Texte intégral
Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la Commission des lois,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le projet de loi relatif à l'octroi de mer que j'ai l'honneur de présenter devant votre Assemblée constitue sans aucun doute un texte très important pour nos quatre départements d'outre-mer. C'est aussi - et c'est le corollaire de son importance - un texte particulièrement attendu. C'est enfin un texte d'un abord un peu difficile où se mêlent des compétences de différents niveaux : niveau communautaire, niveau national et niveau décentralisé.
Il est important parce qu'il assure des ressources aux budgets des collectivités, en particulier pour les communes, et qu'en même temps il favorise le développement des entreprises locales en instaurant des possibilités d'exonérations.
Il est très attendu parce que cela fait en réalité plus de deux ans qu'un tel texte aurait dû être présenté au Parlement.
Sa bonne compréhension enfin ne peut se faire sans que soit exposé le rôle joué par les autorités communautaires - Commission et Conseil - dans sa mise au point.
Aussi, avant de vous préciser les principaux objectifs poursuivis par le Gouvernement à travers ce texte, permettez-moi de faire un bref rappel sur l'origine et les fonctions de l'octroi de mer tout en le replaçant dans le contexte du droit communautaire.
1 - Qu'est ce que l'octroi de mer ?
L'octroi de mer est une imposition spécifique aux départements d'outre-mer (DOM). Il s'agit d'un droit de consommation très ancien, perçu depuis le XVIIème siècle, qui relève aujourd'hui de la compétence des conseils régionaux. Son produit alimente les budgets des communes des DOM, ainsi que celui du département de la Guyane. Les budgets des régions d'outre-mer sont également bénéficiaires, depuis 1984, d'un droit additionnel à l'octroi de mer (DAOM).
En 2003 le produit total de l'octroi de mer pour les quatre DOM s'élevait à 615 M et celui du droit additionnel à l'octroi de mer à 140 M. Autant dire que cette ressource tient une place déterminante au sein des budgets des collectivités.
Il s'agit d'une ressource essentielle pour les communes : elle représente de 25 % à 30 % en moyenne de leurs recettes réelles de fonctionnement suivant les DOM.
L'octroi de mer a aussi pour objet d'apporter un soutien aux entreprises des DOM à travers la possibilité d'exonérations totales ou partielles d'octroi de mer des productions locales, sous certaines conditions, tandis que les importations de produits de même nature peuvent rester taxées.
A cet égard, il apparaît que l'octroi de mer contribue à améliorer la valeur ajoutée des entreprises dans les secteurs agricoles et industriels à hauteur de 22 % à La Réunion et jusqu'à 32 % en Martinique.
Sans la mise en place des différentiels d'octroi de mer la plupart des entreprises des DOM ne pourrait atteindre un seuil de rentabilité économique compte tenu des handicaps auxquelles elles sont confrontées.
Toutefois, le maintien de cette forme de soutien économique - dérogatoire au Traité instituant la Communauté européenne - suppose l'accord des autorités communautaires sous la forme d'une décision du Conseil européen sur proposition de la Commission. Cette dernière repose, quant à elle, sur une demande de la France sur la base de l'article 299 § 2 du Traité d'Amsterdam. Cet article reconnaît les handicaps structurels auxquels sont confrontés les producteurs des régions " ultra- périphériques " de l'Union européenne, et donc des DOM.
2 - Le contexte communautaire
Le régime d'exonérations en vigueur est issu de la loi de 1992 et trouvait son origine dans la décision du Conseil européen de 1989. Il arrivait à échéance le 31 décembre 2002.
Ce n'est qu'en mars 2002, que le Gouvernement socialiste avait déposé à la Commission européenne une demande relative au maintien de l'octroi de mer. Cette demande visait à reconduire à l'identique le régime existant. La Commission jugeant cette demande insuffisamment étayée, l'avait rejetée. L'existence du régime d'exonérations de l'octroi de mer se trouvait en conséquence gravement menacé au-delà du 31 décembre 2002.
En mai 2002, ce dossier a donc été pour nous prioritaire et a consisté à obtenir de Bruxelles, en urgence, la prorogation d'un an du régime, jusqu'à fin 2003. En contrepartie, une nouvelle demande circonstanciée devait être présentée par la France, dans des délais compatibles avec la prise de décision au plan européen.
