Texte intégral
Mesdames et Messieurs
Le Gouvernement en engageant son action en avril dernier a tout de suite annoncé ses objectifs - la cohésion sociale a été placée comme un axe majeur de sa politique et le Chef de l'État l'a qualifiée de priorité absolue - un pôle de cinq ministres rassemblés autour de Jean-Louis Borloo lui a été consacré.
Le 1er juillet lors des Assises du logement nous avons ensemble fait le constant d'un diagnostic partagé sur les causes de cette fracture.
L'habitat de notre pays connaît une crise paradoxale puisque jamais depuis les 20 dernières années le nombre de logements construits n'a été aussi élevé (345 000 au cours des douze derniers mois). Jamais le nombre de permis de construire n'a été aussi grand (plus de 435 000) et pourtant jamais la crise du logement social n'a été aussi profonde.
Les causes en sont multiples :
- 40 000 logements locatifs sociaux ont été produits chaque année.
- Le parc de logements est inadapté à l'évolution qualitative et quantitative
- Le mouvement HLM n'a jamais véritablement reçu de feuille de route
- Des dysfonctionnements multiples du marché locatif privé chassent les populations modestes et les classes moyennes des centres villes.
Bref l'avenir du logement social se joue à quitte ou double.
Nous, nous avons choisi de doubler :
- la production de logements locatifs sociaux afin de rattraper notre retard en passant en cinq ans de 50 000 à 100 000 par an hors démolition-reconstruction
- le nombre de logements privés vacants remis sur le marché en passant de 20 000 à 40 000 par an,
- le nombre de logements privés que l'on peut offrir à un prix conventionné,
- Plus que doubler le nombre de primo-accédants à la propriété en passant de 90 000 personnes à 240 000 par an.
J'avais également annoncé :
- que nous devions donner un contenu effectif au droit au logement pour que soient prévues les conditions de sa mise en uvre sur le terrain.
- que nous devions mener à son terme le projet de décentralisation du logement en veillant au maintien du rôle de garant du droit au logement que doit assurer l'État.
Quels résultats puis-je présenter devant vous aujourd'hui, après six mois de travail ?
1 - Le plan de cohésion sociale
Le plan de cohésion sociale adopté par le Gouvernement à sa demande prévoit des mesures sur cinq ans.
D'abord pour rattraper les retards en matière de logement locatif social. C'est donc un engagement pluriannuel de l'État qui est prévu conformément à ce que réclamaient tous les acteurs du logement social.
2 - Le Budget 2005
C'est d'abord un engagement sur un objectif physique, la réalisation de 500.000 logements sur cinq ans, hors reconstruction de logements dans le cadre de la rénovation urbaine. C'est incontestablement un objectif ambitieux, mais réaliste si tous les partenaires financiers se mobilisent, l'État, les collectivités territoriales, le 1 % logement, la caisse des dépôts et, bien sûr, tous les organismes de logement social.
Il y aussi un engagement financier de l'État, dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale qui explicite le plan de cohésion sociale. D'abord en autorisations de programme pour permettre le lancement des opérations. Mais aussi en crédits de paiement. Les retards de paiement aux organismes de logement social posent un véritable problème pour le logement car ils handicapent les organismes qui ont besoin des fonds propres nécessaires pour construire et réhabiliter. C'est pourquoi, le projet de loi prévoit sur les cinq ans un montant cumulé de crédits de paiement supérieur de près de 400 millions d'euros au montant cumulé des autorisations de programme. Il témoigne de la volonté de l'État de rattraper rapidement les retards. Nous avons donc désormais les moyens de résorber la dette HLM.
Cette volonté s'est traduite dans les arbitrages budgétaires pour 2005.
D'abord, un mot sur le budget du logement dans son ensemble. Compte tenu des changements de périmètre et si je mets à part l'accession sociale à la propriété dont l'alimentation financière est modifiée, les crédits du budget du logement augmentent de plus de 8 % par rapport à 2004.
Sur la ligne fongible, les autorisations de programme passeront de 362 millions d'euros en 2004 à 442 millions en 2005. Les crédits de paiement de 287 millions à 465 millions, soit une augmentation sans précédent de plus de 60 %.
Ces moyens permettent aussi de poursuivre la réhabilitation du parc HLM au-delà des zones urbaines sensibles. Ils sont complétés à cette fin par les nouveaux prêts de la Caisse des Dépôts et Consignations, pour un montant de 400 millions d'euros par an pendant cinq ans.
3 - Le Parc Privé Locatif Social
Le plan de cohésion sociale comprend aussi des mesures très importantes en faveur de la mobilisation du parc privé.
