Texte intégral
Mesdames, messieurs, chers amis
La décentralisation, paraît-il, est le voeu le plus cher du Premier ministre. C'est, parmi tant d'autres projets de démolition, celui qui lui tient le plus à coeur.
Entend-il mettre la démocratie en partage, ou bien en morceaux ? C'est tout l'intérêt de ce colloque, de montrer qu'il y a plusieurs manières de penser la décentralisation. Et que si l'une peut être un levier essentiel de la transformation sociale, l'autre peut enfoncer notre pays dans l'inégalités des droits et l'ultra-centralisation des pouvoirs. Pour cela, nous avons besoin de mettre en débat les idées et les pratiques, nous avons besoin de pousser la réflexion pour faire vivre les propositions audacieuses qui prennent corps. Je remercie l'ANECR, Jean-Claude Mairal et tous ceux qui sont investis avec lui dans le Chantier de la transformation sociale du PCF sur la décentralisation et l'aménagement du territoire, d'avoir pris l'initiative de cette rencontre. Elle participe de la riposte au gouvernement de droite qui sévit dans notre pays, elle participe de la construction d'une alternative crédible qui ouvre l'avenir.
Il m'a été demandé de tirer les conclusions de notre journée. Je crois qu'il nous faudra encore nous replonger dans les débats et la richesse des interventions pour en percevoir toutes les leçons, moi la première, qui étais absente ce matin.
Egalité, coopérations, démocratie, les trois axes de travail qui ont rythmé votre journée témoignent bien, à mon sens, des enjeux de la décentralisation, ou plutôt de ce qu'elle devrait être.
Permettez-moi, d'abord quelques mots sur la réforme qui nous a été proposée par le gouvernement. Je crois que ce qui a été fait par le peuple ne peut être défait que par lui. Une modification de cette importance de notre Constitution, de la conception-même de l'Etat, de la nation, de la République, doit faire l'objet d'un Référendum, conformément à la promesse du candidat Jacques Chirac lors de l'élection présidentielle. Une pétition a été signée pour demander cela, et des motions ont été adoptées par de nombreuses assemblées élus de collectivités locales. Nous voulons faire entendre la voix du peuple dans ce débat, qui ne doit pas être un débat de spécialistes. Aussi, je me propose d'interpeller le Président de la République dans les jours qui viennent. Nous demandons toujours un grand débat public, qui ressemble à autre chose qu'à cette caricature à laquelle nous avons assisté hier en Ile-de-France, et auparavant dans les autres régions, et une consultation du peuple. Comme je l'ai dit à la Mutualité, il y a quelques jours, décider de la décentralisation tout seul dans un bureau parisien, relève du calembour ! Mais décider de la décentralisation à quelques uns sur invitation n'est pas mieux. Les citoyennes et les citoyens sont méprisés ! Et cela est grave. La décentralisation mérite un débat public de haut niveau, je crains qu'à nous le refuser, on n'ait pour objectif que d'en masquer les enjeux. Cela ne témoigne pas d'une grande confiance du gouvernement en ses propres projets.
D'ailleurs, comme le soulignait notre ami André Chassaigne dans l'hémicycle, celui-ci s'est refusé à donner à l'Assemblée Nationale les explications nécessaires à l'évaluation de la portée du texte. Car en réalité, il ouvre des portes aux quatre vents, n'excluant aucun domaine de son champ, laissant le soin à des lois organiques de préciser les règles essentielles de la décentralisation, sous-entendant des remodelages dans les faits de nos structures administratives sans débat citoyen. Des portes ouvertes aux quatre vents mais déjà le pouvoir sait quel vent il souffle. J'ai été frappée hier de l'insistance mise par les ministres présents à évoquer l'éducation, par exemple.
Ce projet, nous le combattons avec la plus grande détermination. Il nous est proposé une décentralisation libérale. En réalité, elle s'inscrit dans un projet de société de morcellement social et de division, de suppression des garanties collectives, de privatisation des services publics, de destruction de la solidarité nationale.
