Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les députés,
Je souhaite tout d'abord remercier les orateurs que nous venons d'entendre, ainsi que les rapporteurs Guy GEOFFROY pour la commission des lois, et Gilles CARREZ pour la commission des finances, qui ont fait un travail remarquable sur ce sujet si sensible.
Je suis particulièrement heureux de vous présenter, avec Dominique DE VILLEPIN, cette loi organique. Elle constitue le dernier élément de l'édifice constitutionnel que le Gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN a souhaité mettre en place, pour définir un cadre loyal à l'autonomie financière des collectivités locales.
Il s'agit d'un projet ambitieux,
- qui conditionne sur le long terme les rapports entre l'Etat et les collectivités locales
- et qui s'inscrit plus généralement dans le vaste mouvement de décentralisation que nous avons engagé, pour moderniser nos institutions et répondre à un impératif d'efficacité publique.
Je me réjouis donc de la qualité du débat que vous avez engagé aujourd'hui à ce sujet :
- il illustre l'intérêt de la représentation générale pour cet important sujet
- et il m'invite à vous apporter, en toute transparence, des réponses précises et claires aux questions que vous avez souhaité soulever.
Je retiens en effet de vos interventions 4 principaux sujets de préoccupations :
I. Qu'est ce qu'une ressource propre des collectivités territoriales ?
II. A quel niveau doit être fixée la part déterminante garantissant l'autonomie financière des collectivités territoriales ?
III. Comment ce dispositif s'articule-t-il avec l'impératif désormais constitutionnel de péréquation?
IV. Par quels mécanismes le gouvernement garantira-t-il le maintien du niveau de part déterminante ?
I Qu'est-ce qu'une ressource propre des collectivités territoriales ?
Parmi les orateurs de ce soir, plusieurs ont souhaité appeler l'attention du Gouvernement sur la notion de ressource propre, telle qu'elle est définie par la Loi Organique.
Dans cette définition, un premier point pose problème : c'est le transfert d'impôt sans possibilité de fixer les taux.
A) Un partage d'impôt national sans vote de taux ni possibilité de modulation de l'assiette est-il une ressource propre des collectivités locales au sens de l'article 72-2 de la constitution ?
Sur cette question capitale qui a été soulevée notamment par MM de Courson et Bonrepaux, je veux vous apporter deux types de réponses, l'une juridique, l'autre politique :
1) La définition proposée par la loi est sécurisée juridiquement
- Cette définition correspond parfaitement à l'esprit de la Constitution, qui ne restreint pas la notion de " produit d'impositions de toutes natures " aux ressources dont le taux ou l'assiette peuvent être fixés par la collectivité.
- Cette interprétation a d'ailleurs été confirmée par le Conseil d'Etat, lorsqu'il a examiné le projet de loi organique.
- Quant au Conseil Constitutionnel, il n'a jamais subordonné la notion d'autonomie financière à l'existence d'un pouvoir de fixer les taux par les collectivités.
=>L'analyse semble donc sécurisée juridiquement. Mais j'irai plus loin : elle me paraît aussi être la seule politiquement acceptable, et là je crois qu'il faut être pragmatique et se dire les choses clairement.
2) Cette définition est la seule acceptable politiquement
Sur ce sujet, nous sommes à la croisée des chemins, et j'appelle chacun à faire preuve de bon sens et d'esprit de responsabilité.
Le système existant ne satisfait personne : les élus ne cessent de critiquer le système des " quatre vieilles ", inadaptées à la vie publique moderne, et qui créent des inégalités très grandes entre les territoires.
Aujourd'hui, certains d'entre vous semblent pourtant continuer à raisonner dans cette logique dépassée en refusant que le partage d'impôts nationaux soit considéré comme une ressource propre des collectivités.
Pourtant il s'agit bien, à la différence des dotations, de vraies ressources, évolutives et dynamiques :
* Prenons un exemple concret :
La DGF a augmenté d'environ 2 % entre 2003-2004.
