Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités locales, sur les axes prioritaires de la "relance" de l'intercommunalité, au Sénat le 17 mars 2006.

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Circonstance : Rencontres SVP pour les collectivités territoriales sur le thème "L'intercommunalité : bilan et perspectives", au Sénat le 17 mars 2006

Texte intégral


Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Monsieur le Président directeur général,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je voudrais, tout d'abord, remercier Henri GAGNAIRE, président du groupe SVP, pour son invitation. Votre groupe, Monsieur le Président, accompagne les collectivités territoriales dans leurs prises de décisions et dans leur organisation depuis plus de 70 ans. Ce n'est donc pas une surprise que de vous retrouver aujourd'hui à l'origine de cette journée de réflexion et d'échange sur le thème de l'intercommunalité.
Je voudrais, bien entendu, aussi remercier le Sénateur Henri de RAINCOURT pour son implication dans l'organisation des travaux et des réflexions qui vont suivre lors de vos trois tables rondes de la journée (table 1 : Evolution et perspectives ; table 2 : la détermination des compétences transférées ; table 3 : le financement de l'intercommunalité). Mon cher Henri, j'aurai le plaisir de vous retrouver très bientôt dans le département de l'Yonne que vous présidez puisque je m'y rendrai, le mardi 11 avril prochain, pour intervenir lors du congrès annuel de l'association des maires et présidents de communautés de communes, à l'invitation de son président, Jean-Claude LEROY.
Je voudrais, enfin, vous dire que je suis très heureux de me retrouver parmi vous, ici, à la Haute Assemblée. C'est une maison que je commence à bien connaître puisque outre les questions hebdomadaires au Gouvernement, je viens surtout d'y passer mes trois derniers jours et une bonne partie des trois dernières nuits pour l'examen du projet de loi que je porte et qui vise à moderniser et rendre plus attractive la fonction publique territoriale.
Si je suis heureux de vous retrouver ce matin, c'est surtout parce que le thème central de votre colloque, l'intercommunalité, a été, vous le savez, l'un des fils conducteurs de mon action ministérielle depuis mon entrée en fonction au mois de juin 2005.
A un moment décisif pour l'avenir de l'intercommunalité, je voudrais profiter de ma présence pour non seulement faire le point sur le mouvement intercommunal mais aussi pour diffuser, clarifier et préciser les intentions du Gouvernement sur cet instrument majeur de la stratégie territoriale. Soyons bien clairs : nous ne voulons pas, pour notre pays, n'importe quelle intercommunalité. Nous voulons seulement celle que nos concitoyens attendent et méritent.
I. Quelles étaient les carences qui nous ont amené, avec Nicolas SARKOZY, à prendre de nouvelles dispositions ?
A l'automne dernier, vous le savez, un vent mauvais soufflait sur l?intercommunalité.
Plusieurs rapports parlementaires et institutionnels (rapport MARITON ; le livre noir de l'intercommunalité des députés BEAUDOIN et PEMEZEC [les saluer], et surtout le rapport de la Cour des comptes) mettaient en lumière des imperfections, des déficiences sans doute issues d?une volonté accélérée de couvrir l?ensemble du territoire.
Personne ne contestait le succès quantitatif de l'intercommunalité : au 1er janvier 2006, celle-ci concernait 32.902 communes, soit plus de 89 % d'entre elles et 53,3 millions d'habitants, soit 85 % de la population française. Les différents travaux aboutissaient surtout à la conclusion que pour faire beaucoup, on avait parfois fait trop vite. On avait, dans bien des cas, donné la priorité à la quantité, plutôt que de privilégier la qualité.
J'ai pu moi-même vérifier ces observations sur le terrain. Lorsque je me déplaçais [derniers déplacements : CDCI à Angers le 2 février dernier, et avant cela, à l'association des maires de Corrèze le 10 décembre], que me disait-on ? J'entendais certes les témoignages de ceux qui me disaient très justement "sans intercommunalité, nous ne serions pas grand chose, nous n'aurions pas pu construire telle piscine, telle salle des fêtes?", mais j'entendais aussi ceux qui se plaignaient : "les regroupements de communes, plus personne n'y comprend rien, telle intercommunalité n'a pas de colonne vertébrale, n'a pas d'intérêt suffisamment précis, cela coûte cher aux contribuables, etc.".
