Texte intégral
F. Laborde.- Nous allons parler décentralisation, ce matin, avec P. Devedjian, puisqu'on arrive à la fin de la phase des consultations et qu'on aborde la phase législative. On est en train - vous êtes en train - de mettre la dernière main à la future loi sur la décentralisation ?
- "Aujourd'hui, c'est la synthèse de toute la concertation qui a été faite dans 26 régions, avec plus de 55 000 personnes, et qui a donné lieu à plus de 600 propositions. Le Premier ministre va annoncer, aujourd'hui, tous les transferts de compétences - il y en a beaucoup - qui sont retenus et qui viendront devant le Parlement pour que des lois de transferts aient lieu."
En termes de transferts de compétences, il y a déjà nombre de charges qui ont été transférées, soit aux départements, soit aux régions, il y en aura d'autres. Commençons par celles qui existent, l'APA - l'Aide aux personnes âgées -, elle coûte beaucoup d'argent, elle a beaucoup de succès, et...
- "Elle avait été aussi mal calculée..."
Parfois, les élus locaux s'en plaignent, protestent.
- "Ils ont raison, parce que quand l'APA a été transférée - l'APA, c'est la Prestation dépendance pour les personnes âgées -, l'Etat a estimé que ça valait 800 millions d'euros. Et puis on s'aperçoit que, cette année, en 2003, ça va coûter 3 milliards d'euros. Alors, on dit : vous allez payer la différence. Ils ne sont pas d'accord, parce qu'ils disent : on est obligé de faire "exploser" nos impôts. Dans la réforme que J.-P. Raffarin a mise en place avec la Constitution, ce sera interdit de faire ça. C'est-à-dire que, quand l'Etat transfère quelque chose, il doit transférer l'argent qui va avec."
Pour l'APA, il y a déjà des plafonds, des systèmes qui sont prévus pour éviter...
- "Le Gouvernement réfléchit aux moyens, effectivement, d'éviter que des gens qui ont une très grosse fortune, par exemple..."
On a vu justement tout à l'heure dans le sujet... Madame Bettencourt, qui est la plus grande fortune de France...
- "Elle peut bénéficier de l'APA."
Elle peut bénéficie de l'APA ! L'Etat va financer l'aide à domicile de madame Bettencourt, première fortune de France !
- "Dans le système que le gouvernement précédent a mis en place, madame Bettencourt peut bénéficier de l'APA."
Et donc cela va être réformé ?
- "On réfléchit en tout cas à ce que... Je m'empresse de dire qu'elle ne l'a pas demandée, naturellement. Mais théoriquement, elle pourrait."
Le plafond serait à combien à peu près de ressources ?
- "On n'a pas encore calé ça. On veut le faire en concertation. Mais il faut qu'il n'y ait pas d'abus."
Pour éviter qu'il y ait des abus, il y a un système qui existait, qui était de récupérer l'argent sur la succession ? On parle de l'APA, du RMI, de façon abusive, dans certaines familles... Les enfants sont inscrits au RMI même quand les parents ont les moyens de les entretenir.
- "Alors, ça aussi c'est en discussion actuellement. Parce que, finalement, quand l'Etat subventionne les parents pour que ceux-ci laissent un héritage à leurs enfants, lesquels ne s'occupent pas de leurs parents, c'est tout à fait immoral. Donc, on est en train de réfléchir à rétablir la morale."
Autre taxe qui devrait être transférée : la Taxe sur les produits pétroliers qui pèse sur le prix de l'essence. Quelle part va revenir ...
- "Actuellement, on veut se servir, on envisage de se servir de cette Taxe sur les produits pétroliers pour financer les transferts de compétences. Aujourd'hui, c'est une taxe qui rapporte à peu près 25 milliards d'euros. Et les transferts de compétences que nous voulons opérer, dès 2003, sont de l'ordre de 5 et 7 milliards d'euros. Donc, il y a de la marge. On pourrait donc transférer une partie de cette taxe au profit des régions, et d'une certaine manière, indirectement, des départements et des autres collectivités, pour financer les transferts. Donc, l'Etat conserverait, au moins dans un premier temps, une part essentielle de cette taxe, et l'autre serait destinée à financer la décentralisation."
Avec la crise actuelle, la hausse du prix du pétrole, donc la hausse du prix à la pompe, peut-être que...
- "Il faut un amortisseur. Là, l'Etat le conserverait. Mais il y aura aussi un amortisseur dans la décentralisation. C'est-à-dire que les régions pourraient fixer le taux de la taxe."
Et le maximum à payer ?
- "La loi encadrerait cela en mettant des plafonds."
