Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de pouvoir assister cette année (et pour la première fois) à votre assemblée générale puisque l'année dernière les débats intenses autour de l'Agenda 2000 ne m'avaient pas permis d'être physiquement parmi vous à Rodez, même si nous avions pu organiser un dialogue à distance.
Vous avez débuté votre intervention, Monsieur le Président, en abordant deux sujets particulièrement sensibles aujourd'hui et pleinement d'actualité : les conséquences des tempêtes de la fin de l'année 1999 et les questions de sécurité sanitaire.
Je commencerai donc également mon propos par ces deux points.
Suites des tempêtes
Les tempêtes qui ont touché notre pays en décembre dernier ont causé des dégâts particulièrement lourds. L'agriculture et l'élevage en particulier n'ont pas été épargnés, et je tiens à saluer le courage de tous ceux d'entre vous qui ont été touchés directement ou indirectement par les conséquences de ces intempéries.
Le gouvernement a arrêté dans les jours qui ont suivi, un certain nombre de mesures annoncées par le Premier ministre le 12 janvier.
Aujourd'hui, l'ensemble de ce dispositif est en place :
- la commission nationale des calamités agricoles s'est réunie le 11 février dernier ; elle a arrêté la liste des départements reconnus sinistrés et les taux d'indemnisations applicables aux différents dommages ; une première enveloppe de 486 MF a été déléguée dans les départements le 18 février ;
- j'ai signé, il y a quelques jours, les circulaires fixant les modalités d'intervention des Offices, en complément de ces indemnisations.
Une enveloppe de 100 millions de francs pour les secteurs de l'élevage est ainsi attribuée à l'OFIVAL qui gérera l'ensemble des dossiers, en concertation avec l'ONILAIT, afin de simplifier les procédures administratives des éleveurs.
Cette enveloppe doit prioritairement venir en aide aux exploitations les plus touchées pour lesquelles le préjudice résiduel après l'intervention des différents dispositifs demeure élevé. A ce titre, elle pourra, notamment, concerner les dommages liés à certaines pertes de lait en lien avec la tempête et qui n'auraient pas été couverts par ailleurs.
La procédure est entièrement départementalisée pour les secteurs de l'élevage. La répartition de l'enveloppe entre les départements sinistrés vient d'avoir lieu et tient compte de critères objectifs liés notamment à l'importance des activités d'élevage et à la force de la tempête.
Il importe maintenant que les dossiers de demandes d'aides puissent être transmis rapidement aux services départementaux afin que ces soutiens soient versés à leurs bénéficiaires dans les meilleurs délais.
Enfin, au-delà de ces mesures d'aides, des dispositions spécifiques devront être mises en uvre, dans le cadre de la gestion de fin de campagne laitière, pour prendre en charge les dépassements exceptionnels dus à l'accueil, par certains producteurs, du cheptel d'une exploitation voisine dont les installations ont été en tout ou partie détruites.
Enfin, un réexamen des dossiers d'aide à la cessation d'activité laitière, qui auraient été refusés pour insuffisance de crédits et qui concerneraient des producteurs qui n'envisagent pas de reconstruire leurs installations laitières détruites, pourra être envisagé.
Les préoccupations relatives à l'hygiène
L'année 1999 a également été marquée par la forte montée en puissance des préoccupations de nos citoyens sur les questions de sécurité sanitaire des aliments. A travers plusieurs crises, le secteur laitier n'a pas échappé à ces événements, et la production laitière y fut directement confrontée, aussi bien lors de la gestion administrative des non-conformités microbiologiques de certains produits laitiers, que lors de la crise " dioxine " du printemps 1999 ou de l'épidémie de listériose humaine du début de l'année 1999, liée à la consommation d'un fromage " de type Epoisses ".
Même si, pour ce qui concerne cette dernière, la production laitière n'a pas été mise en cause directement puisque l'origine de la contamination concernait un produit transformé, la qualité microbiologique du lait cru, destiné à la fabrication de fromages fragiles, doit être une préoccupation constante. Je sais que vous en êtes parfaitement conscient et que des efforts importants sont réalisés dans ce sens. Il faut les poursuivre. L'ONILAIT, qui finance depuis 1992 des programmes d'amélioration de la qualité sanitaire des produits sensibles, notamment au lait cru, renforcera son intervention en 2000 puisque les crédits correspondants seront augmentés de 50 % par rapport à 1999.
