Déclaration de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur la mise en oeuvre du contrat de plan à Mayotte, les ordonnances relatives à l'emploi et à la protection sociale, la desserte aérienne de Mayotte et sur les liens entre Mayotte et l'Union européenne, Mayotte le 25 février 2002.

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Circonstance : Déplacement de M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, à Mayotte les 25 et 26 février 2002

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Conseillers
Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi, pour commencer, de me réjouir : de me réjouir qu'à Mayotte nous ayons agi vite, qu'à Mayotte, pendant cette législature, des changements considérables soient intervenus. De me réjouir aussi de la méthode que le gouvernement a souhaité employer : la concertation avec les élus, le dialogue avec toutes les parties, la consultation de la population, l'adoption d'un projet de loi ambitieux au printemps dernier, et des ordonnances qui ont traduit rapidement et concrètement nos décisions.
Permettez moi, avant de vous répondre, de me dire fier de ce qui a été fait, fier de l'espoir que nous portons pour une population mahoraise qui a souhaité fortement de sortir de ce statut provisoire, d'adhérer pleinement à notre communauté nationale, d'y jouer son rôle, d'y tenir son rang. Fier aussi que les Mahoraises et les Mahorais, sans renoncer à ce qu'ils sont, se reconnaissent dans ces valeurs auxquelles je suis profondément attaché : la liberté de tous, l'égalité des droits, la justice sociale, la solidarité.

Mayotte est sortie du provisoire, vers un avenir plus ouvert et plus serein. C'est une nouvelle logique politique qui préside maintenant à son destin, celle du rattrapage économique et social.
Dès l'élaboration du contrat de plan, le gouvernement a montré toute sa détermination. Il a été simplifié dans sa forme et il comporte des engagements d'une ampleur jamais atteinte jusque là. Un seul contrat se substitue aujourd'hui aux deux documents, contrat et convention, qui existaient auparavant. Il est donc plus lisible, il permet de mieux identifier les engagements de chacune des parties. Ceux de l'Etat sont particulièrement significatifs : plus de 668 millions d'euros (4.386 millions de francs). Le gouvernement a tenu compte de la situation particulière de Mayotte et a décidé de prendre à sa charge 90 % de l'enveloppe contractualisée. Votre collectivité est la seule en France à bénéficier d'une dérogation de cette importance.

Les objectifs de ce contrat sont précis : dynamiser les bases du développement économique, notamment par le soutien à l'artisanat et à l'agriculture, par la formation des Mahoraises et des Mahorais, par des programmes conséquents d'équipement et de développement social.

L'exécution du contrat de plan, en ses débuts, a rencontré des difficultés. Vous mes les aviez signalées, Monsieur le Président, lors de mon séjour en octobre dernier, et j'ai pris des initiatives afin que la réalisation des engagements pris ne soit pas retardée. Je suis ainsi intervenu auprès de Laurent Fabius, Ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, et d'Yves Cochet, Ministre de l'Environnement, pour que les problèmes posés par le cadastre d'une part, les chantiers d'assainissement d'autre part, puissent être rapidement résolus.

Ainsi, en ce qui concerne le cadastre, j'ai le plaisir de vous annoncer que le ministère de l'économie et des finances va déléguer, dans les toutes prochaines semaines, le montant correspondant à la tranche annuelle prévue pour le contrat de plan soit 152.500 euros (1 millions de francs). Par ailleurs, et conscient de la nécessité de mener à bien les travaux nécessaires pour la réalisation de ce cadastre, je puis vous garantir aujourd'hui, qu'au-delà de la tranche annuelle, des crédits complémentaires pourront être délégués, dès 2002, pour faire face aux besoins. Enfin, j'ai obtenu la venue, d'ici la fin de ce semestre, d'une mission d'experts de la direction générale des impôts chargée d'affiner les besoins financiers complémentaires nécessaires pour terminer la mise en uvre dans les délais de ce projet conformément à l'engagement du gouvernement et pour étudier les moyens techniques les plus adaptés à cet objectif.