L'expérimentation, par exemple, est un formidable cheval de Troie. Qui peut croire qu'au bout de deux ans de gestion par une collectivité territoriale d'une administration, celle-ci pourrait revenir tout simplement à son statut précédent ? La sous-traitance au privé guette, elle est déjà dans les bouches de certains. Une vaste foire d'empoigne est en train de s'organiser, chaque collectivité locale pouvant demander " plus de pouvoir ". Plus de pouvoir pour quoi faire ? Pour mieux répondre aux aspirations des hommes et des femmes ? Pas si sûr.
Deux conditions essentielles sont en effet évacuées : quel pouvoir des citoyens et citoyennes dans la gestion de ces collectivités locales ? Quelles nouvelles missions pour l'Etat, qui doit être capable de garantir l'égalité des droits à chacun et chacune quelle que soit la collectivité dont il dépend, dont dépend le service d'intérêt général qui lui est dû ? En fait, le projet de décentralisation centralise à l'Etat, ce qui permet d'installer l'ordre permettant aux savants de propfiter, de centraliser ce qui permet à l'individu de vivre, de s'épanouir, de coopérer A l'Etat, la police, la défense, la justice, le contrôle de légalité et Bercy. Aux autres collectivités la santé, l'éducation, l'équipement, la formation pour ceux et celles qu'elles veulent ou peuvent servir. Aux marchands le gaz, l'électricité, l'eau, l'information Le projet de Jean Pierre Raffarin s'inscrit également dans une volonté de réduction des dépenses de l'Etat afin de rentrer docilement dans les critères européens.
Affichant la volonté de réduire les impôts nationaux, le Premier Ministre place les élus locaux devant la nécessité soit d'augmenter les impôts locaux afin de faire face aux nouvelles missions, soit de supprimer des services aux publics, soit encore de les privatiser. Or, la décentralisation implique une vraie réforme des finances locales avec des moyens supplémentaires attribués aux collectivités et un système de péréquation.
Il s'agit tout simplement d'organiser la concurrence entre les administrations et les territoires. Il s'agit simplement de jouer sur les inégalités pour abaisser l'ensemble. Ce texte de loi, qui introduit au même niveau que les valeurs fondatrices de notre République dès son article premier, l'idée que son organisation administrative est décentralisée, est une tromperie sur la marchandise.
Nous défendons une autre idée de la décentralisation, une idée de progrès, une idée de démocratie et de citoyenneté. Oui, nous voulons plus de droits pour les élu-e-s locaux et plus de pouvoirs interventions pour les citoyens, les salariés, les forces économiques, sociales et culturelles. Oui, nous voulons une République d'égalité, avec des services publics étendus et démocratisés. Oui, on peut faire la décentralisation sans défaire la République.
Nous voulons réellement donner le pouvoir aux hommes et aux femmes, clarifier les enjeux et les lieux des décisions. Nous sommes pour la décentralisation, mais une décentralisation citoyenne qui donne à chacun et chacune les moyens de réellement participer aux choix qui le ou la concernent. Voilà ce que pourrait être la décentralisation. Non pas une dilution des pouvoirs mais un mouvement qui rende la politique au peuple ! En somme, si l'on ne décentralise pas l'ensemble des processus décisionnels, toute tentative ne revient qu'à multiplier les centres, sans jamais réellement démocratiser. C'est cela qui me paraît être le plus essentiel dans les propositions que nous devons faire. Que les citoyens et citoyennes soient partie prenante des choix d'aménagement qui les concernent, des choix budgétaires. Que les usagers et les salariés soient décideurs de l'action des services publics. Notre volonté de démocratisation de nos institutions et de nos pratiques ne se résume pas à la décentralisation, mais elle peut en être l'un des vecteurs essentiels.
