Texte intégral
Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale,
Monsieur le Président de la Commission des lois de l'Assemblée Nationale,
Monsieur le Président de la Commission des finances du Sénat,
Messieurs les Sénateurs et Députés,
Mesdames, Messieurs,
Nous nous rencontrons aujourd'hui dans un contexte où la confiance est, à tort ou à raison, remise en cause et où les places financières connaissent des moments difficiles. Cela inquiète nos épargnants, nos entreprises et leurs salariés. Trop d'entre eux sont sévèrement touchés dans leurs situations personnelles. Tous les acteurs de l'économie ressentent la nécessité de réfléchir à la situation et d'agir. Dirigeants, administrateurs, analystes financiers, banquiers, commissaires aux comptes doivent uvrer, ensemble, avec les pouvoirs publics, pour restaurer cette confiance.
Je vous remercie donc de l'initiative de cette journée de débats, qui permettra d'avancer encore dans la réflexion. Je remercie en particulier Jean-Louis Debré de l'avoir accueillie et Eric Woerth de l'avoir ainsi structurée.
Je suis heureux de prendre part à cette discussion.
La France n'a pas été touchée par les scandales financiers tels que ceux qui ont frappé l'économie américaine. Elle n'en a pas moins été atteinte par les interrogations sur le rôle des organes de direction et de contrôle des sociétés. Cela attire notre attention sur le droit qui régit la liberté d'entreprendre.
Le rôle du commissaire aux comptes, que vous avez discuté ce matin, me semble central.
Il structure, dans la durée, la relation entre chaque entreprise, dans son fonctionnement le plus intime, et ses actionnaires.
Je fais un diagnostic positif du passé
Je crois en effet, d'abord, que notre dispositif n'a pas été pris gravement en défaut. Ceci tient, j'en suis convaincu, aux règles que nous avons su lui donner et à la qualité des professionnels qui les mettent en oeuvre. Ainsi, l'exercice, en France, de la profession de commissaire aux comptes, est certainement le plus réglementé en Europe.
Tous, aujourd'hui, reconnaissent des incompatibilités à l'exercice de cette profession. La Securities and Exchange Commission (SEC) aux Etats-Unis en a identifié récemment un certain nombre. La plupart sont d'application constante en France.
Enfin, notre système original de co-commissariat pour les sociétés qui publient des comptes consolidés a montré toute sa pertinence.
Je souhaite, en particulier, saluer le travail de la Compagnie nationale pour améliorer les modalités de ses contrôles et leur qualité. Elle a établi un corpus de normes de contrôle à disposition des professionnels. En partenariat avec la Commission des opérations de bourse (COB), la Compagnie nationale a créé le comité de déontologie de l'indépendance (CDI). Il a permis aux professionnels de trouver un interlocuteur prêt à se prononcer sur la déontologie. Ceci conforte, au cas par cas, les interrogations des commissaires aux comptes sur la sauvegarde de leur indépendance ou le respect de leurs obligations professionnelles. Je suis très satisfait que la Compagnie dispose d'un code de déontologie. Il rappelle les règles d'éthique auxquelles le commissaire aux comptes adhère et s'engage à respecter dans sa vie professionnelle et personnelle.
La profession de commissaires aux comptes a pris conscience des enjeux. Elle y a répondu, dès l'automne dernier, par la présentation d'un projet de contrat de progrès.
La loi va renforcer l'efficacité du contrôle
J'ai déjà eu l'occasion de présenter moi-même à la profession les axes des actions que nous projetons.
Le projet de loi qui sera prochainement soumis au Parlement a une double ambition : apporter aux commissaires aux comptes le soutien de l'Etat et affirmer leur responsabilité. L'importance de leur mission doit ainsi être soulignée et expliquée. L'efficacité du contrôle opéré par les commissaires aux comptes doit être renforcée pour rétablir la confiance.