Il faut aussi envisager des actions fondamentales de prévention vis-à-vis du risque Listeria au niveau même de vos exploitations. Dans ce contexte, on n'échappera pas à une réflexion sur l'alimentation animale à base d'aliments fermentés. Il a, en effet, été montré que, dans certains cas, ce type d'aliment est source à la fois de contaminations environnementales et animales rendant difficiles, voire inopérants, les efforts d'hygiène ultérieurs.
Ces éléments de maîtrise de la qualité microbienne du produit au lait cru sont, à côté d'un rigoureux respect des bonnes pratiques hygiéniques de fabrication - aussi bien à la ferme dans le cas de productions fermières, qu'en industrie - les moyens les plus efficaces permettant de promouvoir ces produits, que certains prétendent " menacés ".
La défense de la " filière lait cru ", que mes services mènent au sein des instances communautaires (Commission européenne) ou internationales (Codex alimentarius), et à laquelle je veille attentivement, intègre naturellement ces réflexions. Pour nous, la véritable alternative à l'obligation de pasteurisation du lait pour toute transformation, obligation que nous refusons, est bien celle d'une maîtrise la plus parfaite possible de la qualité du lait cru destiné à la fabrication de produits non pasteurisés.
Il existe aujourd'hui un contexte d'attente légitime de sécurité alimentaire exprimé par nos concitoyens, consommateurs de plus en plus (et de mieux en mieux) éclairés sur ces questions. L'information des consommateurs par voie de presse est utile et nécessaire, chaque fois qu'un produit, déjà remis au consommateur, constitue un danger potentiel pour celui qui le détiendrait.
Je n'ignore pas les préjudices subis par la filière lors de la médiatisation, parfois excessive, de certaines de ces alertes commentées au-delà de leur objectif initial. (Pour ramener les choses à leur juste proportion, je vous précise néanmoins que sur l'ensemble des alertes remontées par mes services pour non conformité aux critères microbiologiques (tous produits confondus), à peine 1 sur 20 a donné suite à un communiqué en 1999). Il est certain que la mise en place d'une meilleure traçabilité aval des produits permettrait d'améliorer la communication et diminuerait le préjudice (économique ou en terme d'image) subi, en particulier en ciblant mieux la marque ou le lot concerné.
Vous avez évoqué l'idée d'un fonds d'assurance professionnel pour faire face à ce préjudice. C'est certainement un vrai sujet de réflexion pour l'avenir, et je sais que des parlementaires y travaillent. Il faudra, toutefois, veiller à ce qu'un tel dispositif ne vienne pas se substituer aux mesures de prévention qui doivent rester la priorité, aussi bien pour les pouvoirs publics que pour les opérateurs professionnels.
Politique laitière
En matière de politique laitière, les objectifs que nous avons en France, et sur lesquels nous nous accordons tous, peuvent être résumés en quelques principes simples que vous avez rappelés :
- l'attachement à une politique de maîtrise de la production,
- une gestion non marchande des droits à produire,
- le maintien d'un maximum d'exploitations économiquement viables sur le territoire,
- permettre et faciliter l'installation des jeunes.
Mais la mise en place de cette politique est soumise à des contraintes que sont la politique agricole commune telle qu'elle a été redéfinie dans le cadre des accords de Berlin, l'élargissement de l'Union européenne et le résultat de futures négociations à l'OMC.
Il nous faut, vous l'avez souligné, être très attentif à l'évolution de ces trois dossiers.
Les accords de Berlin, vous le savez, ont prévu :
- la reconduction des mécanismes des quotas laitiers jusqu'en 2008 avec des augmentations de quotas pour cinq états membres en 2000 et pour les autres, à partir de 2005,
- une baisse progressive des prix sur 3 ans à compter de 2005, compensée par la mise en place d'aides directes aux éleveurs,
- une clause de rendez-vous en 2003 sur la base d'un rapport d'étape de la Commission.
Conscient des risques de dérive que vous avez évoqués, je serai, bien entendu, très vigilant pour que le contenu mais également l'esprit de ce qui a été conclu à Berlin soit respecté.
Je voudrais insister, plus particulièrement, sur cette clause de rendez-vous en 2003. En effet, même si des échéances plus lointaines ont été fixées pour la mise en uvre de la réforme, à cette date le contexte international aura évolué :
- les négociations au sein de l'OMC auront progressé et les conditions de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale seront mieux connues.
C'est donc dans ce contexte qu'il nous faudra réaffirmer la nécessité et la pertinence d'un dispositif de maîtrise de la production laitière, indispensable à l'équilibre de ce secteur.