A vrai dire, j'ai retenu deux choses essentielles de tous ces déplacements :
1) la première chose, c'est qu'aujourd'hui, l'intercommunalité n'est plus une affaire d'initiés. Les Français la connaissent de plus en plus et sont désormais tout à fait capables de la juger, de dire ce qui va et ce qui ne va pas. Aux prochaines élections municipales, vous verrez qu'ils interpelleront les élus sur les résultats de leurs intercommunalités et exigeront très naturellement un bilan coût-avantage.
2) la deuxième chose, c'est qu'avant d'entendre, il faut écouter. J'ai cherché à écouter pour mieux recenser ces carences et pour mieux les corriger ensuite.
Ces carences, quelles sont-elles ?
- Première carence : celle qui a trait au périmètre des intercommunalités. On a été trop souvent à marche forcée vers la constitution d'établissements publics intercommunaux sans se pencher suffisamment sur la cohérence démographique ou économique de leur périmètre ;
- Deuxième élément de carence : on a parfois constaté la faiblesse de l'intérêt intercommunal, de sa réalité, en assistant à la création de coquilles vides par simple effet d'aubaine ;
- Enfin, le coût de gestion des intercommunalités constitue un troisième point critique.
Un seul exemple suffira à vous faire comprendre mon propos : l'une des communautés d'agglomération du sud de la France est allée jusqu'à embaucher 600 employés intercommunaux, avec tous les coûts de fonctionnement qui s'ensuivent!
Alors, fallait-il ne rien faire, adopter la politique de l'autruche, dire que tout est formidable et rester les bras ballants jusqu'au jour où l'intercommunalité aurait fini par perdre sa crédibilité ? Je ne crois pas.
J?ai immédiatement souhaité que nous entendions les critiques émises afin que l'intercommunalité joue à l'avenir le rôle majeur qui aurait dû être le sien : constituer l?élément structurant du territoire national et de la France de demain.
II. Ce que nous avons fait avec Nicolas SARKOZY : la circulaire du 23 novembre 2005
1) La circulaire que j?ai cosignée avec Nicolas SARKOZY, le 23 novembre dernier, montre clairement que nous souhaitons entrer dans une démarche qualitative. Je ne reviendrai pas dans le détail sur ce que comprend cette circulaire, mais permettez-moi d'en rappeler les quatre exigences :
- Les intercommunalités devront s'appuyer sur un périmètre cohérent ;
- Elle devront définir avant le 18 août 2006 (ce délai ne sera pas reporté) un intérêt communautaire substantiel ;
- Elles devront exercer effectivement les compétences transférées ;
- Elles devront, enfin, mettre un terme aux doublons qui ont suscité des critiques sur le thème du gaspillage des deniers publics.
En réagissant promptement, nous voulions à la fois préserver l?intercommunalité et la repositionner de façon prometteuse pour l?avenir.
2) Dans ce cadre, les schémas départementaux d'orientation de l'intercommunalité fixeront les objectifs à atteindre à moyen terme.
Cette circulaire doit, en effet, se traduire par l'élaboration, d'ici au 30 juin 2006, des schémas départementaux d'orientation de l'intercommunalité confiés aux préfets. Nous le savons tous, la tâche des préfets en la matière n'est pas toujours facile. Pendant des années, on leur a demandé de tout mettre en ?uvre pour couvrir la totalité du territoire. Et, lorsqu?ils avaient des différences d?appréciation avec certains élus en contradiction avec l?esprit et la lettre des textes sur l?intercommunalité, ils ne recevaient pas toujours du ministère le soutien politique nécessaire.
La circulaire du 23 novembre 2005 rappelle aux préfets les pouvoirs importants dont ils disposent, mais surtout elle leur assure notre soutien ferme dans l?application de cette politique.
III. Quelles pistes de réflexion pour l'avenir ?
Une fois ces schémas élaborés et appliqués, y aura-t-il une nouvelle loi ?
Ma méthode est simple : il faut fixer le cadre, déterminer des règles et avancer avec pragmatisme. Cela signifie, très concrètement, que rien n'est fermé et que si des propositions de modifications législatives particulièrement pertinentes me parvenaient dans les prochains mois, je serai tout à fait prêt à les examiner avec bienveillance et à les prendre en compte d'une manière ou d'une autre. Dans l'intérêt de l'intercommunalité, nous ne nous interdirons aucune réflexion ni aucune initiative.
