Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à dire d'abord que je suis très heureux de vous retrouver après cette longue et fructueuse journée de travail. Je sais que vous avez déjà évoqué bien des sujets que je vais aborder. Certains sujets fâchent un peu. Laissons-les pour la fin, afin de les traiter plus paisiblement.
Depuis plusieurs mois que nous travaillons ensemble, je dois dire que j'ai beaucoup appris. On apprend à tous les âges et à toutes les fonctions. J'ai en particulier découvert une chose. L'artisanat est l'une des formes les plus modernes d'exercice de l'activité professionnelle, du travail et de l'économie. Si nous devons inventer l'économie de demain, il convient probablement de regarder comment l'artisanat a, depuis des générations, développé ses pratiques en matière de formation et de relations du travail.
Nos concitoyens sont revenus des multinationales, pas uniquement à cause des plans sociaux, mais parce qu'ils sentent que la sécurité qu'on leur avait promise, avec le statut de salarié, avec le modèle de production fordiste, le travail à la chaîne et la production de masse, tout cela est aujourd'hui en train de se fissurer. Aujourd'hui ils se tournent vers les petites entreprises, au sein desquelles la dimension humaine est encore forte, au sein desquelles l'intelligence et la créativité sont encore présentes, au sein desquelles se créent des objets et des services qui ne ressemblent pas les uns aux autres mais qui portent, au contraire, la marque de celui qui les a créés.
L'artisanat n'est donc pas à part. Il est en avance. La plupart des choses que je propose aujourd'hui sont non seulement négociées avec vous, mais sont inspirées de vos pratiques. Si le secteur artisanal requiert des solutions singulières, d'autres secteurs ont à apprendre de ce que vous avez réussi à mettre en oeuvre.
I. Les acquis de la loi d'initiative économique
Depuis quelques mois, nous avons beaucoup travaillé. Ma méthode est la suivante : essayer de faire preuve d'imagination. Il est trop fréquent en France de resservir les mêmes recettes. Celles qui ont échoué autant que celles qui ont réussi. Nous avons besoin en France d'être imaginatifs. Lorsque l'on propose des choses nouvelles, on trouve souvent des solutions. Prenons un exemple. Lorsque je suis arrivé à ce poste, l'une de vos demandes principales concernait la protection de la résidence principale. Les travailleurs indépendants, me disiez-vous, requièrent la même sécurité que d'autres. Beaucoup d'imagination a été nécessaire pour parvenir ensemble à forcer quelques verrous intellectuels. La France est un pays cartésien. Depuis quarante ans la chose est entendue : soit on crée une société et alors prévaut la séparation du patrimoine familial et des biens professionnels, soit on devient travailleur indépendant et alors il y a fusion des patrimoines. Nous sommes parvenus à ébranler ce dogme, grâce à la mesure contenue dans la loi d'initiative économique.
Le second aspect de ma méthode est l'action. Nous sommes engagés dans une course contre la montre. Le temps de l'entreprise est un temps de sprinter. Vous participez à une compétition et devez prendre des décisions pour le lendemain et le surlendemain. De son côté, l'Etat est un animal à sang froid. La volonté met parfois des mois et des mois à transiter du cerveau à la main. Nous avons besoin aujourd'hui d'un Etat rapide, qui lorsqu'il annonce une mesure, la met en place rapidement. C'est en tout cas ce que je tente de faire.
Nous avons besoin de résultats car nos concitoyens doutent de l'action publique. Ils ont l'impression que les hommes politiques parlent beaucoup, mais que rien de concret ne s'ensuit. Agir et démontrer que les évolutions existent, participent de la restauration de la confiance dans la démocratie et dans les élus. L'essentiel est d'avancer et de progresser.
La loi d'initiative économique, nous l'avons conçue ensemble, Monsieur le Président. L'UPA a été à l'origine d'un grand nombre de propositions intégrées au texte adopté en Conseil des Ministres, ainsi que de plusieurs amendements votés par le Sénat et l'Assemblée Nationale. J'ai uvré au maximum pour que cette loi réponde aux impératifs du monde de l'artisanat. Il me semble que c'est le cas. Le texte est aujourd'hui entré en application. J'ai eu accès aux chiffres de la création d'entreprise qui seront publiés le vendredi 17 octobre par l'INSEE. Ils s'avèrent sans précédent depuis vingt ans.
Les Français ont moins aujourd'hui le sentiment qu'entreprendre est réservé à une élite, qu'il est indispensable d'être diplômé d'HEC ou de recevoir un héritage pour y parvenir. Le sentiment que tous les Français pourraient devenir un jour des entrepreneurs se répand. Nous sommes peut-être en train de gagner la bataille de l'esprit d'entreprise, sans laquelle les mondes de l'artisanat, du commerce, de l'industrie, ne parviendront pas à être en phase avec la société française. Les entrepreneurs de notre pays requièrent le soutien non seulement des pouvoirs publics, mais de l'ensemble du corps social.
Vous avez abordé la question de la transmission d'entreprise. On sait que 550 000 chefs d'entreprise partiront à la retraite dans les 15 ans qui viennent. Cela représente un choc pour notre économie. En réduisant la taxation de la transmission des entreprises, le Gouvernement prête main-forte à l'artisanat pour lui permettre d'assurer la mutation de son outil de travail vers une nouvelle génération. Aujourd'hui des entreprises meurent, non faute de repreneur, mais en raison des prélèvements publics. A partir du premier janvier 2004, le taux de taxation des plus-values de cession passera de 26 % à 0 %, dans 80 % des cas de transmission. Il s'agit d'un effort significatif dans un contexte budgétaire tendu. Cette mesure bénéficiera aux artisans, mais aussi aux PME, et permettra à ceux qui désirent donner leur entreprise à l'un de leurs salariés ou à l'un de leurs enfants d'échapper à toute fiscalité, dès lors que la valeur des actifs se situe en dessous de 300 000 euros.