- Si le Gouvernement remplace un montant de 100 de DGF par une part équivalente de produit d'un impôt national adossé à l'activité économique dont la base augmente de 5% par an,
- alors l'année suivante la collectivité disposera de 105 et non de 102
- et il ne dépendra que du dynamisme de sa politique que l'augmentation des bases soit encore supérieure l'année suivante.
=> Il y a donc une vraie différence de nature entre une dotation et un transfert d'impôt national.
Par ailleurs, vous n'ignorez pas les difficultés techniques, notamment à cause des contraintes européennes, pour mettre en place des taux régionaux et/ou départementaux sur les bases d'impôts nationaux.
Nous appelons donc chacun à faire preuve de réalisme et de pragmatisme : l'Etat ne dispose plus d'impôt avec un produit suffisant, pour lequel il soit possible de moduler les taux.
=> En résumé,
- Si on n'accepte pas que le transfert d'un impôt sans pouvoir de fixer les taux soit une ressource propre, qu'est-ce que cela veut dire ?
- Cela veut dire qu'on se condamne à n'avoir plus de marge de manuvre financière, et donc à ne plus pouvoir faire aucune décentralisation, ni aucun transfert.
B/ Les dégrèvements doivent-ils être comptabilisés dans les ressources propres ?
L'autre grand sujet, à propos de la définition des ressources propres, concerne les dégrèvements. M. X s'est ému de voir que le projet du gouvernement prévoyait d'inclure les dégrèvements dans les ressources propres des collectivités territoriales. Je ne peux que m'en étonner.
Il faut entrer un instant dans la technique fiscale, mais la réponse me semble cohérente :
- Qu'est-ce qu'un dégrèvement ? C'est un mécanisme qui permet de réduire la cotisation fiscale du redevable de l'impôt tout en restant transparent pour la collectivité.
En effet, les bases imposables notifiées à la collectivité, et sur lesquelles s'exerce son pouvoir fiscal, comprennent celles qui font l'objet d'un dégrèvement.
La collectivité est ainsi assurée de percevoir le produit fiscal par application du taux voté aux bases imposables.
=> Ces dégrèvements sont inclus dans les ressources propres des collectivités dans la mesure où ces dernières ont perçu le produit fiscal voté.
- Rien à voir, donc, avec les compensations par l'Etat des exonérations d'impôts, qui elles ne sont pas comptabilisées dans les ressources propres.
Elles s'apparentent en fait à des dotations puisqu'elles font l'objet d'un versement spécifique, distinct de celui du produit de l'impôt et qu'elles sont calculées en appliquant aux bases exonérées le taux historique de l'impôt.
- Le montant total des dégrèvements législatifs pris en charge par l'Etat s'est élevé en 2001 à environ 8 Mds .
=> Si nous retirions ce montant des ressources propres nous ferions chuter le taux d'autonomie financière de 2003 de manière importante.
Ceci n'est certainement pas l'objectif poursuivi par le parlement puisque ce taux, nous y reviendrons, doit servir de seuil en dessous duquel il ne sera plus possible de descendre après le vote de la présente loi organique.
II A quel niveau doit être fixée la part déterminante garantissant l'autonomie financière des collectivités territoriales ?
Deux questions principales relatives à la définition de la part déterminante ont été soulevées par les différents orateurs :
- la première est de savoir si cette part déterminante doit être fixée en valeur absolue ;
- la deuxième si l'année 2003 peut être la référence pertinente en dessous de laquelle il ne sera plus possible à l'avenir de descendre.
A/ Pourquoi la loi organique ne fixe-t-elle pas la part déterminante en valeur absolue ?
La référence à un taux unique et fixé ex ante, comme le préconisait le président Poncelet dans sa proposition de loi en 2000, n'a pas été retenue par le Gouvernement pour plusieurs raisons :
Cela reviendrait à fixer un taux unique pour les trois grandes catégories de collectivités.
On ne tiendrait donc compte :
- ni de l'hétérogénéité actuelle des niveaux d'autonomie financière des catégories de collectivités locales,
- ni des types de compétences exercées par chacune de ces collectivités qui sont, vous le savez, très diversifiées.
