Texte intégral
Monsieur le président du Conseil économique et social,
Monsieur le président de l'Assemblée des présidents de Conseils économiques et sociaux,
Mesdames, Messieurs les présidents,
je voudrais vous dire que je suis très heureux d'être avec vous au sein du Conseil économique et social. Je le suis parce que je crois vraiment que nous sommes au cur d'une institution républicaine essentielle, notamment en ce début de XXIe siècle où tout observateur de la société ne peut que s'inquiéter de la montée de toutes les violences, de toutes les ruptures, de toutes les incompréhensions.
Il nous faut donc absolument structurer le dialogue, le dialogue social, le dialogue civique, le dialogue républicain, et ici on est un peu dans cette maison où s'équilibre le dialogue entre le responsable politique et la société civile et ses représentants, dans lesquels l'organisation sociale, les partenaires sociaux jouent un rôle très important. Je voudrais vous donner ce sentiment de point de départ, parce que c'est une des perspectives que nous devons traiter pour la société française parmi les plus importantes. Il n'est pas vrai que la société française ira systématiquement vers plus de simplification. Bien sûr qu'il nous faut procéder à des simplifications, bien sûr qu'il faut alléger la paperasse, bien sûr qu'il faut diminuer les procédures, mais il n'y a que les dictatures qui sont simples.
Dès qu'on veut se parler, dès qu'on veut écouter les avis des uns et des autres, dès qu'on veut respecter la personne pour ce qu'elle est, eh bien il faut du temps, il faut de l'organisation, il faut investir dans la démocratie économique, sociale et politique, car autrement on va à l'affrontement, autrement on va à l'incompréhension, autrement on va à la tension. La démocratie, ce n'est pas seulement un journal télévisé qui parle au même moment à tous les Français, c'est chaque Français qui, avec leurs représentants, qu'ils soient politiques, économiques ou sociaux, peut s'exprimer et trouvent des lieux où l'on recherche les voies de l'avenir. C'est je crois très important, c'est très français comme organisation. Veillons à ce que la mode à laquelle nous sommes souvent soumis ne nous conduise pas à vouloir supprimer tout ce qui pourrait faire perdre du temps.
Il n'y a pas de démocratie sans sens du temps, il n'y a pas de politique sans sens du temps. Le temps c'est souvent l'écoute de l'autre, et le temps c'est le temps qui est donné, le temps qui est donné à l'autre pour s'exprimer. Je pense que nous avons besoin de cette organisation, cette médiation dans notre société. C'est pour ça que je suis heureux d'être avec vous, fier d'être avec vous, à la fois vous représentants du Conseil économique et social national, pour qu'au niveau de la nation ce dialogue ait sa maison, ait sa méthode, et puis au niveau des régions on puisse également pratiquer de la même manière. Bien sûr que la représentativité des élus est totale, mais qui peut dire que 6 ans durant, un élu peut administrer sans être en contact permanent et en dialogue permanent avec ceux qui expriment les voix de la société civile. Je souhaite vraiment que nous avancions, et encore davantage dans cette voie.
J'ai entendu dire, je dis malicieusement devant le président MALVY, que certaines régions avaient convoqué certaines assemblées plénières rapidement, à 3 jours d'un scrutin national, sur un sujet majeur, la décentralisation. La décentralisation, ça touche l'économique, ça touche le social, ça touche le financier, il faut d'abord consulter les Conseils économiques et sociaux régionaux. On ne fait pas d'assemblée plénière sur des éléments stratégiques, sans convoquer d'abord les Conseils économiques et sociaux régionaux. Et c'est ça aussi le temps, ça évite la manuvre, parce que dès qu'on met du temps on met de la discussion, et quand on met de la discussion, on met de la démocratie. Et c'est je crois très important de structurer notre démarche de cette manière. Je crois qu'il y a un bon dialogue entre le Conseil économique et social régional et le Conseil régional lui-même. Vous avez montré par votre expérience maintenant, combien au niveau des régions vous étiez habitués à travailler, de temps en temps il peut y avoir des tensions, mais les tensions sont naturelles dans une démocratie.
Ce qui est important, c'est que chacun reste bien à sa place, le consultatif, le délibératif, mais un consultatif qui a la liberté de s'exprimer, et donc qui doit avoir quelques moyens aussi pour le faire. C'est pour ça que je vous rassure, votre décret sur le statut est signé. Vous pensez bien que je vous connais trop pour être venu ici sans avoir assuré mes arrières, l'expérience ça sert. Mais dans ce contexte-là, je crois qu'il faut que le consultatif soit vraiment le représentant de la société civile, et on a des progrès à faire. Vous avez des progrès à faire vis-à-vis de l'ensemble de la société pour que vos travaux soient mieux connus, que vos représentants se sentent davantage interlocuteurs des structures associatives, professionnelles qu'ils représentent. Donc, il y a un travail vis-à-vis de la région, il y a un travail vis-à-vis de la société. Il faut qu'on puisse développer ce travail de contact, entre les représentanst socioprofessionnels et l'ensemble des structures auxquelles il doit s'adresser. C'est un élément fort de cette stratégie au niveau régional.
Je pense que sur tous les textes importants, notamment ce qui touche à la décentralisation, mais tous ce qui touche au financement, tout ce qui touche à l'organisation économique et sociale de la région, le Conseil économique et social, par saisine de la région, par auto-saisine, doit pouvoir être vraiment le lieu de conseil pour l'assemblée régionale. Je dois dire qu'il faut souvent aller au-delà, et qu'il est important, et je l'ai vu personnellement dans la situation précédente à laquelle vous faites référence, sur un certain nombre de sujets complexes, le débat au Conseil économique et social est éclairant pour la décision régionale. Je me souviens d'un certain nombre de sujets difficiles, pour lesquels les élus n'avaient pas forcément une capacité à dégager un consensus ou à dégager une vision, il y avait des crispations, il y avait des visions un peu tendues, et finalement on voyait arriver la crispation, le blocage.