Cette loi se trouve à présent derrière nous. Je souhaite cependant qu'il soit possible de la modifier, si nécessaire, et je suis à votre disposition pour que nous surveillions ensemble son application. Et vous me trouvez disposé à ramener cette loi sur l'établi si elle requiert des ajustements.
II. Les nouveaux chantiers
1. La simplification de la vie des entreprises
Je suis engagé dans un second chantier, celui de la simplification de la vie des entreprises. Une telle intention prête généralement à sourire, à tel point les gouvernements successifs l'ont souvent annoncé, pour ne faire in fine que compliquer les choses. Je me suis d'ailleurs aperçu que la complication représentait en France une activité prospère, avec ses grossistes, ses détaillants et ses salariés. Simplifier la vie des entreprises signifiera nécessairement la disparition d'un certain nombre d'emplois. Nous devons néanmoins nous y attacher. Toute société doit s'interroger sur la bonne allocation de ses ressources humaines. Dans quel domaine ces dernières sont-elles le plus utile : dans la " paperasse " ou dans la création de richesse ? Je penche, en ce qui me concerne, pour la seconde. La voie de la simplification doit être empruntée, même si elle s'avère pentue et caillouteuse. Cela correspond à l'intérêt général.
Nous nous apprêtons à mettre en place un premier élément : le Titre emploi simplifié entreprise (le TESE). Ce dernier transpose dans le domaine de la petite entreprise ce qui existe dans le secteur agricole. Cette simplification administrative permettra aux entrepreneurs d'embaucher des salariés pour de courtes durées. Il est surprenant qu'en France recruter un travailleur pour 25 ans implique les mêmes formalités que l'employer pendant 25 minutes.
La deuxième mesure porte sur la réduction du nombre et de la complexité des déclarations obligatoires. Traditionnellement, la France n'accorde pas sa confiance à l'entreprise. Elle lui demande donc de remplir des déclarations obligatoires. Cela représente un coût pour l'entreprise, une sorte de " taxe de papier ". Nous souhaitons simplifier cela en introduisant des déclarations sur l'honneur. J'y suis favorable parce que je préfère parier sur l'honnêteté de l'entrepreneur. Il apparaît préférable d'effectuer des contrôles a posteriori plutôt que de considérer l'ensemble des entrepreneurs comme des fraudeurs potentiels. Les déclarations relatives à l'emploi des travailleurs handicapés, aux mouvements de main d'uvre, aux données sociales seront simplifiées, de même que les déclarations de revenu et de la contribution sociale de solidarité des travailleurs indépendants.
Nous allègerons également les formalités en cas de paiement tardif des cotisations sociales, en harmonisant les dispositifs existants entre les différents organismes de protection sociale. Nous comptons également renoncer au recouvrement forcé par voie d'huissier, en cas de non enregistrement d'un paiement de cotisation sociale. Une telle démarche nous apparaît en effet très violente, alors que souvent la voie de la concertation permet de résoudre les problèmes sans causer de préjudice ni agresser un entrepreneur souffrant simplement d'un défaut de trésorerie.
Nous mettrons enfin en place " l'interlocuteur unique " chargé du recouvrement. Je rends une nouvelle fois hommage aux responsables de votre organisation. Nous avons conçu ensemble le RSI. Ce dispositif unique recèle beaucoup de promesses pour les indépendants, des travailleurs qui incarnent à mes yeux l'avenir. Pendant un certain temps, nous avons cru que la seule forme de travail était le salariat. Il me semble que la volonté d'autonomie des travailleurs les conduira vers le statut d'indépendant, à condition que ce dernier jouisse de la même protection sociale que le statut de salarié. Mon choix politique consiste à conforter le statut des travailleurs indépendants. Cela passe par la création du Régime social des indépendants. Ce dernier demeurera distinct du régime général mais disposera de la puissance lui garantissant de bons équilibres financiers et sera susceptible de convaincre des hommes et des femmes de devenir travailleurs indépendants.
Deux autres chantiers m'apparaissent essentiels. Ils rejoignent, Monsieur le Président, vos préoccupations.
2. Créer un statut pour les nouvelles formes d'activité
En premier lieu, le projet de loi de modernisation de l'artisanat, du commerce et des services doit offrir une expression légale à de nouvelles formes d'activité. Le salariat n'est plus, comme je le disais, le modèle unique du travail. Les 35 heures sont elles-mêmes le dernier avatar du fordisme, le modèle industriel des années 60, où la seule chose qui comptait était la force physique que chaque travailleur était en mesure d'apporter à la machine. Ce modèle disparaît, parfois dans la douleur, avec les mutations industrielles et les plans sociaux, mais parfois aussi dans le bonheur, pour les individus qui désirent avoir une vie plus libre. Si les 35 heures n'apparaissent pas comme la révolution sociale la plus importante de ces quarante dernières années, c'est parce nos concitoyens y ont vu une nouvelle manifestation du modèle unique - la même taille pour tous. Ils demandent aujourd'hui un modèle personnalisé. Ils préfèrent une Twingo à un autocar. Ils préfèrent devenir les conducteurs de leur vie, plutôt que demeurer les passagers de systèmes législatifs pensés pour de grandes masses d'individus.
L'un des objectifs de ce projet de loi, sur lequel nous nous apprêtons à travailler ensemble, consiste à apporter de nouvelles formes au travail. Nous en avons besoin. Nous devons développer la formule de " l'entrepreneur solo ", en lui garantissant des droits sociaux équivalant à ceux des salariés, et promouvoir la pratique du temps partagé et celle des groupements d'employeurs.
Nous devons mettre en place le tutorat : nous pouvons garantir une retraite à temps plein à un ancien artisan en lui proposant de mener une activité de tuteur du repreneur de son entreprise. Aujourd'hui les entrepreneurs quittent leur entreprise dès le jour où ils la cèdent. Le cédant pourrait au contraire accompagner le repreneur vers le succès en demeurant pendant un à deux ans dans son entreprise. La maîtrise de la clientèle n'est pas innée et requiert un véritable apprentissage. La modernité consiste aujourd'hui à mettre en place des formules de transition.