En effet, chaque niveau de collectivité supporte des charges de nature différente et a une structure budgétaire particulière. Un taux uniforme ne peut répondre aux contraintes spécifiques des différentes catégories de collectivités.
Par ailleurs, il serait de plus extrêmement difficile de fixer ce taux et de dire si c'est 15 %, 30 %, 48,7 % ou bien 50 % qui doit être retenu comme seuil.
- En effet, aucun repère fiable n'existe actuellement. Même le conseil constitutionnel a indiqué, au cours de ces dernières années, que les modifications affectant la fiscalité locale n'entravaient pas la libre administration des collectivités et donc leur autonomie financière. Sa jurisprudence n'a pas fait émerger de "bon niveau" d'autonomie.
Enfin, fixer un taux en valeur absolue pourrait conduire à retenir pour certaines catégories un taux inférieur à celui qui sera constaté en 2003 qui est, je vous le rappelle :
- 53 % pour communes et groupements ;
- 51,6 % pour les départements ;
- 35,5 % pour les régions.
C'est donc pour ne pas pénaliser les collectivités que je propose de retenir le niveau d'autonomie atteint en 2003 qui constituera un seuil au-dessous duquel ne peut être ramenée la part des recettes fiscales et autres ressources propres.
Pour mémoire, la moyenne d'autonomie fiscale des pays du Conseil de l'Europe est de 25,7 %, plaçant la France au 8ème rang.
=> On fait donc mieux que la plupart des pays européennes en matière d'autonomie financière. Dans ces conditions, la garantie qu'on ne puisse pas descendre en dessous du niveau atteint en 2003 est une garantie forte et loyale.
B/ Pourquoi choisir l'année 2003 comme année de référence et pas 2002 par exemple ?
L'année 2002 était encore une année de transition : la réforme Jospin de suppression progressive de la part salariale de la TP n'était pas encore achevée.
- C'est d'ailleurs ce qui a justifié la jurisprudence du CC qui a estimé que l'année 2003 garantit la libre administration des collectivités, puisqu'elle coïncide avec l'achèvement de la réforme qui a abouti à la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle
- 2003 donc est une référence pertinente car elle "remet les compteurs à zéro".
Il serait paradoxal que l'opposition nous demande de prendre en compte dans le calcul de l'autonomie financière la dernière tranche de la part salaire de la taxe professionnelle, appelée à disparaître l'année suivante du fait des suppressions de fiscalité locale voulues par le gouvernement de M. Jospin !!!
III Comment ce dispositif s'articule-t-il avec l'impératif désormais constitutionnel de péréquation?
Je tiens à indiquer tout d'abord que la loi organique que nous examinons aujourd'hui est prise en application du 2ème alinéa de l'article 72-2 de la constitution et qu'elle vise à définir les contours de l'autonomie financière des collectivités financières des collectivités territoriales.
Elle n'a pas pour vocation de définir les modalités de mise en uvre de l'alinéa suivant de l'article 72-2 qui pose le principe de la péréquation.
=>La loi organique serait, d'ailleurs, inconstitutionnelle si elle le faisait
Je suis, comme beaucoup ici, M. Brard, M. Fabius et bien d'autres, très attaché au principe de péréquation :
- C'est d'ailleurs ce gouvernement qui l'a introduit dans la Constitution
- C'est aussi ce Gouvernement qui a, dès la loi de finances 2004, créé une " part péréquation " au sein de la DGF, dans le cadre de la première étape de la réforme des dotations.
La péréquation, c'est donc une priorité : elle sera mise en uvre, mais avec un véhicule législatif qui n'est pas la LO. Pourquoi ?
- Parce que l'outil de la péréquation est la dotation de l'Etat aux collectivités locales. Mais elle n'est pas comptabilisée dans les ressources propres et c'est normal puisque son montant est fixé par l'Etat à partir de règles nationales.
La péréquation sera donc l'un des axes forts de la prochaine réforme des dotations prévue pour 2005. Cette deuxième étape portera sur les règles de répartition internes de ces dotations afin notamment de les rendre plus péréquatrices.