Il nous faut donc préparer très sérieusement cette échéance de 2003.
Concernant l'élargissement, la Commission envisage, vous le savez, d'ouvrir la discussion sur le chapitre agricole lors de la seconde moitié de l'année. C'est ainsi, sous présidence française, que seront abordées les questions agricoles. Le point majeur auquel il conviendra de veiller sera la reprise pleine et entière de l'acquis communautaire, sur deux points notamment, que vous avez soulignés : les modalités d'application du régime des quotas laitiers et le domaine sanitaire.
Concernant l'OMC, vous l'avez rappelé, après l'échec de Seattle, les négociations vont néanmoins reprendre dans le domaine agricole. Soyez assuré que les orientations que nous avons défendues à Seattle demeurent inchangées pour les futures négociations.
Gestion des références laitières
A plus court terme, en matière de gestion des références laitières, j'ai demandé, il y a un peu plus d'un an, au directeur de l'ONILAIT de constituer un groupe de travail sur les aménagements à apporter, au niveau national, à la procédure de gestion des quotas laitiers.
Il m'a remis ses conclusions en fin d'année 1999. Je tiens, tout d'abord, à féliciter les participants pour la qualité du travail réalisé.
D'ores et déjà, certaines propositions de ce groupe de travail sont mises en oeuvre.
Ainsi, la récupération des quantités de référence sous-réalisées fait l'objet d'un projet de décret actuellement soumis à l'avis du Conseil d'Etat, dont l'objectif est qu'il s'applique dès la prochaine campagne laitière.
Les échanges de droits à PMTVA et de quotas laitiers ont été généralisés pour la campagne 2000/2001 à tous les départements français dans les conditions définies par circulaire du 15 décembre 1999, répondant en cela à une forte demande, relayée par votre fédération. Cette procédure, qui a été validée par la Commission, doit respecter l'ensemble des réglementations communautaires des OCM viande bovine et lait. Un bilan de la généralisation de cette procédure devra être fait au début de l'été. C'est, à cette occasion, qu'il conviendra de s'interroger sur l'opportunité de poursuivre cette procédure et sur les éventuels aménagements à y apporter.
Des propositions concernent, par ailleurs, les modalités de gestion de la redistribution. Ainsi, la mise en uvre d'attributions conditionnelles pourrait, pour certains cas spécifiques et précis, figurer dans les arrêtés de redistribution en ventes directes et en livraisons de la campagne 2000/2001. De même, ces arrêtés mettront en uvre la proposition tendant à l'avancement de la date de présentation au directeur de l'ONILAIT des propositions préfectorales d'attribution de quantités de référence laitières supplémentaires.
Enfin, des instructions aux préfets seront transmises afin que, notamment, les disponibilités des réserves départementales soient mutualisées au bénéfice des jeunes agriculteurs. Cela permettra d'assurer un traitement équitable des jeunes.
Au-delà de ces aménagements, deux questions de fond ont été abordées.
Premièrement, le dispositif de prélèvement sur les transferts fonciers. C'est un point fondamental et complexe sur lequel aucune des propositions formulées n'a recueilli l'accord de l'ensemble des familles professionnelles. L'expertise doit donc être poursuivie. Deux grands objectifs doivent, toutefois, être retenus dans ce cadre : d'une part, le maintien du caractère dissuasif de ces prélèvements pour empêcher la concentration des références laitières et d'autre part, la libération de disponibilités suffisantes pour permettre la poursuite d'une véritable politique d'installation.
La deuxième question de fond, abordée dans le cadre de ce groupe de travail, porte sur la mise en commun temporaire de références laitières sans transfert du foncier. Des possibilités existent déjà, au travers des procédures dites de l'arrêt BALMANN que la loi d'orientation, par son article 24, s'attache à sécuriser. Je suis conscient de la lourdeur de ces procédures. Je suis également convaincu, comme vous, que la constitution d'ateliers laitiers peut s'avérer un formidable facteur d'amélioration des conditions de travail et de vie.
Il faut donc évoluer dans ce sens. Vous m'avez proposé de réexaminer la possibilité de création de GAEC partiels laitiers. Je n'y suis pas opposé, à la condition expresse que des mesures d'encadrement et de contrôle très strictes soient mises en place pour éviter toute dérive de ce dispositif.
Celles-ci devront notamment prévoir :
- un agrément limité dans le temps, donné après avis de la CDOA,
- des conditions de distance et de taille des exploitations,
- des procédures de contrôles de la participation effective des associés à l'activité de l'atelier.
