Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur le bilan de la loi pour la confiance dans l'économie numérique et le succès des déclarations d'impôts en ligne, Paris le 19 avril 2005.

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Circonstance : Séminaire sur le premier bilan de la loi pour la confiance dans l'économie numérique le 19 avril 2005 à Paris

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Il y a un an presque jour, je présentais le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, en deuxième lecture au Sénat, moins d'une semaine après ma prise de fonction au Ministère de l'Industrie.
L'enjeu était important :
o Mise en place d'un régime de responsabilité clarifié pour les prestataires technique de l'Internet, sortant du champ d'application des lois sur la presse ou l'audiovisuel,
o Lutte contre la cybercriminalité,
o Adaptation de notre code civil afin de lever touts les obstacles à la dématérialisation des contrats,
o Définition des règles du commerce et de la publicité en ligne.
Les débats devant le Sénat ont été d'une très grande richesse, et ont bien mis en évidence l'enjeu de ce texte et de la " nouvelle économie " qu'il avait vocation à encadrer.
Aujourd'hui, un an après, vous souhaitez, lors de ce séminaire, dresser un premier bilan de la loi pour la confiance dans l'économie numérique.
A regarder le chiffre d'affaires du commerce en ligne, ce bilan me paraît flatteur. Pour la 3ème année consécutive il a progressé à un rythme supérieur à 60 %, pour atteindre en 2004 les 6Mds euros. Les ventes sur Internet, qui, il y a encore trois ans, rattrapaient à peine le volume des ventes sur Minitel, représentent aujourd'hui plus du tiers des ventes à distance de produits et services.
Comme par ailleurs, ce nouveau médium attire des consommateurs qui n'avaient pas l'habitude d'acheter à distance, on comprend l'intérêt légitime que votre Fédération porte au commerce électronique.
Je voudrais rappeler que l'essor du commerce en ligne est le fruit d'une action déterminée des pouvoirs publics (I) et situer les défis que le développement de l'économie numérique devra surmonter (II).

I/ Comme vous le savez, ce formidable résultat est le fruit d'une politique de soutien à la société de l'information menée depuis trois ans par le Gouvernement
1/ Il n'y a pas de commerce en ligne sans internautes, voire sans internautes connectés en permanence à haut débit
En effet, on ne fait pas du commerce dans de bonnes conditions quand son client, connecté à bas débit, attend de longues minutes que les photos des produits veuillent bien s'afficher sur son écran et qu'il observe sa montre inquiet pour sa facture téléphonique...
Il y avait 700 000 abonnés à l'Internet haut débit en mai 2002, il y en a plus de 6 millions aujourd'hui ! Nous sommes donc bien partis pour atteindre, voire dépasser l'objectif fixé par le Gouvernement de 10 millions d'abonnés à haut débit en 2007 !
Nous touchons ici les fruits des baisses successives des tarifs ADSL qui ont fait exploser les taux d'équipement à Internet haut débit et permettent à nos compatriotes de bénéficier aujourd'hui des tarifs les moins chers d'Europe (autour de 15 euros par mois). Avec le taux de croissance le plus important d'Europe, en termes d'équipement informatique et de connexions Internet, la France rattrape le peloton de tête emmené par les pays scandinaves.
2/ Il n'y a pas de commerce non plus sans moyen de contracter en ligne et de réaliser des paiements sécurisés
La loi pour la confiance dans l'économie numérique a rendu libre l'utilisation de moyens de cryptologie, sans limitation sur les algorithmes ou les tailles de clés utilisés. C'était une de vos demandes pour pouvoir sécuriser les transactions en ligne, notamment par carte bancaire. Vous avez été entendus.
Désormais, de plus en plus d'internautes ont confiance dans les moyens de paiement mis en ligne et n'hésitent plus à laisser leurs coordonnées bancaires sur les sites marchands en qui ils ont confiance. 40 % des internautes aujourd'hui achètent en ligne contre moins de 30 % en 2002 et, comme votre étude l'a montré, 93 % d'entre eux sont satisfaits de leur achat en ligne et 99 % ont l'intention de renouveler l'expérience dans les mois qui viennent !
C'est incontestablement une dynamique positive, une source de croissance pour notre économie qu'il nous faut entretenir.
3/ Il n'y pas non plus de commerce en ligne sans des vendeurs responsables
Les cyber-marchands doivent assurer dans le monde virtuel comme dans le monde physique la bonne fourniture des prestations commandées par leurs clients. C'est le sens de la responsabilité de plein droit des vendeurs à distance que la loi pour la confiance dans l'économie numérique a instaurée, qui vous impose une obligation d'excellence pour les services que vous proposez, que vous les preniez en charge directement ou que vous les sous-traitiez.