Le passage en Conseil économique et social, le temps de la délibération, le temps des échanges finalement faisaient apparaître un certain nombre d'idées, parmi lesquelles on pouvait tracer une voie d'avenir. C'est ça cet éclairage de la route du Conseil économique et social, c'est ça la gouvernance démocratique à laquelle nous sommes attachés. Je pense vraiment que dans cette société où chaque individu veut être connu par lui-même, où chaque individu aspire à ce que son message certes soit le message de la République, et que chacun puisse avoir accès aux valeurs de la République, la Liberté, l'Egalité, la Fraternité, tous égaux dans l'accès à la République mais tous différents dans le message. Il faut pouvoir organiser cette structure de débats au niveau régional. De ce point de vue-là, le fait régional est un fait démocratique majeur. Je pense que maintenant, avec la loi électorale, nous avons fait un grand pas en avant au niveau régional. Nous avons des élus régionaux, qui sont élus avec des centaines de milliers de voix, c'est-à-dire qu'ils sont vraiment représentatifs d'une situation j'aurai pu préférer qu'il en fût autrement ! Mais je suis démocrate et je me réjouis de l'autorité politique de ceux qui sont élus, parce qu'un pouvoir démocratique faible n'est jamais un bon pouvoir. Je me réjouis qu'il y ait là une forte légitimité qui soit donnée au fait régional. On me dit "oh mais les autres responsables, les autres collectivités territoriales, vous n'avez pas arbitré entre les compétences", quand vous donnez à l'un des échelons, la puissance démocratique avec un nombre d'électeurs particulièrement significatif, vous lui donnez naturellement quelque part une autorité significative. Et cette autorité, elle est importante, mais naturellement elle doit être équilibrée avec le partenaire du Conseil économique et social.
C'est je pense là une perspective pour la France très importante. Nous avons inscrit dans la Constitution, ce qui est une avancée essentielle, majeure, nous la verrons progressivement s'affirmer, dans la Constitution maintenant, nous parlons d'organisation décentralisée de la République. Et le Conseil constitutionnel cher Alain LANCELOT devra forcément, quand il aura à jeter son regard bienveillant et pertinent, l'un ou l'autre, quelquefois les deux, quand il expertisera les textes, il devra veiller à ce que ce qui est proposé et voté par le Parlement corresponde bien à une organisation décentralisée de la République. Progressivement, vous verrez que le droit fera son chemin, et que le droit structurera notre République de manière décentralisée. Mais je souhaite que la région puisse s'appuyer sur ces deux pôles, l'assemblée politique et l'assemblée socioprofessionnelle. C'est comme ça que nous pourrons construire une avancée décentralisée en France qui soit une avancée équilibrée, une avancée pour laquelle nous avons des possibilités importantes d'action. Je voudrais vous mobiliser sur deux grands sujets, le premier sujet c'est celui qui concerne notre organisation nationale, notre situation économique et sociale nationale, et votre rôle dans ce dispositif.
Je crois sincèrement que nous sommes dans une période économique favorable, qui nous ouvre un certain nombre de bonnes opportunités. Depuis l'an 2000, nous avons connu une rupture de croissance brutale, nous étions à 4 % de croissance en l'an 2000, à 2 % de croissance en 2001, à 1 % de croissance en 2002 et à -0,3 % de croissance au deuxième trimestre 2003, c'est-à-dire que nous avons eu un taux de croissance qui s'est divisé par 4 en 3 ans. Un point de croissance, c'est 150.000 emplois, donc nous avons connu une rupture qui a fait mal à la société française, qui a fait mal au territoire de France. Cette rupture de croissance, elle s'est inversée au cours du second semestre 2003, avec des taux de croissance qui aujourd'hui nous laissent penser que les perspectives sont durablement positives. Nous sommes sur le budget 2004 avec une prévision de 1,7 %, mais l'ensemble des organismes d'experts nous donnent plutôt un rythme de 2 %, et nous sommes plutôt parmi les pays en tête de la zone euro. A partir de 1,5 %, nous recommençons à créer des emplois, et donc notre économie redevient constructive, ce qui est essentiel. Et donc nous pensons qu'avec l'année 2004, nous aurons connu cette inflexion de croissance, et que nous retrouverons un rythme de croissance qui nous permette de pouvoir bâtir ce que je souhaite pour mon pays, c'est une nouvelle prospérité, mais une nouvelle prospérité mieux partagée.
C'est l'ambition qui doit être la nôtre, faire en sorte que les fruits de la croissance soient mieux partagés dans l'ensemble de la France, entre les territoires mais aussi entre les Français. Voilà une ambition pour les Conseils économiques et sociaux, voilà une ambition pour le débat social et économique dans notre pays, éviter que la croissance se perde dans l'appareil d'Etat, éviter que la croissance comme la marée, quand elle se retire, ne laisse pas de trace, faire de la croissance un progrès pour chaque Français, de la cohésion pour chaque territoire.
Voilà l'enjeu qui est devant nous. Cet enjeu il est très important pour vous tous, pour inventer des formules de cohésion économique et sociale pour inventer des péréquations, pour inventer un certain nombre de dispositifs, sur lesquels nous allons travailler et nous travaillons déjà au niveau national, mais sur lesquels il faut travailler au niveau régional. Car nous travaillons sur les problèmes financiers, avec une péréquation nationale entre régions, mais à l'intérieur de chaque région il y a des disparités de richesse, de bassin d'emplois, il y a clairement un besoin de cohésion à l'intérieur même du dispositif régional, tout comme au niveau supra régional nous avons besoin de cohésion économique et sociale, au niveau infra régional nous avons aussi besoin de cette cohésion-là. Je crois que nous avons beaucoup à travailler sur les questions de formation évidemment, les compétences régionales sont très importantes, avec le droit individuel à la formation, et la formation tout au long de la vie. Nous allons organiser des nouveaux dispositifs pour qualifier davantage les citoyens, et donc donner davantage de chances à chacune et chacun, et ceci plus ça se passera au plus près de l'emploi, au plus près de l'entreprise, au plus près du bassin d'emplois, et mieux ce sera. Je connais des Conseils économiques et sociaux qui ont développé des actions au niveau des bassins d'emplois, je pense que là vous avez une action importante pour aller placer le dialogue social sur le terrain, là où quelquefois il est insuffisamment présent, grâce à votre savoir-faire, grâce à votre ingénierie de la négociation, grâce à votre habitude de travail en commun les uns et les autres, chacun dans son statut, chacun dans avec sa différence, mais être capable de voter des délibérations, être capable d'avoir des synthèses même si elles ne font pas l'unanimité, elles font une majorité.
C'est ça l'intérêt du Conseil économique et social, c'est sa capacité de voter, de voter une orientation, de voter un dispositif. Cette méthode de travail, il faudra l'importer, l'implanter au niveau du bassin d'emplois, pour aider les acteurs locaux à participer à la dynamique du territoire, la gestion prévisionnelle de l'emploi, un certain nombre d'éléments majeurs, et notamment le droit individuel à la formation avec un service public de l'emploi rénové au plus proche du terrain. Je pense que sur ces sujets-là, vous avez des responsabilités majeures à assumer, en liaison avec le Conseil régional. Je pense que l'organisation qui est variable suivant les régions, en matière de pays par exemple avec les conseils de développement et toutes ces formes d'organisation de la société civile, à côté du pouvoir exécutif dans certaines agglomérations, je connais la diversité qu'il y a dans toute la France, je pense que les Conseils économiques et sociaux régionaux doivent un peu jouer le rôle de tête de réseau au niveau régional du dialogue, qui doit avoir lieu aussi au niveau des bassins d'emplois des pays ou des agglomérations. Ne serait-ce que pour rendre contagieuse votre pratique du dialogue social, parce qu'on ne devient pas du jour au lendemain un habitué du dialogue social.
