Déclaration commune des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de la CEE diffusée à l'issue du Conseil européen de Dublin le 26 juin 1990, sur les orientations de la Communauté en matière de protection de l'environnement. (Annexe II).

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Circonstance : Conseil européen de Dublin les 25 et 26 juin 1990

Média : Bulletin d'information du ministère des affaires étrangères - Bulletin d'information du ministère des affaires étrangères

Texte intégral

L'environnement naturel qui constitue le système de maintien de la vie sur notre planète est gravement atteint. L'atmosphère terrestre est sérieusement menacée. La situation des ressources aquatiques, notamment des mers et des océans, constitue un sujet d'inquiétude, les ressources naturelles sont en voie d'épuisement et la diversité génétique se réduit de plus en plus. La qualité de la vie, voire la poursuite de la vie, ne pourra plus être assurée s'il n'est pas mis un terme à l'évolution actuelle.
- En tant que chefs d'Etat et de gouvernement de la Communauté européenne nous reconnaissons la responsabilité spécifique qui nous incombe en matière d'environnement tant auprès de nos propres citoyens que dans un contexte plus large. Nous nous engageons à intensifier nos efforts afin de protéger et de valoriser l'environnement naturel de la Communauté et du monde dont elle fait partie. Nous souhaitons que l'action entreprise par la Communauté et ses Etats membres soit développée d'une manière coordonnée et selon les principes du développement durable et du recours aux mesures préventives. Nous avons donc adopté la déclaration suivante fixant ainsi les orientations d'une action future.
- La dimension communautaire.
- Les obligations de la Communauté européenne et de ses Etats membres dans le domaine de la protection de l'environnement sont clairement définies par les traités. On en vient également de plus en plus à reconnaître que la Communauté européenne, étant l'une des principales entités régionales dans le monde, se doit avant tout de jouer un rôle déterminant, notamment de promouvoir une action concertée et efficace sur le plan mondial, en coopérant avec d'autres pays industrialisés et en aidant les pays en développement à surmonter les problèmes particuliers auxquels ils sont confrontés. La crédibilité et l'efficacité de la Communauté sur ce plan plus large dépendant dans une large mesure de sa capacité à adopter dans le domaine de l'environnement des mesures progressives dont les Etats membres assureront la mise en oeuvre et le respect. Les dimensions interne et externe de la politique communautaire de l'environnement sont par conséquent indissolublement liées.
- L'achèvement du marché intérieur en 1992 donnera une forte impulsion au développement économique dans la Communauté. Il faut parallèlement intensifier les efforts afin d'assurer que ce développement soit durable, sans danger pour l'environnement. Il convient notamment de parer aux risques environnementaux inhérents à une production plus importante et à une augmentation de la demande de transports, d'énergie et d'infrastructures et de prendre pleinement et valablement en compte le facteur environnement dans ces domaines et dans tous les autres domaines d'action.
- La Communauté et les Etats membres doivent trouver des solutions efficaces à toutes les formes de pollution, y compris celles dues au secteur agricole, et soutenir les efforts visant à promouvoir des technologies propres ainsi que des produits et des procédés de fabrication industrielle non polluants. Des mesures plus efficaces sont également nécessaires pour protéger les mers et les régions cotières contre le danger que présentent le transport du pétrole et des substances dangereuses. Ceci concerne plus particulièrement les eaux maritimes de l'ouest et du sud de la Communauté où de nouveaux accords de coopération devraient être mis en oeuvre sans tarder avec l'aide de la Commission.
Même si des progrès méritoires ont été accomplis ces derniers temps dans l'adoption de mesures environnementales au niveau communautaire, il reste encore beaucoup à faire en tenant dûment compte du principe de subsidiarité, des conditions environnementales différentes existant dans les régions de la Communauté et de la nécessité d'un développement équilibré et harmonisé de ces régions. Nous invitons instamment le Conseil et la Commission à activer leurs travaux sur cette base. La prochaine conférence intergouvernementale devrait traiter des moyens d'accélérer le processus de prise de décisions communautaires en matière de la législation sur l'environnement afin de doter la Communauté de la capacité nécessaire, à tous égards, pour faire face à l'urgence de la situation.
- Les dispositions législatives communautaires en matière d'environnement ne porteront leurs fruits que si les Etats membres les mettent en oeuvre et les font respecter dans leur totalité. Nous réaffirmons donc nos engagements à cet égard. Afin d'assurer la transparence et la comparabilité des efforts, ainsi que l'information complète du public, nous invitons la Commission à procéder régulièrement à des examens et à publier des rapports détaillés sur ses conclusions. Il faudrait également procéder périodiquement à une évaluation des directives existantes afin d'assurer leur adaptation à l'évolution scientifique et technique et de résoudre les difficultés récurrentes de mise en oeuvre. Ces examens périodiques ne devraient naturellement en aucun cas déboucher sur une diminution du niveau de protection de l'environnement.