Nous souhaitons également instaurer un statut de retraité tuteur d'un apprenti. Qui sont en mesure de former dans les meilleures conditions la nouvelle génération, sinon ceux qui possèdent des années de pratiques à leur actif ? Au lieu de se morfondre à la retraite, ces personnes sont souvent en pleine forme et désirent transmettre leur expérience. Le statut que nous proposons consisterait à garantir une retraite à taux plein, ainsi qu'une indemnité pour le temps consacré au tutorat. Essayons d'inventer des statuts nouveaux en fonction des besoins de chacun.
Une autre innovation porte sur le statut de l'entrepreneur et de son conjoint. Vos entreprises s'apparentent à de véritables cellules familiales professionnelles. Deux personnes assument les responsabilités, mais souvent une seule bénéficie d'un statut. Nous devons accorder au conjoint de l'artisan un véritable statut social. Je souhaite rendre obligatoire l'un des trois statuts existants : conjoint-collaborateur, salarié ou associé. Il convient d'accorder une protection à des femmes exposées aux risques d'un divorce, d'un décès, aux accidents économiques, etc. Les liens du mariage n'apportent plus aujourd'hui des garanties suffisantes. Je souhaite également que le patrimoine du conjoint soit davantage reconnu et que les règles de succession soient aménagées de manière à faciliter la poursuite de l'exploitation de l'entreprise par le conjoint ou ses ayants droit.
Je souhaite enfin que l'on aligne les droits sociaux de l'entrepreneur au même niveau que ceux des salariés. Les entrepreneurs ont, certes, conquis des mesures de mise à niveau, mais il convient d'instituer une véritable équivalence en matière de protection sociale. Nos contemporains souhaitent à la fois la sécurité collective et l'autonomie dans leurs choix personnels.
3. La deuxième chance pour l'entrepreneur
Le troisième chantier pourrait s'intituler " une deuxième chance pour l'entrepreneur ". Nous préparons, en collaboration avec Dominique Perben, une réforme du redressement judiciaire. Les procédures existantes conduisent trop souvent à la liquidation de l'entreprise, alors que celle-ci aurait une chance de survivre. Seules 10 % des entreprises placées en redressement judiciaire se relèvent. D'autres aspects méritent d'être améliorés. Ainsi, si l'inscription au fichier de la Banque de France est justifiée dans certains cas, elle s'avère souvent infamante, trop prolongée et tend à stigmatiser l'entrepreneur qui a tenté sa chance et perdu. Cet échec fait pourtant de ce dernier un meilleur chef d'entreprise qu'un novice.
III. La réforme de l'apprentissage
L'apprentissage constitue à mes yeux une réforme essentielle si l'on veut assurer la relève. Nous constatons aujourd'hui un paradoxe : il existe simultanément des métiers sans jeunes et des jeunes sans métier. 150 000 sortent chaque année sans qualification de notre système scolaire, alors qu'un enfant y passe en moyenne 19 ans. Plus de 400 000 jeunes français sont au chômage.
L'apprentissage est la voie de la réussite en ce qu'il en réunit les deux ingrédients : le diplôme et l'expérience professionnelle. Beaucoup de jeunes diplômés ne trouvent pas d'emploi parce qu'ils n'ont aucune expérience professionnelle. Aujourd'hui les employeurs souhaitent recevoir des jeunes opérationnels et non avoir à les former à nouveau. L'apprentissage est donc un " pack deux en un " : diplôme plus expérience professionnelle. Nos concitoyens ne le savent pas et considèrent au contraire l'apprentissage comme synonyme d'échec scolaire et de métiers pénibles. La réalité est tout autre, puisqu'un jeune est aujourd'hui en mesure d'entrer en apprentissage et de parvenir jusqu'à un niveau maîtrise ou d'ingénieur. Les apprentis sont heureux. Ils le sont parce que leur talent a été révélé, éveillé. Certains élèves me disent : "pendant des années nous n'avons vu que le dos du professeur. Dans l'apprentissage, nous voyons quelqu'un en face de nous qui s'intéresse véritablement à nous." Il est formidable de pouvoir aujourd'hui s'extraire du moule unique de l'école abstraite pour s'engager dans des formations personnalisées.
1. La personnalisation des parcours
La personnalisation des parcours constitue l'un des points fort de la réforme que je propose. Il convient d'ouvrir les portes de l'apprentissage non seulement à des jeunes que l'Education oriente par défaut dans cette direction, mais à des jeunes de bon niveau. Ceux-là seront en effet les entrepreneurs de demain. Nous devons également réorienter les déçus de l'enseignement général. Ceux qui possèdent une " licence spéciale ANPE " et qui se sentent aigris parce qu'ils pensent que la société leur a menti en leur faisant croire qu'un diplôme équivalait à un emploi.
Nous devons réformer l'apprentissage par une politique active de communication. Vous y avez déjà contribué, de sorte que nombre de nos concitoyens considèrent que l'artisanat recèle de métiers nobles. Notre effort doit s'orienter à présent vers d'autres couches de la population, afin de montrer que cette voie de la réussite est ouverte à tous.
Nous devons cependant personnaliser les parcours. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes considèrent que le baccalauréat constitue le niveau minimum à viser. Or la filière professionnelle permet d'obtenir un bac en quatre ans, au lieu de trois ans dans la filière classique. Il convient de mettre en place un système de modules permettant d'obtenir un bac professionnel en trois ans. A chacun ensuite de suivre son rythme. Aujourd'hui un jeune possédant un DEUG de lettres moderne et désirant devenir pâtissier se trouve contraint de suivre le même parcours qu'un jeune de 16 ans. Nous devons tenir compte de l'itinéraire de chaque candidat à l'apprentissage.
