Texte intégral
[7h55 - Préambule à Question Directe]
Q- Je vous ai vu réagir - même vous j'allais dire, vous le ministre de l'Economie - quand vous avez entendu [dans le reportage de F. Paracuelos, parler de] "6 700 euros le mètre carré". Vous avez levé les yeux, l'air surpris ?
R- Evidemment, puisqu'on sait bien que le logement est un des sujets les plus importants pour les Français. Moi, je le vis chaque jour dans ma circonscription en Savoie, également quand je suis à Paris. M.-P. Daubresse a pris tous les chantiers du logement en main. Nous sommes arrivés à relancer la construction de logements sociaux qui s'était arrêtée depuis plusieurs années. Sur le sujet des ventes à la découpe, comme on dirait, une vente à la criée - je trouve d'ailleurs le vocabulaire incroyable ! Dans quelle société sommes-nous pour que des choses pareilles puissent se produire ? - M.-P. Daubresse a présidé une réunion il y a quelques jours ; il y en aura une deuxième le 31 janvier. Le président de la République a évoqué cette question lors du dernier Conseil des ministres et, s'il le faut, nous règlementerons ou légiférerons.
Q- Mais comment faire en sorte d'inverser une logique qui est purement et strictement spéculative, et pas autre chose ? Encore une fois, 3000 euros le mètre carré acheté dans le 11ème revendu par les spéculateurs - appelons-les comme cela - 4600 un mois après ?
R- Je ne vais pas anticiper sur les résultats d'une commission que M.-P. Daubresse anime et qui n'a pas encore rendu son rapport. Ce qui est clair en tout cas, c'est que pour les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes qui sont en difficultés financières, il faudra mettre en place un certain nombre de garde-fous et de garanties. C'est ce sur quoi nous travaillons.
Q- Mais ce qui s'exprime ici - on le voit bien d'ailleurs, c'est une question qui se pose généralement aux classes moyennes et F. Bayrou le disait d'une façon assez radicale sur cette antenne il y a quelques jours - c'est la question du pouvoir d'achat. Comment le ministre de l'Economie - vous nous le direz plus longuement tout à l'heure à 8h20 - réagit-il à ce qu'il a entendu hier ?
R- Sur le pouvoir d'achat, d'une manière générale, je voudrais dire que notre gouvernement a fait beaucoup depuis deux ans et demi. Sous le gouvernement Jospin, en moyenne le Smic a augmenté de 3 % par an ; nous, nous l'avons augmenté de 5 % par an. Nous avons augmenté la Prime pour l'emploi de 4 % et nous avons, sur un certain nombre de tarifs publics, été extrêmement vigilants. Vous savez que le Premier ministre a fait du thème de la vie chère un de ses sujets majeurs d'action pour 2005, et avec C. Jacob, nous préparons une loi sur le développement économique et la consommation, qui prévoira un certain nombre de dispositions en la matière.
Q- Il y a la logique des chiffres : on entend, là, un ministre de l'Economie qui parle. Mais la personne que vous êtes a-t-elle entendu ce qui s'est passé hier ? Y a-t-il quelque chose à répondre aux hommes et aux femmes qui étaient dans la rue et surtout d'ailleurs aux enseignants qui étaient le plus mobilisés ?
R- Oui, d'abord écoute et considération. Bien évidemment, quand quelqu'un défile, quand quelqu'un renonce à une partie de son salaire pour faire grève, c'est tout à fait respectable. Mais je crois que l'écoute doit aller dans les deux sens, puisque notre pays, pour continuer à pouvoir financer sa solidarité, sa cohésion sociale, doit faire un certain nombre de réformes. Il ne s'agit pas de réformer pour réformer, mais tout simplement de ne pas continuer à vivre à crédit. Je sais que les chiffres, ça peut sembler complètement hors du temps. Mais il faut savoir qu'un jeune Français qui naît aujourd'hui - il y en a sûrement qui un ou une qui naît en ce moment - prend d'un seul coup, 16 000 euros de dettes sur sa tête en arrivant au monde. C'est quand même un sujet... La SNCF, qui s'est magnifiquement redressée depuis quelques années, a un endettement qui est deux fois et demi supérieur à ses capitaux propres. Ça, c'est de la réalité. Donc, il faut en tenir compte aussi.
