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Agriculture : les pesticides en 7 questions

Temps de lecture  9 minutes

Par : La Rédaction

Le 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la loi "Duplomb" permettant de déroger à l'interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes. L'occasion pour Vie-publique.fr de faire le point sur les pesticides.

Fongicides, herbicides, insecticides... Les substances qui contrôlent, détruisent ou préviennent les organismes considérés comme nuisibles sont regroupées sous le terme de pesticides. Ce terme recouvre à la fois : 

  • les produits phytopharmaceutiques, destinés à protéger les végétaux contre des organismes nuisibles, assurer leur conservation ou encore détruire les végétaux indésirables ;
  • les produits biocides (ou désinfectants) destinés à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles.

La Commission européenne définit un pesticide comme “un produit qui prévient, détruit, ou contrôle un organisme nuisible ou une maladie, ou qui protège les végétaux ou les produits végétaux pendant la production, le stockage et le transport”.

Les pesticides peuvent être d'origine naturelle. Toutefois, le terme désigne le plus souvent des produits chimiques.

Les pesticides sont des substances destinées à lutter contre des organismes nuisibles aux cultures.

Surtout utilisés en agriculture, ils ont une action herbicide, fongicide ou encore insecticide.

Ils régulent aussi la croissance des végétaux et améliorent le stockage et le transport des produits de culture.

Depuis 60 ans, les pesticides chimiques utilisés en agriculture intensive ont permis d’augmenter les rendements.

Mais des traces de pesticides peuvent se trouver dans les aliments tout comme dans les milieux naturels : air, eau, sols.

Des effets sur la santé ont été identifiés, aussi bien en milieu agricole qu’en population générale.

L’exposition à certains composés peut être cancérigène, toxique pour la reproduction ou provoquer des mutations de l’ADN.

L’utilisation des pesticides a également des conséquences sur la biodiversité.

Ils peuvent détruire les sources de nourriture et perturber les habitats naturels de certaines espèces.

C’est notamment le cas des pollinisateurs dont l’action est essentielle pour la survie des plantes et des arbres.

La vente et l’usage des pesticides sont réglementés en France et dans l’Union européenne.

L’objectif est de mieux protéger les populations et de réduire la dépendance aux pesticides.

En 2007, le Grenelle de l’environnement fixait un objectif de réduction de 50% de l’usage des pesticides en dix ans.

Cet objectif a été reporté en 2016 à l’échéance 2025 et assorti d’un objectif intermédiaire de -25% en 2020.

Plusieurs plans « Écophyto » ont été élaborés depuis 2008, conformément à une directive européenne.

L’utilisation des pesticides a pourtant progressé de 12% entre 2009 et 2016.

Mais la part des exploitations converties à l’agriculture biologique progresse.

L'encadrement des usages des pesticides à proximité des habitations a par ailleurs été renforcé.

Le glyphosate est un herbicide utilisé dans les cultures. En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) avait estimé que le glyphosate était probablement cancérogène pour les humains. Toutefois, cette évaluation avait été contredite en novembre 2015 par les conclusions d'une étude rendue publique par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Le 16 novembre 2023, un vote des 27 pays de l'Union européenne n'ayant pas dégagé de majorité qualifiée, la Commission européenne a décidé d’autoriser le glyphosate pour dix années supplémentaires, jusqu'en 2033. 17 pays de l'UE ont voté en faveur de ce renouvellement. Pour sa part, la France s’est abstenue. 

Les pesticides font l’objet d’une surveillance particulière :

  • d'une part, en raison d’une présomption de dangerosité pour l’être humain, qu'elle soit liée à l'exposition au produit ou à l'ingestion d'aliments contaminés ;
  • d'autre part, en raison de leur nocivité pour certaines espèces nécessaires au bon fonctionnement des écosystèmes. 

Selon un rapport de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) publié en 2021, la présomption d’un lien entre l’exposition de la population au chlordécone (insecticide utilisé dans les Antilles françaises par le passé) et le risque de cancer de la prostate a été confirmée. Concernant l’herbicide glyphosate, l’expertise a conclu à l’existence d’un risque accru de certains types de lymphomes. Globalement, les études épidémiologiques sur les risques de leucémie de l’enfant concluent à une présomption forte de lien avec l’exposition aux pesticides de la mère pendant la grossesse.

Chaque année, l’Agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA) publie un rapport annuel sur les résidus de pesticides dans les aliments, sur la base des contrôles effectués par les États membres de l’UE ainsi que par la Norvège et l’Islande.
Le dernier rapport publié, portant sur l'année 2023, fait état d'un dépassement de la limite maximale de résidus autorisée (LMR) pour 1,9% des échantillons analysées (contre 1,7% en 2017).

Le rapport sur l'état de l'environnement en France pour 2024 constate une baisse des ventes des produits phytosanitaires les plus toxiques mais une stagnation des ventes totales et une large contamination de l’ensemble du territoire.

Certains produits phytosanitaires sont soupçonnés de nuire à la biodiversité (notamment à la biodiversité des sols) ou à la survie de certaines espèces comme les abeilles.

Comme le mentionne le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, il existe des distances de sécurité pour les traitements phytopharmaceutiques à proximité des habitations.