2. La réforme du statut de l'apprenti
Il convient par ailleurs d'accorder aux apprentis les mêmes avantages que les étudiants, en matière d'accès au sport, à la culture, au logement, aux allocations familiales. Il n'est pas justifié que lorsqu'un apprenti signe un contrat d'apprentissage avec un deuxième employeur, il reçoive une rémunération inférieure alors qu'il possède un meilleur savoir-faire. Nous devons enfin créer le statut d'apprenti européen : les métiers de l'artisanat français rayonnent dans le monde, certains jeunes viennent se former ici ; il importe que nos jeunes puissent faire de même dans les pays de l'Union européenne.
Il nous incombe de tenir compte de la réalité des entreprises. Dans le bâtiment, un apprenti ne peut effectuer une journée entière de travail lorsque celle-ci dépasse les sept heures réglementaires, temps de transport compris. Les dérogations existantes doivent être généralisées et le code du travail assoupli.
Je souhaite que les jeunes apprentis signent une charte précisant leurs droits et leurs devoirs, ainsi que ceux du maître d'apprentissage. Aujourd'hui plus de 20 % des contrats d'apprentissage sont rompus peu de temps après leur signature. Nous allons pour cette raison instituer une période d'essai, afin que le jeune et son maître aient le loisir de se connaître avant de signer un contrat ferme. Nous vous proposerons également de signer un CDI en apprentissage, c'est-à-dire un CDI intégrant le temps de l'apprentissage.
Toutes ces propositions reprennent en grande partie celles que vous avez vous-mêmes formulées.
IV. Les fonds d'assurance formation
Abordons à présent les Fonds d'assurance formation (FAF). Lorsque je suis entré en fonction, j'ai dû constater que le problème ne tenait pas à un manque de ressources, mais plutôt à leur mauvaise utilisation. Nous savons cependant que les FAF doivent être réformés. Vous considérez, Monsieur le Président, que les artisans sont les mieux placés pour gérer leurs propres formations, alors que ma préférence irait, selon vous, à leur administration par les chambres des métiers. Il me semblait pourtant que les chambres des métiers étaient gérées par les artisans. J'ai d'ailleurs pu constater que 97% des Présidents de ces instances appartiennent à l'UPA. Je ne désire pas, Monsieur le Président, polémiquer à cet égard, mais convenez que la chose semble relever d'un problème interne à l'artisanat.
Certains - et Monsieur le Premier Ministre se range parmi eux - considèrent qu'il convient de décentraliser les systèmes de formation. Cette orientation consiste à rapprocher la formation des utilisateurs. D'autres, comme vous Monsieur le Président, estiment que chaque profession doit pouvoir gérer au niveau national les formations qui lui correspondent.
En ce qui me concerne, je vous propose une solution qui combine des éléments des deux visions précédentes. Je risque de mécontenter les deux camps, mais je n'envisage pas d'autre solution pour s'assurer de la bonne utilisation des fonds et à la fois respecter l'impératif de proximité. Vous savez combien le Premier Ministre est attaché à la régionalisation. Il souhaite créer un outil pour cette nouvelle politique des territoires. Il convient dans ce contexte que le monde de l'artisanat dispose d'une instance lui permettant de défendre ses orientations auprès des Conseils régionaux.
Il me semble, Monsieur le Président, que nous pouvons partir de l'architecture que je propose et travailler ensemble à son amélioration. Le diable se niche toujours dans les détails. J'espère que nous pourrons rapidement clore ce sujet.
Nous élaborons un second projet de loi concernant les statuts des travailleurs indépendants et de leur conjoint, les nouvelles formes de travail, et qui permettra d'améliorer encore les dispositions de la fiscalité des transmissions d'entreprises. J'espère que nous trouverons une satisfaction à aborder cette deuxième réforme et que nous pourrons rapidement dépasser notre différend sur les FAF, afin de nous rassembler sur l'essentiel : la réforme de l'apprentissage, celle du statut de l'entrepreneur individuel et sur tout ce que nous pourrons mettre en uvre pour que la France abrite des artisans heureux.
Robert BUGUET - Il n'est pas d'usage de parler après un Ministre de la République. Je tiens cependant à dire que la régionalisation se trouve au cur de la proposition émise par la CAPEB, la CNAMS et la CGAD. Ils ne proposent pas un dispositif national monolithique. Les partenaires sociaux ont donné leur accord à une loi de 1993. Sur le plan de la formation professionnelle, il n'existe aucun désaccord entre l'UPA, le MEDEF et la CGPME. La chose s'est révélée plus complexe dans l'artisanat en raison d'une loi de 1982 qui a instauré pour nous un régime dérogatoire. Nous considérons plus avantageux aujourd'hui de nous inscrire dans le cadre de la loi commune, à laquelle l'ensemble des autres secteurs se sont d'ores et déjà adaptés: le petit commerce, l'agriculture, etc.... Je suis persuadé que nous ne sommes pas loin d'une solution acceptable par tous.
En ce qui concerne les autres objectifs que vous avez exposés, vous savez que nous les partageons. Nous savons pouvoir compter sur vous et vous pouvez compter sur nous. Les enjeux sont tellement importants. Ce secteur a tellement d'avenir. Connaissez-vous beaucoup de secteurs capables de créer un million d'emplois dans les 10 années à venir ?
Renaud DUTREIL - Monsieur le Président, vous êtes un homme de caractère. Les hommes comme vous sont plus intéressants que les indécis. Nous avons besoin aujourd'hui d'une vision panoramique des problèmes de l'artisanat. Le temps nous est compté. Nous devons mettre à profit au maximum le temps de la réforme. Sur certains thèmes, nous tombons rapidement d'accord. Ainsi, ce que vous m'avez proposé en matière d'apprentissage va dans le sens de mes convictions les plus fortes. D'autres choses demeurent à réaliser. Je suis toujours demandeur de propositions innovantes. Le contexte actuel m'impose d'y mettre une condition : qu'elles soient peu onéreuses. D'autres temps viendront où nous disposerons de plus de moyens budgétaires et serons en mesure de diminuer les prélèvements obligatoires. Cela nous permettra de libérer les énergies, ô combien nombreuses dans l'artisanat. Je vous remercie.