Il est vrai que des logements privés à loyers modérés, mais souvent très peu confortables, ont permis pendant longtemps de loger des ménages à faibles revenus. La disparition progressive de ce " parc social de fait " et le retrait des investisseurs institutionnels du secteur locatif pourraient conduire à une prise en charge exclusive par les organismes HLM des locataires à revenus modestes.
Le plan prévoit donc de recréer un nouveau parc privé à vocation sociale en portant la production annuelle de logements privés à loyers maîtrisés aidés par l'ANAH de 20.000 à 40.000, comme je l'ai indiqué.
4 - L'Habitat indigne
La loi de lutte contre les exclusions de 1998 (loi LCE) et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains de décembre 2000 (loi SRU) ont créé ou modernisé les mécanismes d'intervention relatifs à la prévention et au traitement du saturnisme lié au logement, à l'insalubrité.
Or, ces mesures législatives n'avaient de sens qu'accompagnées de mesures opérationnelles et financières. Raison pour laquelle un programme volontariste de lutte contre l'habitat indigne a été lancé (cadre / le PNAI communautaire)
Ces trois dernières années se sont traduites par une montée en charge progressive de l'action publique en matière de lutte contre l'habitat indigne et permettent de souligner plusieurs avancées significatives sur l'ensemble du territoire, qu'il s'agisse des départements pilotes ou non.
Depuis 2003, il n'y a plus de départements pilotes - mais tout le territoire métropolitain (mais sans apports spécifiques, notamment humains)
27 protocoles d'accord signés, dont 25 dans les onze départements pilotes, concernant 48 400 logements indignes ou potentiellement indignes. Ainsi, de grandes villes françaises, telles Paris, Lyon et Marseille, ainsi que d'autres villes importantes comme Toulon, Roubaix, Perpignan, Calais, Givors, Thiers et nombre de villes de la banlieue parisienne se sont engagées dans la lutte contre l'habitat indigne.
Les projets en cours recensés permettent d'avancer un programme d'un total de près de 66.000 logements potentiellement indignes à traiter dans le cadre d'engagements conjoints Collectivités.
Un bilan du travail effectué, ainsi que les remontés des acteurs de terrain, montrent la mobilisation réelle d'un certain nombre d'acteurs locaux qui ont fait émerger une demande de confortation politique et d'extension du programme d'action (rôle des préfets, des élus).
A contrario, là où aucun dispositif interministériel et partenariat n'a été mis en place (majorité du territoire), la lutte contre l'habitat indigne est absente ou inefficace.
Pour une réelle efficacité, l'intégration du programme dans les PDALPD est indispensable et doit remplacer les plans d'action départementaux demeurés expérimentaux.
Tout ceci milite pour une vraie relance politique sur tout le territoire, permettant de décliner les suites de l'inscription de la lutte contre l'habitat indigne dans le PNSE (santé /environnement), le plan de cohésion sociale, le plan de lutte contre les exclusions.
5 - L'accession sociale à la propriété
En ce qui concerne le prêt à taux zéro (PTZ)
Il n'y aura pas de disparition du prêt à taux zéro, formule d'accession sociale qui a montré qu'elle marchait globalement, mais une amélioration de cette dernière, en vue de répondre aux lacunes qu'elle présente et que je citais il y a un instant.
Pour prendre une image du monde de l'automobile, je dirais que :
- nous conserverons la même carrosserie : un prêt qui puisse toujours être utilisé comme quasi apport personnel par les accédants modestes et qui abaisse sensiblement leur taux d'effort.
- nous introduisons un moteur plus puissant : le dispositif permettra de porter de 100 000 à près de 250 000 le nombre de primo-accédants ainsi aidés par l'État, car il sera ouvert à l'habitat ancien.
- pour permettre aux établissements de crédit de faire ce prêt, l'aide doit passer par ces établissements et nous allons utiliser à cette fin un autre carburant : non plus un carburant budgétaire, mais celui du crédit d'impôts sur les sociétés.
C'est donc, je vous le confirme, un " PTZ plus " que le gouvernement va proposer aux parlementaires et que nous allons mettre techniquement au point en travaillant avec les professionnels du logement et les banquiers.
Ce PTZ rénové aura la même lisibilité que l'actuel, il aura un impact plus large.
Les bénéficiaires auront la liberté d'acquérir un logement neuf ou ancien, permettant ainsi à de nouveaux ménages d'accéder à la propriété dans les grandes zones urbaines où il est difficile d'acheter un logement.
L'aide sera supérieure pour les ménages ayant les revenus les plus modestes, ainsi que pour les familles avec au moins deux enfants, puisque le montant de l'aide progressera fortement avec la taille de la famille.
6 - Mais je n'oublie pas que les aides à la personne auxquelles l'État consacre plus de 5 milliards d'euros par an constituent un élément fort de solvabilisation des ménages logés dans le parc privé comme dans le parc social. C'est pourquoi j'ai obtenu dans le budget 2005 des moyens financiers pour revaloriser les barèmes. Il me faut maintenant un peu de temps pour préciser la mise en uvre.
