Article de Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, dans "Le Courrier de la Chancellerie" de mars 2000, sur l'état d'avancement du second volet de la réforme de la justice.

Prononcé le 1er mars 2000

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Média : Le Courrier de la Chancellerie

Texte intégral

Le second volet de la réforme de la justice, une justice au service des libertés, a connu des avancées substantielles au cours de l'examen en 2e lecture, les 9 et 10 février, par l'Assemblée nationale, du projet de loi renforçant la présomption d'innocence et le droit des victimes.
Conforme aux équilibres défendus par le gouvernement, ce projet conforte notre système procédural tout en l'ouvrant à davantage de débat contradictoire. Il prend acte du rôle fondamental du juge d'instruction comme arbitre entre l'accusation et la défense ; en faisant toute sa place au dialogue et aux contre-pouvoirs, il adapte notre système procédural aux exigences posées notamment par la Convention européenne des droits de l'homme.
La deuxième lecture a également permis à la représentation nationale d'examiner et d'approuver deux nouveaux sujets majeurs : la juridictionnalisation de l'application des peines et la création d'une possibilité d'appel des décisions des cour d'assises. Si cette dernière mesure, pourtant historique, n'a plus aujourd'hui soulevé de débat passionné, cela tient à la longue maturation dont elle a fait l'objet, du travail d'étude et de concertation engagé en amont de la discussion parlementaire, du caractère réaliste du système retenu.
Le projet de loi sera encore affiné dans les prochaines semaines. Il sera examiné par le Sénat en 2e lecture à la fin du mois de mars, et il a vocation a être adopté définitivement et donc promulgué avant l'été. Il convient donc aujourd'hui de s'attacher à préparer les conditions de son application. Des moyens importants ont d'ores et déjà été engagés, en particulier les créations de postes nécessaires à la création du juge de la détention provisoire, déjà prévus aux budgets 1999 et 2000. Par ailleurs, la mise en oeuvre du plan d'urgence des juridictions, et en particulier l'affectation, grâce aux recrutements exceptionnels, de 100 magistrats supplémentaires dans les cours d'appel en 1999 et 2000 (pour un effectif d'environ 800 magistrats) permet d'anticiper l'application du projet de loi, y compris dans ses innovations. Bien entendu, la direction des Services judiciaires est particulièrement mobilisée pour permettre, à travers l'échange de vue et la concertation, une prise en compte adaptée des nouvelles contraintes sur le terrain.
Il s'agit de toute évidence d'une réforme importante, qui rénove en profondeur chaque étape de la procédure, du placement en garde à vue jusqu'au déroulement de l'audience. Il appartiendra demain à tous les acteurs qui concourent à la procédure pénale, et en particulier aux magistrats et avocats, de traduire dans les faits cette grande avancée de nos libertés publiques.
Elisabeth GUIGOU, Garde des Sceaux, ministre de la Justice.