Je me souviens dans ma propre région, quand la première fois on a demandé au Conseil économique et social de bien vouloir réfléchir à la mise en place des conseils de développement, les élus sont tout de suite montés au créneau en disant "moi ça fait 20 ans que je me bats contre le représentant syndical de l'hôpital, il est toujours candidat à la mairie contre moi, vous voulez qu'on fasse un conseil de développement avec lui", je dis "allez voir au Conseil économique et social, ils savent organiser les débats entre des gens qui, au départ n'ont pas les mêmes positions, et il y a des méthodes de travail, il y a des approches, et puis vous finirez par monter un conseil de développement qui saura travailler". Et finalement c'est comme ça que ça marche, mais naturellement ça ne démarre pas du jour au lendemain, et tout ça demande une appropriation du dialogue social, mais aussi des méthodes de travail. Et ça, le Conseil économique et social, peut-être le logiciel central du dialogue social infra régional, je crois que c'est très important dans cette nouvelle prospérité mieux partagée, c'est dans cette capacité à partager la croissance que le Conseil économique et social doit pouvoir agir sur le terrain, et notamment sur tout ce qui concerne le travail, l'emploi, l'insertion, tout ce qui touche à l'intégration des Français dans la société par le travail, et il y a là une mission très importante que vous devez développer.
Je voudrais vous dire aussi que dans ce contexte-là, je pense que nous devons travailler à des grands projets d'avenir, nous devons travailler à des projets qui sont capables de mobiliser les territoires, et ces projets ils peuvent avoir la dimension d'un bassin d'emplois d'un département ou d'une région, quelquefois même d'une inter région, et je pense que là aussi il y a une validation des projets qui peut se faire grâce à l'expertise du Conseil économique et social. Je pense que dialogue social et évaluation des projets sont deux éléments très stratégiques dont un territoire a besoin, et pour lequel des équipes qui n'auraient pas forcément les capacités d'expertise suffisantes, pourraient trouver auprès du Conseil économique et social les moyens, les moyens d'étude, les moyens d'expertise nécessaires à valider les projets. Je crois que c'est très important, notamment dans tout ce qui concerne la valorisation de la matière grise, je pense aux pôles de compétences, innovation, recherche, technologies, et tout ce qui peut être aujourd'hui créateur de croissance au niveau d'un territoire, créateur d'emplois, il y a là une validation des projets, et je pense que l'expertise socioprofessionnelle doit pouvoir être pour l'élu politique un élément de la décision.
Parce qu'il est clair qu'il nous faut cette validation, pour éviter quelquefois la dispersion, pour éviter le saupoudrage. Il est bon qu'une assemblée qui n'a pas forcément vocation à analyser le sujet qu'en termes politiques, mais qui peut l'analyser en termes socio-économiques, s'exprime, le politique après ayant la liberté naturellement de prendre sa décision, mais il bénéficie là d'une expertise qui est très importante. Je crois que pour nos territoires, c'est essentiel, et je pense vraiment que dans le développement régional, la place donnée aux projets est une place très importante, et le Conseil économique et social doit pouvoir jouer un rôle majeur dans cette dynamique. Je pense aussi que dans tout ce qui est l'invention un peu de la démocratie locale, de la démarche participative, la vie associative, ces sujets-là doivent être aussi des sujets qui concernent les Conseils économiques et sociaux, puisque vous en avez la sensibilité, je crois qu'il y a là des innovations à proposer.
En ce qui concerne l'évolution de la décentralisation, je voudrais vous dire que nous continuerons la route que nous avons tracé par la réforme constitutionnelle, pour aller plus avant encore dans la décentralisation. Je crois vraiment que la décentralisation est nécessaire à l'organisation humaine de notre pays. Je crois que notre pays est congestionné par le haut, je crois que beaucoup trop de sujets remontent dans les organisations centrales, je crois qu'il n'y a pas suffisamment de responsabilisations territoriales, parce qu'il n'y a pas suffisamment de décentralisation. Comment peut-on aujourd'hui concilier, et le besoin d'unité nationale et le besoin de diversité humaine et territoriale, si ce n'est en décentralisant, car si on ne veut faire que de la cohérence, on ne fera que du national mais on oubliera la proximité, si on ne fait que de la proximité, on fera du gaspillage ou de la dispersion et on oubliera la cohérence. Il faut donc équilibrer cohérence et proximité, c'est pour ça qu'il faut qu'il y ait cette articulation entre l'Etat et la région, la région avec ses deux assemblées pour pouvoir développer cette organisation de la décentralisation. Nous allons donner aux régions des pouvoirs très importants, je souhaite que progressivement la région s'affirme dans sa dimension économique et sociale, comme un moteur de notre développement national. Je souhaite que vous puissiez à côté d'elle participer à cette dynamique.
Je pense que ensemble nous devons garder la démarche contractuelle, Etat régions, je pense que la démarche contractuelle telle qu'elle a été bâtie, s'est un peu éloignée de l'esprit de 84, qui était l'esprit que Michel ROCARD avait donné à ce dispositif, et qui me paraissait d'ailleurs un bon esprit, c'est-à-dire un vrai partenariat entre l'Etat et la région, l'Etat disant ses priorités, la région donnant les siennes, les uns et les autres discutant pour organiser leur travail en commun, mais ceci sur des périodes relativement courtes. Je pense que le délai de 7 ans rend, dans la contractualisation, le rôle de l'affichage un peu trop important par rapport au déroulement des projets, et on s'aperçoit que 7 ans durant les projets évoluent. Certains naturellement sont devenus obsolètes, de nouveaux projets sont apparus, et on se trouve un peu enfermé dans des dispositifs qui sont des dispositifs un peu rigides. Il va de soi que les finances publiques de notre pays nous ont imposées quelques restrictions, mais nous veillerons, nous veillerons à l'occasion d'une prochaine réunion interministérielle à ce que aucun chantier, aucun grand projet ne puisse être arrêté dans notre pays pour cause de régulation budgétaire. Nous serons très attentifs à cette réalisation des projets, il faut pouvoir à la fois gérer les finances publiques de notre pays, après cette rupture de croissance qui a crée un grand nombre de déficits, il nous faut gérer avec discipline, et notamment la discipline européenne, nos finances publiques, il nous faut aussi permettre à la consommation et à l'investissement de soutenir la croissance, et donc continuer à porter des projets.