7 - Le droit au logement est également un sujet majeur de notre politique : comment faire en sorte que tous, même ceux qui sont dans des situations économiques et sociales très difficiles, trouvent un toit ?
Il faut certes avancer vers le droit au logement opposable, mais vouloir l'instituer alors que les conditions effectives de sa mise en uvre ne sont pas réunies ne serait pas crédible : il faudrait pour cela une autorité politique capable de l'organiser.
Une offre qui permette de trouver des logements en nombre suffisant. Nous ne sommes pas aujourd'hui dans cette situation.
C'est pourquoi nous avançons sur une voie non pas juridique, mais pragmatique. Nous allons augmenter fortement l'offre d'hébergement et l'offre locative accessible aux plus démunis grâce au plan de cohésion sociale, qui appelle la mobilisation de tous les acteurs ; c'est une première réponse en faveur d'un droit effectif. Nous entendons mieux sécuriser les locataires et les bailleurs et nous attendons sur ce point le rapport de Jean-Luc Berho au CNH sur la garantie des risques locatifs avant de préciser notre action sur ce sujet.
Nous avons aussi fait prendre un certain nombre de mesures par le Comité Interministériel de Lutte contre l'Exclusion. Il est prévu, en particulier, une avancée significative, l'institution d'un recours administratif que puissent faire jouer devant une commission de médiation ceux dont la demande de logement ne trouve pas de réponse depuis trop longtemps. Cette commission pourrait alors demander au gestionnaire du contingent préfectoral que le ménage en cause soit logé. Une telle mesure devra être instituée par un texte dédié au logement.
Un dernier point sur le droit au logement : le rôle de l'État, qui doit en rester le garant. La loi de décentralisation, vous le savez, a prévu la possibilité pour le Préfet de déléguer au maire, ou avec son accord à l'agglomération, son contingent de réservations. Cette solution n'avait pas ma préférence. Pour son application j'entends donner par une prochaine circulaire des conditions précises à la délégation. Celle-ci ne doit pouvoir être donnée qu'en contrepartie d'engagements précis de la collectivité locale, et la délégation devra être reprise quand les engagements ne sont pas tenus.
8 - La mise en place de la décentralisation
La loi Libertés et Responsabilités locales a été votée cet été et je viens de faire allusion à une de ses dispositions. Les textes d'application principaux devraient être pris avant la fin de l'année. D'ores et déjà, l'État travaille avec les associations d'élus pour préparer cette nouvelle étape qui doit conforter les engagements de la nation en faveur du logement.
La mesure essentielle en est la délégation de la mise en uvre des aides à la pierre de l'État aux agglomérations et aux départements.
Nous devrions y gagner une meilleure efficacité, une meilleure adéquation des politiques conduites avec les spécificités locales. La programmation sur cinq ans des aides de l'État, qui va être établie par la loi de cohésion sociale, donnera aux collectivités territoriales la visibilité qu'elles souhaitaient et leur permettra de s'engager.
La réalisation du plan de cohésion sociale sera faite dans ce cadre, et les conventions de délégation devront prendre en compte les objectifs du plan.
Cette loi prévoit une autre mesure qui concerne directement le Mouvement HLM : le conventionnement global du patrimoine. Il s'agit là d'une modernisation des rapports entre l'État et les organismes, qui sera basée sur le contrat. Le conventionnement permettra de réfléchir à une politique de loyers plus équitable.
9 - Pour le traitement des quartiers en difficulté, nous poursuivons l'action initiée par la loi du 1er août 2003 pour la rénovation urbaine des quartiers en difficulté et nous allons l'amplifier en 2005.
Le succès enregistré par la mise en place effective de l'ANRU au mois de Juillet 2004 a permis la préparation de 49 conventions pluriannuelles avec les maires, porteurs des projets, les maîtres d'ouvrages concernés et les différents partenaires financiers (collectivités territoriales, Caisse des Dépôts et Consignations...). D'ores et déjà, 68 quartiers ont fait l'objet d'avis favorables du comité d'engagement de l'Agence et près de 100 quartiers supplémentaires pourront s'y ajouter l'an prochain.
Les engagements pris à ce jour par l'ANRU au titre des projets pluriannuels ainsi validés portent sur 20 000 constructions de logements sociaux, 53 000 rénovations importantes de logements sociaux, 24 000 démolitions et de nombreuses opérations d'aménagement et d'équipement qui doivent transformer le cadre de vie des habitants des quartiers concernés, soit 5,5 milliards de travaux dont 1,7 milliard de subventions de l'ANRU.
Le Plan de cohésion sociale trace des objectifs et planifie des moyens financiers.
