Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, et Messieurs les Députés,
Votre Assemblée va examiner, en 2ème lecture, un texte pour lequel l'objectif du Gouvernement est qu'il apporte des réponses efficaces et équilibrées à des problèmes dont l'acuité n'est plus à démontrer.
Des tensions fréquentes
Les tensions liées à l'accueil des gens du voyage itinérants (qu'ils soient itinérants toute l'année, ou quelques mois par an seulement) sont en effet nombreuses et parfois vives. Vous les connaissez comme moi, et nous en avons déjà débattu.
Cette situation donne tout son sens à la volonté du gouvernement de permettre une cohabitation harmonieuse de toutes les composantes de la population. Il nous faut pour cela permettre aux gens du voyage d'être accueillis dans des conditions dignes.
Bilan du cadre législatif actuel
Ceci implique d'enrichir, dans une démarche d'équilibre et d'efficacité, le cadre législatif actuel, constitué par l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, issu d'un amendement parlementaire et qui :
- institue un schéma départemental d'accueil des gens du voyage;
- crée l'obligation pour toute commune de plus de 5 000 habitants d'aménager une aire d'accueil;
- permet au maire d'une commune ayant fait une aire d'interdire par arrêté le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal.
Cet article 28 a permis des avancées, en particulier l'adoption d'un certain nombre de schémas départementaux et la réalisation de quelques milliers de places dans des aires d'accueil.
Ces avancées ne doivent pas dissimuler les importantes limites de la mise en uvre de ce cadre législatif :
- un tiers seulement des départements ont un schéma approuvé par le préfet et le président du conseil général.
- un quart seulement des 1 800 communes de plus de 5 000 habitants ont une aire. En conséquence, alors qu'il faudrait environ 30 000 places de caravanes, seules 10 000 existent, dont à peine un peu plus de 5 000 correspondent aux normes : il manque donc 25 000 places pour répondre aux besoins.
Le projet de loi, tel que le Gouvernement l'a présenté au Parlement et tel que vous l'aviez adopté en juin dernier, tient compte de ces enseignements. Il repose sur un équilibre des droits et devoirs de chacun des acteurs concernés : les collectivités locales qui "participent à l'accueil des gens du voyage", selon les termes de l'article 1er; les gens du voyage qui doivent respecter les règles collectives; l'Etat, qui doit être le garant de cet équilibre, et exprimer la solidarité nationale.
Les grands axes du projet de loi
Ce projet privilégie d'abord et avant tout le partenariat et les incitations (financières notamment).
Le schéma départemental sera le pivot de l'analyse partagée des besoins d'accueil des gens du voyage, et des réponses à apporter. Une bonne concertation, en particulier au sein de la Commission consultative départementale, sera décisive : elle permettra des réponses adaptées et cohérentes au sein d'un territoire. Le schéma prévoira les communes où les aires doivent être réalisées, leur capacité ainsi que leur destination en fonction notamment des durées de séjour.
Le schéma, pour offrir des réponses adaptées, devra se fonder sur une réflexion large, et tenir compte de l'évolution, depuis une dizaine d'années, des aspirations et des besoins des gens du voyage. Ainsi nous savons, d'expérience, que pour certains d'entre eux, qui ont vu leur situation économique se dégrader, leur demande porte sur des durées de séjour plus longues qu'auparavant. De même, les gens du voyage sont de plus en plus nombreux à circuler en France par grands ensembles de caravanes (100, voire 200 caravanes).
Les textes d'application de la loi et les schémas révisés prendront en compte ces demandes et pratiques nouvelles. Certains schémas ont commencé à le faire, et certaines modalités de gestion des aires s'inscrivent déjà dans cette logique. De même une circulaire d'octobre 1999 en a déjà tenu compte, en créant une aide à la mobilisation temporaire de grands terrains sommairement aménagés pour l'accueil des grands groupes de caravanes.
Le projet favorise les réponses intercommunales, pour la réalisation et la gestion des aires. L'accord entre communes pour répondre aux besoins est, à mes yeux, la meilleure solution, et celle qu'il faut privilégier.
Pour accompagner l'effort d'équipement des communes, l'Etat assume pleinement ses responsabilités sur le plan financier et fait un effort qui - en la matière - n'a pas de précédent :
Les subventions de l'Etat aux communes pour l'investissement doubleront pendant la durée de mise en uvre du schéma : 70 % des dépenses dans la limite d'un plafond, contre 35 % auparavant. Ceci se traduira pour l'Etat par un effort financier estimé à 1 750 MF en 4 ans.