On évoque les difficultés économiques : un mot sur la crise qui se profile, qui est là. On a bien compris, F. Mer l'a dit, hier, ici même, vendredi dernier, que la croissance de 2,5 % ne serait pas atteinte, et J.-P. Raffarin laisse entendre qu'on était déjà dans le mur des 3 % de déficit qui nous sont interdits par les accords de Maastricht.
- "Il faut quand même se méfier des prévisions. A Bercy, ils ont une manie, c'est que les prévisions du mois de février, tous les ans, sont toujours très pessimistes, parce que ça sert aux arbitrages budgétaires. Si vous vous souvenez, en 1997, ils avaient fait le même coup. On avait eu de très mauvaises prévisions, ça avait donné lieu à la dissolution, et au mois de juin, l'Insee avait rectifié en disant : finalement, c'est bien meilleur que ce qu'on avait envisagé au mois de février. Alors là, on ne va peut-être pas tomber dans le panneau."
Vous voulez dire que F. Mer est trop pessimiste quand il dit qu'on n'aura pas 2,5 % de croissance ?
- "On n'aura pas 2,5, j'en suis convaincu. Mais ça ne sera peut-être pas aussi dramatique que le dit l'Institut de prévisions aujourd'hui."
La Commission européenne dit que ce n'est pas parce qu'il y a la guerre en Irak qu'on peut s'exonérer des contraintes du Pacte de stabilité monétaire et de la gestion rigoureuse de l'euro. Et que, si la France dépasse les 3 % de déficit, il faudra qu'elle soit sanctionnée.
- "Il y a d'autres pays européens qui l'ont déjà dépassé. Le problème, c'est de dépasser cette période difficile sans que pour autant - avec les conséquences sociales de la crise économique, le chômage que nous avons - on ajoute aux souffrances des Français. L'essentiel, quand même, c'est de maintenir la cohésion de la société et de supporter ces difficultés sociales."
C'est samedi que la France doit répondre aux institutions européennes pour leur dire effectivement où on en est des comptes. Est-ce qu'il y aura, là aussi, un front uni franco-allemand pour dire à la Commission européenne : on n'est pas d'accord ?
- "Je crois d'abord qu'on est dans la même situation, la France, l'Allemagne - et pas seulement la France et l'Allemagne - on est dans la même situation face à ces difficultés. Naturellement, je crois que le couple franco-allemand, dans ce domaine, pourra fonctionner."
De toute façon on ne respectera pas les 3 % de déficit ?
- "Je n'en sais rien. C'est un peu tôt pour le dire. Même si, je vous dis, la prévision est très négative. Mais elle est toujours très négative à cette période de l'année. Et puis, vous savez, finalement, là, pour le moment on est dans l'attente à cause de la crise internationale. Si elle se dénoue, d'une manière ou d'une autre, on peut très bien voir un regain de croissance se profiler."
On voit surtout, en ce moment, un regain des plans sociaux. Que peut-on faire contre ça ?
- "Les encadrer, essayer de créer justement, à côté, des emplois de substitution, mais des emplois réels. C'est assez difficile. Mais la décentralisation justement, c'est l'occasion de faire des réformes."
Concrètement : Romorantin, il y a l'usine Matra, elle ferme, il n'y a plus de bassin d'emploi véritablement. Que va-t-il se passer ?
- "Par exemple, je pense que l'Etat à Romorantin, peut essayer - mais il faut du temps ça ne s'improvise pas, il aurait fallu peut-être un peu le prévoir auparavant ce genre de catastrophe -, de créer à Romorantin, des emplois de substitution, ne pas laisser ce bassin de populations dans la désolation."
C'est quoi "des emplois de substitution" ? C'est du tertiaire, des emplois de bureaux, des fonctionnaires ?
- "Tout est bon. Il y a des délocalisations qui pourraient avoir lieu. D'ailleurs, dans le cadre de la décentralisation, il y a un certain nombre de villes - Marseille, par exemple, a demandé la délocalisation du Centre national du commerce extérieur. Donc, il y a un certain nombre d'activités qui sont toutes en région Ile-de-France, qui pourraient être délocalisées pour compenser effectivement des difficultés sociales qui sont apparu à tel ou tel endroit."
Un mot politique : en ce moment, on évoque, à droite, à gauche - plutôt à droite qu'à gauche d'ailleurs - l'hypothèse d'un remaniement, et votre nom est cité parmi ceux qui pourraient occuper d'autres fonctions dans un gouvernement remanié. C'est à l'ordre du jour ? J.-P. Raffarin vous en a parlé ?