- Le comité des finances locales qui était chargé de me faire des propositions dans ce sens a adopté son rapport au Gouvernement le 28 avril dernier. C'est à partir de ces propositions qui contiennent, je le sais, des mesures de nature à accentuer le caractère péréquateur des dotations que je préparerai un projet de loi pour réformer les dotations.
=> En un mot, si la péréquation est une préoccupation forte du Gouvernement, elle n'a pas sa place dans le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui.
IV Par quels mécanismes le gouvernement garantira-t-il le maintien du niveau de part déterminante ?
Le projet de loi, je le rappelle, définit :
- les conditions dans lesquelles le gouvernement rend compte au Parlement de sa mise en uvre, et de l'évolution de la part des ressources propres pour chaque catégorie de collectivités territoriales
- Il prévoit les conditions dans lesquelles le gouvernement garantit au minimum le maintien des niveaux atteints en 2003.
Un délai maximal de deux ans est nécessaire pour recueillir et consolider les données chiffrées.
- Dans la rédaction actuelle du projet de loi, un délai supplémentaire de trois ans donne au législateur la souplesse nécessaire pour faire évoluer la fiscalité locale tout en l'obligeant à un rétablissement global du niveau des ressources propres dans le cadre de la loi de finances.
- Ce délai de trois ans semble contesté. Le gouvernement l'a noté. Et il est prêt à examiner avec intérêt la possibilité de le ramener à deux ans.
En ce qui concerne la réduction des écarts à la moyenne qui est demandée par MM X, Y et Z, je dois vous préciser que le gouvernement ne pourra disposer de ces données que pour les départements et les régions.
- En tout état de cause, ces écarts sont souvent le résultat de politiques fiscales et d'emprunt propres à chacune des collectivités locales
- Il s'agit en effet de politiques sur lesquelles il n'est pas dans l'intention du Gouvernement d'intervenir. Et c'est bien normal puisque la loi vise justement à garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Je vous remercie.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 5 juillet 2004)
Mesdames et messieurs les députés,
Je souhaite tout d'abord remercier les orateurs que nous venons d'entendre, ainsi que les rapporteurs Guy GEOFFROY pour la commission des lois, et Gilles CARREZ pour la commission des finances, qui ont fait un travail remarquable sur ce sujet si sensible.
Je suis particulièrement heureux de vous présenter, avec Dominique DE VILLEPIN, cette loi organique. Elle constitue le dernier élément de l'édifice constitutionnel que le Gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN a souhaité mettre en place, pour définir un cadre loyal à l'autonomie financière des collectivités locales.
Il s'agit d'un projet ambitieux,
- qui conditionne sur le long terme les rapports entre l'Etat et les collectivités locales
- et qui s'inscrit plus généralement dans le vaste mouvement de décentralisation que nous avons engagé, pour moderniser nos institutions et répondre à un impératif d'efficacité publique.
Je me réjouis donc de la qualité du débat que vous avez engagé aujourd'hui à ce sujet :
- il illustre l'intérêt de la représentation générale pour cet important sujet
- et il m'invite à vous apporter, en toute transparence, des réponses précises et claires aux questions que vous avez souhaité soulever.
Je retiens en effet de vos interventions 4 principaux sujets de préoccupations :
I. Qu'est ce qu'une ressource propre des collectivités territoriales ?
II. A quel niveau doit être fixée la part déterminante garantissant l'autonomie financière des collectivités territoriales ?
III. Comment ce dispositif s'articule-t-il avec l'impératif désormais constitutionnel de péréquation?
IV. Par quels mécanismes le gouvernement garantira-t-il le maintien du niveau de part déterminante ?
I Qu'est-ce qu'une ressource propre des collectivités territoriales ?
Parmi les orateurs de ce soir, plusieurs ont souhaité appeler l'attention du Gouvernement sur la notion de ressource propre, telle qu'elle est définie par la Loi Organique.
Dans cette définition, un premier point pose problème : c'est le transfert d'impôt sans possibilité de fixer les taux.
