Disponible en ligne :
Pour lire les formats PDF et ePub vous avez besoin d’un lecteur adapté.
Le rapport d'évaluation de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le parcours des jeunes majeurs, au moment de leur sortie de l'aide sociale à l'enfance, s'appuie notamment sur le contrôle de quatre départements : Eure-et-Loir, Haute-Garonne, Puy-de-Dôme et Pyrénées-Orientales.
Que deviennent les jeunes majeurs, lorsqu'ils ne sont plus suivis par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) ? Ont-ils été préparés à vivre en toute autonomie ? La loi n°2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a créé le droit à la poursuite d'un accompagnement après la majorité et jusqu'à 21 ans des jeunes sortant de l'ASE qui ne bénéficient pas de ressources ou d'un soutien familial suffisant. La loi prévoit également un ensemble d'outils concourant à la bonne insertion sociale et professionnelle des jeunes. Dans un contexte de difficultés structurelles de l'ASE, la mission d'inspection avait pour objectif de contrôler la mise en œuvre du cadre normatif et d'évaluer la politique menée par les conseils départementaux et leurs partenaires. Ce nouveau format de rapport d'évaluation thématique est nourri de quatre rapports de contrôle départementaux et permet de confronter des constats nationaux à une diversité de pratiques ancrées dans les territoires.
Une application disparate de la loi
Le rapport met en évidence que les départements consacrent des moyens importants à l'accompagnement après 18 ans (estimés à 1,2 Md€), dont ils ne contestent pas le principe, mais qu'ils accompagnent les jeunes de façon très disparate. Les outils prévus par la loi sont partiellement mis en œuvre et les départements ne respectent pas tous l'inconditionnalité de l'accompagnement.
Dans les départements contrôlés, le taux de poursuite en accueil provisoire jeune majeur, indicateur qui fournit une information sur le taux d'accompagnement combiné à sa durée, est compris entre 29 % et 71 % en 2023 (51 % en moyenne nationale), les durées d'accompagnement sont également très variables (entre 12 et 25 mois), et sont assorties de pratiques contrastées de fréquence de renouvellement des "contrats jeunes majeurs" (entre 4 et 8 mois par contrat). La mobilisation partenariale est également variable d'un département à l'autre.
Développer des voies d'accès privilégiées au droit commun pour les jeunes avant et après 21 ans
Aujourd'hui, les parcours des jeunes sortant de l'ASE sont émaillés de difficultés, la marche d'accès vers le droit commun reste souvent trop haute : dès lors, il convient de développer, avant et après 21 ans, des voies d'accès privilégiées pour que les jeunes puissent effectivement faire valoir leurs droits, accéder à un logement, être soignés ou accompagnés par le secteur médico-social.
La mission recommande également qu'aux côtés des départements, l'État et tous les acteurs contribuant à l'insertion des jeunes, notamment les acteurs du logement, les missions locales, la branche famille, l'assurance maladie, les agences régionales de santé et les maisons départementales pour les personnes handicapées se mobilisent. Le rapport préconise notamment que l'État développe, au niveau national et local, les instances et les outils de suivi des parcours des jeunes sortant de l'ASE.
Le rapport propose également de développer, dans chaque département :
- des structures co-financées par l'État permettant d'accompagner les jeunes en rupture avec les institutions ;
- des services de suites destinés aux jeunes sortis de l'ASE.