Selon l'arrêté du 27 décembre 2019, en règle générale, l'utilisation de ces produits doit s'effectuer en respectant une distance incompressible de 20 mètres lorsqu'il s'agit de produits contenant une substance "préoccupante".

Pour les autres produits, cette distance est de :

  • dix mètres pour l’arboriculture, la viticulture, les arbres et arbustes, la forêt, les petits fruits et cultures ornementales de plus de 50 centimètres de hauteur, les bananiers et le houblon ;
  • cinq mètres pour les autres cultures.

Les produits phytopharmaceutiques et biocides ne peuvent pas être utilisés ou placés sur le marché français sans autorisation préalable.

Comme dans tous les pays membres de l'Union européenne, la mise en œuvre réglementaire s’articule en deux étapes :

  1. Les substances actives sont autorisées au niveau de l’Union européenne. L’agence européenne de sécurité alimentaire, l’EFSA, mène l’évaluation scientifique. Si l’évaluation conclut que la substance active ne présente pas d’effet nocif inacceptable sur la santé humaine ou animale et n’a pas d’influence inacceptable sur l’environnement, la Commission européenne peut autoriser la substance concernée après examen du dossier.
    Les substance actives autorisées, sont inscrites à l’annexe du règlement UE/540/2011, liste européenne des substances actives approuvées.
  2. Les produits sont autorisées au niveau des États membres lorsque l’ensemble des substances actives contenues dans le produit ont été autorisées au niveau communautaire. L’entreprise soumet le dossier pour son produit dans chaque État membre où il souhaite le commercialiser et le voir utilisé. 

En France, c'est l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) qui est en charge de l’évaluation et de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des pesticides.

La commercialisation, l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et le contrôle de leurs résidus dans les denrées alimentaires sont principalement encadrés par le règlement (CE) n°1107/2009.

La mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides sont encadrées par le règlement (UE) n°528/2012.

Deux organismes européens sont principalement chargés d'évaluer la dangerosité des produits chimiques pour l'être humain. Il s'agit de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), qui évaluent et conseillent les autorités européennes et les États membres.

Par ailleurs, les législations européenne et nationales s’appuient sur les études du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), placé sous l’autorité de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il a publié, en novembre 2011, une revue complète de plus de 100 agents chimiques, physiques, professionnels, biologiques, qui ont fait l’objet d’une classification en tant que cancérogènes pour l’homme.

La politique de la France s’inscrit dans une volonté de réglementer l'usage des pesticides de manière plus stricte que d’autres États de l'Union européenne. 

Le plan Écophyto initial a été mis en œuvre dès 2008. Le plan Écophyto II+ prévoyait notamment d’accélérer le retrait des substances les plus préoccupantes, d’accompagner la sortie du glyphosate et la baisse de 50% de l’usage de pesticides à l’horizon 2030 par rapport à 2015-2017. 

Toutefois, à la suite du mouvement des agriculteurs de janvier 2024, la dernière version du plan Écophyto a été suspendue temporairement afin d'être débattue entre acteurs de la protection de l'environnement, agriculteurs et gouvernement.

La nouvelle stratégie, dénommée Écophyto 2030, a été publiée le 6 mai 2024. Elle confirme le remplacement de l’indicateur Nodu ("Nombre de doses unités") par l'indicateur européen de "risque harmonisé" (HRI1) annoncé par le Premier ministre Gabriel Attal dans un discours du 21 février 2024. Alors que le Nodu correspond au "nombre de traitements théoriques appliqués à pleine dose sur une surface d’un hectare", le HRI1 propose des résultats qui sont pondérés d'après la nocivité des produits utilisés par rapport à une classification européenne. 

La stratégie Écophyto 2030 continue de poursuivre l’objectif de réduction de l’utilisation des pesticides de 50% d’ici à 2030 mais selon le nouvel indicateur HRI1 et par rapport à la période 2011-2013 (période de référence de l’indicateur HRI1). 

Le HRI1 classe les substances actives en quatre catégories, auxquelles correspond pour chacune un coefficient de pondération :

  • catégorie 1 - coefficient 1 (substance à faible risque) ;
  • catégorie 2 - coefficient 8 (toutes les autres substances actives qui ne relèvent pas des autres catégories) ;
  • catégorie 3 - coefficient 16 (substances candidates à la substitution) ;
  • catégorie 4 - coefficient 64 (substances non-autorisées).

Le 13 mai 2025, le gouvernement a publié un premier bilan de la stratégie, un an après son lancement. D'après le communiqué de presse, la valeur du HRI1 pour 2022 en France est de 64 (contre 66 en 2021), en baisse de 36% par rapport à la période de référence (2011-2013). La valeur moyenne du HRI1 à l’échelle européenne pour 2022 est de 50, en baisse de 50% par rapport à la période de référence. 

Les avancées soulignées par le gouvernement concernent notamment : 

  • les travaux conduits cette année dans les sites Natura 2000 terrestres pour identifier les aires protégées à enjeux et les mesures à prendre pour réduire la pression des produits phytopharmaceutiques et atteindre les objectifs de conservation ou de restauration des habitats et espèces d’intérêt communautaire concernés ;
  • le lancement d'une feuille de route pour la protection renforcée des captages d’eau potable ;
  • le lancement des travaux pour déployer portail national d'information sur l'exposition aux produits phytopharmaceutiques, dont l’objectif est d’accompagner et d’informer les riverains.

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