A) Un partage d'impôt national sans vote de taux ni possibilité de modulation de l'assiette est-il une ressource propre des collectivités locales au sens de l'article 72-2 de la constitution ?
Sur cette question capitale qui a été soulevée notamment par MM de Courson et Bonrepaux, je veux vous apporter deux types de réponses, l'une juridique, l'autre politique :
1) La définition proposée par la loi est sécurisée juridiquement
- Cette définition correspond parfaitement à l'esprit de la Constitution, qui ne restreint pas la notion de " produit d'impositions de toutes natures " aux ressources dont le taux ou l'assiette peuvent être fixés par la collectivité.
- Cette interprétation a d'ailleurs été confirmée par le Conseil d'Etat, lorsqu'il a examiné le projet de loi organique.
- Quant au Conseil Constitutionnel, il n'a jamais subordonné la notion d'autonomie financière à l'existence d'un pouvoir de fixer les taux par les collectivités.
=>L'analyse semble donc sécurisée juridiquement. Mais j'irai plus loin : elle me paraît aussi être la seule politiquement acceptable, et là je crois qu'il faut être pragmatique et se dire les choses clairement.
2) Cette définition est la seule acceptable politiquement
Sur ce sujet, nous sommes à la croisée des chemins, et j'appelle chacun à faire preuve de bon sens et d'esprit de responsabilité.
Le système existant ne satisfait personne : les élus ne cessent de critiquer le système des " quatre vieilles ", inadaptées à la vie publique moderne, et qui créent des inégalités très grandes entre les territoires.
Aujourd'hui, certains d'entre vous semblent pourtant continuer à raisonner dans cette logique dépassée en refusant que le partage d'impôts nationaux soit considéré comme une ressource propre des collectivités.
Pourtant il s'agit bien, à la différence des dotations, de vraies ressources, évolutives et dynamiques :
* Prenons un exemple concret :
La DGF a augmenté d'environ 2 % entre 2003-2004.
- Si le Gouvernement remplace un montant de 100 de DGF par une part équivalente de produit d'un impôt national adossé à l'activité économique dont la base augmente de 5% par an,
- alors l'année suivante la collectivité disposera de 105 et non de 102
- et il ne dépendra que du dynamisme de sa politique que l'augmentation des bases soit encore supérieure l'année suivante.
=> Il y a donc une vraie différence de nature entre une dotation et un transfert d'impôt national.
Par ailleurs, vous n'ignorez pas les difficultés techniques, notamment à cause des contraintes européennes, pour mettre en place des taux régionaux et/ou départementaux sur les bases d'impôts nationaux.
Nous appelons donc chacun à faire preuve de réalisme et de pragmatisme : l'Etat ne dispose plus d'impôt avec un produit suffisant, pour lequel il soit possible de moduler les taux.
=> En résumé,
- Si on n'accepte pas que le transfert d'un impôt sans pouvoir de fixer les taux soit une ressource propre, qu'est-ce que cela veut dire ?
- Cela veut dire qu'on se condamne à n'avoir plus de marge de manuvre financière, et donc à ne plus pouvoir faire aucune décentralisation, ni aucun transfert.
B/ Les dégrèvements doivent-ils être comptabilisés dans les ressources propres ?
L'autre grand sujet, à propos de la définition des ressources propres, concerne les dégrèvements. M. X s'est ému de voir que le projet du gouvernement prévoyait d'inclure les dégrèvements dans les ressources propres des collectivités territoriales. Je ne peux que m'en étonner.
Il faut entrer un instant dans la technique fiscale, mais la réponse me semble cohérente :
- Qu'est-ce qu'un dégrèvement ? C'est un mécanisme qui permet de réduire la cotisation fiscale du redevable de l'impôt tout en restant transparent pour la collectivité.
En effet, les bases imposables notifiées à la collectivité, et sur lesquelles s'exerce son pouvoir fiscal, comprennent celles qui font l'objet d'un dégrèvement.
La collectivité est ainsi assurée de percevoir le produit fiscal par application du taux voté aux bases imposables.