Le " sursis " ainsi obtenu a été mis à profit pour préparer, en étroite concertation avec les exécutifs régionaux et les acteurs économiques locaux, une nouvelle demande circonstanciée, remise au Commissaire Bolkestein en avril 2003.
Sur cette base, cette fois convaincante, des discussions intenses ont eu lieu avec les services de la Commission pour lui permettre de faire sienne, pour une très large part, la demande de la France et présenter, le 17 décembre 2003, une proposition au Conseil et au Parlement européen.
Ainsi le Conseil a pu adopter en février dernier une décision favorable à la France.
Est ainsi instaurée dans les DOM, jusqu'au 1er juillet 2014, un régime permettant de faire bénéficier une liste de produits locaux d'écarts de taux d'octroi de mer dans des limites précisément définies. La totalité des productions qui avaient été recensées dans la demande française d'avril 2003 ont été prises en compte. Le Conseil, à la demande de la France, a même accepté d'ajouter les produits dérivés du rhum dans la liste bénéficiant du maximum d'écart de taux.
Ce faisant, la décision du Conseil prévoit que le nouveau régime doit être en place le 1er août 2004. Ce calendrier explique la demande d'examen en urgence par le Parlement du projet de loi relatif à l'octroi de mer, qui a principalement pour objet de transposer dans le droit national le nouveau dispositif d'exonérations.
Enfin, pour être complet sur ce volet communautaire, il reste à préciser qu'à la demande de la Commission (direction générale de la concurrence) le projet de loi a été notifié au titre des " aides d'Etat ". Cette notification, intervenue début mars, a donné lieu à quelques questions de la Commission auxquelles le Gouvernement a répondu sans délai. Ainsi, la Commission a pu confirmer la semaine dernière la compatibilité du présent projet de loi avec la réglementation communautaire relative aux aides d'Etat.
C'est donc à l'issue d'un très long processus, où l'on compte pas moins de 11 réunions à Bruxelles, que le volet communautaire de ce dossier a pu être conclu.
3 - Les principaux objectifs du projet de loi
Trois objectifs principaux sont poursuivis :1) le maintien du soutien économique apporté aux entreprises des DOM à travers l'outil fiscal qu'est l'octroi de mer ; 2) une meilleure utilisation budgétaire du produit de cette taxe et enfin 3) une simplification administrative.
1) En matière économique,
le premier objectif du projet est de transposer dans le droit national le nouveau dispositif d'exonérations autorisé par la décision du Conseil. Ce nouveau dispositif repose sur la définition de 3 listes de produits, dans chaque DOM, auxquels sont associés des écarts maximum de taxation entre les produits locaux et les produits importés identiques. L'avantage ainsi conféré aux productions locales doit rester dans une limite de 10, 20 ou 30 points. Les listes A , B et C de produits correspondant à ces écarts de 10, 20 ou 30 points se réfèrent à la nomenclature douanière et forment l'annexe à la décision du Conseil .
Ainsi, par exemple, en Guadeloupe les eaux minérales produites localement figurent à l'annexe B de la décision du Conseil sous le code 22 01 10. De ce fait, elles peuvent bénéficier d'un écart de taux de 20 points maximum en leur faveur. Si la région décide de taxer cette production locale à 5 %, alors la taxation des importations d'eaux minérales ne peut excéder 25 % pour respecter l'écart maximum de 20 points autorisé par le Conseil.
La décision du Conseil prévoit également que les petites entreprises, c'est-à-dire celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550 000 , continuent à être exonérées d'octroi de mer. Cette disposition est bien reprise dans le projet de loi. En outre, un supplément de protection leur est apporté qui prend la forme d'une majoration de 5 points des écarts de taux maximum.
Ainsi, pour reprendre mon exemple, une eau minérale guadeloupéenne produite par une petite entreprise sera exonérée d'octroi de mer. L'eau minérale importée sera quant à elle taxée à 25 %.
Dans le cas d'un produit ne figurant sur aucune des listes, et par conséquent pour lequel aucun écart de taux n'est fixé, un maximum de 5 points de taxation pourra être appliqué.
Cette dernière disposition permettra de conserver une gestion de la taxe proche de celle qui a prévalu jusque là et qui laissait ces " petites " entreprises hors du champ de l'octroi de mer.