Pour que la décentralisation fonctionne, il faut d'abord que l'Etat assume pleinement un rôle important d'articulation, d'impulsion, de cohésion qui reste encore à inventer dans la pratique. Car je voudrais insister sur l'importance des garanties collectives afin d'assurer l'égalité entre les citoyens. Pour cela, l'Etat doit lui-même pratiquer cette décentralisation des pouvoirs en se démocratisant réellement. Les inégalités entre territoires sont déjà assez criantes pour ne pas devoir être aggravées. L'égalité entre les territoires, c'est l'égalité entre les citoyens. Notre République assure mal l'égalité devant des droits fondamentaux. A ces parents qui constatent l'échec scolaire, que dirons-nous si l'Etat ajoute aux inégalités sociales, les inégalités territoriales ? A ces mères, à ces pères qui, selon leur lieu d'habitation, ont un accès inégal aux modes de garde, aux crèches, que répondrons-nous ? A celles et ceux pour qui le bureau de Poste rural reste la dernière présence publique, que répondrons-nous si l'Etat supprime la garantie d'un égal accès aux services publics sur le territoire ? A ces demandeurs de logements, que répondrons-nous si la construction de logements sociaux ne dépend plus que de la solvabilité des collectivités territoriales ?
Pour garantir cette égalité que nous appelons de nos voeux, il faut renforcer les coopérations. Il n'y a rien à gagner à ce que chacun s'enferme chez soi. Les richesses des pratiques locales doivent pouvoir être mises en synergies, se confronter, se diffuser. Il y a là un véritable travail à faire qui, au-delà des cadres nécessaires et des orientations à définir qui doivent valoir pour tous, offrent des champs d'application nouveaux à la décentralisation. Au lieu de concurrence, ce sont des coopérations qui doivent se renforcer dans un esprit de solidarité afin de chercher des solutions collectives au problèmes communs. Toutefois, l'exercice des compétences doit être sérieusement défini afin que l'ensemble des citoyens puisse s'y retrouver et établir clairement les niveaux de décision et les responsabilités. En cela, une décentralisation à la carte crée des complications supplémentaires dans le fonctionnement administratif de notre pays. Ce n'est pas une bonne chose.
Enfin, je ne crois pas que l'on doive toucher aux collectivités existantes pour en réduire le nombre et supprimer des échelons. Il me semble que chacune dans les représentations mentales et politiques correspond à un repère et à une entité. Je ne crois pas que des régions aux pouvoirs élargis puissent remplacer les départements sans éloigner les pouvoirs des citoyens. Mettons déjà en place ces coopérations nécessaires entre collectivités, ce sera un grand pas en avant, sans quoi, nous resterions dans des logiques de partage des pouvoirs en vase clos. Rendre les citoyens et les citoyennes partie prenante à part entière des relations entre collectivités, des relations entre les collectivités et l'Etat, voilà un défi essentiel, car tout ne passe pas par un morcellement des niveaux de gestion. Je voudrais ajouter que notre idée de la décentralisation s'inscrit dans le schéma d'une Europe de la solidarité, une Europe qui respecte elle aussi l'échelon national sans chercher pour des raisons libérales à le contourner, une Europe des nations, une Europe des coopérations dépassant le dogme de la libre concurrence qui pèse sur nos capacités de développement et de progrès.
Il ne faut pas perdre de vue dans cette décentralisation l'enjeu essentiel de l'aménagement du territoire. Les récentes inondations nous ont montré les questions essentielles qui se posaient à nous en termes d'environnement, mais aussi en termes d'implantation humaine. Les concentrations autour de pôles d'activités, la désertification de certaines campagnes les phénomènes de rurbanisation avec les risques qui sont à évaluer pour la vie des hommes et des femmes dans l'avenir. Tout cela ne doit pas être laissé à la pression du marché et à des concurrences économiques entre territoires. Il faut donc y réfléchir ensemble, mais aussi partout. En effet, les spécificités des territoires mais surtout des réalités humaines qui les composent doivent mieux trouver place dans la réflexion globale. La décentralisation doit renforcer les synergies et les solidarités et non pas les supprimer.
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Voilà en somme les pistes qu'il nous faut continuer à explorer, à mon sens. Nous avons déjà bien travaillé sur cette question. Je trouve que nos propositions prennent de l'ampleur. C'est la condition pour que notre résistance aux projets de décentralisation néfastes du gouvernement gagne en crédibilité et en force. Ce que nous sommes en train de dessiner ainsi, ce sont des portions essentielles de cette alternative que nous recherchons. Nos échanges d'aujourd'hui y participent grandement. Nous voici plus forts pour aller à la bataille.
Je vous remercie.