C'est pour ça que je souhaite vraiment avoir, pour ce faire, des discussions avec les uns et les autres, pour que aucun projet, aucune infrastructure ne puisse se trouver fragilisée par les nécessaires régulations. Je voudrais également vous dire qu'il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous pensons devoir avancer ensemble, notamment en ce qui concerne les finances publiques. Il est clair que en matière de finances publiques, il faut donner à la région de véritables moyens financiers. Ces moyens financiers, nous devons les donner de manière à ce qu'ils soient et lisibles pour le citoyen et efficaces pour la gestion régionale. Il est un peu aujourd'hui complexe de s'y retrouver globalement dans la fiscalité locale, et quand le contribuable reçoit sa feuille, il voit ce qui va à la mairie, ce qui va au département, ce qui va à la région, tout ceci n'est pas d'une très grande clarté, malgré les efforts dans les années récentes des services fiscaux pour identifier les actions des uns et des autres. Je crois qu'il faut vraiment au fait régional une méthode de financement qui soit claire et puissante.
C'est pour ça que nous sommes en négociation avec Bruxelles pour qu'une part de la TIPP puisse être modulée au niveau régional, c'est une ressource économique qui est liée au dynamisme régional, qui pourra donner là les moyens nécessaires et la responsabilité politique qui va avec les moyens, car la décentralisation c'est la responsabilité. Donc, on fait des projets, on lance des initiatives, mais en face on mobilise des moyens et on est face aux électeurs pour rendre des comptes, et les électeurs à ce moment-là ont à exprimer leur propre choix quant à l'avenir de leur territoire. Cette logique-là est une logique très importante pour nous, c'est une étape prochaine essentielle de la décentralisation, donner aux régions des ressources financières puissantes, économiques, modulables. Ca ne veut pas dire que nous allons augmenter la fiscalité, puisque par définition aujourd'hui, face à la réforme constitutionnelle, quand l'Etat confie une responsabilité aux territoires, il est obligé de leur confier les ressources correspondantes à cette responsabilité.
Donc là, il n'y a pas de meilleure protection pour les élus que celle de la Constitution, c'est notre loi suprême, c'est notre pacte républicain qui est directement concerné, il y aura souvent des discussions, mais l'élu est protégé par la loi suprême, c'est je crois un élément très important. J'y tenais beaucoup, j'ai trop vécu dans le passé les situations qu'il peut vous arriver de vivre dans le présent, et donc que je suis amené à comprendre. Je voudrais vous dire aussi combien, en matière d'éducation, je souhaite que vous soyez très attentifs à l'évolution de notre système éducatif. Il est clair que l'éducation est nationale, qu'elle restera nationale, qu'elle assumera sa vocation républicaine, et que nous demandons à tous les acteurs de l'éducation de toujours bien défendre les valeurs de la République, notamment l'égalité, l'égalité des chances, la capacité à tout jeune français de réussir à l'école qu'elle que soit l'école qu'il fréquente, c'est pour ça que nous sommes très attachés à une éducation qui reste nationale.
Mais au-delà de cette perspective, nous souhaitons que soient prolongés les efforts de progrès qui ont été faits, avec les départements pour les collèges, avec les régions pour les lycées. C'est pour ça qu'avec les personnels TOS, avec un certain nombre d'initiatives que vous sauriez développer au niveau territorial, nous souhaitons faire des avancées nouvelles. Elles ne sont pas liées directement à l'uvre d'Education nationale, elles sont liées comme les bâtiments, comme les salles qui impliquent naturellement une participation à la pédagogie. Quand il s'agit de salles informatiques ou de salles de sciences, il y a là une dynamique territoriale pour qu'on puisse décider au plus près du terrain, et que parents d'élèves, enseignants, lycéens, l'ensemble des différents partenaires puissent faire entendre leurs besoins auprès des véritables décideurs qui sont les décideurs de proximité. Je sais que toutes ces réformes peuvent inquiéter, j'étais moi-même inquiet quand on a fait la réforme des TER, et donc nous avons vu qu'avec les TER, au fond les régions ont assumé cette responsabilité avec compétence et avec capacité, et je crois que nous n'avons qu'à gagner à donner des responsabilités aux régions, c'est une avancée importante. Et pourquoi les choses se sont bien passées ? Parce que finalement, rien mieux qu'un élu local pour savoir que la correspondance de tel train avec tel autre doit passer par tel type d'horaire, plutôt que d'aller demander à une direction plus lointaine de faire de tels arbitrages. C'est pour ça que je crois vraiment qu'il y a là des possibilités importantes de développement de la décentralisation. Les textes ont été votés en première lecture, pour ce qui est des transferts, ils font l'objet d'un certain nombre de concertations. Je recevrai à nouveau les présidents de région, je sais qu'ils souhaitent me voir régulièrement, et je les comprends puisque j'ai été président de l'Assemblée des régions, et que dans le temps je demandais souvent rendez-vous au Premier ministre et que je ne l'obtenais pas souvent. Mais maintenant, je vais pouvoir donc donner satisfaction, et je n'ai pas attendu qu'un jour que vous soyez élu, pour pouvoir déjà recevoir les présidents, je suis d'ailleurs prêts à les recevoir, les présidents de Conseils économiques et sociaux également, puisque vous êtes au cur même de cette dynamique de décentralisation, je crois qu'en effet le dialogue Etat régions est un dialogue essentiel.
Pour moi, dans l'architecture de la République, nous avons ces deux valeurs à faire cohabiter, celle de la cohérence, celle de la proximité, le couple Etat région est d'abord celui de la cohérence, le couple département commune est d'abord celui de la proximité. Ce sont ces deux valeurs qu'il faut pouvoir développer, la région en soi n'est pas forcément une proximité sur tous les dossiers, la région est une force stratégique, une capacité de dialogue, une capacité humaine de construction de projets, mais la région n'est pas le lieu de la plus grande proximité, alors que la commune reste le pilier de la République et de la Démocratie. C'est là où se construit par essence la proximité. Je souhaite vraiment que dans cette organisation-là, il y ait un dialogue permanent entre l'Etat et les régions, c'est pour ça que passer les épreuves électorales qu'il faut toujours passer, nous construirons cette relation détendue et sereine, qu'une République apaisée doit pouvoir vivre. Je sais bien que c'est ce climat qui va s'imposer, parce que pour chaque élu régional comme pour chaque membre du Conseil économique et social, ce qui compte c'est l'intérêt de sa région, c'est l'intérêt des habitants, ce n'est pas de crisper les positions des uns et des autres, c'est au contraire de rechercher des solutions.
