Interview de M. Christian Poncelet, président du Sénat, dans "Paris-Normandie" des 16 et 17 décembre 2000, sur la durée du mandat sénatorial, le rôle des départements, la responsabilité des élus et l'inversion du calendrier électoral en 2002.

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Média : Paris Normandie

Texte intégral

1) Que pensez-vous de la proposition, par deux sénateurs RPR Haut-normands, Patrice Gélard et Jean-Luc Miraux, de réduction de la durée du mandat sénatorial de neuf à six ans, suite logique de l'adoption du quinquennat présidentiel ?
De même que les Français n'ont pas manifesté un grand enthousiasme pour réduire la durée du mandat présidentiel, je crois qu'ils ont d'autres sujets de préoccupation que la durée du mandat sénatorial. Cela dit, le sujet n'est pas tabou. Je ne suis pas hostile à une réduction à six ans, qui est la durée des mandats de nos électeurs-élus locaux. Mais à la condition que soient renforcés les pouvoirs du Sénat en matière de défense des collectivités territoriales.
2) Comment concevez-vous le rôle des départements, situés entre communes, communautés d'agglomération et régions ? N'y a-t-il pas un échelon institutionnel de trop ?
Il est grand temps de dépasser la querelle stérile sur le nombre de niveaux de l'administration locale et, plus encore, essentiel de reconnaître pleinement le rôle indispensable des départements, comme vient de le faire la commission Mauroy.
Le développement des communautés d'agglomération et l'évolution du rôle des régions ne sont en rien contradictoires avec l'affirmation des compétences du département dans le domaine social et dans la mise en oeuvre des politiques de développement local.
Le département demeure un irremplaçable échelon de proximité et de solidarité. Y a-t-il une seule grande décision d'équipement qui puisse se concevoir sans l'intervention de l'acteur financier majeur que représente le département ?
3) Que pensez-vous du nombre actuel des communes françaises ? N'est-il pas trop élevé, alors que l'intercommunalité se développe ?
Précisément, l'intercommunalité constitue la réponse pragmatique aux problèmes posés par le nombre très important des communes de France qui compte, à elle seule, autant de communes que tous les pays de l'Union européenne.
Je dirais même que l'intercommunalité est un moyen de préserver l'identité de nos communes, qui restent le socle fondamental de la démocratie locale.
En regroupant, sur une base volontaire, leurs moyens et en décidant de programmes de développement commun au sein des structures intercommunales, les communes peuvent ainsi rationaliser leurs dépenses de fonctionnement et préparer, ensemble, l'avenir.
C'est pour ces raisons que le Sénat a voté la loi " Chevènement " sur l'intercommunalité, après l'avoir fortement rééquilibré en faveur du monde rural, qui avait été, au départ, un peu oublié par le Gouvernement.
4) Que pensez-vous de la responsabilité des élus, en particulier des maires, volontiers mis en cause par les victimes ou familles de victimes d'accidents survenus sur le territoire de leur commune ?
Aux quatre coins de notre pays, j'ai été frappé par l'inquiétude, la désillusion voire la démotivation qui est en train de gagner les élus et plus particulièrement les maires. Pour le Républicain que je suis, ce malaise n'est pas acceptable car il porte en lui les germes d'un délitement de nos fondements démocratiques.
J'ai donc fait campagne, avec mes collègues sénateurs, toutes tendances politiques confondues, pour que la " judiciarisation " croissante de notre société ne paralyse pas l'action des élus locaux qui sont quotidiennement exposés au risque pénal.
C'est l'objectif de la loi du 10 juillet 2000 sur les délits non intentionnels, adoptée à l'initiative du Sénat, que d'éviter les condamnations pénales des maires pour des faits dont ils ne sont pas responsables. Je précise d'ailleurs qu'il s'agit d'un texte équilibré qui concerne tous les citoyens et donc aussi les responsables publics ou privés : responsables associatifs, enseignants, médecins...
5) Etes-vous favorable à une inversion du calendrier électoral de 2002, faisant passer l'élection présidentielle avant les élections législatives ?
Si l'on voulait inverser le calendrier, il fallait le faire au lendemain des dernières législatives, en 1997. Je crains qu'opérer une inversion du calendrier à quelques mois des échéances n'apparaisse aux yeux de nos concitoyens comme une magouille. En outre, je considère inacceptable que le Gouvernement veuille passer en force au Parlement en lui imposant d'examiner ce texte à la sauvette. Ces conditions d'examen relèvent d'un bricolage que je ne saurais cautionner, d'autant plus que l'inversion du calendrier touche directement au fonctionnement des pouvoirs publics.
( source http://www.senat.fr, le 20 décembre 2000)