Ainsi, à la différence du dispositif actuel de l'octroi de mer qui repose sur un système de taux plafonnés à 30 % (50 % pour les alcools), pouvant donner lieu à des réductions de taxation au bénéfice de toute production locale, sous réserve d'une justification du besoin économique, le nouveau dispositif instaure un système où les taux sont a priori libres sous réserve du respect des écarts de taxation autorisés, au bénéfice des production locales, pour une liste de produits précisée par la décision du Conseil.
Cette nouvelle approche, qui résulte d'une exigence communautaire, a nécessité un effort important de la part des régions et des socio-professionnels, qu'il convient de saluer, pour disposer d'une meilleure connaissance des productions locales et de leurs besoins en terme de soutien. En effet , ces écarts et ces listes ont été élaborés avec les acteurs locaux pour rester au plus près des pratiques existantes.
Pour le reste, en matière économique, le projet reconduit l'existant :
le marché unique antillais, destiné à accroître et améliorer les échanges entre la Guadeloupe et la Martinique est maintenu . Le chapitre IX regroupe des dispositions éparses de la loi du 17 juillet 1992 concernant le document d'accompagnement qui couvre la circulation des biens sur ce marché, le régime du versement annuel de la taxe d'octroi de mer dans le département de destination et le régime de sanction applicable aux irrégularités.
le dispositif antillo-guyanais qui prévoit, pour la circulation des marchandises entre la Guyane et le marché antillais, une perception de l'octroi de mer dans le département d'origine et une exonération dans le département d'arrivée est également inchangé ;
les " régimes suspensifs ", comme par exemple le placement de marchandises importées sous entrepôt, sont maintenant explicitement reconnus. Ils permettent de différer le paiement de l'octroi de mer et améliorent en conséquence la trésorerie des entreprises. Ainsi, le dispositif prévu a pour objet de permettre aux opérateurs locaux de ne pas supporter l'octroi de mer sur les biens qu'ils importent et conservent en stock avant de les revendre sur les marchés locaux des départements d'outre-mer. Le dispositif proposé s'appuie sur les régimes suspensifs douaniers tels qu'ils résultent de la réglementation douanière actuelle. Toutefois, pour ne pas diminuer la recette, le dispositif de suspension de l'octroi de mer ne concerne que l'octroi de mer externe.
2) En matière budgétaire,
le seul véritable changement introduit par le projet de loi vise à porter remède à une consommation insuffisante, dans certains DOM, des " fonds régionaux pour le développement et l'emploi " (FRDE). Les FRDE ont été institués pour permettre aux régions d'apporter aux communes, sur des ressources d'octroi de mer, des subventions d'investissement destinées à faciliter l'installation d'entreprises et développer l'emploi.
Pour ce faire, et dans le prolongement d'une première extension apportée pour la Réunion dans le cadre de la loi de programme pour l'outre-mer, il est proposé que l'utilisation du FRDE soit élargie dans tous les DOM.
Je sais par ailleurs que certains d'entre vous ont déposé un amendement visant à retenir une autre logique d'utilisation des FRDE. Nous aurons l'occasion de l'examiner.
Autre modification à noter, le droit additionnel à l'octroi de mer devient l'octroi de mer régional. Comme pour le droit additionnel à l'octroi de mer, le taux maximum de l'octroi de mer régional est de 2,5 %. Ce droit régional, s'ajoutant à l'octroi de mer, devra néanmoins respecter la décision du Conseil en matière d'écarts maximum de taux.
3) En matière administrative,
la principale simplification concerne l'organisation de la gestion de l'octroi de mer.
Les entreprises locales n'auront plus qu'un seul et même interlocuteur, à savoir les services de la douane, dorénavant compétents pour gérer l'ensemble de l'octroi de mer. Les services de la douane reprennent en effet les attributions des services fiscaux en ce qui concerne l'assiette et le contrôle de la taxe pour les productions locales.
En conclusion, le projet de loi qui vous est présenté conforte un instrument fiscal original et essentiel pour les départements d'outre-mer, permettant d'assurer un niveau pertinent de recettes aux collectivités bénéficiaires et constituant un soutien adapté aux entreprises productives.