- La politique de l'environnement de la Communauté continuera à reposer sur des normes visant à assurer un haut niveau de protection de l'environnement. Mais l'approche traditionnelle qui consiste à arrêter des règles et à en contrôler le respect devrait à présent être assortie, le cas échéant, de mesures économiques et fiscales si l'on souhaite intégrer pleinement le facteur environnement dans d'autres domaines d'actions, prévenir la pollution à la source et faire payer le pollueur. Nous invitons dès lors la Commission à accélérer ses travaux dans ce domaine et à présenter, d'ici la fin de l'année, des propositions concernant le cadre ou les lignes directrices qui pourraient servir à l'application de ces mesures par les Etats membres dans le respect des traités.
- La mise en oeuvre des mesures communautaires en matière d'environnement et la protection du patrimoine européen commun peuvent peser de manière différente sur chacun des Etats membres. Dans ce contexte, nous nous félicitons de la récente initiative ENVIREG qui prévoit l'octroi d'une aide au titre des fonds structurels pour la gestion des déchets dangereux et le traitement des rejets d'eaux usées dans les régions côtières. Nous invitons la Commission à faire l'inventaire des ressources budgétaires globales allouées à la politique communautaire de l'environnement, qui, à l'heure actuelle, sont octroyées par le biais de toute une série d'instruments financiers distincts, et de présenter ses conclusions au Conseil dans les meilleurs délais.
Problèmes planétaires.
- La Communauté et ses Etats membres ont la responsabilité particulière de promouvoir l'action internationale de lutte contre les problèmes planétaires liés à l'environnement et d'y prendre part. Leur capacité à jouer un rôle moteur dans ce domaine est considérable. La Communauté doit faire usage d'une manière plus efficace de son autorité morale, économique et politique afin d'intensifier les efforts entrepris sur le plan international pour résoudre les problèmes planétaires et encourager un développement durable et le respect pour les domaines communs de la planète. L'Antarctique mérite notamment une protection particulière en tant que dernier territoire sauvage resté intact. La Communauté devrait également appuyer les efforts visant à doter les structures internationales de la capacité à faire face plus efficacement aux problèmes planétaires.
- La destruction de la couche d'ozone est une source majeure de préoccupations. La Communauté s'est déjà déclarée disposée à demander avec insistance la révision du protocole de Montréal sur les substances qui détériorent la couche d'ozone, afin d'accélérer considérablement l'élimination complète de ces substances.
- Elle s'est également engagée à fournir des ressources financières et techniques supplémentaires pour aider les pays en développement à appliquer le protocole ou à y adhérer au plus vite.
- Des évaluations scientifiques récentes montrent que les émissions dues à l'homme entraînent un accroissement considérable des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre et qu'une approche passive entraînera un réchauffement de la terre supplémentaire au cours des décennies à venir. Nous insistons auprès de tous les pays pour qu'ils instaurent des mesures globales en matière d'accroissement du rendement énergétique et de conservation et pour qu'ils adoptent le plus rapidement possible des objectifs ou des stratégies visant à limiter et à réduire les émissions de gaz à effet de serre prévues. Nous invitons la Commission à présenter avec diligence ses propositions d'action concrète et, notamment, des mesures concernant les émissions de gaz carbonique afin d'adopter une position communautaire solide en perspective de la deuxième conférence mondiale sur les changements climatiques. La Communauté et ses Etats membres mettront tout en oeuvre pour promouvoir l'adoption rapide d'une convention sur le climat et de protocoles additionnels, y compris sur la protection des forêts tropicales.
Nous sommes sérieusement préoccupés par la destruction rapide et continue des forêts tropicales. Nous nous félicitons de l'engagement pris par le nouveau gouvernement brésilien de mettre fin à cette destruction et de promouvoir une gestion durable des forêts. La Communauté et ses Etats membres soutiendront activement ce processus. Nous avons demandé à la Commission d'engager d'urgence des discussions avec le Brésil et les autres pays du pacte amazonien afin de mettre au point un programme d'action concret associant la Communauté, ses Etats membres et les pays précités. Une attention prioritaire devrait être accordée à certains éléments tels que l'échange de dettes en contrepartie de mesures de conservation des forêts, les codes de conduite pour les industries importatrices de bois et les ressources supplémentaires nécessaires pour permettre la préservation et la gestion des forêts sur une base durable, au moyen d'une utilisation optimale des institutions et mécanismes existants. Nous faisons appel aux autres pays industrialisés pour qu'ils se joignent à nous dans nos efforts. Dans nos propres pays nous nous emploierons à protéger les forêts et à étendre et à renforcer les programmes de reboisement.
- La destruction des forêts tropicales, l'érosion du sol, la désertification et les autres problèmes écologiques auxquels sont confrontés les pays en développement ne peuvent être pleinement pris en charge que dans le contexte général des relations Nord-Sud.