En outre, une aide à la gestion des aires sera créée. C'est une avancée tout à fait significative. Elle représentera environ la moitié du coût annuel estimé de gestion d'une place, et coûtera à terme environ 300 MF par an.
Autre aspect crucial de l'équilibre de ce texte : des moyens nouveaux pour faire face aux stationnements illicites seront donnés aux maires des communes qui auront rempli leurs obligations de création et de gestion d'une ou plusieurs aires. Et à ces maires seulement.
Ce point est décisif, vous le savez. Les élus concernés ont besoin de moyens juridiques plus efficaces, même si la résorption des difficultés doit surtout venir, à terme, de l'existence de réponses adaptées à l'accueil des gens du voyage.
Enfin, avec les "terrains familiaux", le texte crée un outil nouveau pour favoriser, avec d'autres solutions de droit commun, la sédentarisation des gens du voyage qui souhaitent se sédentariser.
Revenir à un texte efficace et équilibré
Ce sont les principes que je viens de passer brièvement en revue qui ont guidé l'élaboration du projet de loi. Mais des orientations importantes qui étaient présentes dans le texte que le Gouvernement vous avait soumis et dans celui que vous aviez voté en juin 1999, sont absentes (ou présentes mais en étant vidées de leur substance) du texte que le Sénat a adopté le 4 février dernier et qui vous est aujourd'hui soumis. Ceci change parfois, ou limite sérieusement, la portée du projet de loi.
Pour l'analyse des besoins, la concertation des acteurs et la définition des solutions à apporter, le niveau départemental est le bon niveau. Un schéma national, certes pour les seuls grands rassemblements, ne me semble pas pertinent, car trop éloigné du terrain, des acteurs locaux et des solutions nécessairement locales à apporter. Il semble préférable que les schémas départementaux concernés prévoient les terrains à mobiliser temporairement pour les grands rassemblements.
Par ailleurs, l'ensemble du dispositif vise à répondre aux besoins : pour cela, les réponses intercommunales sont à privilégier. Mais, si un accord intercommunal n'est pas trouvé, il importe d'être sûr que des aires seront réalisées. Dans ce cadre, il est nécessaire de continuer à faire reposer une obligation spécifique sur toutes les communes de plus de 5 000 habitants.
Il importe d'autre part de bien tirer les enseignements des difficultés rencontrées par la mise en uvre de l'article 28 de la loi de 1990. Les schémas doivent être adoptés et les communes doivent aménager les aires dans des délais réalistes mais cependant précis et communs à tous les acteurs. Et l'Etat doit pouvoir jouer son rôle de garant.
C'est pourquoi l'élaboration du schéma doit exclure des dispositifs de coordination qui seraient trop complexes et "consommateurs de temps", par exemple entre départements. Le Préfet doit pouvoir adopter le schéma seul si, au bout de 18 mois, l'approbation conjointe par le Préfet et le Président du Conseil Général n'a pas eu lieu. Pour ne pas pénaliser les communes exemplaires dans le respect de la loi, le délai de deux ans pour la réalisation des aires doit s'imposer à toutes les communes concernées, et le Préfet doit pouvoir se substituer, en leur nom et pour leur compte, à celles qui ne l'auront pas respecté, même si, bien entendu, nous souhaitons que la mise en uvre de cette disposition ait à jouer le moins possible, voire jamais : la loi du 31 mai 1990 a institué une possibilité d'approbation du plan départemental d'action pour le logement des défavorisés même en cas d'absence d'accord du Président de Conseil Général, et tous les plans ont été co-signés dans le délai qu'avait prévu la loi !
Ces derniers points sont incontournables, vous le savez, pour la cohérence et la crédibilité du texte de loi : seul un effort massif et effectué dans un délai relativement court est à même de répondre aux difficultés que nous connaissons.
Enfin le projet accroît significativement les pouvoirs, face aux stationnements illicites, des maires dont les communes auront fait des aires, notamment en matière d'expulsion. Il est cependant décisif, pour le Gouvernement, que ces pouvoirs accrus respectent les libertés individuelles et les principes de base de notre justice : ainsi, les décisions d'expulsion doivent être des décisions de justice. Le recours au juge est incontournable.
Le Gouvernement souhaite que soient redonnés au texte qui vous est soumis la logique et la force, mais aussi l'équilibre, qui étaient les siens lorsqu'il a été présenté au Parlement, et lorsque vous l'avez adopté en 1ère lecture.
Le Gouvernement compte sur votre sagesse pour revenir à un texte plus efficace et plus équilibré, afin de bien et mieux répondre aux besoins de tous.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.logement.equipement.gouv.fr, le 1er mars 2000).