Ce projet de loi préserve ainsi l'existence du régime de l'octroi de mer, tout en le modernisant et en le simplifiant.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 8 juin 2004)
Monsieur le Président de la Commission des lois,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et Messieurs les députés,
Le projet de loi relatif à l'octroi de mer que j'ai l'honneur de présenter devant votre Assemblée constitue sans aucun doute un texte très important pour nos quatre départements d'outre-mer. C'est aussi - et c'est le corollaire de son importance - un texte particulièrement attendu. C'est enfin un texte d'un abord un peu difficile où se mêlent des compétences de différents niveaux : niveau communautaire, niveau national et niveau décentralisé.
Il est important parce qu'il assure des ressources aux budgets des collectivités, en particulier pour les communes, et qu'en même temps il favorise le développement des entreprises locales en instaurant des possibilités d'exonérations.
Il est très attendu parce que cela fait en réalité plus de deux ans qu'un tel texte aurait dû être présenté au Parlement.
Sa bonne compréhension enfin ne peut se faire sans que soit exposé le rôle joué par les autorités communautaires - Commission et Conseil - dans sa mise au point.
Aussi, avant de vous préciser les principaux objectifs poursuivis par le Gouvernement à travers ce texte, permettez-moi de faire un bref rappel sur l'origine et les fonctions de l'octroi de mer tout en le replaçant dans le contexte du droit communautaire.
1 - Qu'est ce que l'octroi de mer ?
L'octroi de mer est une imposition spécifique aux départements d'outre-mer (DOM). Il s'agit d'un droit de consommation très ancien, perçu depuis le XVIIème siècle, qui relève aujourd'hui de la compétence des conseils régionaux. Son produit alimente les budgets des communes des DOM, ainsi que celui du département de la Guyane. Les budgets des régions d'outre-mer sont également bénéficiaires, depuis 1984, d'un droit additionnel à l'octroi de mer (DAOM).
En 2003 le produit total de l'octroi de mer pour les quatre DOM s'élevait à 615 M et celui du droit additionnel à l'octroi de mer à 140 M. Autant dire que cette ressource tient une place déterminante au sein des budgets des collectivités.
Il s'agit d'une ressource essentielle pour les communes : elle représente de 25 % à 30 % en moyenne de leurs recettes réelles de fonctionnement suivant les DOM.
L'octroi de mer a aussi pour objet d'apporter un soutien aux entreprises des DOM à travers la possibilité d'exonérations totales ou partielles d'octroi de mer des productions locales, sous certaines conditions, tandis que les importations de produits de même nature peuvent rester taxées.
A cet égard, il apparaît que l'octroi de mer contribue à améliorer la valeur ajoutée des entreprises dans les secteurs agricoles et industriels à hauteur de 22 % à La Réunion et jusqu'à 32 % en Martinique.
Sans la mise en place des différentiels d'octroi de mer la plupart des entreprises des DOM ne pourrait atteindre un seuil de rentabilité économique compte tenu des handicaps auxquelles elles sont confrontées.
Toutefois, le maintien de cette forme de soutien économique - dérogatoire au Traité instituant la Communauté européenne - suppose l'accord des autorités communautaires sous la forme d'une décision du Conseil européen sur proposition de la Commission. Cette dernière repose, quant à elle, sur une demande de la France sur la base de l'article 299 § 2 du Traité d'Amsterdam. Cet article reconnaît les handicaps structurels auxquels sont confrontés les producteurs des régions " ultra- périphériques " de l'Union européenne, et donc des DOM.
2 - Le contexte communautaire
Le régime d'exonérations en vigueur est issu de la loi de 1992 et trouvait son origine dans la décision du Conseil européen de 1989. Il arrivait à échéance le 31 décembre 2002.
Ce n'est qu'en mars 2002, que le Gouvernement socialiste avait déposé à la Commission européenne une demande relative au maintien de l'octroi de mer. Cette demande visait à reconduire à l'identique le régime existant. La Commission jugeant cette demande insuffisamment étayée, l'avait rejetée. L'existence du régime d'exonérations de l'octroi de mer se trouvait en conséquence gravement menacé au-delà du 31 décembre 2002.
En mai 2002, ce dossier a donc été pour nous prioritaire et a consisté à obtenir de Bruxelles, en urgence, la prorogation d'un an du régime, jusqu'à fin 2003. En contrepartie, une nouvelle demande circonstanciée devait être présentée par la France, dans des délais compatibles avec la prise de décision au plan européen.