Bien entendu, nous resterons prudents car il n?existe pas une, mais des intercommunalités. Ainsi, l?intercommunalité en Auvergne n?est pas comparable à celle de Maine-et-Loire qui elle-même n'a rien à voir avec celle de l?Ile-de-France! Les besoins et les aspirations de nos concitoyens y sont très différents, nous en sommes conscients et nous prenons cela en compte.
Quelques pistes pour l'avenir :
1) La question de l'élection au suffrage universel direct des délégués communautaires.
A partir du moment où les intercommunalités disposent de compétences et d'un budget substantiel, il est vrai que la logique serait que ses responsables soient désignés au suffrage universel direct. J'avais, d'ailleurs, souligné ce point dans mon livre "Jardin à la française", paru en 2003.
Aujourd'hui, la réalité me semble plus nuancée. Si la formule de l'élection du Président au suffrage universel m'apparaît toujours prématurée et risquée car elle peut aboutir à la disparition du maire comme élu local, je suis prêt à réfléchir à de nouvelles solutions inspirées, par exemple, (1) du mode d'élection des conseillers de Paris et des conseillers municipaux de Lyon et Marseille ou (2) de formules dérivées de l'élection municipale classique comme peuvent l'être l'élection des délégués communautaires sur liste municipale ou leur élection sur liste intercommunale.
2) Faciliter le retrait d'une commune d'un EPCI en cas de blocage institutionnel
Toute la difficulté consiste à conjuguer une plus grande liberté de retrait pour les communes membres avec la stabilité des EPCI existants qui ont, en général, besoin de temps pour atteindre une bonne maturité.
L'idée serait de prévoir une procédure de retrait dérogatoire à la discrétion du Préfet et qui interviendrait de façon régulière et de manière la plus déconnectée possible du calendrier des élections municipales de façon à dépassionner les débats.
En s'inspirant de la procédure retenue dans la loi du 13 août 2004 pour permettre certains retraits entre le 13 août et le 31 décembre 2004, il semble possible d'instaurer "une plage de divorce" d'une durée de six mois qui pourrait intervenir au moins deux ans après la dernière élection municipale. Les conditions de ce "divorce" seraient toutefois bien encadrées (saisine de la CDCI, retrait d'une communauté pour en rejoindre une autre, accord du préfet) de façon à ne pas ouvrir la boîte de Pandore de l'intercommunalité à la "carte".
3) Faciliter les relations financières entre EPCI et communes-centres
La question des charges de centralité ne peut pas se régler par la création d'une enveloppe particulière au sein de la DGF des communes ou des EPCI.
La solution consiste certainement à mieux concilier les charges de centralité et l'intérêt communautaire à travers les deux leviers existants que sont l'attribution de compensation et la dotation de solidarité communautaire.
Si l'utilisation de ces deux leviers est jugée trop timorée, il pourrait être envisagé notamment dans les agglomérations un mécanisme qui prévoirait que les grands équipements publics fréquentés à parité par les usagers du centre et de la périphérie urbaine entrent de droit dans le champ de compétences du conseil communautaire, sauf volonté expresse de la ville centre d'en assurer la charge.
Nous pourrions aussi, à titre expérimental et sur la stricte base du volontariat et de l'unanimité, tester l'idée d'une DGF "territoriale".
Cette dernière, versée à l'EPCI, agrégerait la dotation d'intercommunalité du groupement avec les dotations de fonctionnement des communes, à charge pour le conseil communautaire de restituer aux communes leur dotation sur la base de l'année n?1, mais surtout d'optimiser collectivement l'utilisation de la revalorisation annuelle des DGF communale et intercommunale en l'affectant sur des projets communautaires porteurs d'avenir.
Voici, en quelques mots, les quelques pistes que je souhaitais vous soumettre ce matin.
Je voudrais terminer mon propos en disant la chose suivante à tous les élus locaux ou nationaux ici présents : je sais à quel point l'action et les pistes de travail du Gouvernement ne peuvent avoir d'effet sans votre compréhension, sans votre soutien, sans votre aide. Je l'ai encore constaté lors de l'examen du projet de loi sur la FPT au Sénat ces derniers jours, vous êtes des relais très précieux de notre action.
Sachez en retour que loin des clivages partisans, je suis et resterai à votre écoute pour qu'ensemble, nous parvenions à donner un nouveau souffle à l'intercommunalité.
Nous n'avons qu'un point de vue, celui de l'usager, contribuable et électeur. Nous n'avons qu'un seul objectif : lui donner une intercommunalité de qualité, qui améliore sa vie quotidienne et ce, à moindre coût.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 21 mars 2006