Mesdames, et Messieurs les Députés,
Votre Assemblée va examiner, en 2ème lecture, un texte pour lequel l'objectif du Gouvernement est qu'il apporte des réponses efficaces et équilibrées à des problèmes dont l'acuité n'est plus à démontrer.
Des tensions fréquentes
Les tensions liées à l'accueil des gens du voyage itinérants (qu'ils soient itinérants toute l'année, ou quelques mois par an seulement) sont en effet nombreuses et parfois vives. Vous les connaissez comme moi, et nous en avons déjà débattu.
Cette situation donne tout son sens à la volonté du gouvernement de permettre une cohabitation harmonieuse de toutes les composantes de la population. Il nous faut pour cela permettre aux gens du voyage d'être accueillis dans des conditions dignes.
Bilan du cadre législatif actuel
Ceci implique d'enrichir, dans une démarche d'équilibre et d'efficacité, le cadre législatif actuel, constitué par l'article 28 de la loi du 31 mai 1990, issu d'un amendement parlementaire et qui :
- institue un schéma départemental d'accueil des gens du voyage;
- crée l'obligation pour toute commune de plus de 5 000 habitants d'aménager une aire d'accueil;
- permet au maire d'une commune ayant fait une aire d'interdire par arrêté le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal.
Cet article 28 a permis des avancées, en particulier l'adoption d'un certain nombre de schémas départementaux et la réalisation de quelques milliers de places dans des aires d'accueil.
Ces avancées ne doivent pas dissimuler les importantes limites de la mise en uvre de ce cadre législatif :
- un tiers seulement des départements ont un schéma approuvé par le préfet et le président du conseil général.
- un quart seulement des 1 800 communes de plus de 5 000 habitants ont une aire. En conséquence, alors qu'il faudrait environ 30 000 places de caravanes, seules 10 000 existent, dont à peine un peu plus de 5 000 correspondent aux normes : il manque donc 25 000 places pour répondre aux besoins.
Le projet de loi, tel que le Gouvernement l'a présenté au Parlement et tel que vous l'aviez adopté en juin dernier, tient compte de ces enseignements. Il repose sur un équilibre des droits et devoirs de chacun des acteurs concernés : les collectivités locales qui "participent à l'accueil des gens du voyage", selon les termes de l'article 1er; les gens du voyage qui doivent respecter les règles collectives; l'Etat, qui doit être le garant de cet équilibre, et exprimer la solidarité nationale.
Les grands axes du projet de loi
Ce projet privilégie d'abord et avant tout le partenariat et les incitations (financières notamment).
Le schéma départemental sera le pivot de l'analyse partagée des besoins d'accueil des gens du voyage, et des réponses à apporter. Une bonne concertation, en particulier au sein de la Commission consultative départementale, sera décisive : elle permettra des réponses adaptées et cohérentes au sein d'un territoire. Le schéma prévoira les communes où les aires doivent être réalisées, leur capacité ainsi que leur destination en fonction notamment des durées de séjour.
Le schéma, pour offrir des réponses adaptées, devra se fonder sur une réflexion large, et tenir compte de l'évolution, depuis une dizaine d'années, des aspirations et des besoins des gens du voyage. Ainsi nous savons, d'expérience, que pour certains d'entre eux, qui ont vu leur situation économique se dégrader, leur demande porte sur des durées de séjour plus longues qu'auparavant. De même, les gens du voyage sont de plus en plus nombreux à circuler en France par grands ensembles de caravanes (100, voire 200 caravanes).
Les textes d'application de la loi et les schémas révisés prendront en compte ces demandes et pratiques nouvelles. Certains schémas ont commencé à le faire, et certaines modalités de gestion des aires s'inscrivent déjà dans cette logique. De même une circulaire d'octobre 1999 en a déjà tenu compte, en créant une aide à la mobilisation temporaire de grands terrains sommairement aménagés pour l'accueil des grands groupes de caravanes.
Le projet favorise les réponses intercommunales, pour la réalisation et la gestion des aires. L'accord entre communes pour répondre aux besoins est, à mes yeux, la meilleure solution, et celle qu'il faut privilégier.
Pour accompagner l'effort d'équipement des communes, l'Etat assume pleinement ses responsabilités sur le plan financier et fait un effort qui - en la matière - n'a pas de précédent :
Les subventions de l'Etat aux communes pour l'investissement doubleront pendant la durée de mise en uvre du schéma : 70 % des dépenses dans la limite d'un plafond, contre 35 % auparavant. Ceci se traduira pour l'Etat par un effort financier estimé à 1 750 MF en 4 ans.