(source http://www.upa.fr, le 29 octobre 2003)
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à dire d'abord que je suis très heureux de vous retrouver après cette longue et fructueuse journée de travail. Je sais que vous avez déjà évoqué bien des sujets que je vais aborder. Certains sujets fâchent un peu. Laissons-les pour la fin, afin de les traiter plus paisiblement.
Depuis plusieurs mois que nous travaillons ensemble, je dois dire que j'ai beaucoup appris. On apprend à tous les âges et à toutes les fonctions. J'ai en particulier découvert une chose. L'artisanat est l'une des formes les plus modernes d'exercice de l'activité professionnelle, du travail et de l'économie. Si nous devons inventer l'économie de demain, il convient probablement de regarder comment l'artisanat a, depuis des générations, développé ses pratiques en matière de formation et de relations du travail.
Nos concitoyens sont revenus des multinationales, pas uniquement à cause des plans sociaux, mais parce qu'ils sentent que la sécurité qu'on leur avait promise, avec le statut de salarié, avec le modèle de production fordiste, le travail à la chaîne et la production de masse, tout cela est aujourd'hui en train de se fissurer. Aujourd'hui ils se tournent vers les petites entreprises, au sein desquelles la dimension humaine est encore forte, au sein desquelles l'intelligence et la créativité sont encore présentes, au sein desquelles se créent des objets et des services qui ne ressemblent pas les uns aux autres mais qui portent, au contraire, la marque de celui qui les a créés.
L'artisanat n'est donc pas à part. Il est en avance. La plupart des choses que je propose aujourd'hui sont non seulement négociées avec vous, mais sont inspirées de vos pratiques. Si le secteur artisanal requiert des solutions singulières, d'autres secteurs ont à apprendre de ce que vous avez réussi à mettre en oeuvre.
I. Les acquis de la loi d'initiative économique
Depuis quelques mois, nous avons beaucoup travaillé. Ma méthode est la suivante : essayer de faire preuve d'imagination. Il est trop fréquent en France de resservir les mêmes recettes. Celles qui ont échoué autant que celles qui ont réussi. Nous avons besoin en France d'être imaginatifs. Lorsque l'on propose des choses nouvelles, on trouve souvent des solutions. Prenons un exemple. Lorsque je suis arrivé à ce poste, l'une de vos demandes principales concernait la protection de la résidence principale. Les travailleurs indépendants, me disiez-vous, requièrent la même sécurité que d'autres. Beaucoup d'imagination a été nécessaire pour parvenir ensemble à forcer quelques verrous intellectuels. La France est un pays cartésien. Depuis quarante ans la chose est entendue : soit on crée une société et alors prévaut la séparation du patrimoine familial et des biens professionnels, soit on devient travailleur indépendant et alors il y a fusion des patrimoines. Nous sommes parvenus à ébranler ce dogme, grâce à la mesure contenue dans la loi d'initiative économique.
Le second aspect de ma méthode est l'action. Nous sommes engagés dans une course contre la montre. Le temps de l'entreprise est un temps de sprinter. Vous participez à une compétition et devez prendre des décisions pour le lendemain et le surlendemain. De son côté, l'Etat est un animal à sang froid. La volonté met parfois des mois et des mois à transiter du cerveau à la main. Nous avons besoin aujourd'hui d'un Etat rapide, qui lorsqu'il annonce une mesure, la met en place rapidement. C'est en tout cas ce que je tente de faire.
Nous avons besoin de résultats car nos concitoyens doutent de l'action publique. Ils ont l'impression que les hommes politiques parlent beaucoup, mais que rien de concret ne s'ensuit. Agir et démontrer que les évolutions existent, participent de la restauration de la confiance dans la démocratie et dans les élus. L'essentiel est d'avancer et de progresser.
La loi d'initiative économique, nous l'avons conçue ensemble, Monsieur le Président. L'UPA a été à l'origine d'un grand nombre de propositions intégrées au texte adopté en Conseil des Ministres, ainsi que de plusieurs amendements votés par le Sénat et l'Assemblée Nationale. J'ai uvré au maximum pour que cette loi réponde aux impératifs du monde de l'artisanat. Il me semble que c'est le cas. Le texte est aujourd'hui entré en application. J'ai eu accès aux chiffres de la création d'entreprise qui seront publiés le vendredi 17 octobre par l'INSEE. Ils s'avèrent sans précédent depuis vingt ans.
Les Français ont moins aujourd'hui le sentiment qu'entreprendre est réservé à une élite, qu'il est indispensable d'être diplômé d'HEC ou de recevoir un héritage pour y parvenir. Le sentiment que tous les Français pourraient devenir un jour des entrepreneurs se répand. Nous sommes peut-être en train de gagner la bataille de l'esprit d'entreprise, sans laquelle les mondes de l'artisanat, du commerce, de l'industrie, ne parviendront pas à être en phase avec la société française. Les entrepreneurs de notre pays requièrent le soutien non seulement des pouvoirs publics, mais de l'ensemble du corps social.
Vous avez abordé la question de la transmission d'entreprise. On sait que 550 000 chefs d'entreprise partiront à la retraite dans les 15 ans qui viennent. Cela représente un choc pour notre économie. En réduisant la taxation de la transmission des entreprises, le Gouvernement prête main-forte à l'artisanat pour lui permettre d'assurer la mutation de son outil de travail vers une nouvelle génération. Aujourd'hui des entreprises meurent, non faute de repreneur, mais en raison des prélèvements publics. A partir du premier janvier 2004, le taux de taxation des plus-values de cession passera de 26 % à 0 %, dans 80 % des cas de transmission. Il s'agit d'un effort significatif dans un contexte budgétaire tendu. Cette mesure bénéficiera aux artisans, mais aussi aux PME, et permettra à ceux qui désirent donner leur entreprise à l'un de leurs salariés ou à l'un de leurs enfants d'échapper à toute fiscalité, dès lors que la valeur des actifs se situe en dessous de 300 000 euros.
