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L'assurance chômage en Europe : éléments de comparaison

Temps de lecture  10 minutes

Par : La Rédaction

Taux de remplacement, durée minimale d'affiliation ou plafond de salaire de référence, les régimes d'assurance chômage présentent des caractéristiques communes. Dans le détail, les disparités sont fortes. Une réforme du système en vigueur en France est à l'étude. Vie-publique.fr fait le point pour comprendre les débats.

En moyenne, les pays de l'Union européenne (UE-27) ont consacré en 2022 1,2% de leur produit intérieur brut (PIB) aux prestations liées au risque d'emploi. Ces prestations intègrent les revenus de remplacement et diverses indemnités, en espèces ou en nature, servies individuellement à des personnes en recherche d'emploi, en sous-emploi ou reprenant un emploi. 

En France, les dépenses pour les prestations liées au risque emploi représentent 1,8% du PIB en 2022. C'est un montant quasi-équivalent aux dépenses militaires (1,9% du PIB), inférieur à la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) (2,18% du PIB), mais nettement supérieur au budget de la justice (0.21% du PIB). 

Les dépenses de la France pour le risque emploi sont largement supérieures à la moyenne européenne. Elles se situent au deuxième rang en Europe, derrière Chypre (2,8% du PIB), et devant l'Espagne (1,7%) et l'Autriche (1,6%). Les autres pays se classant également au-dessus de la moyenne européenne sont la Finlande, l'Italie et la Belgique. L'Allemagne, avec environ 1% du PIB, est en dessous de la moyenne européenne. 

Sur le plan géographique, on observe un net décalage ouest-est. Les pays à l'Ouest dépensent plus pour le risque emploi que ceux entrés dans l'Union européenne à partir de 2004. Ces derniers consacrent - avec, en moyenne, 0,4% de leur PIB - une part sensiblement inférieure à la moyenne européenne des dépenses pour le risque emploi. Ce montant relativement faible peut s'expliquer par un taux de chômage relativement faible dans ces pays et également par un certain manque de lisibilité des finances publiques. En Pologne, par exemple, plusieurs fonds de financement coexistent, parfois séparés du budget, et leur prise en compte n'est pas toujours complète.

Le volume de dépenses consacré au risque chômage dépend de deux facteurs : le régime d'assurance chômage en place et le nombre de demandeurs d'emploi. Un pays avec un régime généreux et un nombre élevé de demandeurs d'emploi dépensera davantage. Tous les demandeurs d'emploi ne sont cependant pas indemnisés. En France, par exemple, seul environ la moitié des personnes inscrites à France Travail en catégories A, B, C sont indemnisées. 

Faute de comparaisons fiables (problèmes de définition, absence d'information, etc.) sur la proportion de chômeurs indemnisés dans l'ensemble des pays de l'UE-27, on ne peut que rapporter les dépenses du risque emploi au nombre total de chômeurs, qu'ils soient indemnisés ou non. En termes de dépenses par chômeur, la France est au-dessus de la moyenne des pays de l'UE, mais assez loin des premiers. Exprimée en parité de pouvoir d'achat (PPA, c'est un taux de conversion monétaire qui permet d'exprimer dans une unité commune les pouvoirs d'achat des différentes monnaies), la somme que la France a dépensée en 2022 par chômeur est de 21 400 euros PPA, la moyenne UE-27 étant de 14 700 euros PPA. L'Irlande (en tête, avec plus de 38 000), l'Autriche (près de 33 000) ou l'Allemagne (27 400) dépensent davantage. Les nouveaux pays membres à l'Est consacrent en moyenne nettement moins : 4 900 euros PPA par chômeur.

Les conditions d'accès aux prestations sont très variables. Il y a deux modèles en Europe : les pays qui fixent une durée minimum d'emploi sur une période de référence et ceux qui exigent la perception d'un certain revenu, également sur une période de référence. La plupart des pays pratiquent le premier modèle, la France en fait partie. 

Pour bénéficier d'allocations-chômage en France, il faut actuellement avoir travaillé au moins 6 mois au cours des 24 derniers mois (36 derniers mois pour les salariés de plus de 53 ans). Une période minimale de 6 mois est également requise aux Pays-Bas, en Suède et en Finlande, mais avec une période de référence qui est respectivement de 9, 12, 28 mois. En Allemagne, il faut avoir travaillé au moins 12 mois durant les 30 derniers mois. La période de 12 mois est aussi exigée au Portugal avec une période de référence de 24 mois, en Belgique mais sur les 21 derniers mois et en Espagne sur les 6 dernières années. La durée minimale d'emploi la plus faible est exigée en Italie (3 mois) et la période de référence y est de 4 années précédant la perte d'emploi en Italie (il faut en plus avoir travaillé au moins 1 mois dans les 12 derniers). L'Irlande pratique la durée minimale d'emploi la plus élevée (24 mois), la période de référence est la carrière. 

Les pays de l'autre modèle exigent la perception d'un certain revenu pour avoir droit aux indemnités. Le Danemark exige, par exemple, un revenu minimal de 33 063 euros au cours des 3 dernières années.