Le " sursis " ainsi obtenu a été mis à profit pour préparer, en étroite concertation avec les exécutifs régionaux et les acteurs économiques locaux, une nouvelle demande circonstanciée, remise au Commissaire Bolkestein en avril 2003.
Sur cette base, cette fois convaincante, des discussions intenses ont eu lieu avec les services de la Commission pour lui permettre de faire sienne, pour une très large part, la demande de la France et présenter, le 17 décembre 2003, une proposition au Conseil et au Parlement européen.
Ainsi le Conseil a pu adopter en février dernier une décision favorable à la France.
Est ainsi instaurée dans les DOM, jusqu'au 1er juillet 2014, un régime permettant de faire bénéficier une liste de produits locaux d'écarts de taux d'octroi de mer dans des limites précisément définies. La totalité des productions qui avaient été recensées dans la demande française d'avril 2003 ont été prises en compte. Le Conseil, à la demande de la France, a même accepté d'ajouter les produits dérivés du rhum dans la liste bénéficiant du maximum d'écart de taux.
Ce faisant, la décision du Conseil prévoit que le nouveau régime doit être en place le 1er août 2004. Ce calendrier explique la demande d'examen en urgence par le Parlement du projet de loi relatif à l'octroi de mer, qui a principalement pour objet de transposer dans le droit national le nouveau dispositif d'exonérations.
Enfin, pour être complet sur ce volet communautaire, il reste à préciser qu'à la demande de la Commission (direction générale de la concurrence) le projet de loi a été notifié au titre des " aides d'Etat ". Cette notification, intervenue début mars, a donné lieu à quelques questions de la Commission auxquelles le Gouvernement a répondu sans délai. Ainsi, la Commission a pu confirmer la semaine dernière la compatibilité du présent projet de loi avec la réglementation communautaire relative aux aides d'Etat.
C'est donc à l'issue d'un très long processus, où l'on compte pas moins de 11 réunions à Bruxelles, que le volet communautaire de ce dossier a pu être conclu.
3 - Les principaux objectifs du projet de loi
Trois objectifs principaux sont poursuivis :1) le maintien du soutien économique apporté aux entreprises des DOM à travers l'outil fiscal qu'est l'octroi de mer ; 2) une meilleure utilisation budgétaire du produit de cette taxe et enfin 3) une simplification administrative.
1) En matière économique,
le premier objectif du projet est de transposer dans le droit national le nouveau dispositif d'exonérations autorisé par la décision du Conseil. Ce nouveau dispositif repose sur la définition de 3 listes de produits, dans chaque DOM, auxquels sont associés des écarts maximum de taxation entre les produits locaux et les produits importés identiques. L'avantage ainsi conféré aux productions locales doit rester dans une limite de 10, 20 ou 30 points. Les listes A , B et C de produits correspondant à ces écarts de 10, 20 ou 30 points se réfèrent à la nomenclature douanière et forment l'annexe à la décision du Conseil .
Ainsi, par exemple, en Guadeloupe les eaux minérales produites localement figurent à l'annexe B de la décision du Conseil sous le code 22 01 10. De ce fait, elles peuvent bénéficier d'un écart de taux de 20 points maximum en leur faveur. Si la région décide de taxer cette production locale à 5 %, alors la taxation des importations d'eaux minérales ne peut excéder 25 % pour respecter l'écart maximum de 20 points autorisé par le Conseil.
La décision du Conseil prévoit également que les petites entreprises, c'est-à-dire celles dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550 000 , continuent à être exonérées d'octroi de mer. Cette disposition est bien reprise dans le projet de loi. En outre, un supplément de protection leur est apporté qui prend la forme d'une majoration de 5 points des écarts de taux maximum.
Ainsi, pour reprendre mon exemple, une eau minérale guadeloupéenne produite par une petite entreprise sera exonérée d'octroi de mer. L'eau minérale importée sera quant à elle taxée à 25 %.
Dans le cas d'un produit ne figurant sur aucune des listes, et par conséquent pour lequel aucun écart de taux n'est fixé, un maximum de 5 points de taxation pourra être appliqué.
Cette dernière disposition permettra de conserver une gestion de la taxe proche de celle qui a prévalu jusque là et qui laissait ces " petites " entreprises hors du champ de l'octroi de mer.