Mais il ne deviendra réalité que si tous les acteurs concernés se mettent au travail. Cela passe par plusieurs conditions :
10 - S'agissant du contrat avec les bailleurs sociaux nous avons bien travaillé en respectant les attentes de chaque partenaire mais en marchant résolument vers le même horizon.
L'accord vise la production de nouveaux logements, mais aussi la mise à niveau de l'ensemble du parc social, la qualité du service aux habitants, enfin une meilleure mobilité dans le parc existant, qui sera en particulier favorisée par le développement de l'accession à la propriété.
Il marque un changement d'état d'esprit dans les rapports entre vous et les services de l'État. Ils devraient être dans l'avenir fondés sur des contrats d'objectifs pluriannuels passés entre l'État et chaque organisme, avec des décisions globales annuelles de financements portant sur le programme de l'organisme.
11 - S'agissant du 1 % logement.
Les partenaires sociaux en charge du 1 % logement ont décidé d'apporter leur contribution, dans un accord équilibre avec l'État, à la relance de ta production de logements sociaux.
A ce titre, une enveloppe annuelle de fonds du 1 % logement sur la durée du plan sera mobilisée. Le concours qui avait été envisagé à hauteur de 450 M, sous forme de prêts à conditions très privilégiées, soit une augmentation très importante du " milliard plus ", créé par la convention de 2001, se fera finalement à hauteur de 210 M sous forme de subventions équivalentes à l'avantage actuariel offert par ces prêts.
L'utilisation de cette nouvelle enveloppe se fera naturellement dans le cadre de concertations décentralisées au niveau régional.
C'est à ce niveau que les acteurs locaux définiront leurs projets et afficheront leurs attentes. Les enveloppes régionales du 1 % logement seront ajustées à la lumière de ces échanges. Il appartiendra ensuite à chaque CIL de discuter, en bilatéral, opération par opération, avec l'organisme de logement social, de la participation du 1 % logement et des contreparties en termes de réservation.
Les réunions régionales permettront d'assurer une parfaite transparence dans la mobilisation de ces financements, telle que souhaitée par l'ensemble des acteurs tant au niveau national que local.
12 - Le foncier
Le foncier va constituer un point délicat dans la réalisation des programmes de logements prévus. Au-delà de la mise en place des établissements publics fonciers, qui donnera des résultats à moyen terme, il nous faut tous nous mobiliser : ouvrir des terrains à l'urbanisation, relancer l'aménagement, encourager les opérations de logements sociaux, en liaison avec Gilles de Robien, sur ce point à des mesures incitatives qui pourraient être mises sur pied au bénéfice des collectivités locales qui construisent sur leur sol des opérations de logement social, comme à des mesures de simplification des procédures d'autorisation pour l'aménagement et la construction.
L'État, pour sa part, doit donner l'exemple et accepter de faciliter l'utilisation pour de telles opérations des terrains qui lui appartiennent et dont il n'a plus l'usage.
13 - Les adaptations législatives et réglementaires : la loi Habitat pour tous
Mais nous devons également en étroite concertation avec les communes rendre efficace l'application de la loi SRU pour l'adapter aux objectifs de notre plan Plusieurs pistes sont à l'étude :
- améliorer les outils urbanistiques en permettant aux communes de taxer les terrains à bâtir non utilisés ou en rendant obligatoire d'intégrer dans les PLU les volets territoriaux des PLH ;
- aider les maires bâtisseurs : la loi SRU fixe un couperet à 20 % de logements sociaux, mais ne donne pas d'aides aux maires qui ont la volonté réelle de rattraper leur retard, à construire, elle n'est pas assez coercitive pour les maires heureusement minoritaires qui refusent toute idée de constructions nouvelles de logements conventionnés. - il nous faut donc raisonner non seulement sur le stock mais aussi sur le flux ;
- enfin permettre aux communes de prévoir dans le PLU des zones de mixité sociale.
Je compte que cette loi soit déposée au Parlement début 2005. Elle viendra compléter les dispositions législatives qui auront déjà été adoptées : loi Libertés et Responsabilités locales, loi de cohésion sociale, loi de finances pour 2005.
Pour conclure, vous le voyez, dans un monde qui change à toute allure, le monde du logement social a su évoluer pour rester fidèle aux valeurs de solidarité qui sont les siennes depuis l'origine.
Grâce au plan de cohésion sociale, nous avons enfin une fenêtre de tir pour agir même s'il faut rester vigilants sur les moyens financiers et les conditions de son exécution.
Comme disait André Conte-Sponville " le pessimisme est d'intelligence, l'optimisme est de volonté ".
C'est par la volonté de chacun des acteurs de la cohésion sociale sur le terrain, à commencer par l'État, que nous jugerons le grand défi de la cohésion sociale.