Dans ces conditions, il me semble effectivement que l'enjeu social et économique, que représente cette possibilité de mise en commun encadrée du travail et des moyens de production laitière, justifie que les aménagements réglementaires nécessaires soient mis en uvre.
J'ai donc demandé à mes services d'y travailler.
Vous avez évoqué également, Monsieur le Président, différents points sur lesquels je n'interviendrai qu'en quelques mots.
Premièrement, la montagne.
- Le rattrapage du taux des ICHN attribuées aux vaches laitières est en cours. Après un rattrapage de 5 % en 1999, les taux progressent encore de 5 % cette année. Le plan de rattrapage portant sur trois ans est donc au deux tiers de sa réalisation.
- Pour ce qui concerne les bâtiments d'élevage et la mécanisation, un effort a été fait en 1999 qui a porté le montant de l'enveloppe à 90 MF. Cet effort est poursuivi cette année.
Enfin, le crédit d'aide à l'amélioration de la qualité du lait en zone de montagne est reconduit en 2000 au niveau de 1999, soit 49 MF, avec contractualisation d'une partie - 8 MF - dans le cadre des contrats de massif. La contractualisation s'accompagne d'une réorientation de ces 8 MF. Ils seront mis en uvre, en concertation avec les Commissaires de massif, selon les priorités définies pour le XIIème plan. Bien que la contractualisation n'ait pas été possible pour les 41 MF restant, il importe de redonner également à ces crédits un caractère d'orientation, ce qui permettra de défendre plus facilement leur existence et leur niveau.
Deuxièmement, les CTE.
Les deux orientations principales retenues pour la filière laitière pour le XIIème plan sont la segmentation des marchés par le développement des productions fermières et sous signes officiels de qualité ainsi que la qualification des élevages dont la Charte des bonnes pratiques en élevage doit constituer le socle minimum. Ces deux orientations vont pleinement dans le sens des priorités définies par la loi d'orientation agricole.
La Charte des bonnes pratiques d'élevage n'est, toutefois, pas en elle-même suffisante pour définir le cahier des charges d'un CTE. Cependant, cette démarche collective de la filière donne l'opportunité aux producteurs de lait de définir des projets collectifs d'amélioration par rapport à cette charte qui pourront constituer la base du volet économique de CTE.
Bien entendu, le CTE est un projet global qui implique également un volet environnemental. Je vous encourage à la mise ne place de projets collectifs de dimension territoriale, initiés par les producteurs eux-mêmes et qui correspondent à une amélioration significative des pratiques d'élevage.
Troisièmement, le PMPOA. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, ayant déjà eu l'occasion de répondre publiquement aux critiques qui ont pu être portées sur ce programme. Je tiens simplement à vous confirmer, comme l'a annoncé le Premier ministre le 21 octobre dernier, que, si des aménagements sont certes nécessaires, ce programme sera bien poursuivi et étendu aux petits élevages. Les concertations avec les différents partenaires concernés viennent d'ailleurs d'être engagées.
Par ailleurs, une priorité sera accordée au traitement des dossiers des éleveurs qui seraient, du fait des tempêtes, obligés d'entreprendre, dès maintenant, leurs investissements.
Enfin, pour conclure, je voudrais aborder un dernier point qui porte sur le prix du lait et les relations commerciales.
Je tiens, une nouvelle fois, à saluer l'esprit de responsabilité dont a su faire preuve votre filière dans la gestion du prix du lait d'une part, en adoptant en 1997 un accord interprofessionnel fixant le cadre des négociations et d'autre part, en sachant, comme ce fut le cas en septembre dernier, trouver des compromis pour gérer les situations difficiles.
Ce dialogue doit se poursuivre.
Pour ce qui concerne la conjoncture, on peut se montrer confiant sur l'évolution du prix des produits industriels lors du second semestre 2000, même s'ils s'avèrent contrastés au profit de la matière protéique et au détriment de la matière grasse.
Pour ce qui concerne le marché intérieur et les relations commerciales, notamment avec la grande distribution, les préoccupations, dont vous avez fait part, sont également celles du gouvernement.
Le Premier ministre l'a rappelé à l'occasion de la clôture des Assises du commerce et de la distribution le 13 janvier.
Notre volonté est bien de bâtir les instruments de la régulation dont les partenaires commerciaux ont besoin.
Nous y travaillons et le cadre législatif correspondant sera présenté très prochainement.
Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 20 mars 2000)
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de pouvoir assister cette année (et pour la première fois) à votre assemblée générale puisque l'année dernière les débats intenses autour de l'Agenda 2000 ne m'avaient pas permis d'être physiquement parmi vous à Rodez, même si nous avions pu organiser un dialogue à distance.
Vous avez débuté votre intervention, Monsieur le Président, en abordant deux sujets particulièrement sensibles aujourd'hui et pleinement d'actualité : les conséquences des tempêtes de la fin de l'année 1999 et les questions de sécurité sanitaire.
Je commencerai donc également mon propos par ces deux points.
Suites des tempêtes
Les tempêtes qui ont touché notre pays en décembre dernier ont causé des dégâts particulièrement lourds. L'agriculture et l'élevage en particulier n'ont pas été épargnés, et je tiens à saluer le courage de tous ceux d'entre vous qui ont été touchés directement ou indirectement par les conséquences de ces intempéries.
Le gouvernement a arrêté dans les jours qui ont suivi, un certain nombre de mesures annoncées par le Premier ministre le 12 janvier.
Aujourd'hui, l'ensemble de ce dispositif est en place :
- la commission nationale des calamités agricoles s'est réunie le 11 février dernier ; elle a arrêté la liste des départements reconnus sinistrés et les taux d'indemnisations applicables aux différents dommages ; une première enveloppe de 486 MF a été déléguée dans les départements le 18 février ;
- j'ai signé, il y a quelques jours, les circulaires fixant les modalités d'intervention des Offices, en complément de ces indemnisations.
Une enveloppe de 100 millions de francs pour les secteurs de l'élevage est ainsi attribuée à l'OFIVAL qui gérera l'ensemble des dossiers, en concertation avec l'ONILAIT, afin de simplifier les procédures administratives des éleveurs.
Cette enveloppe doit prioritairement venir en aide aux exploitations les plus touchées pour lesquelles le préjudice résiduel après l'intervention des différents dispositifs demeure élevé. A ce titre, elle pourra, notamment, concerner les dommages liés à certaines pertes de lait en lien avec la tempête et qui n'auraient pas été couverts par ailleurs.
La procédure est entièrement départementalisée pour les secteurs de l'élevage. La répartition de l'enveloppe entre les départements sinistrés vient d'avoir lieu et tient compte de critères objectifs liés notamment à l'importance des activités d'élevage et à la force de la tempête.
Il importe maintenant que les dossiers de demandes d'aides puissent être transmis rapidement aux services départementaux afin que ces soutiens soient versés à leurs bénéficiaires dans les meilleurs délais.
Enfin, au-delà de ces mesures d'aides, des dispositions spécifiques devront être mises en uvre, dans le cadre de la gestion de fin de campagne laitière, pour prendre en charge les dépassements exceptionnels dus à l'accueil, par certains producteurs, du cheptel d'une exploitation voisine dont les installations ont été en tout ou partie détruites.
Enfin, un réexamen des dossiers d'aide à la cessation d'activité laitière, qui auraient été refusés pour insuffisance de crédits et qui concerneraient des producteurs qui n'envisagent pas de reconstruire leurs installations laitières détruites, pourra être envisagé.
Les préoccupations relatives à l'hygiène
L'année 1999 a également été marquée par la forte montée en puissance des préoccupations de nos citoyens sur les questions de sécurité sanitaire des aliments. A travers plusieurs crises, le secteur laitier n'a pas échappé à ces événements, et la production laitière y fut directement confrontée, aussi bien lors de la gestion administrative des non-conformités microbiologiques de certains produits laitiers, que lors de la crise " dioxine " du printemps 1999 ou de l'épidémie de listériose humaine du début de l'année 1999, liée à la consommation d'un fromage " de type Epoisses ".
Même si, pour ce qui concerne cette dernière, la production laitière n'a pas été mise en cause directement puisque l'origine de la contamination concernait un produit transformé, la qualité microbiologique du lait cru, destiné à la fabrication de fromages fragiles, doit être une préoccupation constante. Je sais que vous en êtes parfaitement conscient et que des efforts importants sont réalisés dans ce sens. Il faut les poursuivre. L'ONILAIT, qui finance depuis 1992 des programmes d'amélioration de la qualité sanitaire des produits sensibles, notamment au lait cru, renforcera son intervention en 2000 puisque les crédits correspondants seront augmentés de 50 % par rapport à 1999.