D'autre part, en ce qui concerne le très important chantier de l'assainissement, j'ai mobilisé, à nouveau, le ministère de l'environnement sur les enjeux majeurs que constituaient pour Mayotte, pour sa population la réalisation dans les temps de ces travaux. Dans cette perspective, je puis vous dire que ce ministère, à ma demande, a pris toute disposition utile pour qu'une première délégation d'autorisation de programme, au titre de 2002, vous parvienne sans délai. Elle se montera à 4,85 millions d'euros (31,81 millions de francs) soit trois fois plus que ce qui a été fait l'an dernier. Des délégations complémentaires pour un montant de 2 millions d'euros (13 millions de francs) seront effectuées en 2002 au fur et à mesure des besoins. Vous le voyez, les engagements pris par l'Etat dans le contrat de plan sont respectés. Ils le sont également en terme de crédits de paiement puisque cette année, le montant total des autorisations de programmes déléguées sera couvert par des crédits de paiement équivalent soit 6,85 millions d'euros (45 millions de francs).

L'Etat s'engage et, sur le terrain, apporte des réponses concrètes aux demandes de la population. Il est en ainsi également des constructions scolaires. Le contrat de plan prévoyait 76 millions d'euros (500 millions de francs) pour construire les établissements dont Mayotte manque. Il s'est rapidement avéré qu'il fallait augmenter sensiblement cette somme parce que la démographie à Mayotte est forte. Le gouvernement a commandé un rapport sur la nature des besoins. J'en ai tiré les conclusions et je suis heureux de pouvoir, conformément à l'engagement que j'avais pris, de pouvoir vous proposer, dans quelques instants, Monsieur le Président, la signature d'une convention spécifique qui permettra de compléter la dotation de l'Etat par 104 millions d'euros (681 millions de francs) d'ici 2006. Grâce à ces fonds, 6 collèges et 5 lycées, dont trois lycées professionnels, seront construits à Mayotte.
Cet engagement financier, dans le contrat de plan et hors contrat de plan, je souhaite que nous en prenions la mesure. Nous nous sommes donnés les moyens d'une politique volontaire, qui prenne à bras le corps les problèmes trop longtemps esquivés. C'est pour cela que nous avons voulu agir par ordonnances. Il y avait urgence, nous y avons répondu.

Urgence sociale : il fallait étendre les prestations familiales, il fallait généraliser la protection sociale. Nous l'avons fait, en donnant à toutes les familles des allocations revalorisées. 20 000 familles, au lieu de 7 000, les toucheront dès le début du mois avril. Nous l'avons fait par le doublement de l'allocation de rentrée scolaire nécessaire à l'achat des fournitures et par une aide à la restauration scolaire qui permette à chaque enfant de prendre une collation ou un repas équilibré. Nous l'avons prévu également par l'allocation logement, qui permettra l'accession sociale à la propriété et favorisera l'émergence d'un secteur de logements locatifs.

Ces mesures représentent à elles seules 15 millions d'euros (près de 100 millions de francs) au titre de la solidarité nationale.

Urgence pour l'emploi également. C'est la priorité du gouvernement de Lionel Jospin, et nous n'avons pas, dans l'hexagone comme outre-mer, à rougir des résultats obtenus bien au contraire. Les engagements, là encore, ont été tenus. Personne, je pense, ne peut s'en plaindre.

L'ordonnance relative au droit du travail et de l'emploi, sur laquelle votre assemblée a été consultée il y a quelques semaines, a été adoptée par le dernier conseil des ministres du 20 février. Elle modernise et complète le droit du travail à Mayotte en définissant notamment le cadre d'un régime d'assurance chômage qu'il reviendra aux partenaires sociaux locaux de négocier. Elle étend, en l'alignant sur le dispositif en vigueur dans l'hexagone, la protection de la maternité pour les femmes qui travaillent et crée le congé pour adoption.

Surtout, elle dote Mayotte de nouveaux instruments pour développer une véritable politique de l'emploi et de lutte contre le chômage, en particulier celui des jeunes et des femmes responsables de famille. Près de 8 000 aides à l'emploi et à l'insertion supplémentaires sont prévues cette année, pour un financement de 10,7 millions d'euros (70 millions de francs).

