Déclaration de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sur la coopération entre l'Etat et les sociétés d'économie mixte (SEM) pour mettre en oeuvre la nouvelle politique gouvernementale du logement et de l'urbanisme, notamment la politique des loyers, l'évolution du patrimoine, l'occupation sociale, Paris, le 15 octobre 2002.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès de la Fédération nationale des sociétés d'économie mixte à Paris, le 15 octobre 2002

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les élus
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie de bien vouloir m'accueillir aujourd'hui à votre congrès. C'est pour moi un grand plaisir, car nous avons beaucoup de choses à nous dire et à réaliser ensemble. On dit souvent que mon ministère, c'est un peu le ministère des sociétés d'économie mixte, car, reconnaissons- le, vous intervenez dans tous mes champs de compétence, le logement, l'aménagement, le transport, le tourisme, la mer.
Et ces champs de compétence, je les connais aussi sur le terrain puisqu'à Amiens, nous disposons de quatre SEM. Ce n'est pas un hasard, c'est une volonté d'efficacité.

La Sem est une des formes les plus modernes d'intervention dans l'économie de notre pays. Vous êtes des entreprises de droit privé, avec toutes les exigences que cela représente, mais vous êtes aussi des entreprises locales ancrées sur le terrain.
J'oserai dire que les sociétés d'économie mixte sont les bras armés des collectivités locales pour transformer les projets des élus en réalisations concrètes au service des habitants de notre pays.

Cela sera encore plus vrai lorsque la deuxième étape de la décentralisation voulue par le Premier ministre et le Gouvernement aura été mise en oeuvre. C'est le grand chantier des années prochaines, qui concerne à des degrés divers les secteurs de mon ministère.
Pour l'urbanisme, la décentralisation est déjà faite pour l'essentiel. Le transfert récent du schéma directeur de la région Île-de-France au Conseil Régional poursuit ce mouvement.
Mon but aujourd'hui est plutôt de donner de l'oxygène à un droit de l'urbanisme asphyxié par trop de réglementation.
Le logement, lui, a besoin de décentralisation. Depuis longtemps, professionnels et élus souhaitent sortir de la centralisation que nous connaissons aujourd'hui, pour s'adapter et pour adapter aussi les aides et les procédures aux besoins locaux de l'habitat.
Pour que la décentralisation de la politique du logement réussisse, il faut qu'elle soit menée avec le souci de concilier l'exigence de solidarité nationale, que l'État doit garantir, et la mise en uvre opérationnelle au plus près du terrain.
L'État doit conserver la maîtrise des aides à la personne ; il continuera aussi à s'occuper des prêts à taux zéro distribués par les établissements de crédits. Je ne conçois pas non plus qu'il puisse transférer les aides fiscales.
En revanche, il serait parfaitement logique de décentraliser les aides à la pierre, qu'elles soient destinées à la réhabilitation du parc privé ou aux nouvelles opérations des organismes sociaux, dont vous faites partie avec les bailleurs HLM.

Bien sûr, j'attends beaucoup des assises régionales lancées par le Premier ministre. Mais d'ores et déjà j'imagine deux fonctions à décentraliser.
L'une qui pourrait être assurée par la région ou le département consisterait à répartir les enveloppes d'aide à la pierre, à adapter les normes et les régimes d'aides nationaux, mais aussi à passer des conventions avec les opérateurs du logement tels que vos sociétés. L'autre fonction à décentraliser serait celle de la mise en uvre opérationnelle, c'est-à-dire l'octroi des subventions à chaque opération, et il serait souhaitable que cette fonction soit prise au plus près du terrain, au niveau du bassin d'habitat. Les communautés urbaines, d'agglomération ou de communes lorsqu'elles existent ou bien les départements pourraient assumer cette responsabilité.

Ce vaste mouvement de décentralisation concernera aussi des ports et des aéroports. Compte tenu de la multiplicité des partenaires qui interviennent dans ces domaines, le gouvernement proposera probablement d'accorder une place particulièrement importante à l'expérimentation pour ces transferts.
Les collectivités territoriales sont déjà des acteurs incontournables du développement de certaines de ces plates-formes. De plus, ces installations participent à l'aménagement du territoire à plus d'un titre : elles offrent des dessertes de proximité, elles contribuent à un équilibre plus harmonieux des trafics et elles participent également au développement économique.
La décentralisation doit être l'occasion de confier à des collectivités territoriales le rôle d'autorité concédante pour la plupart de ces installations, et dans ce nouveau cadre, les Sem pourraient offrir des réponses pour gérer ces installations.
Les expériences déjà acquises par des Sem en matière aéroportuaire doivent être analysées et alimenter les travaux en cours sur la décentralisation.