Il faut aussi envisager des actions fondamentales de prévention vis-à-vis du risque Listeria au niveau même de vos exploitations. Dans ce contexte, on n'échappera pas à une réflexion sur l'alimentation animale à base d'aliments fermentés. Il a, en effet, été montré que, dans certains cas, ce type d'aliment est source à la fois de contaminations environnementales et animales rendant difficiles, voire inopérants, les efforts d'hygiène ultérieurs.
Ces éléments de maîtrise de la qualité microbienne du produit au lait cru sont, à côté d'un rigoureux respect des bonnes pratiques hygiéniques de fabrication - aussi bien à la ferme dans le cas de productions fermières, qu'en industrie - les moyens les plus efficaces permettant de promouvoir ces produits, que certains prétendent " menacés ".
La défense de la " filière lait cru ", que mes services mènent au sein des instances communautaires (Commission européenne) ou internationales (Codex alimentarius), et à laquelle je veille attentivement, intègre naturellement ces réflexions. Pour nous, la véritable alternative à l'obligation de pasteurisation du lait pour toute transformation, obligation que nous refusons, est bien celle d'une maîtrise la plus parfaite possible de la qualité du lait cru destiné à la fabrication de produits non pasteurisés.
Il existe aujourd'hui un contexte d'attente légitime de sécurité alimentaire exprimé par nos concitoyens, consommateurs de plus en plus (et de mieux en mieux) éclairés sur ces questions. L'information des consommateurs par voie de presse est utile et nécessaire, chaque fois qu'un produit, déjà remis au consommateur, constitue un danger potentiel pour celui qui le détiendrait.
Je n'ignore pas les préjudices subis par la filière lors de la médiatisation, parfois excessive, de certaines de ces alertes commentées au-delà de leur objectif initial. (Pour ramener les choses à leur juste proportion, je vous précise néanmoins que sur l'ensemble des alertes remontées par mes services pour non conformité aux critères microbiologiques (tous produits confondus), à peine 1 sur 20 a donné suite à un communiqué en 1999). Il est certain que la mise en place d'une meilleure traçabilité aval des produits permettrait d'améliorer la communication et diminuerait le préjudice (économique ou en terme d'image) subi, en particulier en ciblant mieux la marque ou le lot concerné.
Vous avez évoqué l'idée d'un fonds d'assurance professionnel pour faire face à ce préjudice. C'est certainement un vrai sujet de réflexion pour l'avenir, et je sais que des parlementaires y travaillent. Il faudra, toutefois, veiller à ce qu'un tel dispositif ne vienne pas se substituer aux mesures de prévention qui doivent rester la priorité, aussi bien pour les pouvoirs publics que pour les opérateurs professionnels.
Politique laitière
En matière de politique laitière, les objectifs que nous avons en France, et sur lesquels nous nous accordons tous, peuvent être résumés en quelques principes simples que vous avez rappelés :
- l'attachement à une politique de maîtrise de la production,
- une gestion non marchande des droits à produire,
- le maintien d'un maximum d'exploitations économiquement viables sur le territoire,
- permettre et faciliter l'installation des jeunes.
Mais la mise en place de cette politique est soumise à des contraintes que sont la politique agricole commune telle qu'elle a été redéfinie dans le cadre des accords de Berlin, l'élargissement de l'Union européenne et le résultat de futures négociations à l'OMC.
Il nous faut, vous l'avez souligné, être très attentif à l'évolution de ces trois dossiers.
Les accords de Berlin, vous le savez, ont prévu :
- la reconduction des mécanismes des quotas laitiers jusqu'en 2008 avec des augmentations de quotas pour cinq états membres en 2000 et pour les autres, à partir de 2005,
- une baisse progressive des prix sur 3 ans à compter de 2005, compensée par la mise en place d'aides directes aux éleveurs,
- une clause de rendez-vous en 2003 sur la base d'un rapport d'étape de la Commission.
Conscient des risques de dérive que vous avez évoqués, je serai, bien entendu, très vigilant pour que le contenu mais également l'esprit de ce qui a été conclu à Berlin soit respecté.
Je voudrais insister, plus particulièrement, sur cette clause de rendez-vous en 2003. En effet, même si des échéances plus lointaines ont été fixées pour la mise en uvre de la réforme, à cette date le contexte international aura évolué :
- les négociations au sein de l'OMC auront progressé et les conditions de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale seront mieux connues.
C'est donc dans ce contexte qu'il nous faudra réaffirmer la nécessité et la pertinence d'un dispositif de maîtrise de la production laitière, indispensable à l'équilibre de ce secteur.