Et c'est par le dialogue, dont cette maison est le symbole, que nous pourrons réussir à construire cette république vivante et décentralisée, qu'il nous faut pouvoir offrir aux Françaises et aux Français, pour qu'ils aient la capacité de vivre les années prochaines qui seront des années de croissance, mais dans un partage de la croissance que grâce à vous ils pourront mieux assumer.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 juin 2004)
Monsieur le président de l'Assemblée des présidents de Conseils économiques et sociaux,
Mesdames, Messieurs les présidents,
je voudrais vous dire que je suis très heureux d'être avec vous au sein du Conseil économique et social. Je le suis parce que je crois vraiment que nous sommes au cur d'une institution républicaine essentielle, notamment en ce début de XXIe siècle où tout observateur de la société ne peut que s'inquiéter de la montée de toutes les violences, de toutes les ruptures, de toutes les incompréhensions.
Il nous faut donc absolument structurer le dialogue, le dialogue social, le dialogue civique, le dialogue républicain, et ici on est un peu dans cette maison où s'équilibre le dialogue entre le responsable politique et la société civile et ses représentants, dans lesquels l'organisation sociale, les partenaires sociaux jouent un rôle très important. Je voudrais vous donner ce sentiment de point de départ, parce que c'est une des perspectives que nous devons traiter pour la société française parmi les plus importantes. Il n'est pas vrai que la société française ira systématiquement vers plus de simplification. Bien sûr qu'il nous faut procéder à des simplifications, bien sûr qu'il faut alléger la paperasse, bien sûr qu'il faut diminuer les procédures, mais il n'y a que les dictatures qui sont simples.
Dès qu'on veut se parler, dès qu'on veut écouter les avis des uns et des autres, dès qu'on veut respecter la personne pour ce qu'elle est, eh bien il faut du temps, il faut de l'organisation, il faut investir dans la démocratie économique, sociale et politique, car autrement on va à l'affrontement, autrement on va à l'incompréhension, autrement on va à la tension. La démocratie, ce n'est pas seulement un journal télévisé qui parle au même moment à tous les Français, c'est chaque Français qui, avec leurs représentants, qu'ils soient politiques, économiques ou sociaux, peut s'exprimer et trouvent des lieux où l'on recherche les voies de l'avenir. C'est je crois très important, c'est très français comme organisation. Veillons à ce que la mode à laquelle nous sommes souvent soumis ne nous conduise pas à vouloir supprimer tout ce qui pourrait faire perdre du temps.
Il n'y a pas de démocratie sans sens du temps, il n'y a pas de politique sans sens du temps. Le temps c'est souvent l'écoute de l'autre, et le temps c'est le temps qui est donné, le temps qui est donné à l'autre pour s'exprimer. Je pense que nous avons besoin de cette organisation, cette médiation dans notre société. C'est pour ça que je suis heureux d'être avec vous, fier d'être avec vous, à la fois vous représentants du Conseil économique et social national, pour qu'au niveau de la nation ce dialogue ait sa maison, ait sa méthode, et puis au niveau des régions on puisse également pratiquer de la même manière. Bien sûr que la représentativité des élus est totale, mais qui peut dire que 6 ans durant, un élu peut administrer sans être en contact permanent et en dialogue permanent avec ceux qui expriment les voix de la société civile. Je souhaite vraiment que nous avancions, et encore davantage dans cette voie.
J'ai entendu dire, je dis malicieusement devant le président MALVY, que certaines régions avaient convoqué certaines assemblées plénières rapidement, à 3 jours d'un scrutin national, sur un sujet majeur, la décentralisation. La décentralisation, ça touche l'économique, ça touche le social, ça touche le financier, il faut d'abord consulter les Conseils économiques et sociaux régionaux. On ne fait pas d'assemblée plénière sur des éléments stratégiques, sans convoquer d'abord les Conseils économiques et sociaux régionaux. Et c'est ça aussi le temps, ça évite la manuvre, parce que dès qu'on met du temps on met de la discussion, et quand on met de la discussion, on met de la démocratie. Et c'est je crois très important de structurer notre démarche de cette manière. Je crois qu'il y a un bon dialogue entre le Conseil économique et social régional et le Conseil régional lui-même. Vous avez montré par votre expérience maintenant, combien au niveau des régions vous étiez habitués à travailler, de temps en temps il peut y avoir des tensions, mais les tensions sont naturelles dans une démocratie.
Ce qui est important, c'est que chacun reste bien à sa place, le consultatif, le délibératif, mais un consultatif qui a la liberté de s'exprimer, et donc qui doit avoir quelques moyens aussi pour le faire. C'est pour ça que je vous rassure, votre décret sur le statut est signé. Vous pensez bien que je vous connais trop pour être venu ici sans avoir assuré mes arrières, l'expérience ça sert. Mais dans ce contexte-là, je crois qu'il faut que le consultatif soit vraiment le représentant de la société civile, et on a des progrès à faire. Vous avez des progrès à faire vis-à-vis de l'ensemble de la société pour que vos travaux soient mieux connus, que vos représentants se sentent davantage interlocuteurs des structures associatives, professionnelles qu'ils représentent. Donc, il y a un travail vis-à-vis de la région, il y a un travail vis-à-vis de la société. Il faut qu'on puisse développer ce travail de contact, entre les représentanst socioprofessionnels et l'ensemble des structures auxquelles il doit s'adresser. C'est un élément fort de cette stratégie au niveau régional.
Je pense que sur tous les textes importants, notamment ce qui touche à la décentralisation, mais tous ce qui touche au financement, tout ce qui touche à l'organisation économique et sociale de la région, le Conseil économique et social, par saisine de la région, par auto-saisine, doit pouvoir être vraiment le lieu de conseil pour l'assemblée régionale. Je dois dire qu'il faut souvent aller au-delà, et qu'il est important, et je l'ai vu personnellement dans la situation précédente à laquelle vous faites référence, sur un certain nombre de sujets complexes, le débat au Conseil économique et social est éclairant pour la décision régionale. Je me souviens d'un certain nombre de sujets difficiles, pour lesquels les élus n'avaient pas forcément une capacité à dégager un consensus ou à dégager une vision, il y avait des crispations, il y avait des visions un peu tendues, et finalement on voyait arriver la crispation, le blocage.
Le passage en Conseil économique et social, le temps de la délibération, le temps des échanges finalement faisaient apparaître un certain nombre d'idées, parmi lesquelles on pouvait tracer une voie d'avenir. C'est ça cet éclairage de la route du Conseil économique et social, c'est ça la gouvernance démocratique à laquelle nous sommes attachés. Je pense vraiment que dans cette société où chaque individu veut être connu par lui-même, où chaque individu aspire à ce que son message certes soit le message de la République, et que chacun puisse avoir accès aux valeurs de la République, la Liberté, l'Egalité, la Fraternité, tous égaux dans l'accès à la République mais tous différents dans le message. Il faut pouvoir organiser cette structure de débats au niveau régional. De ce point de vue-là, le fait régional est un fait démocratique majeur. Je pense que maintenant, avec la loi électorale, nous avons fait un grand pas en avant au niveau régional. Nous avons des élus régionaux, qui sont élus avec des centaines de milliers de voix, c'est-à-dire qu'ils sont vraiment représentatifs d'une situation j'aurai pu préférer qu'il en fût autrement ! Mais je suis démocrate et je me réjouis de l'autorité politique de ceux qui sont élus, parce qu'un pouvoir démocratique faible n'est jamais un bon pouvoir. Je me réjouis qu'il y ait là une forte légitimité qui soit donnée au fait régional. On me dit "oh mais les autres responsables, les autres collectivités territoriales, vous n'avez pas arbitré entre les compétences", quand vous donnez à l'un des échelons, la puissance démocratique avec un nombre d'électeurs particulièrement significatif, vous lui donnez naturellement quelque part une autorité significative. Et cette autorité, elle est importante, mais naturellement elle doit être équilibrée avec le partenaire du Conseil économique et social.