Je souhaite d'abord que l'unité de la profession de commissaire aux comptes, qui est une de ses forces, soit maintenue.
A ce titre, le contrôle sur la qualité et la déontologie d'exercice de ces missions doit rester homogène entre les différentes catégories d'intervenants : indépendants, sociétés françaises, réseaux internationaux. La déclinaison des règles applicables doit se faire, non sur la nature des commissaires aux comptes, mais sur celle des sociétés contrôlées. Ainsi, des dispositions renforcées doivent être prévues pour les commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne. Il en est de même pour ceux des personnes morales ayant recours à la générosité publique, pour lesquelles l'exigence de nos concitoyens va, à juste titre, croissant.
J'ai décidé de confier à un Haut conseil du commissariat aux comptes la responsabilité d'assurer la surveillance de cette profession importante.
Cette autorité indépendante sera composée de juristes, de personnes qualifiées dans le domaine de l'économie et des affaires financières, de représentants des autorités du marché et des universités, de commissaires aux comptes. Nous devons être ambitieux pour cette nouvelle instance dont la compétence comprendra contrôle, réflexion et discipline.
Contrôle d'abord
Le Haut Conseil sera chargé d'organiser le contrôle de la qualité de l'audit. Il décidera, à l'avenir, de la teneur des programmes de contrôle et déterminera les thèmes de vérification. La nouvelle organisation des contrôles permettra, aussi, de veiller au respect de la déontologie, dont les principes seront définis par décret.
Réflexion, en permanence
Le Haut Conseil sera également un lieu de débat, et c'est un point important, pour discuter les doctrines. Le passé récent nous montre qu'elles ont pu parfois être mises en défaut car insuffisamment remises en cause. Ainsi, le Haut Conseil pourra créer des commissions consultatives, avec la participation d'experts, pour préparer ses avis et décisions dans des domaines spécifiques. Je pense à l'appel public à l'épargne ou au contrôle des associations.
Discipline, à chaque fois que cela est nécessaire
Elle sera assurée, en premier ressort, par les compagnies régionales des commissaires aux comptes. Le Haut conseil en sera l'organe d'appel.
Il nous faut aussi renforcer les règles elles -mêmes
J'ai, ainsi, également jugé indispensable de renforcer les obligations professionnelles des commissaires aux comptes. Il convenait, en effet, d'expliciter l'interdiction de prendre, recevoir ou conserver tout intérêt direct comme indirect auprès de la personne dont le commissaire aux comptes doit certifier les comptes.
En second lieu, notre droit tendait déjà à interdire qu'un commissaire aux comptes apporte concomitamment des conseils à la société dont il certifie les comptes. Il est cependant nécessaire de préciser cette règle, pour qu'elle s'applique clairement à chacun, et notamment aux réseaux.
Enfin, une règle de rotation des commissaires aux comptes me paraît nécessaire. Avec Francis Mer, je finaliserai la concertation sur ce sujet délicat mais important.
Plus généralement, la déontologie me paraît un critère essentiel pour la crédibilité de cette profession. Comme je l'ai déjà dit, un décret pris après avis du Haut Conseil apportera les compléments en ce domaine. Les incompatibilités auxquelles sont soumis les commissaires aux comptes y seront précisées.
Enfin, je souhaite que la Compagnie nationale, avec la collaboration des Compagnies régionales, me soumette, pour homologation, des normes d'exercice professionnel, des normes d'audit. Ceci doit faire l'objet d'une concertation, notamment par le biais du Haut Conseil. Je crois, en effet, que les commissaires aux comptes doivent pouvoir s'appuyer sur une doctrine homologuée, dont la force probante renforcera leur position à l'égard des personnes contrôlées et des juridictions.
* *
*
Le système français de l'information financière devait être renforcé. Les commissaires aux comptes en sont l'un des éléments essentiels. La profession l'a compris. Au-delà de ce qu'elle avait déjà entrepris, elle a travaillé sur le projet en concertation avec le Gouvernement, dans un souci constant de construire un dispositif qui pourra servir de référence.
