Interview de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, dans la "Lettre de la DATAR" n° 176 de janvier 2003, sur les nouvelles orientations de la politique d'aménagement du territoire, la décentralisation, le rôle de la DATAR, la révision des contrats de plan, la simplification de la gestion des fonds structurels européens et la couverture du territoire en téléphonie mobile.

Prononcé le 1er janvier 2003

Intervenant(s) : 
  • Jean-Paul Delevoye - Ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire

Média : La Lettre de la DATAR

Texte intégral

Au moment où la Datar fête son quarantième anniversaire que reste-t-il des ambitions originelles des " pères fondateurs " de l'aménagement du territoire ?
Nous devons être reconnaissants à des hommes qui, comme Olivier Guichard ou Jérôme Monod, ont largement contribué à la modernisation de la France grâce à la prise en compte de l'aménagement du territoire comme un élément décisif des politiques gouvernementales successives. Cette politique d'aménagement du territoire, conçue voilà quarante ans pour répondre aux défis qu'imposaient les mutations du développement de la France, a revêtu des formes diverses au fur et à mesure des évolutions de notre société; mouvement d'urbanisation des années soixante, modernisation de notre appareil productif dans les années de crise... Aujourd'hui, cette politique ne peut plus se contenter d'être simplement redistributive ni uniquement réparatrice des crises que subissent les territoires, comme celles de la décennie 1980. Elle doit permettre en particulier, d'anticiper les mutations de la société et de l'économie, de répondre à de nouveaux enjeux tels que l'internationalisation d'une économie de plus en plus tertiaire, l'élargissement des frontières de l'Europe ou la décentralisation.
Le gouvernement vient de tenir un premier CIADT au cours duquel ont été décidées les nouvelles orientations de la politique d'aménagement du territoire. Quelles en sont les grandes lignes pour notre pays ?
Une France plus tournée vers l'Europe donc une France qui doit d'abord relever le défi du développement. Une France qui doit valoriser le rôle de ses grandes villes et de leur réseau urbain, afin de permettre au plus grand nombre de nos régions d'atteindre une échelle européenne. C'est aussi un pays où chaque territoire doit participer à la future société de l'intelligence, et mettre en valeur ses pôles d'excellence économiques. Il faut refuser la fatalité du déclin des territoires ruraux et urbains les plus fragiles, et donner le signal d'une nouvelle mobilisation des territoires marqués par des projets fédérateurs et ambitieux, dans lesquels se retrouveront les hommes et les entreprises publiques et privées. Mais cette nouvelle solidarité entre et à l'intérieur des territoires passe aussi par l'élaboration de nouveaux modes de péréquation territoriale. A cet égard, le CIADT demande à la Datar de travailler sur un état des lieux des inégalités territoriales et naturellement les moyens de rechercher des modes de peréquation plus pertinents.
La décentralisation va-t-elle permettre une autre relation entre l'Etat et les collectivités territoriales en matière d'aménagement du territoire ?
Cette réforme majeure, portée par le Premier ministre, conduit à renouveler le pacte entre l'Etat et les collectivités locales. Elle va nous permettre d'aboutir à une plus grande cohérence des politiques D'Aménagement du territoire. Grâce à un meilleur partage des rôles entre les collectivités locales et l'Etat nous pourrons distinguer, d'une part, les actions de l'Etat, recentrées sur les investissements publics structurants, sur l'anticipation et la vision à long terme, et d'autre part, les politiques partagées avec les collectivités, s'appuyant sur de nouveaux modes de contractualisation. Ils seront fondés sur l'équilibre et la confiance, avec un constant souci de simplification des procédures, et une amélioration des capacités d'ingénierie et de coopération des régions.