La DGCCRF a mis en place, en 2001, un centre de surveillance du commerce électronique, situé à Morlaix. En 2004, la DGCCRF a ainsi constaté 367 présomptions d'infraction sur 1220 sites contrôlés : c'est un chiffre trop élevé que je souhaite faire régresser. Un point positif, toutefois : dans 80 % des cas, les entreprises adaptent leurs sites à la législation.
Dans cet effort collectif de prévention, qui doit être largement ciblé sur les nouveaux acteurs du commerce électronique, pas toujours au fait de la réglementation, je crois que les associations professionnelles, au premier rang desquelles la FEVAD, ont un rôle important à jouer, notamment au travers de votre code de déontologie.
Mais je me souviens également, Monsieur le Président, que vous m'aviez fait justement remarquer, lors de votre assemblée générale du 3 juin 2004 : " comment peut-on être responsable de plein droit et se porter garant de ses sous-traitants quand le premier d'entre eux, La Poste, bénéficie d'un régime d'irresponsabilité en cas de perte ou d'avarie des envois postaux qui lui sont confiés ? "
Cet héritage de l'histoire, devenu anachronique, devait être remis en cause, pour le plus grand bénéfice des utilisateurs, entreprises et particuliers. Le Forum des droits de l'Internet, association dont mon Ministère a la tutelle et que vous connaissez bien pour en être membre et pour siéger à son Comité d'orientation, par l'intermédiaire de votre délégué général Marc Lolivier, a mis en place un service de médiation pour les litiges liés à Internet. Ce Médiateur du Net, a identifié les problèmes de livraison comme l'une des sources majeures de conflits entre les sites marchands et leurs clients.
Je m'étais engagé lors de votre assemblée générale à mener une consultation large des différents acteurs et à prendre les mesures qui s'imposent dans le cadre du projet de loi de régulation des activités postales. Comme vous le savez certainement, j'étais la semaine dernière à l'Assemblée nationale pour défendre ce texte en seconde lecture. L'adoption définitive devrait intervenir après la Commission mixte paritaire en mai.
Mais je crois pouvoir vous dire que le Parlement et le Gouvernement se sont entendus sur un texte qui affichera clairement le principe de responsabilité de La Poste pour tous les envois postaux, correspondances et colis qui lui sont confiés. C'est un très grand progrès. Nous y tenions tous. C'est également l'occasion pour La Poste de moderniser son outil de production pour proposer de nouveaux services, de meilleure qualité, qui l'aideront à affronter la concurrence de plus en plus présente sur son secteur d'activité.
Pour tenir compte des spécificités de l'économie postale, sa responsabilité sera plafonnée, comme dans le secteur des transports. Mais c'est pour vos membres une grande étape qui est franchie et qui permettra un meilleur suivi et une meilleure prise en charge des colis perdus ou détériorés.
4/ L'Etat, vous en êtes convaincus comme moi, demeure aussi un acteur majeur du développement de l'économie numérique à travers les progrès de l'administration électronique, notre forme de vente à distance
Or, beaucoup reste à faire en matière de services en ligne afin d'alléger les coûts de gestion - tant pour les entreprises que pour l'administration. A Bercy, avec Télé-TVA et Tele-IR, nous avons été parmi les premiers à mettre en uvre des services d'administration électronique à grande échelle.
Mais notre période de saturation des serveurs informatiques devant l'affluence des connexions, qui généralement survient autour de Noël, se situe pour notre ministère plutôt vers mars, mois traditionnel pour envoyer sa feuille de déclaration de revenus...
En 2004, 1,250 million foyers ont rempli leur déclaration d'impôts en ligne, soit deux fois plus qu'en 2003 et dix fois plus qu'en 2002. Notre objectif pour la campagne de 2005 était d'atteindre 2 millions de déclaration en ligne. Dès le week-end dernier nous en étions déjà à plus de 2,5 millions !
Les télédéclarants ont dû parfois patienter un peu pour accéder au service. Preuve que les pratiques évoluent très vite. Et l'an prochain, à votre exemple, nous dimensionnerons notre capacité informatique pour répondre à cette demande croissante, attirée par ailleurs par la réduction d'impôt de 20 euros !
Mais il reste bien entendu des marges de progression.
II/ L'économie numérique repose sur une base solide qu'il faut désormais conforter par des nouveaux services et des prestations de qualité.
