Coûts des normes et de l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités : évaluation, constats et propositions

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L'État et les collectivités territoriales interagissent dans un cadre législatif, réglementaire et financier très complexe.

La première partie de ce rapport documente l'enchevêtrement des responsabilités et des compétences de l'organisation actuelle. Cette complexité, quand elle ne provoque pas de la confusion dans l'action publique, pèse sur la capacité de cette dernière à atteindre les objectifs qui sont fixés.

La deuxième partie du rapport chiffre les coûts de l'enchevêtrement des responsabilités et des compétences. En conséquence, la troisième partie est consacrée à la formulation de propositions de clarification des compétences et de réorganisation, susceptibles de réduire les coûts collectifs.

Si la quatrième partie trace les pistes permettant un meilleur encadrement de la production normative concernant les collectivités territoriales, la cinquième et dernière partie propose des pistes de simplification des règles applicables aux collectivités, telles que celles relatives à la commande publique, la fonction publique territoriale et la comptabilité publique.

INTRODUCTION

1. L'ENCHEVÊTREMENT DES RESPONSABILITÉS, DES COMPÉTENCES ET DES FINANCEMENTS ENTRE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ATTEINT UN NIVEAU DE COMPLEXITÉ PRÉJUDICIABLE

1.1. La majorité des citoyens expriment une grande confusion quant au partage de la responsabilité entre l'État et les collectivités même s'ils accordent majoritairement leur confiance à celles-ci pour gérer l'argent public
1.1.1. Pour nos concitoyens, la répartition des responsabilités est confuse sur la quasi-totalité des politiques publiques
1.1.2. Une large majorité de citoyens fait confiance aux collectivités pour gérer l'argent public

1.2. Entre 2010 et 2015, le législateur s'est efforcé de clarifier l'organisation institutionnelle
1.2.1. Entre 2010 et 2015, le législateur a affiché une volonté de rationalisation de l'action des collectivités
1.2.2. Au cours de la décennie 2010 s'est opérée une restructuration importante de la carte des collectivités et de leurs groupements
1.2.3. Après quelques hésitations, le législateur a fini par restreindre la clause générale de compétences aux seules communes
1.2.4. La spécificité juridique et financière des EPCI permet un partage net des compétences au sein du bloc communal
1.2.5. Depuis 2015, les compétences des départements et des régions sont énumérées par la loi mais ne sont, à ce jour, consolidées nulle part

1.3. Le partage complexe des compétences entre l'État et les collectivités est la source d'un enchevêtrement des interventions et altère la lisibilité de l'action publique
1.3.1. Un nombre important de compétences restent partagées en droit par tous les niveaux d'administration
1.3.2. Certaines compétences attribuées demeurent partagées dans les faits, à l'instar de celles relatives au développement économique
1.3.3. Le législateur, au motif de la différenciation, a parfois contribué à complexifier encore la répartition des responsabilités et des compétences

1.4. Dans le champ des politiques publiques partagées ou dotées d'un chef de file, les outils de coordination mis en place apparaissent peu opératoires
1.4.1. Les CTAP instituées par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles apparaissent comme des coquilles vides
1.4.2. La notion de chef de file se révèle peu opérationnelle et le recours aux CTEC est particulièrement rare

1.5. L'État demeure très présent et intervient dans le champ de politiques publiques décentralisées
1.5.1. La présence de l'État s'affirme par la norme, les schémas et le pilotage de la coordination entre acteurs
1.5.2. L'État s'est maintenu et intervient même à nouveau dans le champ de politiques publiques décentralisées
1.5.3. Par la contractualisation et via ses opérateurs, l'État entend continuer à orienter l'action des collectivités dans le champ de politiques décentralisées

1.6. Les financements croisés entre les collectivités et l'État représentent des montants considérables
1.6.1. Les financements croisés entre l'État et les collectivités ont atteint 14 Md€ en 2022, principalement sous la forme de subventions aux investissements locaux
1.6.2. L'État et les collectivités instruisent parfois la même demande émanant d'entreprises, d'associations ou de ménages

1.7. Malgré l'enchevêtrement des responsabilités et des compétences, la dépense publique des collectivités apparait maîtrisée sur la période récente et plutôt faible en comparaison européenne