En outre, une aide à la gestion des aires sera créée. C'est une avancée tout à fait significative. Elle représentera environ la moitié du coût annuel estimé de gestion d'une place, et coûtera à terme environ 300 MF par an.
Autre aspect crucial de l'équilibre de ce texte : des moyens nouveaux pour faire face aux stationnements illicites seront donnés aux maires des communes qui auront rempli leurs obligations de création et de gestion d'une ou plusieurs aires. Et à ces maires seulement.
Ce point est décisif, vous le savez. Les élus concernés ont besoin de moyens juridiques plus efficaces, même si la résorption des difficultés doit surtout venir, à terme, de l'existence de réponses adaptées à l'accueil des gens du voyage.
Enfin, avec les "terrains familiaux", le texte crée un outil nouveau pour favoriser, avec d'autres solutions de droit commun, la sédentarisation des gens du voyage qui souhaitent se sédentariser.
Revenir à un texte efficace et équilibré
Ce sont les principes que je viens de passer brièvement en revue qui ont guidé l'élaboration du projet de loi. Mais des orientations importantes qui étaient présentes dans le texte que le Gouvernement vous avait soumis et dans celui que vous aviez voté en juin 1999, sont absentes (ou présentes mais en étant vidées de leur substance) du texte que le Sénat a adopté le 4 février dernier et qui vous est aujourd'hui soumis. Ceci change parfois, ou limite sérieusement, la portée du projet de loi.
Pour l'analyse des besoins, la concertation des acteurs et la définition des solutions à apporter, le niveau départemental est le bon niveau. Un schéma national, certes pour les seuls grands rassemblements, ne me semble pas pertinent, car trop éloigné du terrain, des acteurs locaux et des solutions nécessairement locales à apporter. Il semble préférable que les schémas départementaux concernés prévoient les terrains à mobiliser temporairement pour les grands rassemblements.
Par ailleurs, l'ensemble du dispositif vise à répondre aux besoins : pour cela, les réponses intercommunales sont à privilégier. Mais, si un accord intercommunal n'est pas trouvé, il importe d'être sûr que des aires seront réalisées. Dans ce cadre, il est nécessaire de continuer à faire reposer une obligation spécifique sur toutes les communes de plus de 5 000 habitants.
Il importe d'autre part de bien tirer les enseignements des difficultés rencontrées par la mise en uvre de l'article 28 de la loi de 1990. Les schémas doivent être adoptés et les communes doivent aménager les aires dans des délais réalistes mais cependant précis et communs à tous les acteurs. Et l'Etat doit pouvoir jouer son rôle de garant.
C'est pourquoi l'élaboration du schéma doit exclure des dispositifs de coordination qui seraient trop complexes et "consommateurs de temps", par exemple entre départements. Le Préfet doit pouvoir adopter le schéma seul si, au bout de 18 mois, l'approbation conjointe par le Préfet et le Président du Conseil Général n'a pas eu lieu. Pour ne pas pénaliser les communes exemplaires dans le respect de la loi, le délai de deux ans pour la réalisation des aires doit s'imposer à toutes les communes concernées, et le Préfet doit pouvoir se substituer, en leur nom et pour leur compte, à celles qui ne l'auront pas respecté, même si, bien entendu, nous souhaitons que la mise en uvre de cette disposition ait à jouer le moins possible, voire jamais : la loi du 31 mai 1990 a institué une possibilité d'approbation du plan départemental d'action pour le logement des défavorisés même en cas d'absence d'accord du Président de Conseil Général, et tous les plans ont été co-signés dans le délai qu'avait prévu la loi !
Ces derniers points sont incontournables, vous le savez, pour la cohérence et la crédibilité du texte de loi : seul un effort massif et effectué dans un délai relativement court est à même de répondre aux difficultés que nous connaissons.
Enfin le projet accroît significativement les pouvoirs, face aux stationnements illicites, des maires dont les communes auront fait des aires, notamment en matière d'expulsion. Il est cependant décisif, pour le Gouvernement, que ces pouvoirs accrus respectent les libertés individuelles et les principes de base de notre justice : ainsi, les décisions d'expulsion doivent être des décisions de justice. Le recours au juge est incontournable.
Le Gouvernement souhaite que soient redonnés au texte qui vous est soumis la logique et la force, mais aussi l'équilibre, qui étaient les siens lorsqu'il a été présenté au Parlement, et lorsque vous l'avez adopté en 1ère lecture.
Le Gouvernement compte sur votre sagesse pour revenir à un texte plus efficace et plus équilibré, afin de bien et mieux répondre aux besoins de tous.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.logement.equipement.gouv.fr, le 1er mars 2000).