- "Non. Voilà. Il ne me semble pas que le Premier ministre ait l'intention de remanier, dans l'immédiat, son gouvernement. Il y a d'autres priorités. Et je crois que ce n'est pas vraiment le souci des Français. Le souci des Français, c'est que l'on réponde aux difficultés sociales que nous connaissons avec brutalité en ce moment."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 février 2003)
- "Aujourd'hui, c'est la synthèse de toute la concertation qui a été faite dans 26 régions, avec plus de 55 000 personnes, et qui a donné lieu à plus de 600 propositions. Le Premier ministre va annoncer, aujourd'hui, tous les transferts de compétences - il y en a beaucoup - qui sont retenus et qui viendront devant le Parlement pour que des lois de transferts aient lieu."
En termes de transferts de compétences, il y a déjà nombre de charges qui ont été transférées, soit aux départements, soit aux régions, il y en aura d'autres. Commençons par celles qui existent, l'APA - l'Aide aux personnes âgées -, elle coûte beaucoup d'argent, elle a beaucoup de succès, et...
- "Elle avait été aussi mal calculée..."
Parfois, les élus locaux s'en plaignent, protestent.
- "Ils ont raison, parce que quand l'APA a été transférée - l'APA, c'est la Prestation dépendance pour les personnes âgées -, l'Etat a estimé que ça valait 800 millions d'euros. Et puis on s'aperçoit que, cette année, en 2003, ça va coûter 3 milliards d'euros. Alors, on dit : vous allez payer la différence. Ils ne sont pas d'accord, parce qu'ils disent : on est obligé de faire "exploser" nos impôts. Dans la réforme que J.-P. Raffarin a mise en place avec la Constitution, ce sera interdit de faire ça. C'est-à-dire que, quand l'Etat transfère quelque chose, il doit transférer l'argent qui va avec."
Pour l'APA, il y a déjà des plafonds, des systèmes qui sont prévus pour éviter...
- "Le Gouvernement réfléchit aux moyens, effectivement, d'éviter que des gens qui ont une très grosse fortune, par exemple..."
On a vu justement tout à l'heure dans le sujet... Madame Bettencourt, qui est la plus grande fortune de France...
- "Elle peut bénéficier de l'APA."
Elle peut bénéficie de l'APA ! L'Etat va financer l'aide à domicile de madame Bettencourt, première fortune de France !
- "Dans le système que le gouvernement précédent a mis en place, madame Bettencourt peut bénéficier de l'APA."
Et donc cela va être réformé ?
- "On réfléchit en tout cas à ce que... Je m'empresse de dire qu'elle ne l'a pas demandée, naturellement. Mais théoriquement, elle pourrait."
Le plafond serait à combien à peu près de ressources ?
- "On n'a pas encore calé ça. On veut le faire en concertation. Mais il faut qu'il n'y ait pas d'abus."
Pour éviter qu'il y ait des abus, il y a un système qui existait, qui était de récupérer l'argent sur la succession ? On parle de l'APA, du RMI, de façon abusive, dans certaines familles... Les enfants sont inscrits au RMI même quand les parents ont les moyens de les entretenir.
- "Alors, ça aussi c'est en discussion actuellement. Parce que, finalement, quand l'Etat subventionne les parents pour que ceux-ci laissent un héritage à leurs enfants, lesquels ne s'occupent pas de leurs parents, c'est tout à fait immoral. Donc, on est en train de réfléchir à rétablir la morale."
Autre taxe qui devrait être transférée : la Taxe sur les produits pétroliers qui pèse sur le prix de l'essence. Quelle part va revenir ...
- "Actuellement, on veut se servir, on envisage de se servir de cette Taxe sur les produits pétroliers pour financer les transferts de compétences. Aujourd'hui, c'est une taxe qui rapporte à peu près 25 milliards d'euros. Et les transferts de compétences que nous voulons opérer, dès 2003, sont de l'ordre de 5 et 7 milliards d'euros. Donc, il y a de la marge. On pourrait donc transférer une partie de cette taxe au profit des régions, et d'une certaine manière, indirectement, des départements et des autres collectivités, pour financer les transferts. Donc, l'Etat conserverait, au moins dans un premier temps, une part essentielle de cette taxe, et l'autre serait destinée à financer la décentralisation."
Avec la crise actuelle, la hausse du prix du pétrole, donc la hausse du prix à la pompe, peut-être que...
- "Il faut un amortisseur. Là, l'Etat le conserverait. Mais il y aura aussi un amortisseur dans la décentralisation. C'est-à-dire que les régions pourraient fixer le taux de la taxe."
Et le maximum à payer ?
- "La loi encadrerait cela en mettant des plafonds."
On évoque les difficultés économiques : un mot sur la crise qui se profile, qui est là. On a bien compris, F. Mer l'a dit, hier, ici même, vendredi dernier, que la croissance de 2,5 % ne serait pas atteinte, et J.-P. Raffarin laisse entendre qu'on était déjà dans le mur des 3 % de déficit qui nous sont interdits par les accords de Maastricht.
