Selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le blanchiment représenterait entre 2% et 5% du PIB mondial, soit, au plan national, un montant de 58 milliards d’euros. Pour la Cour des comptes européenne, le montant de capitaux blanchis en France est estimé à 38 milliards d'euros. C'est le constat établi par une commission d’enquête du Sénat dont les conclusions sur le blanchiment ont été rendues dans un rapport remis le 18 juin 2025. Le rapport observe les différents systèmes de blanchiment et les moyens mis en œuvre, au niveau national et international, pour endiguer le phénomène.
Des instruments de lutte contre le blanchiment sous-utilisés
Le blanchiment, un défi logistique
Comme le souligne la commission d'enquête, le blanchiment est un défi logistique, une tonne de cocaïne vendue rapporte aux réseaux criminels cinq tonnes de billets de 10 euros, soit 125 valises de 40 kilogrammes.
La commission d'enquête sénatoriale distingue ainsi trois méthodes de blanchiment, selon le type d'activité criminelle exercée :
- traditionnelle (rémunération en liquide non déclaré, vente de contrefaçon, captation d’aides publiques, rachats de tickets gagnants…) ;
- juridique (absence de contrôle des fonds dans la reprise de petits commerces, utilisation de sociétés éphémères, instrumentalisation des divergences de législations entre pays) ;
- technologique (recours à des cryptomonnaies, des messageries cryptées, vente de produits contrefaisants sur des plateformes numériques…).
Pour la commission, les instruments de lutte contre le blanchiment sont sous-utilisés, les différents services affectés à cette lutte manquant de cohésion entre eux.
Parmi ces moyens, la commission évoque le dispositif Tracfin, dont un bilan d'activité est réalisé chaque année, qui, pour l'heure, "manque encore de maturité". Si le secteur financier a intégré les mécanismes de signalement, ils sont trop automatiques et manquent de pertinence. D'autres professions intermédiaires, pourtant assujetties à ces obligations, y répondent trop peu (avocats, agents immobiliers, experts comptables...).
Certains moyens comme la confiscation des avoirs criminels sont peu utilisés. Quant au travail des enquêteurs financiers qui constitue une matière "technique et fastidieuse", il est insuffisamment valorisé et souffre d'un manque de moyens.
Le rapport en appelle à une vision d’ensemble du phénomène criminel par une meilleure coopération des différents acteurs : policiers, gendarmes, douaniers, agents du fisc au sein de structures pérennes appuyés sur une capacité de renseignement renforcée.
Des mécanismes de coopération entre les pays à renforcer
S'agissant des mécanismes de coopération interétatiques de lutte contre le blanchiment, indispensables compte tenu de la capacité des réseaux criminels à se jouer des frontières, que cela soit par des moyens commerciaux (import-export) ou financiers (cryptoactifs), la commission appelle les pouvoirs publics à les renforcer et à s'appuyer davantage sur eux. Parmi les types de coopérations évoquées :
- le groupe d’action financière (GAFI) qui liste les États défaillants ;
- l’autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux (ALBC) créée en 2024 ;
- Interpol et Europol pour les services policiers ;
- le parquet européen, "articulation réussie entre les compétences de l'Union et les juridictions nationales" ;
- le réseau de 20 magistrats de liaison au sein des ambassades, qui couvre 61 pays sur quatre continents.
Les recommandations formulées par la commission portent sur trois axes :
- mieux comprendre le phénomène de blanchiment et de financement de la criminalité organisée ;
- définir une stratégie de lutte plus efficace contre le blanchiment ;
- développer la coopération internationale.