SYNTHESE
RECOMMANDATIONS DE LA MISSION
1 L'ACCOMPAGNEMENT A L'AUTONOMIE EST PEU PRIORISE DANS UN CONTEXTE DE FORTES TENSIONS SUR L'AIDE SOCIALE A L'ENFANCE
1.1 LE PRINCIPE D'UN MEILLEUR ACCOMPAGNEMENT A L'AUTONOMIE DES JEUNES PROTEGES EST LARGEMENT PARTAGE, MAIS INSUFFISAMMENT ET DIVERSEMENT MIS EN OEUVRE SUR LES TERRITOIRES
1.1.1 L'accompagnement "jeune majeur" est un processus dynamique inscrit dans une politique publique en adaptation permanente
1.1.2 L'accompagnement des jeunes majeurs par les Départements est partiellement assuré, de manière très disparate et souvent conditionnelle
1.1.3 Depuis 15 ans, les lois de protection de l'enfance sont ambitieuses en matière d'accompagnement à l'autonomie, mais restent diversement mises en œuvre
1.2 BIEN QU'IDENTIFIEE COMME UN MOMENT CHARNIERE POUR LES JEUNES, LA SORTIE DE L'ASE EST PEU OUTILLEE ET NE SEMBLE PAS PRIORISEE PAR LES CONSEILS DEPARTEMENTAUX QUI FONT FACE A DE NOMBREUSES DIFFICULTES
1.2.1 La sortie de l'ASE est identifiée comme un enjeu stratégique, mais les Conseils départementaux pilotent peu cette activité
1.2.2 L'accompagnement réalisé par les référents ASE devrait être plus systématiquement nourri par des outils et bonnes pratiques qui pourraient être mis à leur disposition
1.2.3 L'accompagnement du quotidien dépend des opérateurs partenaires que l'ASE doit mieux piloter
1.3 LE CONTEXTE DE GRANDES DIFFICULTES QUE VIT L'ASE RISQUE D'ACCENTUER UNE DEPRIORISATION SILENCIEUSE DE L'ACCOMPAGNEMENT A LA SORTIE DU DISPOSITIF
1.3.1 Les équipes ASE sont parfois surchargées et ses opérateurs partenaires saturés, ce qui peut conduire à prioriser les situations de jeunes enfants sur celles des jeunes autour de la majorité
1.3.2 Les équipes de direction, comme celles au contact des enfants, sont fragiles et accaparées par l'urgence des situations
1.3.3 Les Départements ont régulièrement augmenté les moyens consacrés à l'ASE, mais le renforcement de la contrainte budgétaire menace les actions relatives à la sortie de l'ASE
2 LA REUSSITE DES PARCOURS DES JEUNES SORTANT D'ASE DEPEND D'UN APPROFONDISSEMENT DE LA COORDINATION AVEC LES ACTEURS DE DROIT COMMUN
2.1 SI PLUSIEURS DISPOSITIFS SONT PREVUS POUR SOUTENIR LES RESSOURCES DES JEUNES MAJEURS PENDANT LEUR PARCOURS D'INSERTION OU LEURS ETUDES, LE DISPOSITIF DU PECULE DOIT EVOLUER POUR ETRE PLUS EQUITABLE, PLUS LISIBLE ET MIEUX ARTICULE AU PARCOURS DU JEUNE
2.2 L'AMELIORATION DE L'ACCES AU LOGEMENT DES JEUNES SORTANT D'ASE SUPPOSE UN DOUBLE EFFORT D'ACCOMPAGNEMENT DES JEUNES D'UNE PART, D'ANIMATION DES OPERATEURS DU LOGEMENT D'AUTRE PART
2.2.1 Le parcours vers le logement à la sortie de l'ASE doit être anticipé et structuré
2.2.2 La priorité accordée aux jeunes de l'ASE depuis 2022 en matière d'accès au logement social peut gagner en effectivité avec une implication forte du Conseil départemental pour mobiliser et animer les acteurs du logement sur cet enjeu
2.3 UN PARTENARIAT RENFORCE ET MIEUX PILOTE AVEC LE RESEAU DES MISSIONS LOCALES, ASSORTI D'AJUSTEMENTS AUX MODALITES DE MOBILISATION DU CONTRAT D'ENGAGEMENT JEUNE, CONTRIBUERAIT A UNE MEILLEURE INSERTION SOCIALE ET PROFESSIONNELLE DES JEUNES SORTANT DE L'ASE
2.4 LE RENFORCEMENT DU PARTENARIAT AVEC LE RESEAU DE L'ASSURANCE MALADIE PERMETTRAIT DE SECURISER LA CONTINUITE DE LA PRISE EN CHARGE DES JEUNES ET DE LEUR PARCOURS DE SOINS