[8h20 - Question Directe]
Q- Quelle réponse le Gouvernement donnera-t-il ou pas à la forte mobilisation sociale de cette semaine, particulièrement hier avec les fonctionnaires - les enseignants et ceux de Bercy étant les plus déterminés ? Les déclarations du Premier ministre, adepte de la "positive attitude", celle de R. Dutreil, le ministre de la Fonction Publique et de la Réforme de l'Etat, qui dit n'avoir pas d'argent caché sous le tapis à remettre sous la table, sont-elles l'expression d'une stratégie de la main de fer dans un gant de velours ? Invité de " Question directe ", H. Gaymard, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Re-bonjour monsieur Gaymard.
R- Re-bonjour, oui. On a parlé du logement.
Q- On parlait du logement tout à l'heure, on parlait du pouvoir d'achat aussi bien entendu. Rendez-vous le 5 février maintenant, public et privé. D'ici là vous faites quoi ?
R- Alors s'agissant des salaires de la fonction publique, je voudrais dire tout d'abord que chaque fonctionnaire verra sa situation individuelle modifiée en 2005. Il y a l'ancienneté, il y a de meilleures qualifications qui font que chaque fonctionnaire a une évolution de carrière. Ensuite on a des mesures générales. En deux fois 0,5%, les traitements de la fonction publique augmenteront au cours de l'année 2005, comme l'a dit R. Dutreil. Enfin, nous avons décidé de prendre un certain nombre de mesures spécifiques, soit pour les fonctionnaires qui ne peuvent plus progresser dans leur carrière, qui se trouvent bloqués en quelque sorte, donc il y aura quelque chose pour ces fonctionnaires-là, soit pour les plus bas salaires de la fonction publique. Donc on ne peut vraiment pas dire qu'il n'y a rien pour les fonctionnaires en 2005. Il y a une série de mesures, mais ce qui est vrai d'une manière générale, c'est que nous avons un poids des dépenses de l'Etat qui est extrêmement élevé, un endettement également extrêmement élevé, et qu'on doit gérer nos finances au mieux.
Q- Mais vous êtes conscient monsieur Gaymard qu'il y a deux façons d'envisager les choses : soit il y a la logique comptable, et on ne s'étonne pas qu'un ministre de l'Economie raisonne d'abord avec les chiffres, sauf que tous ceux qui étaient dans la rue hier, tout ce que vous venez de dire, ils le savent déjà, et ils étaient quand même dans la rue. Donc au fond, qu'est-ce qui se passe derrière ? Il ne se passe rien, ou est-ce que vous leur dites : il faut que vous recomptiez... ?
R- Comme je l'ai dit tout à l'heure, je respecte infiniment quelqu'un qui fait grève et qui, pour ce faire, renonce à une partie de son traitement. Je le respecte. Mais, je dis aussi à ces femmes et à ces hommes qui ont fait grève, qu'il faut regarder un certain nombre de choses en face : que notre pays doit se réformer non pas pour céder à je ne sais quelle mode de la réforme où il faut être absolument moderne, mais tout simplement parce que sur un certain nombre de sujets, notre pays, qui est un pays merveilleux, qui est plein de ressources, offre de véritables scandales. Quand vous songez, S. Paoli, qu'il y a deux fois plus de chômeurs dans notre pays que dans des pays à développement économique comparable, qu'on a ce scandale du chômage des jeunes, des seniors également, et on a l'impression qu'on a une société cadenassée, où rien ne doit bouger, et il faut continuer, comme avant, comme depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans, sans rien changer à nos comportements. Ce n'est pas une question de droite ou de gauche, c'est tout simplement le rêve que j'ai parfois, je suis peut-être encore un peu naïf, mais je crois qu'en politique, il faut garder de la fraîcheur et ne pas être blasé, et encore moins cynique, mais franchement, et pas seulement sur le sujet de la fonction publique, sur l'ensemble des blocages qu'il y a dans notre économie, si on savait faire comme les Néerlandais il y a une vingtaine d'années, à Wasenaar, où les organisations syndicales, les organisations patronales, les partis politiques, se sont mis autour d'une table et ont dit : pour les cinq ans qui viennent, sur tel, tel, tel sujet, en gros on fait la trêve de la polémique, et on se retrousse les manches, et on règle les problèmes. On peut continuer dans des logiques d'opposition, d'un côté un discours comptable déshumanisé etc, de l'autre un discours parfois corporatiste et souvent conservateur, on peut continuer comme ça. Mais si on continue comme ça, on ira dans le mur. Donc moi je dis qu'il faut changer, sur tous les côtés : chez les grévistes d'hier, chez les pôles financiers, il faut changer de discours, de méthode et d'approche, sinon on va en crever.