Cette loi se trouve à présent derrière nous. Je souhaite cependant qu'il soit possible de la modifier, si nécessaire, et je suis à votre disposition pour que nous surveillions ensemble son application. Et vous me trouvez disposé à ramener cette loi sur l'établi si elle requiert des ajustements.
II. Les nouveaux chantiers
1. La simplification de la vie des entreprises
Je suis engagé dans un second chantier, celui de la simplification de la vie des entreprises. Une telle intention prête généralement à sourire, à tel point les gouvernements successifs l'ont souvent annoncé, pour ne faire in fine que compliquer les choses. Je me suis d'ailleurs aperçu que la complication représentait en France une activité prospère, avec ses grossistes, ses détaillants et ses salariés. Simplifier la vie des entreprises signifiera nécessairement la disparition d'un certain nombre d'emplois. Nous devons néanmoins nous y attacher. Toute société doit s'interroger sur la bonne allocation de ses ressources humaines. Dans quel domaine ces dernières sont-elles le plus utile : dans la " paperasse " ou dans la création de richesse ? Je penche, en ce qui me concerne, pour la seconde. La voie de la simplification doit être empruntée, même si elle s'avère pentue et caillouteuse. Cela correspond à l'intérêt général.
Nous nous apprêtons à mettre en place un premier élément : le Titre emploi simplifié entreprise (le TESE). Ce dernier transpose dans le domaine de la petite entreprise ce qui existe dans le secteur agricole. Cette simplification administrative permettra aux entrepreneurs d'embaucher des salariés pour de courtes durées. Il est surprenant qu'en France recruter un travailleur pour 25 ans implique les mêmes formalités que l'employer pendant 25 minutes.
La deuxième mesure porte sur la réduction du nombre et de la complexité des déclarations obligatoires. Traditionnellement, la France n'accorde pas sa confiance à l'entreprise. Elle lui demande donc de remplir des déclarations obligatoires. Cela représente un coût pour l'entreprise, une sorte de " taxe de papier ". Nous souhaitons simplifier cela en introduisant des déclarations sur l'honneur. J'y suis favorable parce que je préfère parier sur l'honnêteté de l'entrepreneur. Il apparaît préférable d'effectuer des contrôles a posteriori plutôt que de considérer l'ensemble des entrepreneurs comme des fraudeurs potentiels. Les déclarations relatives à l'emploi des travailleurs handicapés, aux mouvements de main d'uvre, aux données sociales seront simplifiées, de même que les déclarations de revenu et de la contribution sociale de solidarité des travailleurs indépendants.
Nous allègerons également les formalités en cas de paiement tardif des cotisations sociales, en harmonisant les dispositifs existants entre les différents organismes de protection sociale. Nous comptons également renoncer au recouvrement forcé par voie d'huissier, en cas de non enregistrement d'un paiement de cotisation sociale. Une telle démarche nous apparaît en effet très violente, alors que souvent la voie de la concertation permet de résoudre les problèmes sans causer de préjudice ni agresser un entrepreneur souffrant simplement d'un défaut de trésorerie.
Nous mettrons enfin en place " l'interlocuteur unique " chargé du recouvrement. Je rends une nouvelle fois hommage aux responsables de votre organisation. Nous avons conçu ensemble le RSI. Ce dispositif unique recèle beaucoup de promesses pour les indépendants, des travailleurs qui incarnent à mes yeux l'avenir. Pendant un certain temps, nous avons cru que la seule forme de travail était le salariat. Il me semble que la volonté d'autonomie des travailleurs les conduira vers le statut d'indépendant, à condition que ce dernier jouisse de la même protection sociale que le statut de salarié. Mon choix politique consiste à conforter le statut des travailleurs indépendants. Cela passe par la création du Régime social des indépendants. Ce dernier demeurera distinct du régime général mais disposera de la puissance lui garantissant de bons équilibres financiers et sera susceptible de convaincre des hommes et des femmes de devenir travailleurs indépendants.
Deux autres chantiers m'apparaissent essentiels. Ils rejoignent, Monsieur le Président, vos préoccupations.
2. Créer un statut pour les nouvelles formes d'activité
En premier lieu, le projet de loi de modernisation de l'artisanat, du commerce et des services doit offrir une expression légale à de nouvelles formes d'activité. Le salariat n'est plus, comme je le disais, le modèle unique du travail. Les 35 heures sont elles-mêmes le dernier avatar du fordisme, le modèle industriel des années 60, où la seule chose qui comptait était la force physique que chaque travailleur était en mesure d'apporter à la machine. Ce modèle disparaît, parfois dans la douleur, avec les mutations industrielles et les plans sociaux, mais parfois aussi dans le bonheur, pour les individus qui désirent avoir une vie plus libre. Si les 35 heures n'apparaissent pas comme la révolution sociale la plus importante de ces quarante dernières années, c'est parce nos concitoyens y ont vu une nouvelle manifestation du modèle unique - la même taille pour tous. Ils demandent aujourd'hui un modèle personnalisé. Ils préfèrent une Twingo à un autocar. Ils préfèrent devenir les conducteurs de leur vie, plutôt que demeurer les passagers de systèmes législatifs pensés pour de grandes masses d'individus.
L'un des objectifs de ce projet de loi, sur lequel nous nous apprêtons à travailler ensemble, consiste à apporter de nouvelles formes au travail. Nous en avons besoin. Nous devons développer la formule de " l'entrepreneur solo ", en lui garantissant des droits sociaux équivalant à ceux des salariés, et promouvoir la pratique du temps partagé et celle des groupements d'employeurs.
Nous devons mettre en place le tutorat : nous pouvons garantir une retraite à temps plein à un ancien artisan en lui proposant de mener une activité de tuteur du repreneur de son entreprise. Aujourd'hui les entrepreneurs quittent leur entreprise dès le jour où ils la cèdent. Le cédant pourrait au contraire accompagner le repreneur vers le succès en demeurant pendant un à deux ans dans son entreprise. La maîtrise de la clientèle n'est pas innée et requiert un véritable apprentissage. La modernité consiste aujourd'hui à mettre en place des formules de transition.