2.5 LA CONSTRUCTION DU PARCOURS DES JEUNES EN SITUATION DE HANDICAP APPELLE A UN APPROFONDISSEMENT DU PARTENARIAT ENTRE LES SERVICES DE L'ASE ET LES MDPH ET A UN DIAGNOSTIC FIN DES BESOINS D'OFFRE D'ACCUEIL ENTRE 16 ET 25 ANS
2.6 L'ACCOMPAGNEMENT DES DEMARCHES ADMINISTRATIVES EST NECESSAIRE POUR REUSSIR LE PASSAGE AU DROIT COMMUN
3 LES DEPARTEMENTS, L'ETAT ET LES AUTRES PARTENAIRES DOIVENT ASSUMER PLEINEMENT LEURS RESPONSABILITES POUR RENFORCER L'ACCOMPAGNEMENT VERS LE DROIT COMMUN DES JEUNES A LA SORTIE DE L'ASE
3.1 LARGEMENT MECONNU, LE DEVENIR DES JEUNES SORTANT DE L'ASE FAIT APPARAITRE DE TRES FORTS FACTEURS DE DEFAVORISATION JUSTIFIANT UNE ATTENTION SPECIFIQUE ET UN PILOTAGE RENFORCE DES POLITIQUES CONDUITES POUR CONSTRUIRE DES PASSERELLES VERS LE DROIT COMMUN
3.1.1 Le cadre d'évaluation de cette politique publique, quoique très lacunaire, révèle un constat global et partagé de pertes de chances individuelles et d'un coût social particulièrement élevés
3.1.2 Les jeunes de l'ASE sont plus exposés que les autres à la prostitution, au narcotrafic et à la délinquance, cette vulnérabilité étant nourrie par le manque de confiance dans les institutions
3.1.3 Surmonter la méconnaissance des trajectoires des sortants de l'ASE est le prérequis à la mise en œuvre de passerelles adaptées vers le droit commun
3.2 L'ACCES DES JEUNES DE L'ASE AU DROIT COMMUN DOIT ETRE GARANTI PAR UN ENGAGEMENT CONJOINT DES CONSEILS DEPARTEMENTAUX ET DE L'ETAT
3.2.1 Un cadre de pilotage interministériel autour d'une feuille de route et d'indicateurs partagés est nécessaire
3.2.2 A l'échelon local, les CDPE en cours d'expérimentation peuvent être le support permettant au Conseil départemental, avec le concours de l'Etat, de s'assurer de la mise en œuvre et de coordonner les différents leviers en faveur des sortants de l'ASE
3.2.3 Le partage des données de pilotage entre les acteurs est indispensable au suivi de la stratégie et, à l'échelon individuel, à la mise en œuvre des parcours d'insertion
3.3 AVANT ET APRES 21 ANS, DE NOUVEAUX DISPOSITIFS DOIVENT ETRE MIS EN PLACE POUR EVITER DES RUPTURES DE PARCOURS
3.3.1 Des dispositifs à destination des jeunes en rupture doivent être conçus pour soutenir les jeunes les plus éloignés de l'insertion
3.3.2 Après 21 ans, la généralisation de services de suites permettrait de poursuivre un accompagnement des jeunes qui en ont besoin
3.3.3 Des voies d'accès au droit commun doivent être aménagées pour les jeunes sortis de l'ASE jusqu'à leurs 25 ans
CONCLUSION
LISTE DES ANNEXES
ANNEXE 1 : METHODOLOGIE
ANNEXE 2 : LOIS DE PROTECTION DE L'ENFANCE – EVOLUTION ET MISE EN OEUVRE DU CADRE JURIDIQUE
ANNEXE 3 : TAUX DE POURSUITE EN ACCUEIL PROVISOIRE JEUNES MAJEURS PAR DEPARTEMENT
ANNEXE 4 : TAUX D'ATTRIBUTION DE LOGEMENTS SOCIAUX PAR DEPARTEMENT (2024)
ANNEXE 5 : TABLEAU DE BORD PARTENARIAL DE L'ACCES A L'AUTONOMIE DES JEUNES MAJEURS – ECHELON DEPARTEMENTAL
ANNEXE 6 : TABLEAU DE BORD PARTENARIAL DE L'ACCES A L'AUTONOMIE DES JEUNES MAJEURS – ECHELON NATIONAL
ANNEXE 7 : OUTILS DE LA RECOMMANDATION DE BONNES PRATIQUES DE LA HAS
LISTE DES PERSONNES RENCONTREES
SIGLES UTILISES
LETTRE DE MISSION
- Type de document : Rapport d'inspection
- Pagination : 141 pages
- Édité par : Inspection générale des affaires sociales