(source http://www.logement.gouv.fr, le 1er octobre 2004)
Le Gouvernement en engageant son action en avril dernier a tout de suite annoncé ses objectifs - la cohésion sociale a été placée comme un axe majeur de sa politique et le Chef de l'État l'a qualifiée de priorité absolue - un pôle de cinq ministres rassemblés autour de Jean-Louis Borloo lui a été consacré.
Le 1er juillet lors des Assises du logement nous avons ensemble fait le constant d'un diagnostic partagé sur les causes de cette fracture.
L'habitat de notre pays connaît une crise paradoxale puisque jamais depuis les 20 dernières années le nombre de logements construits n'a été aussi élevé (345 000 au cours des douze derniers mois). Jamais le nombre de permis de construire n'a été aussi grand (plus de 435 000) et pourtant jamais la crise du logement social n'a été aussi profonde.
Les causes en sont multiples :
- 40 000 logements locatifs sociaux ont été produits chaque année.
- Le parc de logements est inadapté à l'évolution qualitative et quantitative
- Le mouvement HLM n'a jamais véritablement reçu de feuille de route
- Des dysfonctionnements multiples du marché locatif privé chassent les populations modestes et les classes moyennes des centres villes.
Bref l'avenir du logement social se joue à quitte ou double.
Nous, nous avons choisi de doubler :
- la production de logements locatifs sociaux afin de rattraper notre retard en passant en cinq ans de 50 000 à 100 000 par an hors démolition-reconstruction
- le nombre de logements privés vacants remis sur le marché en passant de 20 000 à 40 000 par an,
- le nombre de logements privés que l'on peut offrir à un prix conventionné,
- Plus que doubler le nombre de primo-accédants à la propriété en passant de 90 000 personnes à 240 000 par an.
J'avais également annoncé :
- que nous devions donner un contenu effectif au droit au logement pour que soient prévues les conditions de sa mise en uvre sur le terrain.
- que nous devions mener à son terme le projet de décentralisation du logement en veillant au maintien du rôle de garant du droit au logement que doit assurer l'État.
Quels résultats puis-je présenter devant vous aujourd'hui, après six mois de travail ?
1 - Le plan de cohésion sociale
Le plan de cohésion sociale adopté par le Gouvernement à sa demande prévoit des mesures sur cinq ans.
D'abord pour rattraper les retards en matière de logement locatif social. C'est donc un engagement pluriannuel de l'État qui est prévu conformément à ce que réclamaient tous les acteurs du logement social.
2 - Le Budget 2005
C'est d'abord un engagement sur un objectif physique, la réalisation de 500.000 logements sur cinq ans, hors reconstruction de logements dans le cadre de la rénovation urbaine. C'est incontestablement un objectif ambitieux, mais réaliste si tous les partenaires financiers se mobilisent, l'État, les collectivités territoriales, le 1 % logement, la caisse des dépôts et, bien sûr, tous les organismes de logement social.
Il y aussi un engagement financier de l'État, dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale qui explicite le plan de cohésion sociale. D'abord en autorisations de programme pour permettre le lancement des opérations. Mais aussi en crédits de paiement. Les retards de paiement aux organismes de logement social posent un véritable problème pour le logement car ils handicapent les organismes qui ont besoin des fonds propres nécessaires pour construire et réhabiliter. C'est pourquoi, le projet de loi prévoit sur les cinq ans un montant cumulé de crédits de paiement supérieur de près de 400 millions d'euros au montant cumulé des autorisations de programme. Il témoigne de la volonté de l'État de rattraper rapidement les retards. Nous avons donc désormais les moyens de résorber la dette HLM.
Cette volonté s'est traduite dans les arbitrages budgétaires pour 2005.
D'abord, un mot sur le budget du logement dans son ensemble. Compte tenu des changements de périmètre et si je mets à part l'accession sociale à la propriété dont l'alimentation financière est modifiée, les crédits du budget du logement augmentent de plus de 8 % par rapport à 2004.
Sur la ligne fongible, les autorisations de programme passeront de 362 millions d'euros en 2004 à 442 millions en 2005. Les crédits de paiement de 287 millions à 465 millions, soit une augmentation sans précédent de plus de 60 %.
Ces moyens permettent aussi de poursuivre la réhabilitation du parc HLM au-delà des zones urbaines sensibles. Ils sont complétés à cette fin par les nouveaux prêts de la Caisse des Dépôts et Consignations, pour un montant de 400 millions d'euros par an pendant cinq ans.
3 - Le Parc Privé Locatif Social
Le plan de cohésion sociale comprend aussi des mesures très importantes en faveur de la mobilisation du parc privé.
Il est vrai que des logements privés à loyers modérés, mais souvent très peu confortables, ont permis pendant longtemps de loger des ménages à faibles revenus. La disparition progressive de ce " parc social de fait " et le retrait des investisseurs institutionnels du secteur locatif pourraient conduire à une prise en charge exclusive par les organismes HLM des locataires à revenus modestes.