Permettez-moi, après cette digression un peu longue sur la décentralisation, mais l'actualité l'imposait, de vous parler des secteurs dont j'ai la charge et qui vous concernent. Toute mon action et celle de mon ministère ne se résume pas, en effet, à faire réussir la décentralisation dans les secteurs dont j'ai la charge.
D'abord Parlons urbanisme et logement. Les deux sont liés, car sans terrain, vous le savez mieux que moi, il n'y a pas de construction.
Les terrains manquent cruellement pour assurer le développement de nos communes, de nos agglomérations. Il faut d'abord débloquer les verrous que la loi SRU a imposés aux élus. C'est l'objectif du projet de loi que j'ai rédigé et proposé au Gouvernement et qui, je le sais, est très attendu par le Parlement. Ce projet comprendra plusieurs mesures d'assouplissement, certes techniques mais dont la portée sur le terrain est considérable J'évoquerai trois sujets : la règle des 15 km, les dispositions transitoires, la participation pour voie nouvelle et réseaux.
1. La règle des 15 kilomètres, il me semble déraisonnable que les communes ne puissent librement, ouvrir à l'urbanisation les zones d'urbanisation future préalablement délimitées dans leur POS et que l'État, de fait, avait acceptées. Je souhaite que cette contrainte soit levée rapidement.
2. La transition entre les POS et les PLU. Il me semble indispensable de permettre aux communes d'aménager une ZAC ou d'autoriser un lotissement sans attendre l'approbation de leur plan local d'urbanisme. Je souhaite que soit reportée au 1er janvier 2006 la date jusqu'à laquelle une révision simplifiée est possible.
Ce sera aussi l'occasion de clarifier la notion de "projet présentant un caractère d'intérêt général", qui n'a probablement pas été assez expliquée et donc qui n'a pas été comprise.
En indiquant clairement qu'il s'agit de l'intérêt général pour la commune, je souhaite lever la confusion qui a pu exister avec les P.I.G. - il est vrai qu'entre "projet d'intérêt général" et "projet présentant un caractère d'intérêt général", il fallait être fin juriste pour éviter la confusion.
De plus, l'article sur les dispositions transitoires entre POS et PLU sera réécrit pour qu'un Maire sache précisément ce qu'il peut ou ne peut pas faire avec un POS.
Je souhaite également que la procédure plus souple de modification soit la procédure de droit commun lorsque l'on veut changer les dispositions d'un document d'urbanisme ; la procédure de révision étant alors réservée aux seuls changements d'importance.
3. Enfin, la participation pour voie nouvelle et réseaux. Je souhaite que le texte indique clairement qu'elle est aussi applicable pour les voies existantes et pas seulement pour les voies nouvelles.
Le Maire aurait ainsi moins de réserve pour ouvrir des terrains à l'urbanisation.
Cela lèvera nombre de malentendus.

A la frontière entre l'aménagement, l'urbanisme et le logement, il y a un sujet qui me tient particulièrement à coeur : la reconquête des quartiers anciens dégradés.
Beaucoup d'agglomérations sont confrontées à ce phénomène de paupérisation, d'abandon voire de déshérence de certains de leurs quartiers anciens.
Dans ce cas, et mon expérience de Maire d'Amiens me l'a appris, il faut élaborer une intervention publique. Le seul marché ne peut généralement pas redresser de telles situations.
Les élus doivent élaborer un projet spécifique et le porter auprès des populations pour qu'elles en débattent, l'acceptent et se l'approprient.
Ensuite, il faut mettre en oeuvre ce projet, dans ses moindres détails, îlot par îlot, en définissant à chaque fois si on garde le bâtiment ou bien si on le démolit intégralement ou partiellement. Il faut en parallèle reloger les habitants, prévenir des occupations illicites des logements libérés qui vont faire l'objet de travaux. C'est à chaque fois un cas particulier du sur-mesure, du cousu-main.
Cela nécessite une ingénierie de projet conciliant expertise de très haut niveau et disponibilité à toute épreuve.
C'est pour cela que la plupart des projets de reconquête de centre-ville ont été menés par vous, pour vos élus, pour leurs habitants, car vous conciliez ces deux conditions indispensables : "expertise" et "disponibilité"
Pour réaliser des projets d'une telle complexité, vous avez besoin d'outils juridiques ou financiers et c'est mon devoir de vous fournir de tels outils, les plus simples, les plus efficaces possibles pour que votre énergie, vous la dépensiez à mettre en oeuvre des projets et non à adapter vos projets à la réglementation.
Je suis donc preneur de toutes vos suggestions en la matière.
Je peux dès à présent vous annoncer que le principal outil d'intervention sur les quartiers anciens : l'Opération programmée d'amélioration de l'Habitat sera simplifiée et redéfinie. En particulier, il sera prévu une OPAH dédiée spécifiquement aux quartiers anciens dégradés, une OPAH que j'ai souhaité simple, efficace et ...plus fortement financée par l'État et l'ANAH pour que l'État participe mieux à vos projets à la hauteur de leurs enjeux.