(Source http://www.pcf.fr, le 28 janvier 2003)
La décentralisation, paraît-il, est le voeu le plus cher du Premier ministre. C'est, parmi tant d'autres projets de démolition, celui qui lui tient le plus à coeur.
Entend-il mettre la démocratie en partage, ou bien en morceaux ? C'est tout l'intérêt de ce colloque, de montrer qu'il y a plusieurs manières de penser la décentralisation. Et que si l'une peut être un levier essentiel de la transformation sociale, l'autre peut enfoncer notre pays dans l'inégalités des droits et l'ultra-centralisation des pouvoirs. Pour cela, nous avons besoin de mettre en débat les idées et les pratiques, nous avons besoin de pousser la réflexion pour faire vivre les propositions audacieuses qui prennent corps. Je remercie l'ANECR, Jean-Claude Mairal et tous ceux qui sont investis avec lui dans le Chantier de la transformation sociale du PCF sur la décentralisation et l'aménagement du territoire, d'avoir pris l'initiative de cette rencontre. Elle participe de la riposte au gouvernement de droite qui sévit dans notre pays, elle participe de la construction d'une alternative crédible qui ouvre l'avenir.
Il m'a été demandé de tirer les conclusions de notre journée. Je crois qu'il nous faudra encore nous replonger dans les débats et la richesse des interventions pour en percevoir toutes les leçons, moi la première, qui étais absente ce matin.
Egalité, coopérations, démocratie, les trois axes de travail qui ont rythmé votre journée témoignent bien, à mon sens, des enjeux de la décentralisation, ou plutôt de ce qu'elle devrait être.
Permettez-moi, d'abord quelques mots sur la réforme qui nous a été proposée par le gouvernement. Je crois que ce qui a été fait par le peuple ne peut être défait que par lui. Une modification de cette importance de notre Constitution, de la conception-même de l'Etat, de la nation, de la République, doit faire l'objet d'un Référendum, conformément à la promesse du candidat Jacques Chirac lors de l'élection présidentielle. Une pétition a été signée pour demander cela, et des motions ont été adoptées par de nombreuses assemblées élus de collectivités locales. Nous voulons faire entendre la voix du peuple dans ce débat, qui ne doit pas être un débat de spécialistes. Aussi, je me propose d'interpeller le Président de la République dans les jours qui viennent. Nous demandons toujours un grand débat public, qui ressemble à autre chose qu'à cette caricature à laquelle nous avons assisté hier en Ile-de-France, et auparavant dans les autres régions, et une consultation du peuple. Comme je l'ai dit à la Mutualité, il y a quelques jours, décider de la décentralisation tout seul dans un bureau parisien, relève du calembour ! Mais décider de la décentralisation à quelques uns sur invitation n'est pas mieux. Les citoyennes et les citoyens sont méprisés ! Et cela est grave. La décentralisation mérite un débat public de haut niveau, je crains qu'à nous le refuser, on n'ait pour objectif que d'en masquer les enjeux. Cela ne témoigne pas d'une grande confiance du gouvernement en ses propres projets.
D'ailleurs, comme le soulignait notre ami André Chassaigne dans l'hémicycle, celui-ci s'est refusé à donner à l'Assemblée Nationale les explications nécessaires à l'évaluation de la portée du texte. Car en réalité, il ouvre des portes aux quatre vents, n'excluant aucun domaine de son champ, laissant le soin à des lois organiques de préciser les règles essentielles de la décentralisation, sous-entendant des remodelages dans les faits de nos structures administratives sans débat citoyen. Des portes ouvertes aux quatre vents mais déjà le pouvoir sait quel vent il souffle. J'ai été frappée hier de l'insistance mise par les ministres présents à évoquer l'éducation, par exemple.
Ce projet, nous le combattons avec la plus grande détermination. Il nous est proposé une décentralisation libérale. En réalité, elle s'inscrit dans un projet de société de morcellement social et de division, de suppression des garanties collectives, de privatisation des services publics, de destruction de la solidarité nationale.