Il nous faut donc préparer très sérieusement cette échéance de 2003.
Concernant l'élargissement, la Commission envisage, vous le savez, d'ouvrir la discussion sur le chapitre agricole lors de la seconde moitié de l'année. C'est ainsi, sous présidence française, que seront abordées les questions agricoles. Le point majeur auquel il conviendra de veiller sera la reprise pleine et entière de l'acquis communautaire, sur deux points notamment, que vous avez soulignés : les modalités d'application du régime des quotas laitiers et le domaine sanitaire.
Concernant l'OMC, vous l'avez rappelé, après l'échec de Seattle, les négociations vont néanmoins reprendre dans le domaine agricole. Soyez assuré que les orientations que nous avons défendues à Seattle demeurent inchangées pour les futures négociations.
Gestion des références laitières
A plus court terme, en matière de gestion des références laitières, j'ai demandé, il y a un peu plus d'un an, au directeur de l'ONILAIT de constituer un groupe de travail sur les aménagements à apporter, au niveau national, à la procédure de gestion des quotas laitiers.
Il m'a remis ses conclusions en fin d'année 1999. Je tiens, tout d'abord, à féliciter les participants pour la qualité du travail réalisé.
D'ores et déjà, certaines propositions de ce groupe de travail sont mises en oeuvre.
Ainsi, la récupération des quantités de référence sous-réalisées fait l'objet d'un projet de décret actuellement soumis à l'avis du Conseil d'Etat, dont l'objectif est qu'il s'applique dès la prochaine campagne laitière.
Les échanges de droits à PMTVA et de quotas laitiers ont été généralisés pour la campagne 2000/2001 à tous les départements français dans les conditions définies par circulaire du 15 décembre 1999, répondant en cela à une forte demande, relayée par votre fédération. Cette procédure, qui a été validée par la Commission, doit respecter l'ensemble des réglementations communautaires des OCM viande bovine et lait. Un bilan de la généralisation de cette procédure devra être fait au début de l'été. C'est, à cette occasion, qu'il conviendra de s'interroger sur l'opportunité de poursuivre cette procédure et sur les éventuels aménagements à y apporter.
Des propositions concernent, par ailleurs, les modalités de gestion de la redistribution. Ainsi, la mise en uvre d'attributions conditionnelles pourrait, pour certains cas spécifiques et précis, figurer dans les arrêtés de redistribution en ventes directes et en livraisons de la campagne 2000/2001. De même, ces arrêtés mettront en uvre la proposition tendant à l'avancement de la date de présentation au directeur de l'ONILAIT des propositions préfectorales d'attribution de quantités de référence laitières supplémentaires.
Enfin, des instructions aux préfets seront transmises afin que, notamment, les disponibilités des réserves départementales soient mutualisées au bénéfice des jeunes agriculteurs. Cela permettra d'assurer un traitement équitable des jeunes.
Au-delà de ces aménagements, deux questions de fond ont été abordées.
Premièrement, le dispositif de prélèvement sur les transferts fonciers. C'est un point fondamental et complexe sur lequel aucune des propositions formulées n'a recueilli l'accord de l'ensemble des familles professionnelles. L'expertise doit donc être poursuivie. Deux grands objectifs doivent, toutefois, être retenus dans ce cadre : d'une part, le maintien du caractère dissuasif de ces prélèvements pour empêcher la concentration des références laitières et d'autre part, la libération de disponibilités suffisantes pour permettre la poursuite d'une véritable politique d'installation.
La deuxième question de fond, abordée dans le cadre de ce groupe de travail, porte sur la mise en commun temporaire de références laitières sans transfert du foncier. Des possibilités existent déjà, au travers des procédures dites de l'arrêt BALMANN que la loi d'orientation, par son article 24, s'attache à sécuriser. Je suis conscient de la lourdeur de ces procédures. Je suis également convaincu, comme vous, que la constitution d'ateliers laitiers peut s'avérer un formidable facteur d'amélioration des conditions de travail et de vie.
Il faut donc évoluer dans ce sens. Vous m'avez proposé de réexaminer la possibilité de création de GAEC partiels laitiers. Je n'y suis pas opposé, à la condition expresse que des mesures d'encadrement et de contrôle très strictes soient mises en place pour éviter toute dérive de ce dispositif.
Celles-ci devront notamment prévoir :
- un agrément limité dans le temps, donné après avis de la CDOA,
- des conditions de distance et de taille des exploitations,
- des procédures de contrôles de la participation effective des associés à l'activité de l'atelier.