Quant au logement, il faut avoir une approche globale sans privilégier tel ou tel statut d'occupation. C'est ce que j'appelle la chaîne du logement. C'est une image qui montre bien que si on néglige un maillon, c'est toute la chaîne qui se casse.
Eh bien ! Vous êtes au coeur de cette chaîne du logement. Parce que d'abord vous êtes souvent des promoteurs qui réalisez des logements en accession à la propriété.
Je vous y engage, cela est important si nous voulons répondre à l'aspiration la plus profonde de la plupart de nos concitoyens : devenir propriétaire de son logement.
Mais vous êtes aussi très souvent des constructeurs et des gestionnaires de logements locatifs. D'abord de logements locatifs libres. Il y a un énorme besoin dans de nombreuses agglomérations, je veux travailler avec vous sur ce sujet, car j'ai besoin de vous.
Ensuite et bien sûr des logements locatifs aidés. On oublie trop souvent que vous logez environ 500 000 ménages, plus d'un million de personnes.
Je connais vos problèmes, vous avez d'ailleurs souvent, mais pas toujours, les mêmes soucis que les organismes HLM. Et ce que j'ai dit au Congrès de Lyon, je peux vous le dire aussi. Continuez comme vous le faites à être attentifs à la qualité de service aux locataires, développez de nouvelles formes d'accession, comme la location-accession qui permet à des personnes modestes de devenir propriétaires de leur logement dans les meilleures conditions de sécurité.
L'État aujourd'hui, les collectivités territoriales demain pourront vous apporter toute l'aide qui est nécessaire, si nous développons ensemble ce qu'on appelle le conventionnement global. Derrière ce terme technique, de quoi s'agit-il ? Tout simplement fonder les relations entre les autorités publiques et vous-même (les opérateurs que vous êtes) sur la mise en commun d'objectifs partagés : la politique des loyers, l'évolution de votre patrimoine, l'occupation sociale, la globalisation de la dette.
Nous aurons donc à définir ensemble très vite quels peuvent être les grands chapitres de ces conventions globales et je demanderai alors des volontaires prêts à s'engager dans cette démarche.
C'est donc à un travail en commun que je vous invite dans les prochains mois et les prochaines années.
Vous avez abordé d'autres préoccupations. Ce sont des sujets techniques qui touchent en particulier à votre statut fiscal. Je suis prêt à en discuter avec vous pour qu'avec mon collègue Alain Lambert nous puissions vous apporter des réponses concrètes.
Dans le domaine des transports collectifs, je tiens à vous préciser que je suis très attaché tant au respect des exigences de service public qu'au principe de libre administration.
Le développement des transports collectifs est un enjeu majeur pour notre société, en particulier en milieu urbanisé. Ils offrent un bon compromis entre des solutions de mobilité au quotidien pour tous, une réduction des nuisances et un trafic plus fluide. Les modalités de gestion des services publics de transport doivent être assez souples pour permettre aux collectivités d'avoir des politiques globales et d'atteindre ces objectifs.
Je soutiendrai donc le libre choix de recourir à une gestion en régie, à une société d'économie mixte ou à un prestataire tiers.
Cette liberté ne doit pas être remise en cause, nous sommes bien d'accord, même si les objectifs d'ouverture des marchés et d'égalité de concurrence affichés par la commission européenne sont louables.
Nous avons, vous le voyez, beaucoup de sujets en commun. Je vous ai apporté plusieurs réponses./ Beaucoup de travail ensemble nous attend. Je m'en réjouis et vous remercie par avance de votre collaboration. Vous avez toute ma confiance.
(Source http://www.logement.equipement.gouv.fr, le 17 octobre 2002)