=> Ces dégrèvements sont inclus dans les ressources propres des collectivités dans la mesure où ces dernières ont perçu le produit fiscal voté.
- Rien à voir, donc, avec les compensations par l'Etat des exonérations d'impôts, qui elles ne sont pas comptabilisées dans les ressources propres.
Elles s'apparentent en fait à des dotations puisqu'elles font l'objet d'un versement spécifique, distinct de celui du produit de l'impôt et qu'elles sont calculées en appliquant aux bases exonérées le taux historique de l'impôt.
- Le montant total des dégrèvements législatifs pris en charge par l'Etat s'est élevé en 2001 à environ 8 Mds .
=> Si nous retirions ce montant des ressources propres nous ferions chuter le taux d'autonomie financière de 2003 de manière importante.
Ceci n'est certainement pas l'objectif poursuivi par le parlement puisque ce taux, nous y reviendrons, doit servir de seuil en dessous duquel il ne sera plus possible de descendre après le vote de la présente loi organique.
II A quel niveau doit être fixée la part déterminante garantissant l'autonomie financière des collectivités territoriales ?
Deux questions principales relatives à la définition de la part déterminante ont été soulevées par les différents orateurs :
- la première est de savoir si cette part déterminante doit être fixée en valeur absolue ;
- la deuxième si l'année 2003 peut être la référence pertinente en dessous de laquelle il ne sera plus possible à l'avenir de descendre.
A/ Pourquoi la loi organique ne fixe-t-elle pas la part déterminante en valeur absolue ?
La référence à un taux unique et fixé ex ante, comme le préconisait le président Poncelet dans sa proposition de loi en 2000, n'a pas été retenue par le Gouvernement pour plusieurs raisons :
Cela reviendrait à fixer un taux unique pour les trois grandes catégories de collectivités.
On ne tiendrait donc compte :
- ni de l'hétérogénéité actuelle des niveaux d'autonomie financière des catégories de collectivités locales,
- ni des types de compétences exercées par chacune de ces collectivités qui sont, vous le savez, très diversifiées.
En effet, chaque niveau de collectivité supporte des charges de nature différente et a une structure budgétaire particulière. Un taux uniforme ne peut répondre aux contraintes spécifiques des différentes catégories de collectivités.
Par ailleurs, il serait de plus extrêmement difficile de fixer ce taux et de dire si c'est 15 %, 30 %, 48,7 % ou bien 50 % qui doit être retenu comme seuil.
- En effet, aucun repère fiable n'existe actuellement. Même le conseil constitutionnel a indiqué, au cours de ces dernières années, que les modifications affectant la fiscalité locale n'entravaient pas la libre administration des collectivités et donc leur autonomie financière. Sa jurisprudence n'a pas fait émerger de "bon niveau" d'autonomie.
Enfin, fixer un taux en valeur absolue pourrait conduire à retenir pour certaines catégories un taux inférieur à celui qui sera constaté en 2003 qui est, je vous le rappelle :
- 53 % pour communes et groupements ;
- 51,6 % pour les départements ;
- 35,5 % pour les régions.
C'est donc pour ne pas pénaliser les collectivités que je propose de retenir le niveau d'autonomie atteint en 2003 qui constituera un seuil au-dessous duquel ne peut être ramenée la part des recettes fiscales et autres ressources propres.
Pour mémoire, la moyenne d'autonomie fiscale des pays du Conseil de l'Europe est de 25,7 %, plaçant la France au 8ème rang.
=> On fait donc mieux que la plupart des pays européennes en matière d'autonomie financière. Dans ces conditions, la garantie qu'on ne puisse pas descendre en dessous du niveau atteint en 2003 est une garantie forte et loyale.
B/ Pourquoi choisir l'année 2003 comme année de référence et pas 2002 par exemple ?
L'année 2002 était encore une année de transition : la réforme Jospin de suppression progressive de la part salariale de la TP n'était pas encore achevée.
- C'est d'ailleurs ce qui a justifié la jurisprudence du CC qui a estimé que l'année 2003 garantit la libre administration des collectivités, puisqu'elle coïncide avec l'achèvement de la réforme qui a abouti à la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle
- 2003 donc est une référence pertinente car elle "remet les compteurs à zéro".