Q- Vous disiez juste avant 8H00, à 7H55 - allez, très bien, retour à la réalité. Parlons des impôts. Comment vous faites ? 24 % de baisse d'impôts à réaliser pour tenir la promesse de J. Chirac, ça fait 13 milliards d'euros, vous les trouvez où ?
R- Ce que le président de la République a dit, c'est que d'ici la fin de la législature, donc d'ici juin 2007, nous souhaitions poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu et baisser les charges, notamment sur les bas salaires, pour favoriser l'emploi. Avec J.-F. Copé, nous allons proposer dans quelques mois au Premier ministre, un calendrier pour l'évolution de ces prélèvements, pour les Français, dans les deux ans qui viennent. Mais ce que je voudrais redire aujourd'hui, et ce que j'ai toujours dit, c'est qu'il ne peut pas y avoir de baisse d'impôt sans baisse des dépenses publiques, et ce qu'on constate aujourd'hui, c'est qu'en France le niveau de dépenses publiques et le niveau d'impôt est beaucoup plus élevé que partout ailleurs. Alors, rassurez-vous, je ne vais pas dire : il faut faire comme les Anglais, ou comme les Américains, parce que ça veut dire qu'il faudrait réduire nos dépenses publiques de 20%, ou 25%. Donc je ne dis pas ça. Mais je dis qu'entre la situation américaine, que je ne souhaite pas pour notre pays, et la nôtre, il y a de la marge.
Q- Revenons à ce que se passait hier dans la rue. La baisse des dépenses publiques passera-t-elle par la réduction des effectifs ? Parce que si on doit compter sur la croissance, honnêtement personne ne sait où on va. Les 2,5% de croissance ? Difficile à garantir aujourd'hui dans l'état où se trouve l'économie mondiale.
R- Moi, je crois effectivement qu'il y a eu ces dernières années, notamment grâce à l'informatisation, des gains de productivité dans l'administration, et qu'il me semble tout à fait naturel de continuer à diminuer les effectifs, d'autant que nous allons avoir beaucoup de départs à la retraite dans les années qui viennent. Donc il ne s'agit pas de licenciements, il s'agit de non remplacement d'un certain nombre de fonctionnaires qui partent à la retraite. Alors il ne faut pas le faire de manière aveugle et horizontale, si je puis dire ; il faut le faire en réformant l'Etat, non pas la grande Réforme avec un grand R, mais au quotidien, des réorganisations de services, une adaptation des moyens pour répondre aux attentes de nos compatriotes, c'est un travail très méticuleux, très minutieux, qu'il faut faire, que font les entreprises, que font les ménages quand ils doivent s'adapter à leur train de vie. Il faut que l'Etat fasse pareil.
Q- Oui, mais honnêtement, difficile à faire passer dans l'Education nationale. Ceux qui étaient dans la rue, encore une fois hier, vous disent d'abord qu'ils manquent de moyens.
R- Mais bien sûr, ce sera difficile, mais écoutez, si le problème de l'éducation en France était une question de moyens budgétaires, ça se saurait, parce que ça fait depuis maintenant 15 ans, sous des gouvernements de gauche comme de notre majorité, que nous avons augmenté considérablement les moyens pour l'Education nationale, et ça ne va jamais. Donc ce n'est pas une question budgétaire. D'ailleurs la dépense publique en France consacrée à l'Education nationale est plus élevée que dans tous les autres pays comparables. Donc arrêtons de toujours raisonner sur les moyens. Parce que moi ce que je voudrais dire aux auditeurs de France Inter, c'est que quand on demande plus à l'Etat, quand on demande plus à la Sécu, quand on demande plus à son maire, à son président de Conseil Général, à son président de Région, c'est à soi-même qu'on demande plus, puisque tout ça est financé par notre impôt et par nos cotisations sociales. Et aujourd'hui, ça fait 25 ans que notre pays vit au-dessus de ses moyens. Imaginez un ménage, ou une entreprise, qui depuis 25 ans, c'est-à-dire très exactement depuis 1980, chaque année, chaque année, dépense plus que ce qu'il reçoit. En 1980, la dette de l'Etat représentait 20% de la richesse du pays. Aujourd'hui on est à 66%. C'est ça les chiffres. Alors je sais bien qu'on peut s'en foutre et dire c'est votre problème, vous avez été élus, débrouillez-vous avec tout ça, mais moi je crois que l'honneur de la politique, c'est de s'adresser à l'intelligence et à la raison des gens, et de ne pas faire de démagogie, parce qu'on crève de cette démagogie.