L'éthique des professionnels apportant leur concours à l'activité économique est, pour moi, une préoccupation de premier plan. Elle doit être un pilier de la sécurité juridique dans le monde des affaires. La loi de sécurité financière nous donne l'occasion de progresser en ce sens pour la profession de commissaire aux comptes. La transposition de la directive sur la lutte contre le blanchiment des capitaux nous permettra, pour les professions juridiques et judiciaires, d'affirmer des règles d'éthique à la fois fortes et efficaces, dans des conditions compatibles avec la préservation du secret professionnel des avocats auquel je suis très attaché.
*
Mais nous devons, aussi, moderniser notre droit des sociétés et la façon dont nous l'appliquons.
C'est le gage d'un fonctionnement transparent, efficace et équilibré de notre économie.
Cette modernisation est une uvre qui doit être réalisée dans la durée, tant son champ est vaste. A l'évidence, sa portée dépasse largement l'économie : elle doit notamment s'analyser en termes de liberté, d'équité et de sécurité. J'entends mener à ce sujet une concertation particulièrement intense avec les acteurs économiques et les autres parties prenantes.
Sur la gouvernance d'entreprise, je salue la réflexion très complète qui a été menée au cours des derniers mois par les chefs d'entreprise eux-mêmes, sous l'égide de Daniel Bouton.
Je relève que ce rapport présentait des recommandations en matière de commissariat aux comptes. La plupart me semblent pertinentes : elles ont largement inspiré la conception du projet de loi de sécurité financière.
Je retiens également que ce rapport insiste sur le rôle du conseil d'administration dans les sociétés anonymes. Il constate que cet organe collégial n'exerce pas toujours sa mission avec suffisamment d'efficacité. Les raisons en sont multiples. Le gouvernement d'entreprise constitue l'une des réponses à la crise de confiance que nous vivons. Je pense utile que nous regardions, tous ensemble, comment donner à ces propositions la suite qu'elles méritent.
Une réforme globale du droit des procédures collectives m'apparaît également nécessaire. Le contexte dans lequel la loi de 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires a été élaborée a profondément changé. La recherche du "tout redressement ", au prix de sacrifices importants imposés aux créanciers et d'espoirs sans suite donnés aux salariés, qui en était le principe, a démontré ses limites.
Il convient de renforcer l'efficacité des procédures en les adaptant aux situations qu'elles traitent, dans un souci de réalisme économique et social.
La rigueur et la transparence dans le traitement des procédures de redressement et de liquidation judiciaires ont souvent été critiquées. Elles doivent donc être accrues : les règles de procédure, mais aussi une plus grande implication des parquets, doivent y contribuer.
Enfin, je pense indispensable de renforcer la notion de responsabilité des entrepreneurs, qui est notamment financière, sociale et environnementale. L'actualité nous livre en effet, au cours des dernières semaines, des exemples où ce principe de responsabilité n'a pas été suffisamment respecté.
J'entends réfléchir aux évolutions nécessaires de notre droit, en particulier au niveau pénal. Des situations nouvelles peuvent justifier de renforcer sa portée. Au contraire, certaines qualifications pénales apparaissent aujourd'hui inappropriées : je sais aussi la préoccupation des entrepreneurs à ce sujet.
Surtout, en tant que Garde des Sceaux, je ferai en sorte que les comportements concernés, heureusement isolés, soient traités comme il se doit par la justice. Je donnerai des instructions en ce sens aux Procureurs. Je donnerai aux juridictions concernées les moyens que cela justifie.