2. L'ENCHEVÊTREMENT ACTUEL ENGENDRE DES COÛTS ANNUELS IMPORTANTS POUR TOUS LES ACTEURS PUBLICS, CHIFFRÉS PAR LA MISSION À AU MOINS 6MD€ POUR LES COLLECTIVITÉS ET AU MOINS 1,5 MD€ POUR L'ÉTAT

2.1. La mission a évalué les coûts associés à l'enchevêtrement des responsabilités et des compétences entre l'État et les collectivités territoriales

2.2. Les coûts sont significatifs pour chaque niveau d'administration et y compris pour l'État
2.2.1. Le coût de l'enchevêtrement pèse principalement sur le bloc communal
2.2.2. Les compétences morcelées et les interventions résiduelles de l'État génèrent des coûts très significatifs
2.2.3. La coordination est le principal vecteur de coûts estimé, devant les coûts occasionnés par la gestion des financements croisés

3. LA RÉUSSITE DE LA DÉCENTRALISATION APPELLE UNE VASTE CLARIFICATION DES RESPONSABILITÉS, DES COMPÉTENCES ET DES MOYENS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

3.1. La réduction du nombre des niveaux d'administration territoriale n'apparait pas nécessaire même si les regroupements communaux et intercommunaux volontaires gagneraient à être encouragés à nouveau
3.1.1. La suppression d'un niveau d'administration n'a pas été retenue comme une piste de travail intéressante par la mission
3.1.2. Le mouvement de regroupement volontaire au sein du bloc communal gagnerait à être encouragée de nouveau

3.2. Les exemples réussis de politiques décentralisées se caractérisent par un alignement entre la responsabilité politique, les compétences juridiques et les moyens financiers

3.3. Pour rendre notre décentralisation plus efficace, il est nécessaire de réaligner "responsabilités, compétences et moyens" partout où cela est possible
3.3.1. Unifier au niveau des départements la responsabilité en matière de grand âge
3.3.2. Unifier au niveau des départements la responsabilité en matière de handicap
3.3.3. Unifier au niveau des départements et des régions la gestion respective des collèges et des lycées
3.3.4. Unifier au niveau des départements la responsabilité des services d'incendie et de secours
3.3.5. Unifier au niveau intercommunal la responsabilité de la politique de la ville
3.3.6. Unifier au niveau des maires la responsabilité de la tranquillité publique dans les villes de plus de 20 000 habitants
3.3.7. Clarifier les rôles de chef de file en matière de transition écologique et d'adaptation au changement climatique
3.3.8. Confier aux départements un rôle de chef de file en matière d'accès aux soins
3.3.9. Décentraliser la responsabilité du logement lato sensu selon les cas aux départements ou aux intercommunalités urbaines
3.3.10. Décentraliser le réseau de voiries nationales non concédées et réunifier la gestion des voiries en agglomération
3.3.11. Réviser la liste des compétences partagées afin d'identifier des chefs de file partout où cela est possible
3.3.12. Un travail complémentaire est nécessaire pour conférer l'efficacité attendue à la décentralisation française

3.4. Les outils de la coopération territoriale sont aujourd'hui à rénover

3.5. La refondation complète du financement des collectivités territoriales est indispensable
3.5.1. Même si l'État respecte la lettre de ses engagements financiers, les difficultés de financement se multiplient pour les collectivités et doivent désormais être résolues
3.5.2. L'inégalité des situations financières entre collectivités exige une relance forte de la péréquation
3.5.3. Réduire le coût de gestion des financements croisés est possible à la condition d'opérer des choix forts pour l'État et les collectivités

3.6. Réussir la décentralisation implique de repositionner l'État comme le garant des libertés et l'arbitre des responsabilités locales
3.6.1. L'unification de la représentation de l'État dans les territoires est aujourd'hui une attente unanime des élus locaux
3.6.2. Le contrôle de légalité doit faire respecter prioritairement la répartition des compétences

4. LE PROCESSUS DE CRÉATION DE NORMES APPLICABLES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DOIT MIEUX RESPECTER LE PRINCIPE DE LIBRE ADMINISTRATION

