Évaluation des mesures d'exonération de cotisations sociales spécifiques aux outre-mer

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Dans le cadre de l'obligation triennale d'évaluation des mesures de réduction et d'exonération de cotisations sociales instaurée par la loi organique du 14 mars 2022, l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale des finances ont été conjointement mandatées pour conduire une mission d'évaluation des dispositifs spécifiques d'allégements de charges sociales bénéficiant aux entreprises de certains territoires ultramarins.

Dans leur rapport d'octobre 2024, Antoine Bozio et Étienne Wasmer utilisent la méthode des doubles et triples différences pour évaluer l'effet des exonérations de cotisations sociales. Cette méthode a ici été utilisée sur l'exhaustivité des données des entreprises ultramarines concernées par ce dispositif.

Cette méthode consiste à comparer l'évolution d'un indicateur (comme le nombre d'emplois, le niveau de rémunération ou de profitabilité) entre des entreprises concernées par la réforme et d'autres qui ne le sont pas, avant et après sa mise en œuvre. En introduisant une troisième dimension - ici, la taille des entreprises - l'analyse est affinée afin de mieux isoler l'effet propre de la politique. 

Les dispositifs Lodéom (loi pour l'ouverture et le développement économique de l'outre-Mer) et Lopom (loi de
programmation pour l’outre-mer), issus des lois de 2009 et 2003 respectivement, visent à compenser les surcoûts structurels et les écarts de productivité dans les économies ultramarines. En 2023, leur coût s'élève à 1,5 milliard d'euros, en hausse de 33,6 % depuis 2019. Le régime Lodéom représente un avantage différentiel estimé à 695 millions d'euros.

La mission a mis en évidence la complexité des dispositifs, leur faible lisibilité pour les entreprises, et les difficultés de contrôle pour les caisses générales de sécurité sociale. De plus, l'évaluation économétrique de la réforme de 2019 appliquée aux données de 2023 révèle peu d'effet sur l'emploi, les salaires ou la rentabilité des entreprises bénéficiaires.

Dans ce contexte, la mission propose deux scénarios d'évolution :

  • Un scénario paramétrique, recentrant les exonérations sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC, afin de maximiser leur efficacité sur l'emploi tout en maîtrisant le coût budgétaire.
  • Un scénario structurel, fondé sur un barème unique d'exonération, combinant simplicité, équité et adaptation aux spécificités des territoires.

La mission recommande également de renforcer la fiabilité des données, d'harmoniser les conditions d'éligibilité, de supprimer le régime "innovation et croissance", et de mieux articuler les exonérations avec les autres instruments de politique publique.

Ces propositions s'inscrivent dans une perspective de réforme plus large, visant à soutenir le développement économique, social et écologique des outre-mer, en s'appuyant sur leurs avantages compétitifs spécifiques.
 

INTRODUCTION 

1. LES DISPOSITIFS D'EXONERATION LODEOM, DISPOSITIF DE GUICHET, DONT L'ORIGINE REMONTE A 1994 ET DONT LA LISIBILITE EST LIMITEE PAR LES REFORMES SUCCESSIVES, ONT REPRESENTE UN COUT DE 1,5 MD€ EN 2023, EN AUGMENTATION DE 33,6 % DEPUIS 2019 

1.1. Les régimes d'exonération en outre-mer sont marqués par une complexité renforcée par les nombreuses évolutions dont ils ont fait l'objet 
1.2. Les exonérations de cotisations Lodéom atteignent 1,5 Md€ en 2023, dont 45,5 % sont constituées par un avantage différentiel estimé à 694 M€
1.3. Le renforcement du pilotage du dispositif par les administrations et organismes de Sécurité sociale est nécessaire tant au niveau central que local

2. LA CARTOGRAPHIE DES DISPOSITIFS LODEOM MONTRE QU'ILS REFLETENT LA STRUCTURE DES ECONOMIES ULTRAMARINES, BIEN QUE L'EXAMEN DES SECTEURS COUVERTS FASSE APPARAITRE DES INCOHERENCES QUI SOULIGNENT LES LIMITES DE L'UTILISATION DES CODES NAF ET JUSTIFIERAIENT DES CONTROLES RENFORCES 

