À la suite de la révélation de faits de violences commis à l’encontre d’élèves au sein de l’établissement Notre-Dame de Bétharram, la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale s’est vu conférer les prérogatives d’une commission d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires. Le rapport d'enquête a été publié après l'audition de 135 personnes (collectifs de victimes, personnels de l’Éducation nationale, représentants de l’Église catholique, anciens et actuels ministres concernés...).
Les deux rapporteurs, Paul Vannier et Violette Spillebout formulent 50 recommandations regroupées au sein de cinq axes :
- reconnaître les victimes de violences commises en milieu scolaire ;
- protéger les élèves ;
- soutenir les personnels pour lutter contre les violences en milieu scolaire et structurer une culture du signalement ;
- lever le tabou des contrôles de l'État sur les établissements privés sous contrat ;
- refonder les inspections pour garantir la protection des élèves.
Bétharram, Riaumont, Pélussin... La réalité des violences scolaires
Le rapport rend compte de ses auditions et décrit les violences systémiques dénoncées par des collectifs de victimes de violences faites aux enfants dans des établissements scolaires : Notre-Dame-de-Bétharram, mais aussi Saint-Jean de Pélussin, le village d'enfants de Riaumont...
Dans ce que la presse a appelé le "MeToo de l'enseignement catholique", les collectifs de victimes dénoncent des situations similaires, des violences structurelles, physiques, psychologiques et sexuelles commises par des enseignants, surveillants, clercs. Ces violences sont souvent favorisées par les internats, nombreux au sein des établissements catholiques. Le rapport met en évidence le caractère systémique des ces violences qui s'inscrivent dans le projet "pédagogique" porté par les équipes de direction des établissements. Celles-ci attribuent à la discipline extrême et à la violence des vertus éducatives.
Pour les rapporteurs, la banalisation des violences éducatives ordinaires et le tabou des violences sexuelles dans la société peuvent expliquer la persistance de violences en milieu scolaire. D’autres caractéristiques propres à l’enseignement catholique ont pu accentuer le risque de commission de violences à l’égard des élèves.
Des dysfonctionnements partagés
Le rapport met en lumière des dysfonctionnements structurels qui ont permis la persistance de ces violences :
- un contrôle insuffisant par l'État. Le rapport, comme un précédent rapport de la Cour des comptes, montre une absence de contrôle des établissements sous contrat de l'enseignement catholique alors que d'importantes obligations découlent de la signature d'un contrat avec l'État. Ce contrat ouvre notamment à ces établissements le droit à un financement public. "Cette absence de contrôles de tous ordres n’a pu que nourrir l’atmosphère de vase clos et le sentiment d’impunité communs à l’ensemble des établissements dans lesquels ont été commises des violences systémiques". En revanche, le rapport montre que les établissements relevant du réseau musulman "font l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics qui se traduit par un ciblage systématique dans les contrôles et par des refus opposés à des demandes de contractualisation ainsi que par des résiliations de contrat inédites depuis l’entrée en vigueur de la loi Debré" ;
- l'exclusion de la vie scolaire et de l'internat du champ de contrôle opéré par l’État sur les établissements privés ;
- les contrôles des établissements réalisés presque systématiquement après avoir prévenu lesdits établissements de la venue des inspecteurs ;
- la nécessité d'une décision du ministre de l’Éducation nationale pour déclencher un contrôle de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) ;
- la nécessité d'une décision ministérielle pour autoriser la publication des rapports d’inspection.
Le rôle du Secrétariat général de l'enseignement catholique
Le Secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC) est un service national de la Conférence des évêques de France. La commission observe l'existence de liens étroits entre le ministère de l’éducation nationale et le SGEC. Ces liens contribuent à expliquer la carence des contrôles de l’État : "tout se passe comme si à un régime de contrôle – contrepartie logique de l’intégration des établissements privées dans le service public de l’éducation – s’était substitué un régime de cogestion, ministère et enseignement catholique semblant parfois, dans les échanges que les rapporteurs ont pu consulter, dialoguer sur un pied d’égalité. L’expression de « ministère bis » de l’éducation nationale, parfois employée, paraît ainsi fondée".