Le plan prévoit donc de recréer un nouveau parc privé à vocation sociale en portant la production annuelle de logements privés à loyers maîtrisés aidés par l'ANAH de 20.000 à 40.000, comme je l'ai indiqué.
4 - L'Habitat indigne
La loi de lutte contre les exclusions de 1998 (loi LCE) et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains de décembre 2000 (loi SRU) ont créé ou modernisé les mécanismes d'intervention relatifs à la prévention et au traitement du saturnisme lié au logement, à l'insalubrité.
Or, ces mesures législatives n'avaient de sens qu'accompagnées de mesures opérationnelles et financières. Raison pour laquelle un programme volontariste de lutte contre l'habitat indigne a été lancé (cadre / le PNAI communautaire)
Ces trois dernières années se sont traduites par une montée en charge progressive de l'action publique en matière de lutte contre l'habitat indigne et permettent de souligner plusieurs avancées significatives sur l'ensemble du territoire, qu'il s'agisse des départements pilotes ou non.
Depuis 2003, il n'y a plus de départements pilotes - mais tout le territoire métropolitain (mais sans apports spécifiques, notamment humains)
27 protocoles d'accord signés, dont 25 dans les onze départements pilotes, concernant 48 400 logements indignes ou potentiellement indignes. Ainsi, de grandes villes françaises, telles Paris, Lyon et Marseille, ainsi que d'autres villes importantes comme Toulon, Roubaix, Perpignan, Calais, Givors, Thiers et nombre de villes de la banlieue parisienne se sont engagées dans la lutte contre l'habitat indigne.
Les projets en cours recensés permettent d'avancer un programme d'un total de près de 66.000 logements potentiellement indignes à traiter dans le cadre d'engagements conjoints Collectivités.
Un bilan du travail effectué, ainsi que les remontés des acteurs de terrain, montrent la mobilisation réelle d'un certain nombre d'acteurs locaux qui ont fait émerger une demande de confortation politique et d'extension du programme d'action (rôle des préfets, des élus).
A contrario, là où aucun dispositif interministériel et partenariat n'a été mis en place (majorité du territoire), la lutte contre l'habitat indigne est absente ou inefficace.
Pour une réelle efficacité, l'intégration du programme dans les PDALPD est indispensable et doit remplacer les plans d'action départementaux demeurés expérimentaux.
Tout ceci milite pour une vraie relance politique sur tout le territoire, permettant de décliner les suites de l'inscription de la lutte contre l'habitat indigne dans le PNSE (santé /environnement), le plan de cohésion sociale, le plan de lutte contre les exclusions.
5 - L'accession sociale à la propriété
En ce qui concerne le prêt à taux zéro (PTZ)
Il n'y aura pas de disparition du prêt à taux zéro, formule d'accession sociale qui a montré qu'elle marchait globalement, mais une amélioration de cette dernière, en vue de répondre aux lacunes qu'elle présente et que je citais il y a un instant.
Pour prendre une image du monde de l'automobile, je dirais que :
- nous conserverons la même carrosserie : un prêt qui puisse toujours être utilisé comme quasi apport personnel par les accédants modestes et qui abaisse sensiblement leur taux d'effort.
- nous introduisons un moteur plus puissant : le dispositif permettra de porter de 100 000 à près de 250 000 le nombre de primo-accédants ainsi aidés par l'État, car il sera ouvert à l'habitat ancien.
- pour permettre aux établissements de crédit de faire ce prêt, l'aide doit passer par ces établissements et nous allons utiliser à cette fin un autre carburant : non plus un carburant budgétaire, mais celui du crédit d'impôts sur les sociétés.
C'est donc, je vous le confirme, un " PTZ plus " que le gouvernement va proposer aux parlementaires et que nous allons mettre techniquement au point en travaillant avec les professionnels du logement et les banquiers.
Ce PTZ rénové aura la même lisibilité que l'actuel, il aura un impact plus large.
Les bénéficiaires auront la liberté d'acquérir un logement neuf ou ancien, permettant ainsi à de nouveaux ménages d'accéder à la propriété dans les grandes zones urbaines où il est difficile d'acheter un logement.
L'aide sera supérieure pour les ménages ayant les revenus les plus modestes, ainsi que pour les familles avec au moins deux enfants, puisque le montant de l'aide progressera fortement avec la taille de la famille.
6 - Mais je n'oublie pas que les aides à la personne auxquelles l'État consacre plus de 5 milliards d'euros par an constituent un élément fort de solvabilisation des ménages logés dans le parc privé comme dans le parc social. C'est pourquoi j'ai obtenu dans le budget 2005 des moyens financiers pour revaloriser les barèmes. Il me faut maintenant un peu de temps pour préciser la mise en uvre.