La matière que nous abordons ainsi est parfois technique et complexe. Le devoir des élus est certainement de contribuer à expliquer l'importance de ces sujets à nos concitoyens et à rétablir la confiance pour maintenir une croissance durable de notre économie.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 28 janvier 2003)
Monsieur le Président de la Commission des lois de l'Assemblée Nationale,
Monsieur le Président de la Commission des finances du Sénat,
Messieurs les Sénateurs et Députés,
Mesdames, Messieurs,
Nous nous rencontrons aujourd'hui dans un contexte où la confiance est, à tort ou à raison, remise en cause et où les places financières connaissent des moments difficiles. Cela inquiète nos épargnants, nos entreprises et leurs salariés. Trop d'entre eux sont sévèrement touchés dans leurs situations personnelles. Tous les acteurs de l'économie ressentent la nécessité de réfléchir à la situation et d'agir. Dirigeants, administrateurs, analystes financiers, banquiers, commissaires aux comptes doivent uvrer, ensemble, avec les pouvoirs publics, pour restaurer cette confiance.
Je vous remercie donc de l'initiative de cette journée de débats, qui permettra d'avancer encore dans la réflexion. Je remercie en particulier Jean-Louis Debré de l'avoir accueillie et Eric Woerth de l'avoir ainsi structurée.
Je suis heureux de prendre part à cette discussion.
La France n'a pas été touchée par les scandales financiers tels que ceux qui ont frappé l'économie américaine. Elle n'en a pas moins été atteinte par les interrogations sur le rôle des organes de direction et de contrôle des sociétés. Cela attire notre attention sur le droit qui régit la liberté d'entreprendre.
Le rôle du commissaire aux comptes, que vous avez discuté ce matin, me semble central.
Il structure, dans la durée, la relation entre chaque entreprise, dans son fonctionnement le plus intime, et ses actionnaires.
Je fais un diagnostic positif du passé
Je crois en effet, d'abord, que notre dispositif n'a pas été pris gravement en défaut. Ceci tient, j'en suis convaincu, aux règles que nous avons su lui donner et à la qualité des professionnels qui les mettent en oeuvre. Ainsi, l'exercice, en France, de la profession de commissaire aux comptes, est certainement le plus réglementé en Europe.
Tous, aujourd'hui, reconnaissent des incompatibilités à l'exercice de cette profession. La Securities and Exchange Commission (SEC) aux Etats-Unis en a identifié récemment un certain nombre. La plupart sont d'application constante en France.
Enfin, notre système original de co-commissariat pour les sociétés qui publient des comptes consolidés a montré toute sa pertinence.
Je souhaite, en particulier, saluer le travail de la Compagnie nationale pour améliorer les modalités de ses contrôles et leur qualité. Elle a établi un corpus de normes de contrôle à disposition des professionnels. En partenariat avec la Commission des opérations de bourse (COB), la Compagnie nationale a créé le comité de déontologie de l'indépendance (CDI). Il a permis aux professionnels de trouver un interlocuteur prêt à se prononcer sur la déontologie. Ceci conforte, au cas par cas, les interrogations des commissaires aux comptes sur la sauvegarde de leur indépendance ou le respect de leurs obligations professionnelles. Je suis très satisfait que la Compagnie dispose d'un code de déontologie. Il rappelle les règles d'éthique auxquelles le commissaire aux comptes adhère et s'engage à respecter dans sa vie professionnelle et personnelle.
La profession de commissaires aux comptes a pris conscience des enjeux. Elle y a répondu, dès l'automne dernier, par la présentation d'un projet de contrat de progrès.
La loi va renforcer l'efficacité du contrôle
J'ai déjà eu l'occasion de présenter moi-même à la profession les axes des actions que nous projetons.
Le projet de loi qui sera prochainement soumis au Parlement a une double ambition : apporter aux commissaires aux comptes le soutien de l'Etat et affirmer leur responsabilité. L'importance de leur mission doit ainsi être soulignée et expliquée. L'efficacité du contrôle opéré par les commissaires aux comptes doit être renforcée pour rétablir la confiance.
