa fraction qui fait l’objet de remboursements et dégrèvements d’impôts locaux).
Selon les termes de la Cour : "Il est ainsi légitimement permis de s’interroger sur la notion de dépense fiscale, supposée être une disposition dérogatoire, quand celles-ci représentent près de la moitié du rendement d’un impôt."
La Cour déplore que les règles et les effets concrets des dispositifs soient souvent méconnus voire en contradiction avec les politiques publiques auxquels ils sont rattachés.
Elle constate que les dépenses fiscales relatives à l’impôt sur le revenu, du fait de son caractère progressif, bénéficient mécaniquement davantage aux ménages les plus aisés.
La pertinence de certains dispositifs pourrait être reconsidérée
Le nombre de bénéficiaires varie fortement selon les différentes niches fiscales. De ce fait, des mesures fiscales ciblées coexistent avec d'autres très diffuses.
D'après la note, 33 dépenses fiscales ont chacune de 1 à 100 bénéficiaires et six d’entre elles concernent chacune moins de 10 bénéficiaires.
À l’inverse, certaines dépenses fiscales concernent un nombre important de bénéficiaires. L’exonération des revenus provenant de l'épargne salariale et l’abattement de 10% sur le montant des pensions et des retraites concernent respectivement 12 et près de 15 millions de ménages.
La Cour s'interroge sur la pertinence de certaines dépenses fiscales qui concernent à la fois peu de bénéficiaires et représentent un coût peu élevé. À titre d’exemple, l’exonération de cotisation foncière des entreprises en faveur des établissements créés dans une zone de développement prioritaire, n’a concerné en 2024 que trois entreprises. Le coût reste négligeable.
Les 12 dépenses fiscales dont le gain par bénéficiaire est inférieur à 100 euros par an représentent un coût cumulé de 2,2 Md€. La Cour reconnaît qu'il est délicat de réformer ces dispositifs comptant chacun en moyenne près de 4 millions de bénéficiaires mais elle estime qu'il y a là "un axe de travail et de progrès important dans la mise en œuvre d’un processus de rationalisation et de simplification des dépenses fiscales."