Q- Alors, la réalité, restons-y donc. Réduction d'effectifs, je vois à la Une du "Figaro" ce matin : "Privatisations - le plan Gaymard". Vous allez donc accélérer les privatisations à GDF, EDF, AREVA ?
R- Je ne vais pas les accélérer, je vais respecter le calendrier. D'abord, il ne s'agit pas que de privatisations. Il est bien clair qu'EDF et GDF ne vont pas être privatisées, puisque la loi dit qu'on peut ouvrir le capital de ces deux grandes sociétés nationales, jusqu'à hauteur de 30% maximum. Donc oui, dans le courant de l'année 2005, nous allons, conformément, à ce qui a été dit, ouvrir une partie du capital, je ne sais pas encore à quelle hauteur, de ces deux entreprises. Pour AREVA, nous allons également ouvrir une partie du capital, je ne peux pas encore dire le calendrier aujourd'hui, mais j'ai d'ores et déjà demandé à ces entreprises de se préparer à cette ouverture.
Q- Mais vous comprenez bien que, forcément, beaucoup de ceux qui vous écoutent en ce moment, vont se dire "ho là là, réduction des effectifs, plus accélérations, mettons des privatisations, hou là là, les services publics c'est mal parti en France !".
R- Mais est-ce que vous croyez que le fait d'avoir privatisé la sidérurgie en 1979 d'abord, et 81 ensuite, a changé quelque chose sur l'évolution des effectifs dans la sidérurgie ? Quand monsieur Fabius était Premier ministre en 1984, et qu'il a dit aux entreprises du secteur public : " vous devez être gérées comme des entreprises privées ", on a eu un cortège de restructurations. Donc la question de la propriété du capital est indifférente. Nous garderons notre électricien et notre gazier qui seront et resteront des entreprises publiques, qui sont maintenant des sociétés anonymes, depuis l'automne dernier, nous avons modifié les statuts, d'ailleurs avec un dialogue très constructif avec les organisations syndicales, elles n'ont pas toujours été d'accord sur tout, mais sur beaucoup de sujets nous avons trouvé des terrains d'accord et d'entente. Il faut arrêter aussi de toujours faire peur aux gens. Alors je sais bien que la loi de la trouille maximum, la loi de la plus grande trouille, ça
marche toujours, mais demain il fera jour, arrêtons d'avoir peur de tout.
Q- Une toute dernière chose, pour ne pas faire patienter trop longtemps Y. Decaens, mais la question est importante. Qu'est-ce qu'ils ont de mieux que nous les Allemands ? Solde créditeur en matière d'exportations, et nous pas, pourquoi ?
R- Les Allemands : d'abord c'est un pays plus industriel que nous, donc ils vendent plus à l'étranger parce qu'ils vendent plus de machines-outils que nous. Mais à l'inverse - on ne le voit pas dans les statistiques du commerce extérieur - ils ont moins de rentrées de devises que nous parce qu'ils n'ont pas notre tourisme, ça c'est le premier point. Le deuxième point, c'est qu'ils exportent plus vers l'Asie que nous, donc qui est une zone en forte croissance. Nous, on a un commerce extérieur qui est trop centré sur l'Europe, sur la zone euro, alors en ce moment ça nous sert avec la baisse du dollar, mais on a un commerce qui est trop en Europe. C'est la raison pour laquelle François Loos, ministre du Commerce extérieur, a lancé un dispositif pour ce qu'on appelle les pays cibles, pour accroître nos exportations dans ces pays-là. Et enfin, comme les Allemands, comme je le disais, ont une spécialisation industrielle marquée, la Chine en ce moment achète des tas de machines-outils, que les Allemands fabriquent et que nous ne fabriquons plus guère. C'est ce qui explique la différence.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 janvier 2005)
Q- Je vous ai vu réagir - même vous j'allais dire, vous le ministre de l'Economie - quand vous avez entendu [dans le reportage de F. Paracuelos, parler de] "6 700 euros le mètre carré". Vous avez levé les yeux, l'air surpris ?
