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L'organisation de l'enseignement privé en France en six questions

Temps de lecture  8 minutes

Par : La Rédaction

Avec des établissements à caractère confessionnel ou ayant des orientations pédagogiques particulières, l'enseignement privé a un fonctionnement spécifique. Le contrôle de ces établissements par le ministère de l'éducation nationale est régulièrement jugé insuffisant. Le point avec Vie-publique.fr en 6 questions.

L'enseignement privé désigne des établissements d'enseignement créés et financés, intégralement ou en partie, par des acteurs privés. Selon l'arrêt du Conseil d'État du 19 juillet 2017 : "Le principe de la liberté de l'enseignement, qui figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, implique la possibilité de créer des établissements d'enseignement, y compris hors de tout contrat conclu avec l'État, tout comme le droit pour les parents de choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l'instruction au sein de la famille."

Les établissements du secteur privé sont régis par les articles 144-1 et suivants du code de l'éducation.

Les établissements peuvent être la propriété d’individus, d’associations, de sociétés anonymes ou de congrégations reconnues (la loi du 7 juillet 1904 avait interdit aux congrégations religieuses d'enseigner, elle a été abrogée par le régime de Vichy). 

Selon un rapport de la Cour des comptes de juin 2023, l’enseignement privé sous contrat regroupait à la rentrée 2022 plus de 2 millions d’élèves, soit 17,6% des effectifs scolarisés. L'enseignement privé sous contrat scolarise 98% des élèves du privé. 

L'enseignement catholique représente 96% de l'enseignement privé sous contrat.
Les 4% restants sont soit confessionnels (juifs, protestants ou musulmans), soit laïques, et comprennent également des établissements d’enseignement des langues régionales (basque, breton, occitan, alsacien, catalan, corse) ou des établissements d’enseignement adapté.

Sous le Ier Empire, avec la création de l'Université impériale, l'enseignement est un monopole d'État. À partir du XIXe siècle, l'enseignement privé est progressivement autorisé :

  • la loi Guizot (1833) organise l'enseignement primaire. Son article 3 dispose : "L'instruction primaire est privée ou publique" ;
  • la loi Falloux (1850) renforce la loi Guizot et autorise l'enseignement privé dans le secondaire. 

Le cadre juridique actuel de l'enseignement privé a été établi par la loi sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés de 1959, dite loi Debré (désormais codifié dans le code de l'éducation). La loi prévoit notamment la contractualisation des établissements privés avec l'État et crée les statuts des établissements "sous contrat", simple et d'association, et "hors contrat".

Les établissements privés sous contrat sont une composante du service public de l'éducation. Il existe deux types de contrat entre l'État et les établissements d'enseignement privés :

  • le contrat simple qui est réservé aux écoles maternelles et élémentaires qui le souhaitent, et aux établissements éduquant des jeunes en situation de handicap. L’enseignement y est dispensé "par référence aux programmes et aux règles générales relatives aux horaires de l’enseignement public" (article L442-12 du code de l'éducation) ;
  • le contrat d'association qui est mis en place "si un besoin scolaire est reconnu par le recteur". L’enseignement y est dispensé "selon les règles et programmes de l'enseignement public" (article L442-5 du code de l'éducation).

Les établissements privés qui passent avec l'État un contrat s'engagent notamment à être en conformité avec les programmes définis par le ministère de l'éducation nationale et à garantir l'absence de discrimination dans l'accueil des élèves. Cependant, si l'école publique doit accueillir tous les élèves dans un certain secteur géographique, les établissements privés ont le choix pour l'inscription de leurs élèves. 

Dans les établissements privés sous contrat d'association, les enseignants sont des professeurs "maîtres contractuels". Ils sont recrutés par concours de la même façon que les professeurs des écoles et les professeurs certifiés titulaires du secteur public. Ces enseignants sont rémunérés par l'État. L'évaluation des enseignants est similaire à celle effectuée dans le public. Néanmoins, en comparaison avec le public, les chefs d'établissements privés ont plus d'autonomie quant au recrutement et au remplacement des enseignants et des personnels.