C'est je pense là une perspective pour la France très importante. Nous avons inscrit dans la Constitution, ce qui est une avancée essentielle, majeure, nous la verrons progressivement s'affirmer, dans la Constitution maintenant, nous parlons d'organisation décentralisée de la République. Et le Conseil constitutionnel cher Alain LANCELOT devra forcément, quand il aura à jeter son regard bienveillant et pertinent, l'un ou l'autre, quelquefois les deux, quand il expertisera les textes, il devra veiller à ce que ce qui est proposé et voté par le Parlement corresponde bien à une organisation décentralisée de la République. Progressivement, vous verrez que le droit fera son chemin, et que le droit structurera notre République de manière décentralisée. Mais je souhaite que la région puisse s'appuyer sur ces deux pôles, l'assemblée politique et l'assemblée socioprofessionnelle. C'est comme ça que nous pourrons construire une avancée décentralisée en France qui soit une avancée équilibrée, une avancée pour laquelle nous avons des possibilités importantes d'action. Je voudrais vous mobiliser sur deux grands sujets, le premier sujet c'est celui qui concerne notre organisation nationale, notre situation économique et sociale nationale, et votre rôle dans ce dispositif.
Je crois sincèrement que nous sommes dans une période économique favorable, qui nous ouvre un certain nombre de bonnes opportunités. Depuis l'an 2000, nous avons connu une rupture de croissance brutale, nous étions à 4 % de croissance en l'an 2000, à 2 % de croissance en 2001, à 1 % de croissance en 2002 et à -0,3 % de croissance au deuxième trimestre 2003, c'est-à-dire que nous avons eu un taux de croissance qui s'est divisé par 4 en 3 ans. Un point de croissance, c'est 150.000 emplois, donc nous avons connu une rupture qui a fait mal à la société française, qui a fait mal au territoire de France. Cette rupture de croissance, elle s'est inversée au cours du second semestre 2003, avec des taux de croissance qui aujourd'hui nous laissent penser que les perspectives sont durablement positives. Nous sommes sur le budget 2004 avec une prévision de 1,7 %, mais l'ensemble des organismes d'experts nous donnent plutôt un rythme de 2 %, et nous sommes plutôt parmi les pays en tête de la zone euro. A partir de 1,5 %, nous recommençons à créer des emplois, et donc notre économie redevient constructive, ce qui est essentiel. Et donc nous pensons qu'avec l'année 2004, nous aurons connu cette inflexion de croissance, et que nous retrouverons un rythme de croissance qui nous permette de pouvoir bâtir ce que je souhaite pour mon pays, c'est une nouvelle prospérité, mais une nouvelle prospérité mieux partagée.
C'est l'ambition qui doit être la nôtre, faire en sorte que les fruits de la croissance soient mieux partagés dans l'ensemble de la France, entre les territoires mais aussi entre les Français. Voilà une ambition pour les Conseils économiques et sociaux, voilà une ambition pour le débat social et économique dans notre pays, éviter que la croissance se perde dans l'appareil d'Etat, éviter que la croissance comme la marée, quand elle se retire, ne laisse pas de trace, faire de la croissance un progrès pour chaque Français, de la cohésion pour chaque territoire.
Voilà l'enjeu qui est devant nous. Cet enjeu il est très important pour vous tous, pour inventer des formules de cohésion économique et sociale pour inventer des péréquations, pour inventer un certain nombre de dispositifs, sur lesquels nous allons travailler et nous travaillons déjà au niveau national, mais sur lesquels il faut travailler au niveau régional. Car nous travaillons sur les problèmes financiers, avec une péréquation nationale entre régions, mais à l'intérieur de chaque région il y a des disparités de richesse, de bassin d'emplois, il y a clairement un besoin de cohésion à l'intérieur même du dispositif régional, tout comme au niveau supra régional nous avons besoin de cohésion économique et sociale, au niveau infra régional nous avons aussi besoin de cette cohésion-là. Je crois que nous avons beaucoup à travailler sur les questions de formation évidemment, les compétences régionales sont très importantes, avec le droit individuel à la formation, et la formation tout au long de la vie. Nous allons organiser des nouveaux dispositifs pour qualifier davantage les citoyens, et donc donner davantage de chances à chacune et chacun, et ceci plus ça se passera au plus près de l'emploi, au plus près de l'entreprise, au plus près du bassin d'emplois, et mieux ce sera. Je connais des Conseils économiques et sociaux qui ont développé des actions au niveau des bassins d'emplois, je pense que là vous avez une action importante pour aller placer le dialogue social sur le terrain, là où quelquefois il est insuffisamment présent, grâce à votre savoir-faire, grâce à votre ingénierie de la négociation, grâce à votre habitude de travail en commun les uns et les autres, chacun dans son statut, chacun dans avec sa différence, mais être capable de voter des délibérations, être capable d'avoir des synthèses même si elles ne font pas l'unanimité, elles font une majorité.
C'est ça l'intérêt du Conseil économique et social, c'est sa capacité de voter, de voter une orientation, de voter un dispositif. Cette méthode de travail, il faudra l'importer, l'implanter au niveau du bassin d'emplois, pour aider les acteurs locaux à participer à la dynamique du territoire, la gestion prévisionnelle de l'emploi, un certain nombre d'éléments majeurs, et notamment le droit individuel à la formation avec un service public de l'emploi rénové au plus proche du terrain. Je pense que sur ces sujets-là, vous avez des responsabilités majeures à assumer, en liaison avec le Conseil régional. Je pense que l'organisation qui est variable suivant les régions, en matière de pays par exemple avec les conseils de développement et toutes ces formes d'organisation de la société civile, à côté du pouvoir exécutif dans certaines agglomérations, je connais la diversité qu'il y a dans toute la France, je pense que les Conseils économiques et sociaux régionaux doivent un peu jouer le rôle de tête de réseau au niveau régional du dialogue, qui doit avoir lieu aussi au niveau des bassins d'emplois des pays ou des agglomérations. Ne serait-ce que pour rendre contagieuse votre pratique du dialogue social, parce qu'on ne devient pas du jour au lendemain un habitué du dialogue social.