Dans ces conditions, il me semble effectivement que l'enjeu social et économique, que représente cette possibilité de mise en commun encadrée du travail et des moyens de production laitière, justifie que les aménagements réglementaires nécessaires soient mis en uvre.
J'ai donc demandé à mes services d'y travailler.
Vous avez évoqué également, Monsieur le Président, différents points sur lesquels je n'interviendrai qu'en quelques mots.
Premièrement, la montagne.
- Le rattrapage du taux des ICHN attribuées aux vaches laitières est en cours. Après un rattrapage de 5 % en 1999, les taux progressent encore de 5 % cette année. Le plan de rattrapage portant sur trois ans est donc au deux tiers de sa réalisation.
- Pour ce qui concerne les bâtiments d'élevage et la mécanisation, un effort a été fait en 1999 qui a porté le montant de l'enveloppe à 90 MF. Cet effort est poursuivi cette année.
Enfin, le crédit d'aide à l'amélioration de la qualité du lait en zone de montagne est reconduit en 2000 au niveau de 1999, soit 49 MF, avec contractualisation d'une partie - 8 MF - dans le cadre des contrats de massif. La contractualisation s'accompagne d'une réorientation de ces 8 MF. Ils seront mis en uvre, en concertation avec les Commissaires de massif, selon les priorités définies pour le XIIème plan. Bien que la contractualisation n'ait pas été possible pour les 41 MF restant, il importe de redonner également à ces crédits un caractère d'orientation, ce qui permettra de défendre plus facilement leur existence et leur niveau.
Deuxièmement, les CTE.
Les deux orientations principales retenues pour la filière laitière pour le XIIème plan sont la segmentation des marchés par le développement des productions fermières et sous signes officiels de qualité ainsi que la qualification des élevages dont la Charte des bonnes pratiques en élevage doit constituer le socle minimum. Ces deux orientations vont pleinement dans le sens des priorités définies par la loi d'orientation agricole.
La Charte des bonnes pratiques d'élevage n'est, toutefois, pas en elle-même suffisante pour définir le cahier des charges d'un CTE. Cependant, cette démarche collective de la filière donne l'opportunité aux producteurs de lait de définir des projets collectifs d'amélioration par rapport à cette charte qui pourront constituer la base du volet économique de CTE.
Bien entendu, le CTE est un projet global qui implique également un volet environnemental. Je vous encourage à la mise ne place de projets collectifs de dimension territoriale, initiés par les producteurs eux-mêmes et qui correspondent à une amélioration significative des pratiques d'élevage.
Troisièmement, le PMPOA. Je ne m'étendrai pas sur ce sujet, ayant déjà eu l'occasion de répondre publiquement aux critiques qui ont pu être portées sur ce programme. Je tiens simplement à vous confirmer, comme l'a annoncé le Premier ministre le 21 octobre dernier, que, si des aménagements sont certes nécessaires, ce programme sera bien poursuivi et étendu aux petits élevages. Les concertations avec les différents partenaires concernés viennent d'ailleurs d'être engagées.
Par ailleurs, une priorité sera accordée au traitement des dossiers des éleveurs qui seraient, du fait des tempêtes, obligés d'entreprendre, dès maintenant, leurs investissements.
Enfin, pour conclure, je voudrais aborder un dernier point qui porte sur le prix du lait et les relations commerciales.
Je tiens, une nouvelle fois, à saluer l'esprit de responsabilité dont a su faire preuve votre filière dans la gestion du prix du lait d'une part, en adoptant en 1997 un accord interprofessionnel fixant le cadre des négociations et d'autre part, en sachant, comme ce fut le cas en septembre dernier, trouver des compromis pour gérer les situations difficiles.
Ce dialogue doit se poursuivre.
Pour ce qui concerne la conjoncture, on peut se montrer confiant sur l'évolution du prix des produits industriels lors du second semestre 2000, même s'ils s'avèrent contrastés au profit de la matière protéique et au détriment de la matière grasse.
Pour ce qui concerne le marché intérieur et les relations commerciales, notamment avec la grande distribution, les préoccupations, dont vous avez fait part, sont également celles du gouvernement.
Le Premier ministre l'a rappelé à l'occasion de la clôture des Assises du commerce et de la distribution le 13 janvier.
Notre volonté est bien de bâtir les instruments de la régulation dont les partenaires commerciaux ont besoin.
Nous y travaillons et le cadre législatif correspondant sera présenté très prochainement.
Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 20 mars 2000)