Nous souhaitons également instaurer un statut de retraité tuteur d'un apprenti. Qui sont en mesure de former dans les meilleures conditions la nouvelle génération, sinon ceux qui possèdent des années de pratiques à leur actif ? Au lieu de se morfondre à la retraite, ces personnes sont souvent en pleine forme et désirent transmettre leur expérience. Le statut que nous proposons consisterait à garantir une retraite à taux plein, ainsi qu'une indemnité pour le temps consacré au tutorat. Essayons d'inventer des statuts nouveaux en fonction des besoins de chacun.
Une autre innovation porte sur le statut de l'entrepreneur et de son conjoint. Vos entreprises s'apparentent à de véritables cellules familiales professionnelles. Deux personnes assument les responsabilités, mais souvent une seule bénéficie d'un statut. Nous devons accorder au conjoint de l'artisan un véritable statut social. Je souhaite rendre obligatoire l'un des trois statuts existants : conjoint-collaborateur, salarié ou associé. Il convient d'accorder une protection à des femmes exposées aux risques d'un divorce, d'un décès, aux accidents économiques, etc. Les liens du mariage n'apportent plus aujourd'hui des garanties suffisantes. Je souhaite également que le patrimoine du conjoint soit davantage reconnu et que les règles de succession soient aménagées de manière à faciliter la poursuite de l'exploitation de l'entreprise par le conjoint ou ses ayants droit.
Je souhaite enfin que l'on aligne les droits sociaux de l'entrepreneur au même niveau que ceux des salariés. Les entrepreneurs ont, certes, conquis des mesures de mise à niveau, mais il convient d'instituer une véritable équivalence en matière de protection sociale. Nos contemporains souhaitent à la fois la sécurité collective et l'autonomie dans leurs choix personnels.
3. La deuxième chance pour l'entrepreneur
Le troisième chantier pourrait s'intituler " une deuxième chance pour l'entrepreneur ". Nous préparons, en collaboration avec Dominique Perben, une réforme du redressement judiciaire. Les procédures existantes conduisent trop souvent à la liquidation de l'entreprise, alors que celle-ci aurait une chance de survivre. Seules 10 % des entreprises placées en redressement judiciaire se relèvent. D'autres aspects méritent d'être améliorés. Ainsi, si l'inscription au fichier de la Banque de France est justifiée dans certains cas, elle s'avère souvent infamante, trop prolongée et tend à stigmatiser l'entrepreneur qui a tenté sa chance et perdu. Cet échec fait pourtant de ce dernier un meilleur chef d'entreprise qu'un novice.
III. La réforme de l'apprentissage
L'apprentissage constitue à mes yeux une réforme essentielle si l'on veut assurer la relève. Nous constatons aujourd'hui un paradoxe : il existe simultanément des métiers sans jeunes et des jeunes sans métier. 150 000 sortent chaque année sans qualification de notre système scolaire, alors qu'un enfant y passe en moyenne 19 ans. Plus de 400 000 jeunes français sont au chômage.
L'apprentissage est la voie de la réussite en ce qu'il en réunit les deux ingrédients : le diplôme et l'expérience professionnelle. Beaucoup de jeunes diplômés ne trouvent pas d'emploi parce qu'ils n'ont aucune expérience professionnelle. Aujourd'hui les employeurs souhaitent recevoir des jeunes opérationnels et non avoir à les former à nouveau. L'apprentissage est donc un " pack deux en un " : diplôme plus expérience professionnelle. Nos concitoyens ne le savent pas et considèrent au contraire l'apprentissage comme synonyme d'échec scolaire et de métiers pénibles. La réalité est tout autre, puisqu'un jeune est aujourd'hui en mesure d'entrer en apprentissage et de parvenir jusqu'à un niveau maîtrise ou d'ingénieur. Les apprentis sont heureux. Ils le sont parce que leur talent a été révélé, éveillé. Certains élèves me disent : "pendant des années nous n'avons vu que le dos du professeur. Dans l'apprentissage, nous voyons quelqu'un en face de nous qui s'intéresse véritablement à nous." Il est formidable de pouvoir aujourd'hui s'extraire du moule unique de l'école abstraite pour s'engager dans des formations personnalisées.
1. La personnalisation des parcours
La personnalisation des parcours constitue l'un des points fort de la réforme que je propose. Il convient d'ouvrir les portes de l'apprentissage non seulement à des jeunes que l'Education oriente par défaut dans cette direction, mais à des jeunes de bon niveau. Ceux-là seront en effet les entrepreneurs de demain. Nous devons également réorienter les déçus de l'enseignement général. Ceux qui possèdent une " licence spéciale ANPE " et qui se sentent aigris parce qu'ils pensent que la société leur a menti en leur faisant croire qu'un diplôme équivalait à un emploi.
Nous devons réformer l'apprentissage par une politique active de communication. Vous y avez déjà contribué, de sorte que nombre de nos concitoyens considèrent que l'artisanat recèle de métiers nobles. Notre effort doit s'orienter à présent vers d'autres couches de la population, afin de montrer que cette voie de la réussite est ouverte à tous.
Nous devons cependant personnaliser les parcours. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes considèrent que le baccalauréat constitue le niveau minimum à viser. Or la filière professionnelle permet d'obtenir un bac en quatre ans, au lieu de trois ans dans la filière classique. Il convient de mettre en place un système de modules permettant d'obtenir un bac professionnel en trois ans. A chacun ensuite de suivre son rythme. Aujourd'hui un jeune possédant un DEUG de lettres moderne et désirant devenir pâtissier se trouve contraint de suivre le même parcours qu'un jeune de 16 ans. Nous devons tenir compte de l'itinéraire de chaque candidat à l'apprentissage.