C'est surtout sur l'emploi des jeunes que nous voulons mettre l'accent. Ils sont l'avenir de Mayotte, à condition que nous favorisions leur insertion professionnelle. Pour cela, deux mesures essentielles.

Nous étendons le Projet Initiative Jeune, créé par la loi d'orientation dans les départements d'outre-mer, à Mayotte. Il permettra à 1 000 jeunes mahorais en 2002 soit de créer leur entreprise, avec une aide en capital, soit de se former hors de Mayotte, dans l'hexagone, dans un département d'outre-mer ou à l'étranger. Ce dispositif est déjà un succès dans les Antilles ou à la Réunion. Il en sera un également ici-même, je n'en doute pas.

L'ordonnance étend également à Mayotte le dispositif des emplois-jeunes, qui a très largement fait ses preuves. 700 emplois-jeunes seront créés d'ici un an. Je me réjouis que le conseil général ait accepté de contribuer à la réussite de ce programme, en partenariat avec l'Etat bien sûr. Ce dispositif, c'est une chance pour les jeunes que l'on embauche et à qui on met ainsi le pied à l'étrier pendant cinq ans, c'est aussi une chance pour la collectivité puisque de nouveaux services sont ainsi créés. La convention d'objectifs et de coopération qui sera signée tout à l'heure permettra d'unir les efforts financiers de l'Etat et ceux du Conseil général, afin de donner à ce programme ses meilleures chances de succès. L'aide de l'Etat à l'employeur sera égale à 80 % du SMIG pendant cinq ans et sera complétée par une aide dégressive du Conseil général pour la même durée.

D'autres mesures sont prévues dans l'ordonnance, que je me contente ici de citer, mais qui sont très importantes pour l'emploi : la prime à toute nouvelle création d'emploi dans toutes les petites entreprises, jusqu'à 10 salariés. Une autre mesure que je souligne, les contrats emploi-développement, gérés par l'agence de développement d'activités d'utilité sociale permettront des embauches de centaines de Mahoraises et de Mahorais, dans des conditions équivalentes à celles des contrats emploi-solidarité.

Ces deux ordonnances, pour la protection sociale et pour l'emploi, seront complétées par une troisième ordonnance, consacrée à l'assurance-maladie, à l'assurance-vieillesse, à la protection des personnes âgées et des personnes handicapées, aux régimes de retraite, notamment, qui vient de vous être transmise pour avis et qui sera publiée courant mars.
Les ordonnances ne règlent pas tout, je suis prêt à en convenir avec vous. Elles sont cependant un pas essentiel pour le rattrapage économique et social auquel nous aspirons tous. Elles sont le signe, je le répète, de notre détermination et de la solidarité nationale qui ne fait pas défaut.

Mayotte ne doit plus se sentir isolée de tout et dépendante. Je crois profondément qu'elle a des atouts pour réussir. Cela suppose évidemment qu'on règle les questions de desserte aérienne.

Lors de sa visite à Mayotte le 12 janvier 2001, le Premier ministre avait souligné ici même l'importance qu'il accordait à cette question. C'est évidemment essentiel pour le développement de l'archipel, notamment pour celui du tourisme. Plusieurs engagements avaient alors été pris alors. Ils ont été tenus.

Ainsi, le gouvernement a autorisé la compagnie Air France à mettre en place une liaison hebdomadaire via les Seychelles entre Paris et Mayotte. Cette ligne, exploitée en partenariat avec Air Seychelles depuis décembre 2001, a permis un abaissement des prix des billets entre Paris et Mayotte.