L'expérimentation, par exemple, est un formidable cheval de Troie. Qui peut croire qu'au bout de deux ans de gestion par une collectivité territoriale d'une administration, celle-ci pourrait revenir tout simplement à son statut précédent ? La sous-traitance au privé guette, elle est déjà dans les bouches de certains. Une vaste foire d'empoigne est en train de s'organiser, chaque collectivité locale pouvant demander " plus de pouvoir ". Plus de pouvoir pour quoi faire ? Pour mieux répondre aux aspirations des hommes et des femmes ? Pas si sûr.
Deux conditions essentielles sont en effet évacuées : quel pouvoir des citoyens et citoyennes dans la gestion de ces collectivités locales ? Quelles nouvelles missions pour l'Etat, qui doit être capable de garantir l'égalité des droits à chacun et chacune quelle que soit la collectivité dont il dépend, dont dépend le service d'intérêt général qui lui est dû ? En fait, le projet de décentralisation centralise à l'Etat, ce qui permet d'installer l'ordre permettant aux savants de propfiter, de centraliser ce qui permet à l'individu de vivre, de s'épanouir, de coopérer A l'Etat, la police, la défense, la justice, le contrôle de légalité et Bercy. Aux autres collectivités la santé, l'éducation, l'équipement, la formation pour ceux et celles qu'elles veulent ou peuvent servir. Aux marchands le gaz, l'électricité, l'eau, l'information Le projet de Jean Pierre Raffarin s'inscrit également dans une volonté de réduction des dépenses de l'Etat afin de rentrer docilement dans les critères européens.
Affichant la volonté de réduire les impôts nationaux, le Premier Ministre place les élus locaux devant la nécessité soit d'augmenter les impôts locaux afin de faire face aux nouvelles missions, soit de supprimer des services aux publics, soit encore de les privatiser. Or, la décentralisation implique une vraie réforme des finances locales avec des moyens supplémentaires attribués aux collectivités et un système de péréquation.
Il s'agit tout simplement d'organiser la concurrence entre les administrations et les territoires. Il s'agit simplement de jouer sur les inégalités pour abaisser l'ensemble. Ce texte de loi, qui introduit au même niveau que les valeurs fondatrices de notre République dès son article premier, l'idée que son organisation administrative est décentralisée, est une tromperie sur la marchandise.
Nous défendons une autre idée de la décentralisation, une idée de progrès, une idée de démocratie et de citoyenneté. Oui, nous voulons plus de droits pour les élu-e-s locaux et plus de pouvoirs interventions pour les citoyens, les salariés, les forces économiques, sociales et culturelles. Oui, nous voulons une République d'égalité, avec des services publics étendus et démocratisés. Oui, on peut faire la décentralisation sans défaire la République.
Nous voulons réellement donner le pouvoir aux hommes et aux femmes, clarifier les enjeux et les lieux des décisions. Nous sommes pour la décentralisation, mais une décentralisation citoyenne qui donne à chacun et chacune les moyens de réellement participer aux choix qui le ou la concernent. Voilà ce que pourrait être la décentralisation. Non pas une dilution des pouvoirs mais un mouvement qui rende la politique au peuple ! En somme, si l'on ne décentralise pas l'ensemble des processus décisionnels, toute tentative ne revient qu'à multiplier les centres, sans jamais réellement démocratiser. C'est cela qui me paraît être le plus essentiel dans les propositions que nous devons faire. Que les citoyens et citoyennes soient partie prenante des choix d'aménagement qui les concernent, des choix budgétaires. Que les usagers et les salariés soient décideurs de l'action des services publics. Notre volonté de démocratisation de nos institutions et de nos pratiques ne se résume pas à la décentralisation, mais elle peut en être l'un des vecteurs essentiels.