Je me souviens dans ma propre région, quand la première fois on a demandé au Conseil économique et social de bien vouloir réfléchir à la mise en place des conseils de développement, les élus sont tout de suite montés au créneau en disant "moi ça fait 20 ans que je me bats contre le représentant syndical de l'hôpital, il est toujours candidat à la mairie contre moi, vous voulez qu'on fasse un conseil de développement avec lui", je dis "allez voir au Conseil économique et social, ils savent organiser les débats entre des gens qui, au départ n'ont pas les mêmes positions, et il y a des méthodes de travail, il y a des approches, et puis vous finirez par monter un conseil de développement qui saura travailler". Et finalement c'est comme ça que ça marche, mais naturellement ça ne démarre pas du jour au lendemain, et tout ça demande une appropriation du dialogue social, mais aussi des méthodes de travail. Et ça, le Conseil économique et social, peut-être le logiciel central du dialogue social infra régional, je crois que c'est très important dans cette nouvelle prospérité mieux partagée, c'est dans cette capacité à partager la croissance que le Conseil économique et social doit pouvoir agir sur le terrain, et notamment sur tout ce qui concerne le travail, l'emploi, l'insertion, tout ce qui touche à l'intégration des Français dans la société par le travail, et il y a là une mission très importante que vous devez développer.
Je voudrais vous dire aussi que dans ce contexte-là, je pense que nous devons travailler à des grands projets d'avenir, nous devons travailler à des projets qui sont capables de mobiliser les territoires, et ces projets ils peuvent avoir la dimension d'un bassin d'emplois d'un département ou d'une région, quelquefois même d'une inter région, et je pense que là aussi il y a une validation des projets qui peut se faire grâce à l'expertise du Conseil économique et social. Je pense que dialogue social et évaluation des projets sont deux éléments très stratégiques dont un territoire a besoin, et pour lequel des équipes qui n'auraient pas forcément les capacités d'expertise suffisantes, pourraient trouver auprès du Conseil économique et social les moyens, les moyens d'étude, les moyens d'expertise nécessaires à valider les projets. Je crois que c'est très important, notamment dans tout ce qui concerne la valorisation de la matière grise, je pense aux pôles de compétences, innovation, recherche, technologies, et tout ce qui peut être aujourd'hui créateur de croissance au niveau d'un territoire, créateur d'emplois, il y a là une validation des projets, et je pense que l'expertise socioprofessionnelle doit pouvoir être pour l'élu politique un élément de la décision.
Parce qu'il est clair qu'il nous faut cette validation, pour éviter quelquefois la dispersion, pour éviter le saupoudrage. Il est bon qu'une assemblée qui n'a pas forcément vocation à analyser le sujet qu'en termes politiques, mais qui peut l'analyser en termes socio-économiques, s'exprime, le politique après ayant la liberté naturellement de prendre sa décision, mais il bénéficie là d'une expertise qui est très importante. Je crois que pour nos territoires, c'est essentiel, et je pense vraiment que dans le développement régional, la place donnée aux projets est une place très importante, et le Conseil économique et social doit pouvoir jouer un rôle majeur dans cette dynamique. Je pense aussi que dans tout ce qui est l'invention un peu de la démocratie locale, de la démarche participative, la vie associative, ces sujets-là doivent être aussi des sujets qui concernent les Conseils économiques et sociaux, puisque vous en avez la sensibilité, je crois qu'il y a là des innovations à proposer.
En ce qui concerne l'évolution de la décentralisation, je voudrais vous dire que nous continuerons la route que nous avons tracé par la réforme constitutionnelle, pour aller plus avant encore dans la décentralisation. Je crois vraiment que la décentralisation est nécessaire à l'organisation humaine de notre pays. Je crois que notre pays est congestionné par le haut, je crois que beaucoup trop de sujets remontent dans les organisations centrales, je crois qu'il n'y a pas suffisamment de responsabilisations territoriales, parce qu'il n'y a pas suffisamment de décentralisation. Comment peut-on aujourd'hui concilier, et le besoin d'unité nationale et le besoin de diversité humaine et territoriale, si ce n'est en décentralisant, car si on ne veut faire que de la cohérence, on ne fera que du national mais on oubliera la proximité, si on ne fait que de la proximité, on fera du gaspillage ou de la dispersion et on oubliera la cohérence. Il faut donc équilibrer cohérence et proximité, c'est pour ça qu'il faut qu'il y ait cette articulation entre l'Etat et la région, la région avec ses deux assemblées pour pouvoir développer cette organisation de la décentralisation. Nous allons donner aux régions des pouvoirs très importants, je souhaite que progressivement la région s'affirme dans sa dimension économique et sociale, comme un moteur de notre développement national. Je souhaite que vous puissiez à côté d'elle participer à cette dynamique.
Je pense que ensemble nous devons garder la démarche contractuelle, Etat régions, je pense que la démarche contractuelle telle qu'elle a été bâtie, s'est un peu éloignée de l'esprit de 84, qui était l'esprit que Michel ROCARD avait donné à ce dispositif, et qui me paraissait d'ailleurs un bon esprit, c'est-à-dire un vrai partenariat entre l'Etat et la région, l'Etat disant ses priorités, la région donnant les siennes, les uns et les autres discutant pour organiser leur travail en commun, mais ceci sur des périodes relativement courtes. Je pense que le délai de 7 ans rend, dans la contractualisation, le rôle de l'affichage un peu trop important par rapport au déroulement des projets, et on s'aperçoit que 7 ans durant les projets évoluent. Certains naturellement sont devenus obsolètes, de nouveaux projets sont apparus, et on se trouve un peu enfermé dans des dispositifs qui sont des dispositifs un peu rigides. Il va de soi que les finances publiques de notre pays nous ont imposées quelques restrictions, mais nous veillerons, nous veillerons à l'occasion d'une prochaine réunion interministérielle à ce que aucun chantier, aucun grand projet ne puisse être arrêté dans notre pays pour cause de régulation budgétaire. Nous serons très attentifs à cette réalisation des projets, il faut pouvoir à la fois gérer les finances publiques de notre pays, après cette rupture de croissance qui a crée un grand nombre de déficits, il nous faut gérer avec discipline, et notamment la discipline européenne, nos finances publiques, il nous faut aussi permettre à la consommation et à l'investissement de soutenir la croissance, et donc continuer à porter des projets.