R- Evidemment, puisqu'on sait bien que le logement est un des sujets les plus importants pour les Français. Moi, je le vis chaque jour dans ma circonscription en Savoie, également quand je suis à Paris. M.-P. Daubresse a pris tous les chantiers du logement en main. Nous sommes arrivés à relancer la construction de logements sociaux qui s'était arrêtée depuis plusieurs années. Sur le sujet des ventes à la découpe, comme on dirait, une vente à la criée - je trouve d'ailleurs le vocabulaire incroyable ! Dans quelle société sommes-nous pour que des choses pareilles puissent se produire ? - M.-P. Daubresse a présidé une réunion il y a quelques jours ; il y en aura une deuxième le 31 janvier. Le président de la République a évoqué cette question lors du dernier Conseil des ministres et, s'il le faut, nous règlementerons ou légiférerons.
Q- Mais comment faire en sorte d'inverser une logique qui est purement et strictement spéculative, et pas autre chose ? Encore une fois, 3000 euros le mètre carré acheté dans le 11ème revendu par les spéculateurs - appelons-les comme cela - 4600 un mois après ?
R- Je ne vais pas anticiper sur les résultats d'une commission que M.-P. Daubresse anime et qui n'a pas encore rendu son rapport. Ce qui est clair en tout cas, c'est que pour les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes qui sont en difficultés financières, il faudra mettre en place un certain nombre de garde-fous et de garanties. C'est ce sur quoi nous travaillons.
Q- Mais ce qui s'exprime ici - on le voit bien d'ailleurs, c'est une question qui se pose généralement aux classes moyennes et F. Bayrou le disait d'une façon assez radicale sur cette antenne il y a quelques jours - c'est la question du pouvoir d'achat. Comment le ministre de l'Economie - vous nous le direz plus longuement tout à l'heure à 8h20 - réagit-il à ce qu'il a entendu hier ?
R- Sur le pouvoir d'achat, d'une manière générale, je voudrais dire que notre gouvernement a fait beaucoup depuis deux ans et demi. Sous le gouvernement Jospin, en moyenne le Smic a augmenté de 3 % par an ; nous, nous l'avons augmenté de 5 % par an. Nous avons augmenté la Prime pour l'emploi de 4 % et nous avons, sur un certain nombre de tarifs publics, été extrêmement vigilants. Vous savez que le Premier ministre a fait du thème de la vie chère un de ses sujets majeurs d'action pour 2005, et avec C. Jacob, nous préparons une loi sur le développement économique et la consommation, qui prévoira un certain nombre de dispositions en la matière.
Q- Il y a la logique des chiffres : on entend, là, un ministre de l'Economie qui parle. Mais la personne que vous êtes a-t-elle entendu ce qui s'est passé hier ? Y a-t-il quelque chose à répondre aux hommes et aux femmes qui étaient dans la rue et surtout d'ailleurs aux enseignants qui étaient le plus mobilisés ?
R- Oui, d'abord écoute et considération. Bien évidemment, quand quelqu'un défile, quand quelqu'un renonce à une partie de son salaire pour faire grève, c'est tout à fait respectable. Mais je crois que l'écoute doit aller dans les deux sens, puisque notre pays, pour continuer à pouvoir financer sa solidarité, sa cohésion sociale, doit faire un certain nombre de réformes. Il ne s'agit pas de réformer pour réformer, mais tout simplement de ne pas continuer à vivre à crédit. Je sais que les chiffres, ça peut sembler complètement hors du temps. Mais il faut savoir qu'un jeune Français qui naît aujourd'hui - il y en a sûrement qui un ou une qui naît en ce moment - prend d'un seul coup, 16 000 euros de dettes sur sa tête en arrivant au monde. C'est quand même un sujet... La SNCF, qui s'est magnifiquement redressée depuis quelques années, a un endettement qui est deux fois et demi supérieur à ses capitaux propres. Ça, c'est de la réalité. Donc, il faut en tenir compte aussi.