Pour que la décentralisation fonctionne, il faut d'abord que l'Etat assume pleinement un rôle important d'articulation, d'impulsion, de cohésion qui reste encore à inventer dans la pratique. Car je voudrais insister sur l'importance des garanties collectives afin d'assurer l'égalité entre les citoyens. Pour cela, l'Etat doit lui-même pratiquer cette décentralisation des pouvoirs en se démocratisant réellement. Les inégalités entre territoires sont déjà assez criantes pour ne pas devoir être aggravées. L'égalité entre les territoires, c'est l'égalité entre les citoyens. Notre République assure mal l'égalité devant des droits fondamentaux. A ces parents qui constatent l'échec scolaire, que dirons-nous si l'Etat ajoute aux inégalités sociales, les inégalités territoriales ? A ces mères, à ces pères qui, selon leur lieu d'habitation, ont un accès inégal aux modes de garde, aux crèches, que répondrons-nous ? A celles et ceux pour qui le bureau de Poste rural reste la dernière présence publique, que répondrons-nous si l'Etat supprime la garantie d'un égal accès aux services publics sur le territoire ? A ces demandeurs de logements, que répondrons-nous si la construction de logements sociaux ne dépend plus que de la solvabilité des collectivités territoriales ?
Pour garantir cette égalité que nous appelons de nos voeux, il faut renforcer les coopérations. Il n'y a rien à gagner à ce que chacun s'enferme chez soi. Les richesses des pratiques locales doivent pouvoir être mises en synergies, se confronter, se diffuser. Il y a là un véritable travail à faire qui, au-delà des cadres nécessaires et des orientations à définir qui doivent valoir pour tous, offrent des champs d'application nouveaux à la décentralisation. Au lieu de concurrence, ce sont des coopérations qui doivent se renforcer dans un esprit de solidarité afin de chercher des solutions collectives au problèmes communs. Toutefois, l'exercice des compétences doit être sérieusement défini afin que l'ensemble des citoyens puisse s'y retrouver et établir clairement les niveaux de décision et les responsabilités. En cela, une décentralisation à la carte crée des complications supplémentaires dans le fonctionnement administratif de notre pays. Ce n'est pas une bonne chose.
Enfin, je ne crois pas que l'on doive toucher aux collectivités existantes pour en réduire le nombre et supprimer des échelons. Il me semble que chacune dans les représentations mentales et politiques correspond à un repère et à une entité. Je ne crois pas que des régions aux pouvoirs élargis puissent remplacer les départements sans éloigner les pouvoirs des citoyens. Mettons déjà en place ces coopérations nécessaires entre collectivités, ce sera un grand pas en avant, sans quoi, nous resterions dans des logiques de partage des pouvoirs en vase clos. Rendre les citoyens et les citoyennes partie prenante à part entière des relations entre collectivités, des relations entre les collectivités et l'Etat, voilà un défi essentiel, car tout ne passe pas par un morcellement des niveaux de gestion. Je voudrais ajouter que notre idée de la décentralisation s'inscrit dans le schéma d'une Europe de la solidarité, une Europe qui respecte elle aussi l'échelon national sans chercher pour des raisons libérales à le contourner, une Europe des nations, une Europe des coopérations dépassant le dogme de la libre concurrence qui pèse sur nos capacités de développement et de progrès.
Il ne faut pas perdre de vue dans cette décentralisation l'enjeu essentiel de l'aménagement du territoire. Les récentes inondations nous ont montré les questions essentielles qui se posaient à nous en termes d'environnement, mais aussi en termes d'implantation humaine. Les concentrations autour de pôles d'activités, la désertification de certaines campagnes les phénomènes de rurbanisation avec les risques qui sont à évaluer pour la vie des hommes et des femmes dans l'avenir. Tout cela ne doit pas être laissé à la pression du marché et à des concurrences économiques entre territoires. Il faut donc y réfléchir ensemble, mais aussi partout. En effet, les spécificités des territoires mais surtout des réalités humaines qui les composent doivent mieux trouver place dans la réflexion globale. La décentralisation doit renforcer les synergies et les solidarités et non pas les supprimer.
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Voilà en somme les pistes qu'il nous faut continuer à explorer, à mon sens. Nous avons déjà bien travaillé sur cette question. Je trouve que nos propositions prennent de l'ampleur. C'est la condition pour que notre résistance aux projets de décentralisation néfastes du gouvernement gagne en crédibilité et en force. Ce que nous sommes en train de dessiner ainsi, ce sont des portions essentielles de cette alternative que nous recherchons. Nos échanges d'aujourd'hui y participent grandement. Nous voici plus forts pour aller à la bataille.
Je vous remercie.
(Source http://www.pcf.fr, le 28 janvier 2003)