Je souhaite d'abord que l'unité de la profession de commissaire aux comptes, qui est une de ses forces, soit maintenue.
A ce titre, le contrôle sur la qualité et la déontologie d'exercice de ces missions doit rester homogène entre les différentes catégories d'intervenants : indépendants, sociétés françaises, réseaux internationaux. La déclinaison des règles applicables doit se faire, non sur la nature des commissaires aux comptes, mais sur celle des sociétés contrôlées. Ainsi, des dispositions renforcées doivent être prévues pour les commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l'épargne. Il en est de même pour ceux des personnes morales ayant recours à la générosité publique, pour lesquelles l'exigence de nos concitoyens va, à juste titre, croissant.
J'ai décidé de confier à un Haut conseil du commissariat aux comptes la responsabilité d'assurer la surveillance de cette profession importante.
Cette autorité indépendante sera composée de juristes, de personnes qualifiées dans le domaine de l'économie et des affaires financières, de représentants des autorités du marché et des universités, de commissaires aux comptes. Nous devons être ambitieux pour cette nouvelle instance dont la compétence comprendra contrôle, réflexion et discipline.
Contrôle d'abord
Le Haut Conseil sera chargé d'organiser le contrôle de la qualité de l'audit. Il décidera, à l'avenir, de la teneur des programmes de contrôle et déterminera les thèmes de vérification. La nouvelle organisation des contrôles permettra, aussi, de veiller au respect de la déontologie, dont les principes seront définis par décret.
Réflexion, en permanence
Le Haut Conseil sera également un lieu de débat, et c'est un point important, pour discuter les doctrines. Le passé récent nous montre qu'elles ont pu parfois être mises en défaut car insuffisamment remises en cause. Ainsi, le Haut Conseil pourra créer des commissions consultatives, avec la participation d'experts, pour préparer ses avis et décisions dans des domaines spécifiques. Je pense à l'appel public à l'épargne ou au contrôle des associations.
Discipline, à chaque fois que cela est nécessaire
Elle sera assurée, en premier ressort, par les compagnies régionales des commissaires aux comptes. Le Haut conseil en sera l'organe d'appel.
Il nous faut aussi renforcer les règles elles -mêmes
J'ai, ainsi, également jugé indispensable de renforcer les obligations professionnelles des commissaires aux comptes. Il convenait, en effet, d'expliciter l'interdiction de prendre, recevoir ou conserver tout intérêt direct comme indirect auprès de la personne dont le commissaire aux comptes doit certifier les comptes.
En second lieu, notre droit tendait déjà à interdire qu'un commissaire aux comptes apporte concomitamment des conseils à la société dont il certifie les comptes. Il est cependant nécessaire de préciser cette règle, pour qu'elle s'applique clairement à chacun, et notamment aux réseaux.
Enfin, une règle de rotation des commissaires aux comptes me paraît nécessaire. Avec Francis Mer, je finaliserai la concertation sur ce sujet délicat mais important.
Plus généralement, la déontologie me paraît un critère essentiel pour la crédibilité de cette profession. Comme je l'ai déjà dit, un décret pris après avis du Haut Conseil apportera les compléments en ce domaine. Les incompatibilités auxquelles sont soumis les commissaires aux comptes y seront précisées.
Enfin, je souhaite que la Compagnie nationale, avec la collaboration des Compagnies régionales, me soumette, pour homologation, des normes d'exercice professionnel, des normes d'audit. Ceci doit faire l'objet d'une concertation, notamment par le biais du Haut Conseil. Je crois, en effet, que les commissaires aux comptes doivent pouvoir s'appuyer sur une doctrine homologuée, dont la force probante renforcera leur position à l'égard des personnes contrôlées et des juridictions.
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Le système français de l'information financière devait être renforcé. Les commissaires aux comptes en sont l'un des éléments essentiels. La profession l'a compris. Au-delà de ce qu'elle avait déjà entrepris, elle a travaillé sur le projet en concertation avec le Gouvernement, dans un souci constant de construire un dispositif qui pourra servir de référence.