[8h20 - Question Directe]
Q- Quelle réponse le Gouvernement donnera-t-il ou pas à la forte mobilisation sociale de cette semaine, particulièrement hier avec les fonctionnaires - les enseignants et ceux de Bercy étant les plus déterminés ? Les déclarations du Premier ministre, adepte de la "positive attitude", celle de R. Dutreil, le ministre de la Fonction Publique et de la Réforme de l'Etat, qui dit n'avoir pas d'argent caché sous le tapis à remettre sous la table, sont-elles l'expression d'une stratégie de la main de fer dans un gant de velours ? Invité de " Question directe ", H. Gaymard, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Re-bonjour monsieur Gaymard.
R- Re-bonjour, oui. On a parlé du logement.
Q- On parlait du logement tout à l'heure, on parlait du pouvoir d'achat aussi bien entendu. Rendez-vous le 5 février maintenant, public et privé. D'ici là vous faites quoi ?
R- Alors s'agissant des salaires de la fonction publique, je voudrais dire tout d'abord que chaque fonctionnaire verra sa situation individuelle modifiée en 2005. Il y a l'ancienneté, il y a de meilleures qualifications qui font que chaque fonctionnaire a une évolution de carrière. Ensuite on a des mesures générales. En deux fois 0,5%, les traitements de la fonction publique augmenteront au cours de l'année 2005, comme l'a dit R. Dutreil. Enfin, nous avons décidé de prendre un certain nombre de mesures spécifiques, soit pour les fonctionnaires qui ne peuvent plus progresser dans leur carrière, qui se trouvent bloqués en quelque sorte, donc il y aura quelque chose pour ces fonctionnaires-là, soit pour les plus bas salaires de la fonction publique. Donc on ne peut vraiment pas dire qu'il n'y a rien pour les fonctionnaires en 2005. Il y a une série de mesures, mais ce qui est vrai d'une manière générale, c'est que nous avons un poids des dépenses de l'Etat qui est extrêmement élevé, un endettement également extrêmement élevé, et qu'on doit gérer nos finances au mieux.
Q- Mais vous êtes conscient monsieur Gaymard qu'il y a deux façons d'envisager les choses : soit il y a la logique comptable, et on ne s'étonne pas qu'un ministre de l'Economie raisonne d'abord avec les chiffres, sauf que tous ceux qui étaient dans la rue hier, tout ce que vous venez de dire, ils le savent déjà, et ils étaient quand même dans la rue. Donc au fond, qu'est-ce qui se passe derrière ? Il ne se passe rien, ou est-ce que vous leur dites : il faut que vous recomptiez... ?
R- Comme je l'ai dit tout à l'heure, je respecte infiniment quelqu'un qui fait grève et qui, pour ce faire, renonce à une partie de son traitement. Je le respecte. Mais, je dis aussi à ces femmes et à ces hommes qui ont fait grève, qu'il faut regarder un certain nombre de choses en face : que notre pays doit se réformer non pas pour céder à je ne sais quelle mode de la réforme où il faut être absolument moderne, mais tout simplement parce que sur un certain nombre de sujets, notre pays, qui est un pays merveilleux, qui est plein de ressources, offre de véritables scandales. Quand vous songez, S. Paoli, qu'il y a deux fois plus de chômeurs dans notre pays que dans des pays à développement économique comparable, qu'on a ce scandale du chômage des jeunes, des seniors également, et on a l'impression qu'on a une société cadenassée, où rien ne doit bouger, et il faut continuer, comme avant, comme depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans, sans rien changer à nos comportements. Ce n'est pas une question de droite ou de gauche, c'est tout simplement le rêve que j'ai parfois, je suis peut-être encore un peu naïf, mais je crois qu'en politique, il faut garder de la fraîcheur et ne pas être blasé, et encore moins cynique, mais franchement, et pas seulement sur le sujet de la fonction publique, sur l'ensemble des blocages qu'il y a dans notre économie, si on savait faire comme les Néerlandais il y a une vingtaine d'années, à Wasenaar, où les organisations syndicales, les organisations patronales, les partis politiques, se sont mis autour d'une table et ont dit : pour les cinq ans qui viennent, sur tel, tel, tel sujet, en gros on fait la trêve de la polémique, et on se retrousse les manches, et on règle les problèmes. On peut continuer dans des logiques d'opposition, d'un côté un discours comptable déshumanisé etc, de l'autre un discours parfois corporatiste et souvent conservateur, on peut continuer comme ça. Mais si on continue comme ça, on ira dans le mur. Donc moi je dis qu'il faut changer, sur tous les côtés : chez les grévistes d'hier, chez les pôles financiers, il faut changer de discours, de méthode et d'approche, sinon on va en crever.
