Interview de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, dans "Le Parisien" du 29 novembre 2002, sur les mesures prévues dans le cadre du futur projet de loi de programmation sur quinze ans pour l'outre-mer.

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Média : Le Parisien

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Le Parisien : Au delà des péripéties concernant Accor, on a découvert aux Antilles une démobilisation des acteurs économiques et sociaux. Partagez-vous ce constat ?
Brigitte Girardin : Evitons les caricatures et les clichés. C'est vrai que la Guadeloupe connaît un climat social dégradé, ce qui n'est plus le cas en Martinique depuis la mise en place d'une structure de dialogue. Nous ferons de même en Guadeloupe et je pense que les choses devraient s'améliorer rapidement. J'observe que les récents événements ont permis une mobilisation générale destinée à relancer l'ensemble de l'activité économique des départements d'outre mer et en particulier le tourisme. Voilà pourquoi je suis aujourd'hui très optimiste.
Le Parisien : Vous mettez la dernière main à une loi de programmation pour l'outre mer. Qu'attendez-vous concrètement d'un tel outil ?
Brigitte Girardin : Nos départements d'Outre-mer font face à une concurrence très forte des pays environnants. Il faut les aider à y faire face. Concernant le tourisme, mon objectif est de permettre une relance rapide des investissements de manière à favoriser la remise à niveau des infrastructures qui ont vieilli. Nous utiliserons donc l'arme de la défiscalisation dans notre loi de programme sur quinze ans que je présenterai début 2003. Concernant les coûts salariaux, sensiblement plus élevés que dans les pays concurrents, nous conduirons une politique d'exonération de charges sociales de grande ampleur.
Le Parisien : Les professionnels antillais réclament une défiscalisation très large. Est-ce compatible avec la rigueur budgétaire ?
Brigitte Girardin : Jacques Chirac s'est engagé pendant la campagne à mettre en place un système de défiscalisation performant. Notre logique est de rendre l'ensemble des secteurs économiques éligibles à la défiscalisation sauf ceux pour lesquels cette mesure est contraire au droit communautaire, c'est-à-dire pour les banques, les assurances, le commerce. De même nous exclurons d'autres secteurs, je pense à la navigation de croisière qui n'a guère d'impact sur les économies locales. Au total, la relance de l'investissement favorisera la création d'emplois stables et donc, à moyen terme, la réduction des dépenses sociales.
Le Parisien : Baisse du nombre des places vers les Antilles. Billets trop chers... Que comptez-vous faire pour améliorer la desserte aérienne ?
Brigitte Girardin : Le problème de la desserte aérienne et de la continuité territoriale est préoccupant. Ils figureront en bonne place dans la loi programme. Il faut absolument que nous arrivions à faire baisser le coût du transport entre la métropole et l'Outre-mer et que nous sortions du quasi-monopole d'Air France. Le dispositif que nous mettrons en place favorisera l'émergence d'une compagnie dédiée à l'Outre-mer. Ce serait une bonne chose que nous ayons plusieurs compagnies desservant l'Outre-mer, dont une spécialisée sur ces trajets. Mon objectif est de créer un fonds de continuité territoriale qui puisse, par des financements conjoints Etat-Europe-régions, faire baisser le coût des dessertes (passagers et fret) comme les Espagnols et les Portugais le font avec les Canaries, les Açores et Madère.
Le Parisien : Vous aviez annoncé des billets gratuits en faveur des jeunes d'outre-mer. Où en est-on ?
Brigitte Girardin : J'ai effectivement mis en place le passeport mobilité qui s'adresse aux 18-30 ans d'outre mer qui viennent en métropole pour y suivre des études ou une formation. Depuis le 1er juillet pour les étudiants et depuis le 1er septembre pour les autres, ils n'ont plus à s'acquitter du billet d'avion. C'est une première mesure concrète de réalisation de la continuité territoriale à l'égard des jeunes. Elle sera complétée par des mesures en faveur de l'accueil et du logement en métropole.
Le Parisien : Que pensez-vous des importantes aides sociales versées par la métropole ? Est-ce économiquement sain ?
Brigitte Girardin : Je m'insurge contre une telle présentation des choses. L'Outre-mer est un atout, une chance extraordinaire pour la France, c'est notre dimension mondiale et ce sont aussi les nouvelles frontières de l'Europe. Ce n'est ni un handicap, ni des charges supplémentaires. Il faut casser cette image qui voudrait que l'outre mer coûte cher. Quand on regarde les chiffres rapportés au nombre d'habitants, on s'aperçoit que la réalité est totalement différente : les dépenses de l'Etat ne sont pas supérieures pour un Antillais que pour un Lozérien ! La dépense moyenne par habitant en métropole est de 4 200 euros et en outre mer, elle n'est que de 4 132 euros.
Le Parisien : Comptez-vous prendre des initiatives pour les ultra-marins de métropole ?
Brigitte Girardin : Pour répondre aux attentes du million d'ultra-marins vivant en métropole, nous avons le projet de créer un centre culturel et d'affaires à Paris dédié à l'outre mer. Je compte bien le mettre en oeuvre d'ici à la fin du quinquennat. Nous allons offrir à Paris une véritable vitrine de l'outre mer. Un lieu qui, grâce à de grandes salles de réunion, à sa partie musée abritant des expositions permanentes et temporaires, à des représentations pour les entreprises, constituera un point unique et incontournable d'informations sur l'outre mer. Ce sera un formidable outil de promotion.
(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 14 janvier 2003)