Il serait paradoxal que l'opposition nous demande de prendre en compte dans le calcul de l'autonomie financière la dernière tranche de la part salaire de la taxe professionnelle, appelée à disparaître l'année suivante du fait des suppressions de fiscalité locale voulues par le gouvernement de M. Jospin !!!
III Comment ce dispositif s'articule-t-il avec l'impératif désormais constitutionnel de péréquation?
Je tiens à indiquer tout d'abord que la loi organique que nous examinons aujourd'hui est prise en application du 2ème alinéa de l'article 72-2 de la constitution et qu'elle vise à définir les contours de l'autonomie financière des collectivités financières des collectivités territoriales.
Elle n'a pas pour vocation de définir les modalités de mise en uvre de l'alinéa suivant de l'article 72-2 qui pose le principe de la péréquation.
=>La loi organique serait, d'ailleurs, inconstitutionnelle si elle le faisait
Je suis, comme beaucoup ici, M. Brard, M. Fabius et bien d'autres, très attaché au principe de péréquation :
- C'est d'ailleurs ce gouvernement qui l'a introduit dans la Constitution
- C'est aussi ce Gouvernement qui a, dès la loi de finances 2004, créé une " part péréquation " au sein de la DGF, dans le cadre de la première étape de la réforme des dotations.
La péréquation, c'est donc une priorité : elle sera mise en uvre, mais avec un véhicule législatif qui n'est pas la LO. Pourquoi ?
- Parce que l'outil de la péréquation est la dotation de l'Etat aux collectivités locales. Mais elle n'est pas comptabilisée dans les ressources propres et c'est normal puisque son montant est fixé par l'Etat à partir de règles nationales.
La péréquation sera donc l'un des axes forts de la prochaine réforme des dotations prévue pour 2005. Cette deuxième étape portera sur les règles de répartition internes de ces dotations afin notamment de les rendre plus péréquatrices.
- Le comité des finances locales qui était chargé de me faire des propositions dans ce sens a adopté son rapport au Gouvernement le 28 avril dernier. C'est à partir de ces propositions qui contiennent, je le sais, des mesures de nature à accentuer le caractère péréquateur des dotations que je préparerai un projet de loi pour réformer les dotations.
=> En un mot, si la péréquation est une préoccupation forte du Gouvernement, elle n'a pas sa place dans le projet de loi qui vous est présenté aujourd'hui.
IV Par quels mécanismes le gouvernement garantira-t-il le maintien du niveau de part déterminante ?
Le projet de loi, je le rappelle, définit :
- les conditions dans lesquelles le gouvernement rend compte au Parlement de sa mise en uvre, et de l'évolution de la part des ressources propres pour chaque catégorie de collectivités territoriales
- Il prévoit les conditions dans lesquelles le gouvernement garantit au minimum le maintien des niveaux atteints en 2003.
Un délai maximal de deux ans est nécessaire pour recueillir et consolider les données chiffrées.
- Dans la rédaction actuelle du projet de loi, un délai supplémentaire de trois ans donne au législateur la souplesse nécessaire pour faire évoluer la fiscalité locale tout en l'obligeant à un rétablissement global du niveau des ressources propres dans le cadre de la loi de finances.
- Ce délai de trois ans semble contesté. Le gouvernement l'a noté. Et il est prêt à examiner avec intérêt la possibilité de le ramener à deux ans.
En ce qui concerne la réduction des écarts à la moyenne qui est demandée par MM X, Y et Z, je dois vous préciser que le gouvernement ne pourra disposer de ces données que pour les départements et les régions.
- En tout état de cause, ces écarts sont souvent le résultat de politiques fiscales et d'emprunt propres à chacune des collectivités locales
- Il s'agit en effet de politiques sur lesquelles il n'est pas dans l'intention du Gouvernement d'intervenir. Et c'est bien normal puisque la loi vise justement à garantir l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Je vous remercie.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 5 juillet 2004)