Q- Vous disiez juste avant 8H00, à 7H55 - allez, très bien, retour à la réalité. Parlons des impôts. Comment vous faites ? 24 % de baisse d'impôts à réaliser pour tenir la promesse de J. Chirac, ça fait 13 milliards d'euros, vous les trouvez où ?
R- Ce que le président de la République a dit, c'est que d'ici la fin de la législature, donc d'ici juin 2007, nous souhaitions poursuivre la baisse de l'impôt sur le revenu et baisser les charges, notamment sur les bas salaires, pour favoriser l'emploi. Avec J.-F. Copé, nous allons proposer dans quelques mois au Premier ministre, un calendrier pour l'évolution de ces prélèvements, pour les Français, dans les deux ans qui viennent. Mais ce que je voudrais redire aujourd'hui, et ce que j'ai toujours dit, c'est qu'il ne peut pas y avoir de baisse d'impôt sans baisse des dépenses publiques, et ce qu'on constate aujourd'hui, c'est qu'en France le niveau de dépenses publiques et le niveau d'impôt est beaucoup plus élevé que partout ailleurs. Alors, rassurez-vous, je ne vais pas dire : il faut faire comme les Anglais, ou comme les Américains, parce que ça veut dire qu'il faudrait réduire nos dépenses publiques de 20%, ou 25%. Donc je ne dis pas ça. Mais je dis qu'entre la situation américaine, que je ne souhaite pas pour notre pays, et la nôtre, il y a de la marge.
Q- Revenons à ce que se passait hier dans la rue. La baisse des dépenses publiques passera-t-elle par la réduction des effectifs ? Parce que si on doit compter sur la croissance, honnêtement personne ne sait où on va. Les 2,5% de croissance ? Difficile à garantir aujourd'hui dans l'état où se trouve l'économie mondiale.
R- Moi, je crois effectivement qu'il y a eu ces dernières années, notamment grâce à l'informatisation, des gains de productivité dans l'administration, et qu'il me semble tout à fait naturel de continuer à diminuer les effectifs, d'autant que nous allons avoir beaucoup de départs à la retraite dans les années qui viennent. Donc il ne s'agit pas de licenciements, il s'agit de non remplacement d'un certain nombre de fonctionnaires qui partent à la retraite. Alors il ne faut pas le faire de manière aveugle et horizontale, si je puis dire ; il faut le faire en réformant l'Etat, non pas la grande Réforme avec un grand R, mais au quotidien, des réorganisations de services, une adaptation des moyens pour répondre aux attentes de nos compatriotes, c'est un travail très méticuleux, très minutieux, qu'il faut faire, que font les entreprises, que font les ménages quand ils doivent s'adapter à leur train de vie. Il faut que l'Etat fasse pareil.
Q- Oui, mais honnêtement, difficile à faire passer dans l'Education nationale. Ceux qui étaient dans la rue, encore une fois hier, vous disent d'abord qu'ils manquent de moyens.
R- Mais bien sûr, ce sera difficile, mais écoutez, si le problème de l'éducation en France était une question de moyens budgétaires, ça se saurait, parce que ça fait depuis maintenant 15 ans, sous des gouvernements de gauche comme de notre majorité, que nous avons augmenté considérablement les moyens pour l'Education nationale, et ça ne va jamais. Donc ce n'est pas une question budgétaire. D'ailleurs la dépense publique en France consacrée à l'Education nationale est plus élevée que dans tous les autres pays comparables. Donc arrêtons de toujours raisonner sur les moyens. Parce que moi ce que je voudrais dire aux auditeurs de France Inter, c'est que quand on demande plus à l'Etat, quand on demande plus à la Sécu, quand on demande plus à son maire, à son président de Conseil Général, à son président de Région, c'est à soi-même qu'on demande plus, puisque tout ça est financé par notre impôt et par nos cotisations sociales. Et aujourd'hui, ça fait 25 ans que notre pays vit au-dessus de ses moyens. Imaginez un ménage, ou une entreprise, qui depuis 25 ans, c'est-à-dire très exactement depuis 1980, chaque année, chaque année, dépense plus que ce qu'il reçoit. En 1980, la dette de l'Etat représentait 20% de la richesse du pays. Aujourd'hui on est à 66%. C'est ça les chiffres. Alors je sais bien qu'on peut s'en foutre et dire c'est votre problème, vous avez été élus, débrouillez-vous avec tout ça, mais moi je crois que l'honneur de la politique, c'est de s'adresser à l'intelligence et à la raison des gens, et de ne pas faire de démagogie, parce qu'on crève de cette démagogie.