Ainsi, à la différence du dispositif actuel de l'octroi de mer qui repose sur un système de taux plafonnés à 30 % (50 % pour les alcools), pouvant donner lieu à des réductions de taxation au bénéfice de toute production locale, sous réserve d'une justification du besoin économique, le nouveau dispositif instaure un système où les taux sont a priori libres sous réserve du respect des écarts de taxation autorisés, au bénéfice des production locales, pour une liste de produits précisée par la décision du Conseil.
Cette nouvelle approche, qui résulte d'une exigence communautaire, a nécessité un effort important de la part des régions et des socio-professionnels, qu'il convient de saluer, pour disposer d'une meilleure connaissance des productions locales et de leurs besoins en terme de soutien. En effet , ces écarts et ces listes ont été élaborés avec les acteurs locaux pour rester au plus près des pratiques existantes.
Pour le reste, en matière économique, le projet reconduit l'existant :
le marché unique antillais, destiné à accroître et améliorer les échanges entre la Guadeloupe et la Martinique est maintenu . Le chapitre IX regroupe des dispositions éparses de la loi du 17 juillet 1992 concernant le document d'accompagnement qui couvre la circulation des biens sur ce marché, le régime du versement annuel de la taxe d'octroi de mer dans le département de destination et le régime de sanction applicable aux irrégularités.
le dispositif antillo-guyanais qui prévoit, pour la circulation des marchandises entre la Guyane et le marché antillais, une perception de l'octroi de mer dans le département d'origine et une exonération dans le département d'arrivée est également inchangé ;
les " régimes suspensifs ", comme par exemple le placement de marchandises importées sous entrepôt, sont maintenant explicitement reconnus. Ils permettent de différer le paiement de l'octroi de mer et améliorent en conséquence la trésorerie des entreprises. Ainsi, le dispositif prévu a pour objet de permettre aux opérateurs locaux de ne pas supporter l'octroi de mer sur les biens qu'ils importent et conservent en stock avant de les revendre sur les marchés locaux des départements d'outre-mer. Le dispositif proposé s'appuie sur les régimes suspensifs douaniers tels qu'ils résultent de la réglementation douanière actuelle. Toutefois, pour ne pas diminuer la recette, le dispositif de suspension de l'octroi de mer ne concerne que l'octroi de mer externe.
2) En matière budgétaire,
le seul véritable changement introduit par le projet de loi vise à porter remède à une consommation insuffisante, dans certains DOM, des " fonds régionaux pour le développement et l'emploi " (FRDE). Les FRDE ont été institués pour permettre aux régions d'apporter aux communes, sur des ressources d'octroi de mer, des subventions d'investissement destinées à faciliter l'installation d'entreprises et développer l'emploi.
Pour ce faire, et dans le prolongement d'une première extension apportée pour la Réunion dans le cadre de la loi de programme pour l'outre-mer, il est proposé que l'utilisation du FRDE soit élargie dans tous les DOM.
Je sais par ailleurs que certains d'entre vous ont déposé un amendement visant à retenir une autre logique d'utilisation des FRDE. Nous aurons l'occasion de l'examiner.
Autre modification à noter, le droit additionnel à l'octroi de mer devient l'octroi de mer régional. Comme pour le droit additionnel à l'octroi de mer, le taux maximum de l'octroi de mer régional est de 2,5 %. Ce droit régional, s'ajoutant à l'octroi de mer, devra néanmoins respecter la décision du Conseil en matière d'écarts maximum de taux.
3) En matière administrative,
la principale simplification concerne l'organisation de la gestion de l'octroi de mer.
Les entreprises locales n'auront plus qu'un seul et même interlocuteur, à savoir les services de la douane, dorénavant compétents pour gérer l'ensemble de l'octroi de mer. Les services de la douane reprennent en effet les attributions des services fiscaux en ce qui concerne l'assiette et le contrôle de la taxe pour les productions locales.
En conclusion, le projet de loi qui vous est présenté conforte un instrument fiscal original et essentiel pour les départements d'outre-mer, permettant d'assurer un niveau pertinent de recettes aux collectivités bénéficiaires et constituant un soutien adapté aux entreprises productives.
Ce projet de loi préserve ainsi l'existence du régime de l'octroi de mer, tout en le modernisant et en le simplifiant.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 8 juin 2004)