L'éthique des professionnels apportant leur concours à l'activité économique est, pour moi, une préoccupation de premier plan. Elle doit être un pilier de la sécurité juridique dans le monde des affaires. La loi de sécurité financière nous donne l'occasion de progresser en ce sens pour la profession de commissaire aux comptes. La transposition de la directive sur la lutte contre le blanchiment des capitaux nous permettra, pour les professions juridiques et judiciaires, d'affirmer des règles d'éthique à la fois fortes et efficaces, dans des conditions compatibles avec la préservation du secret professionnel des avocats auquel je suis très attaché.
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Mais nous devons, aussi, moderniser notre droit des sociétés et la façon dont nous l'appliquons.
C'est le gage d'un fonctionnement transparent, efficace et équilibré de notre économie.
Cette modernisation est une uvre qui doit être réalisée dans la durée, tant son champ est vaste. A l'évidence, sa portée dépasse largement l'économie : elle doit notamment s'analyser en termes de liberté, d'équité et de sécurité. J'entends mener à ce sujet une concertation particulièrement intense avec les acteurs économiques et les autres parties prenantes.
Sur la gouvernance d'entreprise, je salue la réflexion très complète qui a été menée au cours des derniers mois par les chefs d'entreprise eux-mêmes, sous l'égide de Daniel Bouton.
Je relève que ce rapport présentait des recommandations en matière de commissariat aux comptes. La plupart me semblent pertinentes : elles ont largement inspiré la conception du projet de loi de sécurité financière.
Je retiens également que ce rapport insiste sur le rôle du conseil d'administration dans les sociétés anonymes. Il constate que cet organe collégial n'exerce pas toujours sa mission avec suffisamment d'efficacité. Les raisons en sont multiples. Le gouvernement d'entreprise constitue l'une des réponses à la crise de confiance que nous vivons. Je pense utile que nous regardions, tous ensemble, comment donner à ces propositions la suite qu'elles méritent.
Une réforme globale du droit des procédures collectives m'apparaît également nécessaire. Le contexte dans lequel la loi de 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires a été élaborée a profondément changé. La recherche du "tout redressement ", au prix de sacrifices importants imposés aux créanciers et d'espoirs sans suite donnés aux salariés, qui en était le principe, a démontré ses limites.
Il convient de renforcer l'efficacité des procédures en les adaptant aux situations qu'elles traitent, dans un souci de réalisme économique et social.
La rigueur et la transparence dans le traitement des procédures de redressement et de liquidation judiciaires ont souvent été critiquées. Elles doivent donc être accrues : les règles de procédure, mais aussi une plus grande implication des parquets, doivent y contribuer.
Enfin, je pense indispensable de renforcer la notion de responsabilité des entrepreneurs, qui est notamment financière, sociale et environnementale. L'actualité nous livre en effet, au cours des dernières semaines, des exemples où ce principe de responsabilité n'a pas été suffisamment respecté.
J'entends réfléchir aux évolutions nécessaires de notre droit, en particulier au niveau pénal. Des situations nouvelles peuvent justifier de renforcer sa portée. Au contraire, certaines qualifications pénales apparaissent aujourd'hui inappropriées : je sais aussi la préoccupation des entrepreneurs à ce sujet.
Surtout, en tant que Garde des Sceaux, je ferai en sorte que les comportements concernés, heureusement isolés, soient traités comme il se doit par la justice. Je donnerai des instructions en ce sens aux Procureurs. Je donnerai aux juridictions concernées les moyens que cela justifie.
La matière que nous abordons ainsi est parfois technique et complexe. Le devoir des élus est certainement de contribuer à expliquer l'importance de ces sujets à nos concitoyens et à rétablir la confiance pour maintenir une croissance durable de notre économie.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 28 janvier 2003)