Déclaration de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, sur les compétences et le statut des élus locaux, Puy l'Evêque le 22 janvier 2000.

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Circonstance : Inauguration de la Maison de la communauté de communes de Puy l'Evêque (Lot) le 22 janvier 2000

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, Chers collègues et amis,
Je souhaite d'abord vous exprimer le plaisir d'être parmi vous. Je tiens à remercier nos amis Bernard Charles et Martin Malvy d'avoir eu la bonne idée d'organiser ce déplacement pour permettre cette rencontre placée sous le signe de l'amitié et de l'écoute.
En trouvant en vous-même les idées, les moyens, la volonté de vous rassembler, vous avez su réunir le destin de 29 communes et de 15.000 habitants pour l'intérêt général. C'est une belle leçon de lucidité et de citoyenneté. Ensemble, on est plus forts, plus solides, plus imaginatifs. Ce sont des valeurs, c'est une démarche qui, dans ce Sud-Ouest qui m'est particulièrement cher, sont naturels: vous avez su donner ici à la solidarité, un contenu concret et réaliste qui témoigne de votre volonté d'être chaque jour proche de vos concitoyens et proche du cadre naturel, sans jamais tourner le dos au progrès.
Maires, conseillers municipaux, conseillers généraux, conseillers régionaux, parlementaires, nous sommes le lien entre la France et les Français, nous sommes les acteurs privilégiés de cette démocratie de proximité que les Français plébiscitent au jour le jour. Depuis quelques mois, l'Assemblée nationale s'est beaucoup intéressée aux questions locales : aménagement durable du territoire, intercommunalité, cumul des mandats, autant de textes qui ne manqueront pas d'avoir des incidences sur notre action. J'ai remarqué, au long de ces débats, l'écho d'une inquiétude ou d'un agacement. Comme si on n'entendait pas toujours suffisamment, à Paris, les préoccupations des villes moyennes et des campagnes, comme si on voulait projeter le rural et l'urbain l'un contre l'autre. Comme si sur les fonds européens, sur le service public, on ne discernait pas toujours les dangers. Il ne devrait pas y avoir de France à deux vitesses. Je veux aussi parler de réactions de désarroi de certains de nos collègues élus locaux quand ils constatent que l'un d'entre eux, qui souvent a fait son travail non seulement avec honnêteté et conscience, mais aussi sans compter sa fatigue et son dévouement, se retrouve dans un prétoire. Sur cette question, ma position est connue: Il ne faut pas mélanger la responsabilité politique qui ne concerne que le citoyen et celui qu'il choisit pour le représenter, la responsabilité administrative, c'est-à-dire l'erreur du service, qui concerne l'institution que nous représentons, et enfin la faute pénale personnelle intentionnelle. Croyez que je serai attaché à faire entendre, sur ce sujet, la parole des élus locaux.
D'autant plus que l'an prochain, les Français seront appelés à désigner 550 000 conseillers municipaux, maires, et conseillers généraux. Attention à la réticence des candidats, ceci au moment où la limitation des cumuls devrait supposer un certain renouvellement des édiles locaux. Trop de responsabilités pour pas assez de volontaires. C'est la direction vers laquelle nous glissons si nous n'y portons pas remède. Une réaction salutaire doit venir. Il serait bon qu'elle puisse aboutir à deux séries de réformes, l'une relative à la responsabilité pénale des élus, je l'ai évoquée, l'autre concernant le statut des élus locaux. Un statut digne de ce nom suppose que l'élu bénéficie d'une formation permanente, d'une réelle réinsertion professionnelle, quand il le faut d'une retraite, sinon nous ne réussirons pas à diversifier, au-delà de la fonction publique, le personnel politique de notre pays.
Une seconde réflexion rejoint la première: Les Français ont du mal à accorder leur confiance à des institutions lointaines, pas toujours capables de les écouter et de prendre en compte leurs préoccupations.
C'est de façon concrète, ce que vous avez voulu en vous réunissant au sein de la "Communauté de communes de la Basse Vallée et du Vignoble", la première à s'être créée dans le Lot. En réunissant les communes des cantons de Luzech et de Puy L'Évêque, vous avez choisi ce que j'appelle une intercommunalité de projet capable de répondre aux besoins quotidiens de vos 15.000 habitants. Vous vous êtes attachés à l'aménagement de l'espace dans la presqu'île de Floiras ou sur le Lot ou encore au développement d'activités économiques par le biais d'ateliers-relais, ou enfin la gestion des déchets ménagers. J'ai aussi noté avec beaucoup d'intérêt qu'en édifiant votre centre communautaire, vous avez souhaité y accueillir d'autres services publics, en particulier dans le domaine de l'emploi et de la formation et dans celui des formalités accomplies en préfecture. Cette formule qui associe collectivités décentralisées et services publics de proximité dépendant de l'État me paraît exemplaire de ce qu'il faut faire pour décloisonner, et cela en fonction d'une idée directrice simple: comment rendre au citoyen, le meilleur service quotidien ? Votre maison des services publics apporte une réponse à la demande générale de proximité et de revitalisation des espaces ruraux grâce au service public.
Vous êtes en quelque sorte les précurseurs d'un acte II de la décentralisation permettant de confier aux collectivités, par le biais de conventions, de nouvelles compétences. Je pense par exemple au tourisme, au patrimoine, aux politiques de la jeunesse et des sports, à l'environnement. Cette logique partenariale s'appuie sur les notions de contrat et de volontariat. Le monde changeant dans lequel nous entrons suppose des structures adaptables, souples, de proximité. C'est pourquoi, dans la vision que nous devons avoir par exemple de l'intercommunalité, il nous faut veiller à préserver l'identité de nos petites villes, tout en promouvant des structures intercommunales légères, créées sur la base du volontariat, de la souplesse, et d'une rationalisation des dépenses publiques. C'est ce que vous avez voulu faire ici. C'est ce dont témoigne la maison communautaire que nous inaugurons aujourd'hui. Partir des territoires pour dessiner des politiques plus lisibles pour les citoyens, surmonter les clivages institutionnels, c'est ce chemin qu'il faut emprunter afin de donner confiance en la démocratie.
Tels sont, puisque nous sommes encore dans une période de voeux, ceux que je formule pour nos collectivités locales, en même temps que je vous souhaite, pour vous, pour vos familles, pour vos amis et tous vos administrés, santé, paix et bonheur.
(source http://www.assemblee-nationale.fr, le 27 janvier 2000)