Dans ce contexte, quelle est la place de la Datar ?
La Datar a bien évidemment toute sa place dans cette nouvelle politique d'aménagement du territoire. Lieu de l'interministériel, du croisement de l'imagination et de la décision politique, administration qui doit être réactive et efficace, elle est intimement liée aux décisions du gouvernement : sur la répartition des rôles entre l'Etat et les collectivités locales, l'avenir des politiques contractuelles, la simplification des politiques territoriales, l'avenir de la politique régionale européenne après 2006, la prospective en matière d'infrastructures de transports, et la définition d'une nouvelle politique de développement rural par exemple. La Datar est également amenée à préparer les programmes opérationnels et les modalités de mise en uvre de cette politique.
Le CIADT a notamment précisé les modalités de révision des contrats de plan. Qu'en est-il ? Souhaitez-vous la poursuite des politiques contractuelles ?
La procédure de révision à mi-parcours des contrats de plan Etat-région était prévu lors de la signature des contrats en 2000. Des discussions vont s'engager maintenant très rapidement, le souhait du gouvernement étant de signer les avenants avec les régions dès septembre prochain. Il s'agit surtout de permettre de réajuster ces contrats qui courent jusqu'en 2006. Sept ans, c'est long. Les besoins nouveaux pourront ainsi être intégrés, et surtout, des transferts de crédits pourront être réalisés, tout en restant dans le cadre des montants contractualisés, pour mieux répondre aux évolutions. Cette révision est aussi l'occasion de simplifier le cadre budgétaire des contrats et proposer aux régions un assouplissement des conditions de mise en uvre du volet territorial dans lequel sont inscrits les contrats de pays et d'agglomération. D'autres projets territoriaux pourront d'ailleurs y prendre place. La poursuite des politiques territoriales semble une évidence dans le contexte d'une nouvelle étape de la décentralisation.
Quelle sera la fonction de l'observatoire des territoires dont vous avez annoncé la création lors du CIADT ?
L'observatoire produira et mettra à jour régulièrement un diagnostic partagé sur l'état des territoires en France : les facteurs dynamiques de développement dans un contexte européen ; les disparités et les inégalités territoriales que la politique d'aménagement du territoire s'est donné pour objectif de réduire. Il alimentera l'état des lieux des inégalités territoriales qui sera présenté tous les trois ans au Parlement et constituera également un dispositif permanent de suivi des résultats des actions engagées par le gouvernement pour définir les orientations arrêtés en CIADT.

Dès votre arrivée au ministère, vous avez pris des mesures pour simplifier la gestion des fonds structurels européens. Qu'en est-il aujourd'hui ?
L'ensemble du nouveau dispositif est aujourd'hui opérationnel. Trois circulaires interministérielles concrétisent les mesures annoncées dès juillet 2002 pour rendre plus efficace la gestion des fonds européens. Ce chantier, un des premiers auxquels je me suis attaché, devait être mené rapidement. Il fallait agir vite. La complexité de la procédure de gestion des programmes freinait l'émergence de projets et créait un retard notable dans l'utilisation des fonds. Le risque de perdre les financements était donc annoncé si rien n'était fait. Cette impulsion donnée au niveau national a été accompagnée par un effort de simplification au niveau européen. La Commission européenne a également présenté le 7 octobre 2002, des mesures d'amélioration. Ainsi à partir de maintenant, si la gestion des fonds structurels requiert encore une grande technicité, elle est désormais beaucoup moins contraignante et nous avons ratrappé une partie de notre retard dans l'utilisation de nos crédits. Enfin, je voudrais rappeler que le CIADT a adopté un mémorandum sur la réforme de la politique européenne de développement régional qui propose une nouvelle politique de cohésion dans une Europe élargie et plaide pour une réelle simplification des procédures communautaires.
La couverture du territoire en téléphonie mobile constitue aujourd'hui, comme l'accès au réseau de communication haut débit, un des enjeux majeurs du développement des territoires. Quelles mesures avez vous pris pour favoriser leur développement ?
Aujourd'hui, l'accès aux réseaux haut-débit et de téléphonie mobile est un atout important pour chaque territoire. C'est pourquoi le CIADT du 15 décembre 2002 a adopté quatre axes opérationnels que la Datar va coordonner. Un plan d'action pour la couverture des zones non couvertes par la téléphonie mobile a été validé. D'ici mars, un plan pluriannuel de déploiement des sites sera préparés par les préfets en concertation avec les collectivités locales et les opérateurs.
Des mesures pour faciliter la mobilisation des collectivités locales en vue de l'élargissement de l'accès au haut-débit ont été décidées. La plus importante concerne les collectivités locales qui pourront dorénavant exercer des fonctions d'opérateurs. Les deux derniers axes donnent de moyens pour la formation et favorise le développement de nouveaux services et usages : créations d'universités numérique en région, développement des usages de l'Internet en milieu rural développement de l'accès public à l'Internet.

(source http://www.datar.gouv.fr, le 24 avril 2003)