Pour fixer le montant de l'indemnisation, deux modèles sont pratiqués : un pourcentage du salaire de référence ou un montant forfaitaire. Certains pays pratiquent un mix des deux. Dans le premier groupe, qui compte le plus grand nombre de pays, le taux de remplacement varie entre 57% en France et 90% au Danemark. Il est de 60% en Allemagne (67% pour les Länder de l'Est), 65% au Portugal (75% dans certains cas) et en Belgique (il devient dégressif après trois mois), 70% en Espagne et de 75% aux Pays-Bas et en Italie (avec un système d'indemnité dégressif à partir du 6e mois : -3% par mois). 

La plupart des pays prévoit un montant maximum d'indemnisation. Quand le taux de remplacement est élevé, ce plafond a tendance à être plus bas. Ainsi, au Danemark, avec un taux de remplacement de 90%, le montant maximum de l'allocation mensuelle est de 3 146 euros ; en Italie, avec un taux de 75%, le montant maximum est de 1 550 euros, il est d'environ 1 300 euros en Espagne et au Portugal. Mais en Allemagne, il est d'environ 3 300 euros. 

En France, où le taux de remplacement est de 57%, le montant maximum est de 8 811 euros (situation au 1er mai 2024). Cependant, moins d'un demi-pourcent des allocataires perçoit ce montant. En mars 2023, le montant mensuel brut moyen du droit d’allocation chômage versée aux demandeurs d’emploi indemnisés par l’assurance chômage est de 1 265 euros.

En Irlande, le montant de l'allocation est le même pour tous. Il n'est donc pas calculé en fonction du salaire. D'autres pays ont une allocation forfaitaire de base uniquement pour les demandeurs d'emploi qui n'adhèrent pas volontairement à une caisse d'assurance chômage, comme en Suède (1 010 euros) ou en Finlande (800 euros).

Certains pays font varier l'indemnisation en fonction de la situation familiale ou l'âge du demandeur d'emploi (comme l'Allemagne) ou la font évoluer avec le temps, c'est-à-dire introduisent une dégressivité. C'est aussi le cas en France : l'allocation chômage devient dégressive au-delà du 6e mois.

La plupart de pays ne fixe pas de montant minimum, comme la France, l'Allemagne, le Danemark, l'Irlande ou l'Italie. En revanche, au Portugal, en Suède, Belgique, Espagne et Finlande, les allocataires perçoivent un montant minimum. Il varie entre 509 euros au Portugal (situation au 1er mai 2024) et 1 330 euros en Belgique (où il varie en fonction de la situation familiale du demandeur d'emploi). 
 

La durée d'indemnisation est forfaitaire dans certains pays comme en Irlande (6 mois si moins de 5 ans de cotisations, 9 mois au-delà), en Suède (300 jours) et au Danemark (3 848 heures). Dans d'autres pays, la durée dépend de plusieurs critères (la durée de travail antérieure, l'âge ou la situation familiale).

En France, elle varie entre 6 mois (durée minimale), 18 mois pour les moins de 53 ans et 27 mois pour les 55 ans et plus, donc légèrement plus qu'en Allemagne où elle varie entre 6 et 24 mois. De nombreux pays la limitent à deux ans. En Belgique, elle est en principe illimitée. L'indemnité est d'abord dégressif, puis devient forfaitaire.

La durée d'indemnisation minimale la plus courte existe en Italie (45 jours), suivie des Pays-Bas (3 mois) et de l'Espagne (4 mois). Certains pays allongent la durée d'indemnisation pour les demandeurs ayant la charge d'un enfant, c'est le cas de la Suède ou la période passe dans ce cas de 300 à 450 jours.

Le niveau de générosité est très variable entre les pays. Tout dépend des paramètres des régimes nationaux. Plusieurs pays se distinguent:

  • le taux de remplacement le plus élevé est accordé au Danemark (90%) ;
  • la durée minimale d'emploi la plus courte est demandée en Italie (3 mois) ;
  • la durée d'indemnisation la plus longue est observée en Belgique où elle est en principe illimitée ; ce pays offre également le montant minimum d’indemnisation le plus élevé (1 330 euros).

La France a un régime qui, selon certains critères, est relativement avantageux pour les chômeurs, mais il y a a également des critères où la France est plus restrictive. Ainsi, la France est un peu plus généreuse que l’Allemagne ou la durée d’indemnisation maximale pour la majorité des actifs est de 12 mois (personnes de moins de 50 ans), contre 18 en France (personnes de moins de 53 ans). Et les conditions allemandes pour l’obtenir sont un peu plus restrictives que celles en France (il faut avoir travaillé 12 mois contre 6 en France). Mais, par chômeur, l’Allemagne dépense près d’un tiers de plus que la France (27 400 euros par an contre 21 400). Ce pays est donc, par chômeur, plus généreux que la France. 

La France se distingue par le fait que les très hauts revenus ont droit à l’assurance chômage : le plafond du salaire de référence est avec 15 456 euros largement supérieur aux autres pays. Il en découle un montant maximal d’allocation mensuelle très élevé (8 811 euros - situation 1er mai 2024).

Enfin, le degré de générosité peut également être estimé par les sommes dépensées en moyenne pour chaque chômeur. Si on rapporte les dépenses du risque emploi au nombre total de chômeurs, qu’ils soient indemnisés ou non, exprimées en parité de pouvoir d’achat pour mieux comparer, la France dépense, en 2022, avec 21 400 euros plus que la moyenne européenne, mais moins que les pays les plus généreux par chômeur, à savoir l’Irlande (38 300 euros), l’Autriche (32 800 euros), l’Allemagne (27 400 euros) ou encore Chypre, la Belgique et le Luxembourg.