7 - Le droit au logement est également un sujet majeur de notre politique : comment faire en sorte que tous, même ceux qui sont dans des situations économiques et sociales très difficiles, trouvent un toit ?
Il faut certes avancer vers le droit au logement opposable, mais vouloir l'instituer alors que les conditions effectives de sa mise en uvre ne sont pas réunies ne serait pas crédible : il faudrait pour cela une autorité politique capable de l'organiser.
Une offre qui permette de trouver des logements en nombre suffisant. Nous ne sommes pas aujourd'hui dans cette situation.
C'est pourquoi nous avançons sur une voie non pas juridique, mais pragmatique. Nous allons augmenter fortement l'offre d'hébergement et l'offre locative accessible aux plus démunis grâce au plan de cohésion sociale, qui appelle la mobilisation de tous les acteurs ; c'est une première réponse en faveur d'un droit effectif. Nous entendons mieux sécuriser les locataires et les bailleurs et nous attendons sur ce point le rapport de Jean-Luc Berho au CNH sur la garantie des risques locatifs avant de préciser notre action sur ce sujet.
Nous avons aussi fait prendre un certain nombre de mesures par le Comité Interministériel de Lutte contre l'Exclusion. Il est prévu, en particulier, une avancée significative, l'institution d'un recours administratif que puissent faire jouer devant une commission de médiation ceux dont la demande de logement ne trouve pas de réponse depuis trop longtemps. Cette commission pourrait alors demander au gestionnaire du contingent préfectoral que le ménage en cause soit logé. Une telle mesure devra être instituée par un texte dédié au logement.
Un dernier point sur le droit au logement : le rôle de l'État, qui doit en rester le garant. La loi de décentralisation, vous le savez, a prévu la possibilité pour le Préfet de déléguer au maire, ou avec son accord à l'agglomération, son contingent de réservations. Cette solution n'avait pas ma préférence. Pour son application j'entends donner par une prochaine circulaire des conditions précises à la délégation. Celle-ci ne doit pouvoir être donnée qu'en contrepartie d'engagements précis de la collectivité locale, et la délégation devra être reprise quand les engagements ne sont pas tenus.
8 - La mise en place de la décentralisation
La loi Libertés et Responsabilités locales a été votée cet été et je viens de faire allusion à une de ses dispositions. Les textes d'application principaux devraient être pris avant la fin de l'année. D'ores et déjà, l'État travaille avec les associations d'élus pour préparer cette nouvelle étape qui doit conforter les engagements de la nation en faveur du logement.
La mesure essentielle en est la délégation de la mise en uvre des aides à la pierre de l'État aux agglomérations et aux départements.
Nous devrions y gagner une meilleure efficacité, une meilleure adéquation des politiques conduites avec les spécificités locales. La programmation sur cinq ans des aides de l'État, qui va être établie par la loi de cohésion sociale, donnera aux collectivités territoriales la visibilité qu'elles souhaitaient et leur permettra de s'engager.
La réalisation du plan de cohésion sociale sera faite dans ce cadre, et les conventions de délégation devront prendre en compte les objectifs du plan.
Cette loi prévoit une autre mesure qui concerne directement le Mouvement HLM : le conventionnement global du patrimoine. Il s'agit là d'une modernisation des rapports entre l'État et les organismes, qui sera basée sur le contrat. Le conventionnement permettra de réfléchir à une politique de loyers plus équitable.
9 - Pour le traitement des quartiers en difficulté, nous poursuivons l'action initiée par la loi du 1er août 2003 pour la rénovation urbaine des quartiers en difficulté et nous allons l'amplifier en 2005.
Le succès enregistré par la mise en place effective de l'ANRU au mois de Juillet 2004 a permis la préparation de 49 conventions pluriannuelles avec les maires, porteurs des projets, les maîtres d'ouvrages concernés et les différents partenaires financiers (collectivités territoriales, Caisse des Dépôts et Consignations...). D'ores et déjà, 68 quartiers ont fait l'objet d'avis favorables du comité d'engagement de l'Agence et près de 100 quartiers supplémentaires pourront s'y ajouter l'an prochain.
Les engagements pris à ce jour par l'ANRU au titre des projets pluriannuels ainsi validés portent sur 20 000 constructions de logements sociaux, 53 000 rénovations importantes de logements sociaux, 24 000 démolitions et de nombreuses opérations d'aménagement et d'équipement qui doivent transformer le cadre de vie des habitants des quartiers concernés, soit 5,5 milliards de travaux dont 1,7 milliard de subventions de l'ANRU.
Le Plan de cohésion sociale trace des objectifs et planifie des moyens financiers.