4.1. L'existence du CNEN permet une association utile, bien que tardive, des collectivités territoriales dans le processus de création des normes
4.1.1. Une concertation souvent tardive avec les représentants des élus
4.1.2. Une activité qui se limite à ce stade au flux de normes nouvelles, sans capacité à étudier le stock

4.2. L'évaluation des impacts par le CNEN éclaire les coûts importants imposés aux collectivités territoriales mais demeure fragile en termes méthodologiques
4.2.1. L'impact de chaque norme pour les collectivités territoriales est évalué depuis 2009
4.2.2. Les normes les plus particulièrement couteuses se retrouvent dans les champs de la transition écologique, des politiques sociales et de la fonction publique territoriale

4.3. Le dispositif d'évaluation des normes et les engagements tenus du Gouvernement n'ont pas suffi à maitriser le flux de normes nouvelles, avec une tension qui semble croissante
4.3.1. Les avis défavorables du CNEN sont en augmentation, mais leur incidence reste limitée
4.3.2. Les règles de simplification pour les normes réglementaires autonomes produisent des résultats, mais concernent une minorité de textes

4.4. Des modifications du dispositif d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales apparaissent indispensables
4.4.1. Le rattachement du CNEN au Premier ministre permettrait d'affirmer le caractère transversal de son activité
4.4.2. Un canal plus direct entre le CNEN et le Parlement reste à construire
4.4.3. Les études et fiches d'impact doivent être renforcée et les délais de consultations étendus
4.4.4. Des évaluations ex post à engager, en recourant à de l'expertise extérieure, administrative ou académique

4.5. Une évolution du législateur vers plus de sobriété et de confiance grâce notamment à la mobilisation du pouvoir réglementaire des collectivités protégerait aussi les libertés locales
4.5.1. Le recours au pouvoir réglementaire local, dans les champs de politiques publiques décentralisées contribuerait à la fois à la simplification et à la pertinence de l'activité normative
4.5.2. L'article 40 de la Constitution pourrait être entendu moins strictement, et concourir à la sobriété normative

5. LA SIMPLIFICATION DES NORMES PESANT SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EST ATTENDUE ET PEUT PERMETTRE DES GAINS FINANCIERS SIGNIFICATIFS

5.1. Revoir les règles et l'organisation de la commande publique permettrait de la rendre plus efficace et plus efficiente
5.1.1. Les règles de plus en plus complexes de la commande publique génèrent des coûts procéduraux importants pour les collectivités
5.1.2. La suppression du seuil intermédiaire des marchés à procédure adaptée pourrait générer des économies considérables
5.1.3. La simplification des normes applicables aux groupements de commande encouragerait la mutualisation des achats

5.2. Le coût de la gestion des ressources humaines des collectivités territoriales rend indispensable l'engagement d'un exercice spécifique de simplification
5.2.1. Le coût de gestion des agents publics territoriaux apparaît élevé en comparaison des coûts de gestion du secteur privé
5.2.2. Déconnecter la gestion du point de la FPT permettrait de mieux prendre en compte les spécificités des collectivités territoriales
5.2.3. L'allégement des normes applicables en matière de ressources humaines et leur codification contribueraient à responsabiliser les collectivités territoriales employeuses

5.3. Les coûts et contraintes liés à la comptabilité publique peuvent être significativement réduits pour les collectivités et l'État
5.3.1. Malgré plusieurs réformes récentes, le principe de séparation entre l'ordonnateur et le comptable demeure et emporte des coûts élevés pour l'État et les collectivités
5.3.2. Une réforme est aujourd'hui possible avec une gradation d'options allant jusqu'à l'autonomie financière et comptable des collectivités
5.3.3. Une expérimentation serait utile afin de permettre un juste partage des gains de la réforme entre l'État et les collectivités

5.4. Une évolution du dispositif d'évaluation du flux des normes produites par les fédérations sportives est souhaitable
5.4.1. Le pouvoir réglementaire des fédérations sportives contribue aussi à la profusion de normes
5.4.2. Le rôle de la Commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (CERFRES) à consolider et développer

5.5. Au-delà d'un premier recensement, un exercice de simplification des normes applicables aux collectivités est aujourd'hui indispensable

CONCLUSION

  • Type de document : Rapport officiel
  • Pagination : 240 pages
  • Édité par : Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique : Ministère de l'intérieur et des outre-mer