2. La réforme du statut de l'apprenti
Il convient par ailleurs d'accorder aux apprentis les mêmes avantages que les étudiants, en matière d'accès au sport, à la culture, au logement, aux allocations familiales. Il n'est pas justifié que lorsqu'un apprenti signe un contrat d'apprentissage avec un deuxième employeur, il reçoive une rémunération inférieure alors qu'il possède un meilleur savoir-faire. Nous devons enfin créer le statut d'apprenti européen : les métiers de l'artisanat français rayonnent dans le monde, certains jeunes viennent se former ici ; il importe que nos jeunes puissent faire de même dans les pays de l'Union européenne.
Il nous incombe de tenir compte de la réalité des entreprises. Dans le bâtiment, un apprenti ne peut effectuer une journée entière de travail lorsque celle-ci dépasse les sept heures réglementaires, temps de transport compris. Les dérogations existantes doivent être généralisées et le code du travail assoupli.
Je souhaite que les jeunes apprentis signent une charte précisant leurs droits et leurs devoirs, ainsi que ceux du maître d'apprentissage. Aujourd'hui plus de 20 % des contrats d'apprentissage sont rompus peu de temps après leur signature. Nous allons pour cette raison instituer une période d'essai, afin que le jeune et son maître aient le loisir de se connaître avant de signer un contrat ferme. Nous vous proposerons également de signer un CDI en apprentissage, c'est-à-dire un CDI intégrant le temps de l'apprentissage.
Toutes ces propositions reprennent en grande partie celles que vous avez vous-mêmes formulées.
IV. Les fonds d'assurance formation
Abordons à présent les Fonds d'assurance formation (FAF). Lorsque je suis entré en fonction, j'ai dû constater que le problème ne tenait pas à un manque de ressources, mais plutôt à leur mauvaise utilisation. Nous savons cependant que les FAF doivent être réformés. Vous considérez, Monsieur le Président, que les artisans sont les mieux placés pour gérer leurs propres formations, alors que ma préférence irait, selon vous, à leur administration par les chambres des métiers. Il me semblait pourtant que les chambres des métiers étaient gérées par les artisans. J'ai d'ailleurs pu constater que 97% des Présidents de ces instances appartiennent à l'UPA. Je ne désire pas, Monsieur le Président, polémiquer à cet égard, mais convenez que la chose semble relever d'un problème interne à l'artisanat.
Certains - et Monsieur le Premier Ministre se range parmi eux - considèrent qu'il convient de décentraliser les systèmes de formation. Cette orientation consiste à rapprocher la formation des utilisateurs. D'autres, comme vous Monsieur le Président, estiment que chaque profession doit pouvoir gérer au niveau national les formations qui lui correspondent.
En ce qui me concerne, je vous propose une solution qui combine des éléments des deux visions précédentes. Je risque de mécontenter les deux camps, mais je n'envisage pas d'autre solution pour s'assurer de la bonne utilisation des fonds et à la fois respecter l'impératif de proximité. Vous savez combien le Premier Ministre est attaché à la régionalisation. Il souhaite créer un outil pour cette nouvelle politique des territoires. Il convient dans ce contexte que le monde de l'artisanat dispose d'une instance lui permettant de défendre ses orientations auprès des Conseils régionaux.
Il me semble, Monsieur le Président, que nous pouvons partir de l'architecture que je propose et travailler ensemble à son amélioration. Le diable se niche toujours dans les détails. J'espère que nous pourrons rapidement clore ce sujet.
Nous élaborons un second projet de loi concernant les statuts des travailleurs indépendants et de leur conjoint, les nouvelles formes de travail, et qui permettra d'améliorer encore les dispositions de la fiscalité des transmissions d'entreprises. J'espère que nous trouverons une satisfaction à aborder cette deuxième réforme et que nous pourrons rapidement dépasser notre différend sur les FAF, afin de nous rassembler sur l'essentiel : la réforme de l'apprentissage, celle du statut de l'entrepreneur individuel et sur tout ce que nous pourrons mettre en uvre pour que la France abrite des artisans heureux.
Robert BUGUET - Il n'est pas d'usage de parler après un Ministre de la République. Je tiens cependant à dire que la régionalisation se trouve au cur de la proposition émise par la CAPEB, la CNAMS et la CGAD. Ils ne proposent pas un dispositif national monolithique. Les partenaires sociaux ont donné leur accord à une loi de 1993. Sur le plan de la formation professionnelle, il n'existe aucun désaccord entre l'UPA, le MEDEF et la CGPME. La chose s'est révélée plus complexe dans l'artisanat en raison d'une loi de 1982 qui a instauré pour nous un régime dérogatoire. Nous considérons plus avantageux aujourd'hui de nous inscrire dans le cadre de la loi commune, à laquelle l'ensemble des autres secteurs se sont d'ores et déjà adaptés: le petit commerce, l'agriculture, etc.... Je suis persuadé que nous ne sommes pas loin d'une solution acceptable par tous.
En ce qui concerne les autres objectifs que vous avez exposés, vous savez que nous les partageons. Nous savons pouvoir compter sur vous et vous pouvez compter sur nous. Les enjeux sont tellement importants. Ce secteur a tellement d'avenir. Connaissez-vous beaucoup de secteurs capables de créer un million d'emplois dans les 10 années à venir ?
Renaud DUTREIL - Monsieur le Président, vous êtes un homme de caractère. Les hommes comme vous sont plus intéressants que les indécis. Nous avons besoin aujourd'hui d'une vision panoramique des problèmes de l'artisanat. Le temps nous est compté. Nous devons mettre à profit au maximum le temps de la réforme. Sur certains thèmes, nous tombons rapidement d'accord. Ainsi, ce que vous m'avez proposé en matière d'apprentissage va dans le sens de mes convictions les plus fortes. D'autres choses demeurent à réaliser. Je suis toujours demandeur de propositions innovantes. Le contexte actuel m'impose d'y mettre une condition : qu'elles soient peu onéreuses. D'autres temps viendront où nous disposerons de plus de moyens budgétaires et serons en mesure de diminuer les prélèvements obligatoires. Cela nous permettra de libérer les énergies, ô combien nombreuses dans l'artisanat. Je vous remercie.
(source http://www.upa.fr, le 29 octobre 2003)