Mais il ne deviendra réalité que si tous les acteurs concernés se mettent au travail. Cela passe par plusieurs conditions :
10 - S'agissant du contrat avec les bailleurs sociaux nous avons bien travaillé en respectant les attentes de chaque partenaire mais en marchant résolument vers le même horizon.
L'accord vise la production de nouveaux logements, mais aussi la mise à niveau de l'ensemble du parc social, la qualité du service aux habitants, enfin une meilleure mobilité dans le parc existant, qui sera en particulier favorisée par le développement de l'accession à la propriété.
Il marque un changement d'état d'esprit dans les rapports entre vous et les services de l'État. Ils devraient être dans l'avenir fondés sur des contrats d'objectifs pluriannuels passés entre l'État et chaque organisme, avec des décisions globales annuelles de financements portant sur le programme de l'organisme.
11 - S'agissant du 1 % logement.
Les partenaires sociaux en charge du 1 % logement ont décidé d'apporter leur contribution, dans un accord équilibre avec l'État, à la relance de ta production de logements sociaux.
A ce titre, une enveloppe annuelle de fonds du 1 % logement sur la durée du plan sera mobilisée. Le concours qui avait été envisagé à hauteur de 450 M, sous forme de prêts à conditions très privilégiées, soit une augmentation très importante du " milliard plus ", créé par la convention de 2001, se fera finalement à hauteur de 210 M sous forme de subventions équivalentes à l'avantage actuariel offert par ces prêts.
L'utilisation de cette nouvelle enveloppe se fera naturellement dans le cadre de concertations décentralisées au niveau régional.
C'est à ce niveau que les acteurs locaux définiront leurs projets et afficheront leurs attentes. Les enveloppes régionales du 1 % logement seront ajustées à la lumière de ces échanges. Il appartiendra ensuite à chaque CIL de discuter, en bilatéral, opération par opération, avec l'organisme de logement social, de la participation du 1 % logement et des contreparties en termes de réservation.
Les réunions régionales permettront d'assurer une parfaite transparence dans la mobilisation de ces financements, telle que souhaitée par l'ensemble des acteurs tant au niveau national que local.
12 - Le foncier
Le foncier va constituer un point délicat dans la réalisation des programmes de logements prévus. Au-delà de la mise en place des établissements publics fonciers, qui donnera des résultats à moyen terme, il nous faut tous nous mobiliser : ouvrir des terrains à l'urbanisation, relancer l'aménagement, encourager les opérations de logements sociaux, en liaison avec Gilles de Robien, sur ce point à des mesures incitatives qui pourraient être mises sur pied au bénéfice des collectivités locales qui construisent sur leur sol des opérations de logement social, comme à des mesures de simplification des procédures d'autorisation pour l'aménagement et la construction.
L'État, pour sa part, doit donner l'exemple et accepter de faciliter l'utilisation pour de telles opérations des terrains qui lui appartiennent et dont il n'a plus l'usage.
13 - Les adaptations législatives et réglementaires : la loi Habitat pour tous
Mais nous devons également en étroite concertation avec les communes rendre efficace l'application de la loi SRU pour l'adapter aux objectifs de notre plan Plusieurs pistes sont à l'étude :
- améliorer les outils urbanistiques en permettant aux communes de taxer les terrains à bâtir non utilisés ou en rendant obligatoire d'intégrer dans les PLU les volets territoriaux des PLH ;
- aider les maires bâtisseurs : la loi SRU fixe un couperet à 20 % de logements sociaux, mais ne donne pas d'aides aux maires qui ont la volonté réelle de rattraper leur retard, à construire, elle n'est pas assez coercitive pour les maires heureusement minoritaires qui refusent toute idée de constructions nouvelles de logements conventionnés. - il nous faut donc raisonner non seulement sur le stock mais aussi sur le flux ;
- enfin permettre aux communes de prévoir dans le PLU des zones de mixité sociale.
Je compte que cette loi soit déposée au Parlement début 2005. Elle viendra compléter les dispositions législatives qui auront déjà été adoptées : loi Libertés et Responsabilités locales, loi de cohésion sociale, loi de finances pour 2005.
Pour conclure, vous le voyez, dans un monde qui change à toute allure, le monde du logement social a su évoluer pour rester fidèle aux valeurs de solidarité qui sont les siennes depuis l'origine.
Grâce au plan de cohésion sociale, nous avons enfin une fenêtre de tir pour agir même s'il faut rester vigilants sur les moyens financiers et les conditions de son exécution.
Comme disait André Conte-Sponville " le pessimisme est d'intelligence, l'optimisme est de volonté ".
C'est par la volonté de chacun des acteurs de la cohésion sociale sur le terrain, à commencer par l'État, que nous jugerons le grand défi de la cohésion sociale.
(source http://www.logement.gouv.fr, le 1er octobre 2004)