- Néanmoins, la Communauté et ses Etats membres doivent jouer un rôle de premier plan pour aider ces pays dans leurs efforts visant à aboutir à un développement durable à long terme. Dans ce contexte, nous nous félicitons des dispositions contenues dans la quatrième convention de Lomé qui prévoient une assistance accrue en faveur des Etats ACP, s'ils le souhaitent, dans le domaine de la démographie, de l'environnement et d'un développement durable des ressources. Nous nous félicitons également de la stratégie exposée dans la résolution sur l'environnement et le développement adoptée par le Conseil du 29 mai 1990 et, notamment, de ce qu'elle reconnaît que des ressources supplémentaires sont nécessaires pour contribuer à résoudre les problèmes des pays en développement en matière d'environnement. De manière plus générale, les accords de coopération entre la Communauté et les pays d'Asie et d'Amérique latine, qui ne sont pas signataires de la convention de Lomé, devraient, de plus en plus, mettre l'accent sur nos préoccupations communes en matière d'environnement.
- La situation de l'environnement en Europe centrale et orientale nous place devant les défis particuliers. Nous souscrivons à l'accord conclu à Dublin, le 10 juin 1990, entre les ministres de l'environnement de la Communauté et leurs homologues d'Europe centrale et orientale sur les mesures à prendre pour assainir l'environnement dans toute l'Europe et plus particulièrement en Europe centrale et orientale. Ces pays doivent prendre des mesures correctives pour résoudre les problèmes dus à des années de négligence et pour garantir la viabilité de leur développement économique futur. Le concours de la Communauté et de ses Etats membres leur est nécessaire pour atteindre ces objectifs. Les actions déjà entreprises dans le cadre du programme PHARE sont encourageantes mais devront encore être développées, à la fois dans le contexte du programe G24 élargi et dans les accords de coopération entre la Communauté et les pays d'Europe centrale et orientale. Nous nous réjouissons par ailleurs de la contribution que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement doit apporter à cet égard.
Attitudes individuelles et responsabilités partagées.
- La prise de conscience et la préoccupation accrue du public à l'égard des questions relatives à l'environnement est un des événements majeurs de notre époque. Nous notons avec satisfaction l'adoption du règlement relatif à la création de l'Agence européenne pour l'environnement qui fournira aux citoyens d'Europe des informations fiables et objectives sur l'état de l'environnement.
- L'adoption de la directive concernant la liberté de l'information en matière d'environnement constitue un autre événement important, en effet, cette directive permettra d'accroître considérablement l'accès du public à l'information et prévoit la publication régulière de rapports sur l'état de l'environnement. Les Etats membres sont invités à assortir ces rapports de plans d'action nationaux en matière d'environnement, établis sous une forme suscitant le maximum d'intérêt et de soutien de la part du public.
- Nous invitons instamment les Etats membres à prendre des mesures positives en vue d'assurer une large diffusion de l'information sur l'environnement de manière à inciter leurs citoyens à se montrer plus responsables et plus soucieux de l'environnement, à acquérir une meilleure connaissance de la nature et des causes des problèmes, et ce grâce à ces évaluations scientifiques solides et à permettre de mieux apprécier les coûts et autres implications des solutions envisageables.
- Elever le niveau de connaissance et de compréhension des questions relatives à l'environnement facilitera l'action de la Communauté et de ses Etats membres en faveur de la protection de l'environnement et rendra celle-ci plus efficace. Cette action doit avoir pour objectif de garantir aux citoyens le droit à un environnement propre et sain, particulièrement en ce qui concerne
- la qualité de l'air,
- les rivières, les lacs, les eaux côtières et marines,
- la qualité des aliments et des eaux potables,
- la protection contre le bruit,
- la protection contre la contamination du sol, l'érosion et la désertification,
- les habitats, la flore et la faune, le paysage et d'autres éléments du patrimoine naturel,
- l'agrément et la qualité des zones résidentielles.
- La responsabilité de la pleine réalisation de cet objectif doit être partagée. Les problèmes ne sauraient être résolus sans une action concertée. Dans chaque pays, l'engagement de tous - gouvernement, pouvoirs publics, entreprises privées, particuliers et groupes - est requis sans réserve. Il convient de faire admettre cette notion à tous les niveaux.
C'est l'humanité qui est gardienne du milieu naturel et il est de son devoir d'assurer qu'il est géré de manière éclairée pour le bien de la présente génération et des générations à venir. Il convient de faire preuve de solidarité envers les pays les plus pauvres et les moins développés.
- Nous prenons note avec intérêt des conclusions du forum de Sienne sur le droit international de l'environnement et suggérons qu'elles soient prises en considération par la conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement qui se tiendra en 1992.
- Toutes nos décisions sont importantes. L'environnement dépend de nos actions collectives et l'environnement de demain dépend de notre façon d'agir aujourd'hui.
- Le Conseil européen invite la Commission à reprendre ces principes et objectifs comme base du cinquième programme d'action pour l'environnement et à présenter avant la fin de 1991 un tel projet de programme.