Selon le programme budgétaire 139 de l'État Enseignement privé du premier et du second degré de la loi de finances pour 2025, l'enseignement privé sous contrat est financé par l'argent public à hauteur de 9 milliards d'euros. Il s'agit de financer non seulement la rémunération des enseignants mais aussi le forfait d'externat (article L442-9 du code de l'éducation), ce forfait visant à couvrir les charges de personnels non enseignants.

Par ailleurs, l'enseignement privé bénéficie aussi des frais de scolarité payés par les familles (de 230 euros par an à 8 215 euros par an par exemple selon la Cour des comptes) bien que la gratuité puisse exister parfois pour certains établissements.

Toutefois, même si le principe du contrôle budgétaire est établi (article R442-16 du code de l'éducation), la Cour des comptes pointe des carences de contrôles sur l'utilisation des fonds publics octroyés pour le fonctionnement des établissements privés. 

Enfin, d'après la circulaire n° 2012-025 du ministère de l'éducation nationale, les collectivités territoriales financent les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat "dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public".

Néanmoins, comme l'évoquent la question d'un sénateur publiée en novembre 2022 et la question d'une députée publiée en avril 2023, les règles de la participation des communes aux frais de fonctionnement des écoles privées peuvent engendrer un surcoût pour les communes et contribuent à dégrader les conditions d'accueil des enfants dans les écoles publiques.

L’article L442-1 du code de l’éducation pose le principe du contrôle par l'État des établissements privés sous contrat.

Un contrôle pédagogique est expressément mentionné à l'article L442-12 du code de l'éducation concernant les établissements sous contrat simple.

L'article R442-15 du code de l'éducation établit un contrôle administratif assuré par l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) et par le recteur d'académie. "Il porte sur l'observation des textes législatifs et réglementaires applicables à l'établissement et sur l'accomplissement des engagements souscrits par celui-ci. Les inspecteurs généraux disposent des pouvoirs d'investigation financière nécessaires à l'accomplissement de cette mission".

L'article R442-16 du code de l'éducation porte sur le contrôle budgétaire qui incombe au directeur départemental ou régional des finances publiques (DDFiP et DRFiP) en liaison avec les inspecteurs de l'IGESR et les services académiques. 
Les établissements sont également soumis aux vérifications de l'inspection générale des finances (IGF).

Selon les termes de l'article L241-4 du code de l'éducation : "L'inspection des établissements d'enseignement privés porte sur la moralité, l'hygiène, la salubrité et sur l'exécution des obligations imposées à ces établissements par le présent code. Elle ne peut porter sur l'enseignement que pour vérifier s'il n'est pas contraire à la morale, à la Constitution, aux lois et notamment à l'instruction obligatoire."

Toutefois, d'après le rapport de la Cour des comptes de juin 2023 : 

  • le contrôle financier des établissements privés sous contrat, qui incombe aux DDFiP et DRFiP, "n’est pas mis en œuvre" ;
  • le contrôle pédagogique, réalisé par les inspecteurs, "est exercé de manière minimaliste" ;
  • le contrôle administratif, qui relève de l'IGESR et des recteurs, "n’est mobilisé que ponctuellement lorsqu’un problème est signalé".

Un rapport de l'Assemblée nationale sur le financement public de l’enseignement privé sous contrat, datant du 2 avril 2024, établit un constat similaire. 

En juillet 2025, le rapport de la commission d'enquête créée après l'affaire Betharram confirme cette absence de contrôle.


 

Les établissements d'enseignement scolaire privés hors contrat sont libres du contenu des matières dispensées et des horaires de l'enseignement public mais ils doivent garantir aux élèves l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

Une déclaration d’ouverture auprès du rectorat est nécessaire. Les établissements hors contrat sont inspectés dès la première année de leur fonctionnement.

La loi Gatel du 13 avril 2018 vise à "simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat". Elle simplifie la procédure déclarative avec la mise en place d'un guichet unique et renforce le contrôle exercé par le maire et par les services de l'État en allongeant les délais d'opposition et en unifiant les motifs. Depuis, il y a un contrôle annuel dans chaque école ou classe hors contrat.

Un guide publié au Bulletin officiel de l'éducation nationale du 5 mai 2022 précise ce qu'il en est de la déclaration d'ouverture de ce type d'établissement, des motifs d'opposition à une ouverture, des conditions que doivent remplir les personnels pour exercer ou encore des modalités de contrôle de ces établissements.