1/ D'abord, un véritable menace pèse sur la sécurité des réseaux et notamment les messageries électroniques, polluées par des courriers électroniques commerciaux non sollicités et illicites, les spams
Ces messages incontrôlables, représentent, selon certaines études, plus de la moitié du trafic de courriers électroniques. Ces publicités sauvages, faisant parfois la promotion de produits dont la vente est réglementée ou interdite en France, minent la confiance des internautes.
La loi pour la confiance dans l'économie numérique, reprenant les dispositions de la directive européenne sur la protection de données personnelles, définit un cadre légal clair pour le marketing direct. A l'exception de leurs clients à qui les sociétés commerciales peuvent envoyer des messages commerciaux pour des produits ou services analogues à ceux qu'ils ont achetés, aucun courrier électronique commercial ne peut être envoyé sans le consentement exprès de son destinataire. La règle du jeu est claire et bénéfique pour les consommateurs. Elle permet sans ambiguïté de distinguer les spams illicites du marketing direct légal.
Ce point fera l'objet de vos prochaines tables rondes, mais je tiens à vous féliciter aujourd'hui pour la rédaction du code de déontologie de l'Union française du marketing direct (UFMD) auquel votre fédération a largement contribué et qui a été approuvé par la CNIL le 30 mars dernier. C'est pour vos membres un guide de bonnes pratiques essentiel. Et pour les internautes le signe FEVAD, que l'on rencontre sur de plus en plus de sites marchands, est une marque de confiance, une garantie de la déontologie et du respect des engagements.
Mais la menace sur la sécurité des réseaux s'étend et prend désormais d'autres formes. Après les virus, les vers, les chevaux de Troie et les ordinateurs zombies contrôlés à l'insu des utilisateurs, l'usurpation d'identité, le phishing, devient une technique de fraude de plus en plus répandue.
Le Gouvernement a annoncé en Octobre dernier un doublement des effectifs de police spécialisés dans la cybercriminalité : ils passeront de 300 à plus de 600 agents en France. Ces agents suivront une formation particulière. Mais la solution à ce problème ne pourra parvenir que d'un effort de tous, pouvoirs publics, prestataires techniques de l'Internet et fournisseurs de services en ligne. Je souhaite que nous continuions à coopérer sur le renforcement de la sécurité d'Internet qui est indispensable pour maintenir la confiance des utilisateurs.
2/ Un autre point faible dans le paysage du commerce électronique concerne certainement, les relations inter-entreprises le fameux B2B
Si 95 % des entreprises sont connectées à Internet, pour nombre d'entre elles ce médium n'est qu'une vitrine, avec des informations sur leur produits et services, le plus souvent obsolètes car jamais mises à jour. La fonction marchande reste marginale (13 % des sites). Par ailleurs, les services achats des entreprises hésitent également à utiliser Internet pour passer commande.
Il y a dans le B2B incontestablement des marges de progrès. Vous avez décidé de lancer une étude pour identifier les freins à cette activité et proposer des initiatives de nature à la redynamiser.
Je tiens à vous confirmer tout l'intérêt que je porte à cette étude, et j'ai demandé aux services de la Direction générale des entreprises de participer à vos côtés à son pilotage. Je prendrai connaissance de vos conclusions avec la plus grande attention et avec la volonté de lever les obstacles au commerce en ligne inter-entreprises qui représente une source de productivité encore trop peu exploitée par nos sociétés.
La vente à distance en général et le commerce en ligne en particulier se portent bien. L'Etat a depuis quelques années pris résolument la mesure de l'enjeu : l'économie numérique fait partie des secteurs innovants, en pleine croissance qui nous permettront, avec nos partenaires européens de devenir l'économie de la connaissance la plus dynamique et la plus compétitive du monde d'ici 2010. C'est l'objectif que nous nous sommes fixés, pour l'Union européenne, à Lisbonne en 2000.
A l'heure où l'Europe est en train de tourner une nouvelle page de son histoire, vous participez à la construction d'un cyber-espace sans frontière. Mais Internet, ce fabuleux outil d'échange et de communication doit demeurer un espace de droit et de liberté, pour que chacun puisse y trouver sa place.
C'est le sens de la loi pour la confiance dans l'économie numérique qui a défini le cadre légal des services en ligne et du commerce électronique. Vous en êtes aujourd'hui les acteurs.
Vous pourrez toujours compter sur mon soutien et sur celui de l'ensemble du Gouvernement pour construire avec vous, ensemble, cette nouvelle société de l'information.
Je vous remercie.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 21 avril 2005)