C'est pour ça que je souhaite vraiment avoir, pour ce faire, des discussions avec les uns et les autres, pour que aucun projet, aucune infrastructure ne puisse se trouver fragilisée par les nécessaires régulations. Je voudrais également vous dire qu'il y a un certain nombre de sujets sur lesquels nous pensons devoir avancer ensemble, notamment en ce qui concerne les finances publiques. Il est clair que en matière de finances publiques, il faut donner à la région de véritables moyens financiers. Ces moyens financiers, nous devons les donner de manière à ce qu'ils soient et lisibles pour le citoyen et efficaces pour la gestion régionale. Il est un peu aujourd'hui complexe de s'y retrouver globalement dans la fiscalité locale, et quand le contribuable reçoit sa feuille, il voit ce qui va à la mairie, ce qui va au département, ce qui va à la région, tout ceci n'est pas d'une très grande clarté, malgré les efforts dans les années récentes des services fiscaux pour identifier les actions des uns et des autres. Je crois qu'il faut vraiment au fait régional une méthode de financement qui soit claire et puissante.
C'est pour ça que nous sommes en négociation avec Bruxelles pour qu'une part de la TIPP puisse être modulée au niveau régional, c'est une ressource économique qui est liée au dynamisme régional, qui pourra donner là les moyens nécessaires et la responsabilité politique qui va avec les moyens, car la décentralisation c'est la responsabilité. Donc, on fait des projets, on lance des initiatives, mais en face on mobilise des moyens et on est face aux électeurs pour rendre des comptes, et les électeurs à ce moment-là ont à exprimer leur propre choix quant à l'avenir de leur territoire. Cette logique-là est une logique très importante pour nous, c'est une étape prochaine essentielle de la décentralisation, donner aux régions des ressources financières puissantes, économiques, modulables. Ca ne veut pas dire que nous allons augmenter la fiscalité, puisque par définition aujourd'hui, face à la réforme constitutionnelle, quand l'Etat confie une responsabilité aux territoires, il est obligé de leur confier les ressources correspondantes à cette responsabilité.
Donc là, il n'y a pas de meilleure protection pour les élus que celle de la Constitution, c'est notre loi suprême, c'est notre pacte républicain qui est directement concerné, il y aura souvent des discussions, mais l'élu est protégé par la loi suprême, c'est je crois un élément très important. J'y tenais beaucoup, j'ai trop vécu dans le passé les situations qu'il peut vous arriver de vivre dans le présent, et donc que je suis amené à comprendre. Je voudrais vous dire aussi combien, en matière d'éducation, je souhaite que vous soyez très attentifs à l'évolution de notre système éducatif. Il est clair que l'éducation est nationale, qu'elle restera nationale, qu'elle assumera sa vocation républicaine, et que nous demandons à tous les acteurs de l'éducation de toujours bien défendre les valeurs de la République, notamment l'égalité, l'égalité des chances, la capacité à tout jeune français de réussir à l'école qu'elle que soit l'école qu'il fréquente, c'est pour ça que nous sommes très attachés à une éducation qui reste nationale.
Mais au-delà de cette perspective, nous souhaitons que soient prolongés les efforts de progrès qui ont été faits, avec les départements pour les collèges, avec les régions pour les lycées. C'est pour ça qu'avec les personnels TOS, avec un certain nombre d'initiatives que vous sauriez développer au niveau territorial, nous souhaitons faire des avancées nouvelles. Elles ne sont pas liées directement à l'uvre d'Education nationale, elles sont liées comme les bâtiments, comme les salles qui impliquent naturellement une participation à la pédagogie. Quand il s'agit de salles informatiques ou de salles de sciences, il y a là une dynamique territoriale pour qu'on puisse décider au plus près du terrain, et que parents d'élèves, enseignants, lycéens, l'ensemble des différents partenaires puissent faire entendre leurs besoins auprès des véritables décideurs qui sont les décideurs de proximité. Je sais que toutes ces réformes peuvent inquiéter, j'étais moi-même inquiet quand on a fait la réforme des TER, et donc nous avons vu qu'avec les TER, au fond les régions ont assumé cette responsabilité avec compétence et avec capacité, et je crois que nous n'avons qu'à gagner à donner des responsabilités aux régions, c'est une avancée importante. Et pourquoi les choses se sont bien passées ? Parce que finalement, rien mieux qu'un élu local pour savoir que la correspondance de tel train avec tel autre doit passer par tel type d'horaire, plutôt que d'aller demander à une direction plus lointaine de faire de tels arbitrages. C'est pour ça que je crois vraiment qu'il y a là des possibilités importantes de développement de la décentralisation. Les textes ont été votés en première lecture, pour ce qui est des transferts, ils font l'objet d'un certain nombre de concertations. Je recevrai à nouveau les présidents de région, je sais qu'ils souhaitent me voir régulièrement, et je les comprends puisque j'ai été président de l'Assemblée des régions, et que dans le temps je demandais souvent rendez-vous au Premier ministre et que je ne l'obtenais pas souvent. Mais maintenant, je vais pouvoir donc donner satisfaction, et je n'ai pas attendu qu'un jour que vous soyez élu, pour pouvoir déjà recevoir les présidents, je suis d'ailleurs prêts à les recevoir, les présidents de Conseils économiques et sociaux également, puisque vous êtes au cur même de cette dynamique de décentralisation, je crois qu'en effet le dialogue Etat régions est un dialogue essentiel.
Pour moi, dans l'architecture de la République, nous avons ces deux valeurs à faire cohabiter, celle de la cohérence, celle de la proximité, le couple Etat région est d'abord celui de la cohérence, le couple département commune est d'abord celui de la proximité. Ce sont ces deux valeurs qu'il faut pouvoir développer, la région en soi n'est pas forcément une proximité sur tous les dossiers, la région est une force stratégique, une capacité de dialogue, une capacité humaine de construction de projets, mais la région n'est pas le lieu de la plus grande proximité, alors que la commune reste le pilier de la République et de la Démocratie. C'est là où se construit par essence la proximité. Je souhaite vraiment que dans cette organisation-là, il y ait un dialogue permanent entre l'Etat et les régions, c'est pour ça que passer les épreuves électorales qu'il faut toujours passer, nous construirons cette relation détendue et sereine, qu'une République apaisée doit pouvoir vivre. Je sais bien que c'est ce climat qui va s'imposer, parce que pour chaque élu régional comme pour chaque membre du Conseil économique et social, ce qui compte c'est l'intérêt de sa région, c'est l'intérêt des habitants, ce n'est pas de crisper les positions des uns et des autres, c'est au contraire de rechercher des solutions.
Et c'est par le dialogue, dont cette maison est le symbole, que nous pourrons réussir à construire cette république vivante et décentralisée, qu'il nous faut pouvoir offrir aux Françaises et aux Français, pour qu'ils aient la capacité de vivre les années prochaines qui seront des années de croissance, mais dans un partage de la croissance que grâce à vous ils pourront mieux assumer.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 juin 2004)