2.1. La répartition des exonérations Lodéom est cohérente avec le tissu économique des territoires ultramarins 
2.2. L'examen des secteurs bénéficiant des exonérations fait apparaître des incohérences qui soulignent les limites de l'utilisation des codes NAF et justifieraient des contrôles renforcés

3. L'EVALUATION ECONOMETRIQUE DE LA REFORME DES BAREMES LODEOM EN 2019 NE FAIT APPARAITRE QUE DES EFFETS TRES LIMITES SUR L'EMPLOI ET NON SIGNIFICATIFS SUR LES SALAIRES ET LES INDICATEURS DE RENTABILITE 

3.1. Si les entreprises des territoires ultramarins concernés par la Lodéom font face à des difficultés importantes et interviennent dans un environnement macroéconomique fragile, elles présentent des taux de marge supérieurs aux entreprises situées en France hexagonale 
3.1.1. Les territoires ultramarins bénéficiant des exonérations Lodéom présentent une situation macroéconomique dégradée par rapport à la France hexagonale malgré un processus de convergence de moyen terme
3.1.2. Les entreprises des territoires ultramarins concernées par les dispositifs Lodéom font face à des difficultés importantes mais présentent des taux de marge supérieurs aux entreprises situées en France hexagonale

3.2. L'évaluation économétrique de la réforme des barèmes Lodéom en 2019 ne fait apparaître que des effets très limités sur l'emploi et non significatifs sur les salaires et les indicateurs de rentabilité
3.2.1. La méthodologie d'évaluation retenue par la mission pour évaluer l'impact des exonérations Lodéom consiste à réaliser une différence de différence en s'appuyant sur la refonte des barèmes d'exonération en 2019
3.2.2. La modélisation ne fait apparaître d'effet significatif des exonérations de cotisations sociales Lodéom ni sur l'emploi, à l'exception d'un effet très limité pour les entreprises de 2 à 11 salariés négativement affectées par la refonte des barèmes, ni sur les rémunérations, ni sur les indicateurs de rentabilité

4. SI UNE EVOLUTION PARAMETRIQUE DES DISPOSITIFS LODEOM PERMETTRAIT UN RAPPROCHEMENT AVEC LE REGIME DES ALLEGEMENTS GENERAUX, UNE REFONTE STRUCTURELLE, DANS UNE LOGIQUE FORTE DE SIMPLIFICATION, GARANTIRAIT UNE MEILLEURE LISIBILITE POUR LES ENTREPRISES, MAIS NE SERAIT COHERENTE QUE SI ELLE S'ACCOMPAGNAIT DE REFORMES AYANT DE L'IMPACT SUR LES FACTEURS EXOGENES

4.1. Fondés sur une logique de compensation de facteurs exogènes impactant le coût du travail, les dispositifs d'exonération Lodéom constituent un avantage différentiel important à mettre en perspective du très faible impact mis en lumière par les modélisations économétriques réalisées dans le cadre de la réforme de 2019

4.2. Simplifier les dispositifs d'exonération Lodéom en les recentrant sur deux barèmes 
4.2.1. La suppression du barème innovation et croissance est un levier de simplification qui n'engendrerait que peu d'effets sur le montant des exonérations perçues par les entreprises
4.2.2. L'harmonisation des conditions d'éligibilité du barème compétitivité renforcée apparaît nécessaire pour améliorer la lisibilité du dispositif

4.3. Recentrer les dispositifs d'exonération sur les bas salaires pour lesquels ils sont plus efficaces et veiller à la cohérence avec le régime des allégements généraux
4.3.1. Cibler les plus bas salaires permettrait de concentrer les exonérations de cotisations sur les emplois les plus élastiques au coût du travail 
4.3.2. Une baisse du niveau d'exonération maximale du régime des allégements généraux entrainerait une baisse équivalente du niveau d'exonération des dispositifs Lodéom 

4.4. Mettre en oeuvre une refonte structurelle des dispositifs Lodéom afin de créer un régime d'exonération large évitant les distorsions économiques tout en maintenant un régime spécifique à l'outre-mer dans une perspective de réforme plus systémique

CONCLUSION

  • Type de document : Rapport d'inspection
  • Pagination : 241 pages
  • Édité par : Inspection générale des affaires sociales : Inspection générale des finances