Vous avez en outre souhaité, Monsieur le Président, avec les présidents des conseils régional et général de la Réunion, qu'Air Austral puisse mettre en uvre rapidement une liaison entre Paris et Mayotte avec une escale intermédiaire. Air Austral a bien décidé d'ouvrir une telle ligne qui prévoit une escale à Nairobi et l'exploitation d'un Boeing B767. Un tel appareil n'est cependant utilisable à Mayotte que sous réserve d'aménagements importants de la piste de Nzaoudzi-Pamandzi. Ces aménagements, qui incluent en particulier l'élargissement de la piste, ont fait l'objet d'études techniques par les services du ministère des transports, qui les ont chiffrés à 10 millions d'euros (65,60 millions de francs). Les travaux correspondants, je vous l'annonce, seront intégralement financés sur le budget annexe de l'aviation civile donc de l'Etat. Ils devraient pouvoir être achevés d'ici fin 2003.

A ce chantier s'ajouteront ceux que prévoit le contrat de plan, comme l'extension de l'aérogare et la mise aux normes en matière de sécurité, d'un montant total proche de 6 millions d'euros (39,36 millions de francs).
Les études relatives à une piste permettant une liaison directe sans escale entre Paris et Mayotte, qui doivent porter, comme l'a indiqué le Premier ministre, sur les aspects techniques et économiques, mais également sur l'impact en matière d'environnement, s'achèvent. Leurs résultats devraient pouvoir faire l'objet d'une concertation avec les élus de Mayotte d'ici la fin du deuxième trimestre 2002.
Là encore, permettez-moi de souligner que nous avons parfaitement mesuré l'enjeu de cette question pour Mayotte et les attentes de la population.

Mayotte change, sans perdre son identité, sans altérer son environnement, sans renoncer à ce qui la fait. Elle est désormais pleinement, sans ombre, sans incertitude, intégrée à notre communauté nationale. Elle est aussi en Europe. Le passage à l'euro, je m'en félicite, s'est bien déroulé, preuve que l'Union européenne n'est pas ici une formule creuse, qu'elle désigne dans l'Océan Indien aussi une réalité.

Etre européen, c'est une chance de plus. C'est la possibilité de mobiliser les fonds européens pour des objectifs précis. A cette fin, je me suis employé à négocier au mieux avec l'Union européenne, dans le cadre du renouvellement de la décision PTOM, la prise en compte de la situation particulière de Mayotte. Avec succès puisque j'ai obtenu que sa dotation passe de 10 millions d'euros à 15,2 millions d'euros (99 millions de francs). Je souhaite cependant aller au-delà. C'est pourquoi conformément à l'engagement pris dans l'accord pour l'avenir de Mayotte j'ai fait procéder à un recensement des fonds européens auxquels Mayotte pourrait prétendre. Une première série de réponses est contenue dans une plate-forme de travail et de propositions préparée à l'attention de la collectivité départementale. Ce document, que je vous remets, nous permettra, après que vous l'aurez examiné, d'entrer en discussion avec l'Union Européenne sur des bases communes.

Outre le problème de l'accès de votre collectivité à des programmes européens de développement et, ainsi que certains d'entre vous l'on souhaité, une réflexion a été conduite sur votre relation statutaire avec l'Europe. Les contraintes et les enjeux posés par les différentes formes d'appartenance à l'Union Européenne, assortis d'exemples concrets ont été analysés pour compléter le document qui vous est remis. Il ne s'agit pas bien entendu à ce stade de trancher ou d'arrêter sur ce dernier point des solutions d'intégration de Mayotte à l'Europe ; il s'agit pour nous d'engager dans un calendrier réaliste une réflexion qui associerait dans un premier temps l'Etat et les élus mahorais. La plate-forme que je vous remets Monsieur le Président est donc destinée à ouvrir dans le cadre d'un partenariat bien compris une réflexion sur ces questions.
J'ai ouvert mon propos en vous disant ma fierté d'avoir conduit cette politique. Je le terminerai en vous disant ma confiance en l'avenir. Les fondations sont solides, nous avons de bonnes raisons d'espérer. Les réponses que je viens de vous apporter en sont des exemples. Il en est d'autres qui tiennent aux Mahoraises et aux Mahorais eux-mêmes, à leur capacité d'ouverture et d'adaptation, au dynamisme d'une population jeune.
Cette nouvelle voie pour Mayotte, l'île et la République vont l'ouvrir ensemble.

(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 27 février 2002)