Q- Alors, la réalité, restons-y donc. Réduction d'effectifs, je vois à la Une du "Figaro" ce matin : "Privatisations - le plan Gaymard". Vous allez donc accélérer les privatisations à GDF, EDF, AREVA ?
R- Je ne vais pas les accélérer, je vais respecter le calendrier. D'abord, il ne s'agit pas que de privatisations. Il est bien clair qu'EDF et GDF ne vont pas être privatisées, puisque la loi dit qu'on peut ouvrir le capital de ces deux grandes sociétés nationales, jusqu'à hauteur de 30% maximum. Donc oui, dans le courant de l'année 2005, nous allons, conformément, à ce qui a été dit, ouvrir une partie du capital, je ne sais pas encore à quelle hauteur, de ces deux entreprises. Pour AREVA, nous allons également ouvrir une partie du capital, je ne peux pas encore dire le calendrier aujourd'hui, mais j'ai d'ores et déjà demandé à ces entreprises de se préparer à cette ouverture.
Q- Mais vous comprenez bien que, forcément, beaucoup de ceux qui vous écoutent en ce moment, vont se dire "ho là là, réduction des effectifs, plus accélérations, mettons des privatisations, hou là là, les services publics c'est mal parti en France !".
R- Mais est-ce que vous croyez que le fait d'avoir privatisé la sidérurgie en 1979 d'abord, et 81 ensuite, a changé quelque chose sur l'évolution des effectifs dans la sidérurgie ? Quand monsieur Fabius était Premier ministre en 1984, et qu'il a dit aux entreprises du secteur public : " vous devez être gérées comme des entreprises privées ", on a eu un cortège de restructurations. Donc la question de la propriété du capital est indifférente. Nous garderons notre électricien et notre gazier qui seront et resteront des entreprises publiques, qui sont maintenant des sociétés anonymes, depuis l'automne dernier, nous avons modifié les statuts, d'ailleurs avec un dialogue très constructif avec les organisations syndicales, elles n'ont pas toujours été d'accord sur tout, mais sur beaucoup de sujets nous avons trouvé des terrains d'accord et d'entente. Il faut arrêter aussi de toujours faire peur aux gens. Alors je sais bien que la loi de la trouille maximum, la loi de la plus grande trouille, ça
marche toujours, mais demain il fera jour, arrêtons d'avoir peur de tout.
Q- Une toute dernière chose, pour ne pas faire patienter trop longtemps Y. Decaens, mais la question est importante. Qu'est-ce qu'ils ont de mieux que nous les Allemands ? Solde créditeur en matière d'exportations, et nous pas, pourquoi ?
R- Les Allemands : d'abord c'est un pays plus industriel que nous, donc ils vendent plus à l'étranger parce qu'ils vendent plus de machines-outils que nous. Mais à l'inverse - on ne le voit pas dans les statistiques du commerce extérieur - ils ont moins de rentrées de devises que nous parce qu'ils n'ont pas notre tourisme, ça c'est le premier point. Le deuxième point, c'est qu'ils exportent plus vers l'Asie que nous, donc qui est une zone en forte croissance. Nous, on a un commerce extérieur qui est trop centré sur l'Europe, sur la zone euro, alors en ce moment ça nous sert avec la baisse du dollar, mais on a un commerce qui est trop en Europe. C'est la raison pour laquelle François Loos, ministre du Commerce extérieur, a lancé un dispositif pour ce qu'on appelle les pays cibles, pour accroître nos exportations dans ces pays-là. Et enfin, comme les Allemands, comme je le disais, ont une spécialisation industrielle marquée, la Chine en ce moment achète des tas de machines-outils, que les Allemands fabriquent et que nous ne fabriquons plus guère. C'est ce qui explique la différence.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 janvier 2005)