- "Il faut quand même se méfier des prévisions. A Bercy, ils ont une manie, c'est que les prévisions du mois de février, tous les ans, sont toujours très pessimistes, parce que ça sert aux arbitrages budgétaires. Si vous vous souvenez, en 1997, ils avaient fait le même coup. On avait eu de très mauvaises prévisions, ça avait donné lieu à la dissolution, et au mois de juin, l'Insee avait rectifié en disant : finalement, c'est bien meilleur que ce qu'on avait envisagé au mois de février. Alors là, on ne va peut-être pas tomber dans le panneau."
Vous voulez dire que F. Mer est trop pessimiste quand il dit qu'on n'aura pas 2,5 % de croissance ?
- "On n'aura pas 2,5, j'en suis convaincu. Mais ça ne sera peut-être pas aussi dramatique que le dit l'Institut de prévisions aujourd'hui."
La Commission européenne dit que ce n'est pas parce qu'il y a la guerre en Irak qu'on peut s'exonérer des contraintes du Pacte de stabilité monétaire et de la gestion rigoureuse de l'euro. Et que, si la France dépasse les 3 % de déficit, il faudra qu'elle soit sanctionnée.
- "Il y a d'autres pays européens qui l'ont déjà dépassé. Le problème, c'est de dépasser cette période difficile sans que pour autant - avec les conséquences sociales de la crise économique, le chômage que nous avons - on ajoute aux souffrances des Français. L'essentiel, quand même, c'est de maintenir la cohésion de la société et de supporter ces difficultés sociales."
C'est samedi que la France doit répondre aux institutions européennes pour leur dire effectivement où on en est des comptes. Est-ce qu'il y aura, là aussi, un front uni franco-allemand pour dire à la Commission européenne : on n'est pas d'accord ?
- "Je crois d'abord qu'on est dans la même situation, la France, l'Allemagne - et pas seulement la France et l'Allemagne - on est dans la même situation face à ces difficultés. Naturellement, je crois que le couple franco-allemand, dans ce domaine, pourra fonctionner."
De toute façon on ne respectera pas les 3 % de déficit ?
- "Je n'en sais rien. C'est un peu tôt pour le dire. Même si, je vous dis, la prévision est très négative. Mais elle est toujours très négative à cette période de l'année. Et puis, vous savez, finalement, là, pour le moment on est dans l'attente à cause de la crise internationale. Si elle se dénoue, d'une manière ou d'une autre, on peut très bien voir un regain de croissance se profiler."
On voit surtout, en ce moment, un regain des plans sociaux. Que peut-on faire contre ça ?
- "Les encadrer, essayer de créer justement, à côté, des emplois de substitution, mais des emplois réels. C'est assez difficile. Mais la décentralisation justement, c'est l'occasion de faire des réformes."
Concrètement : Romorantin, il y a l'usine Matra, elle ferme, il n'y a plus de bassin d'emploi véritablement. Que va-t-il se passer ?
- "Par exemple, je pense que l'Etat à Romorantin, peut essayer - mais il faut du temps ça ne s'improvise pas, il aurait fallu peut-être un peu le prévoir auparavant ce genre de catastrophe -, de créer à Romorantin, des emplois de substitution, ne pas laisser ce bassin de populations dans la désolation."
C'est quoi "des emplois de substitution" ? C'est du tertiaire, des emplois de bureaux, des fonctionnaires ?
- "Tout est bon. Il y a des délocalisations qui pourraient avoir lieu. D'ailleurs, dans le cadre de la décentralisation, il y a un certain nombre de villes - Marseille, par exemple, a demandé la délocalisation du Centre national du commerce extérieur. Donc, il y a un certain nombre d'activités qui sont toutes en région Ile-de-France, qui pourraient être délocalisées pour compenser effectivement des difficultés sociales qui sont apparu à tel ou tel endroit."
Un mot politique : en ce moment, on évoque, à droite, à gauche - plutôt à droite qu'à gauche d'ailleurs - l'hypothèse d'un remaniement, et votre nom est cité parmi ceux qui pourraient occuper d'autres fonctions dans un gouvernement remanié. C'est à l'ordre du jour ? J.-P. Raffarin vous en a parlé ?
- "Non. Voilà. Il ne me semble pas que le Premier ministre ait l'intention de remanier, dans l'immédiat, son gouvernement. Il y a d'autres priorités. Et je crois que ce n'est pas vraiment le souci des Français. Le souci des Français, c'est que l'on réponde aux difficultés sociales que nous connaissons avec brutalité en ce moment."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 février 2003)