Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire et président de l'UMP, sur son projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, notamment la délinquance des mineurs, au Sénat le 13 septembre 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, au Sénat le 13 septembre 2006

Texte intégral

Monsieur le président ,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le projet de loi sur la prévention de la délinquance. Avant de proposer ce projet, j'ai d'abord voulu observer et expérimenter. C'est pour cela que j'ai lancé il y a trois ans le plan pilote pour 25 quartiers. Il s'agissait d'expérimenter, sur le terrain, dans des quartiers sensibles, à travers toute la France, ce que pouvait être un travail de prévention, dans les domaines les plus divers : il s'agissait aussi bien de lutter contre les violences scolaires, par exemple, que d'améliorer l'accueil des victimes dans les commissariats ou les gendarmeries.
Dès mon retour au ministère de l'intérieur en juin 2005 j'ai fait le bilan de ce plan, un bilan tout à fait positif, qui a permis de faire émerger des idées et des méthodes nouvelles. J'ai repris ce chantier que je considère essentiel, mais cette fois ci avec une tout autre dimension. Mon objectif a été que la prévention ait enfin un cadre et une assise juridique d'ensemble, qui permette de généraliser des pratiques réussies à tel ou tel endroit, mais sans que l'on en tire des conclusions de portée plus vaste. J'ai voulu aussi que ce cadre juridique soit assez large pour embrasser la diversité des problèmes de la délinquance et leur proposer des solutions concrètes. La conception d'abord, la concertation ensuite, l'expérimentation parfois, ont pris du temps. Mais du temps qui était nécessaire pour un texte qui le mérite.
Si j'ai tellement tenu à élaborer ce projet de loi sur la prévention de la délinquance, c'est parce que je suis persuadé que la sanction ne suffit pas. La question de la sécurité, c'est une question de société qui va bien au-delà de la sanction, même si celle ci reste évidemment nécessaire.
Quelle a été ma démarche depuis 2002 ? Faire de la sécurité une vraie priorité, celle dont elle avait un besoin urgent, en accordant les moyens nécessaires aux forces de sécurité et en les remobilisant. Au lieu de la naïveté vis à vis des délinquants, j'ai choisi de donner la priorité absolue aux victimes.
J'estime que nous avons pu faire beaucoup. Entre 1997 et 2001, la délinquance avait augmenté de 14%. Depuis 2002, nous avons pu la faire reculer de 9%, et la délinquance de voie publique, en particulier, celle qui empoisonne la vie quotidienne, faite des vols et des agressions de toutes sortes, a baissé de près de 24%, de façon continue.
Nous avons parcouru ce chemin grâce à la modernisation de nos forces de sécurité. C'est un véritable saut qualitatif qui a été opéré depuis 2002.
D'abord, en ce qui concerne les personnels. Le calendrier de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure a été tenu: 80% des 7000 emplois prévus sont créés en 2006. Nous avons pu aussi réaliser tous les grands projets d'équipements: gilets pare-balles, uniformes, armement, communications sécurisées. J'ai d'abord voulu que les policiers et les gendarmes continuent à bénéficier des meilleurs équipements. Je veux que l'on aille encore plus loin et j'ai décidé de doter les effectifs de pistolets à impulsion électrique et de caméras embarquées. C'est aussi pour cela que j'ai demandé que l'on lance les premières expériences de géolocalisation des véhicules.
A travers la réforme des corps et carrières de la police nationale, à travers les redéploiements des services de police et de gendarmerie, avec l'installation de la main courante informatisée pour la police, j'ai voulu mieux organiser les services. Pourquoi ? Parce que j'ai estimé que leur place était sur le terrain, pas dans les bureaux. Aujourd'hui, les effectifs sont mieux employés. Les moyens existent pour mieux affecter les effectifs aux missions de terrain, pour être présents, plus nombreux aux heures et dans les lieux où l'on a besoin d'eux.
Les outils ont également été développés pour donner à la police scientifique et technique les moyens de travailler efficacement.
J'ai voulu que nous soyons dotés d'outils performants, pour rechercher les criminels. Pour que nous n'ayons plus à avouer une impuissance inexcusable vis à vis des familles de victimes, notamment, de multirécidivistes. C'est pourquoi le fichier national des empreintes génétiques a fait l'objet d'une refonte totale. En 2002, il comportait 4024 empreintes. Aujourd'hui, il en compte 322 901. Cette montée en puissance a permis de confondre 4358 coupables.
Le fichier automatisé des empreintes digitales s'est également modernisé.
Je veux que le ministère de l'intérieur continue d'accompagner les progrès technologiques.
Ainsi, en matière de lutte contre la cybercriminalité, nous renforçons actuellement le dispositif opérationnel mis en place depuis quatre ans. Parmi les infractions hélas facilitées par l'utilisation des nouvelles technologies, on peut retrouver beaucoup d' activités criminelles. Depuis les escroqueries très classiques, aux cartes bleues, par exemple, jusqu'à la provocation à la haine et au racisme, voire au terrorisme. Face à ce phénomène, nous renforçons notre dispositif. C'est ainsi notamment qu'a été engagée une traque active des délinquants avec la mise en oeuvre de cyber-patrouilles. En liaison avec le ministère de la justice, nous allons encore améliorer le recueil et le traitement des plaintes des victimes grâce à un point de signalement national unique. Celui-ci sera opérationnel avant la fin de cette année et hébergé au sein de la Direction Centrale de la Police Judiciaire. Il permettra tant aux professionnels qu'aux particuliers de signaler tout fait en rapport avec le Net paraissant contraire à la Loi.
Mais poursuivre la modernisation, c'est aussi continuer à adapter les structures. J'ai souhaité que la police judiciaire se réforme, que les offices centraux se regroupent afin qu'ils soient plus puissants dans le recueil et la diffusion de l'information, ainsi que dans la coordination des actions.
J'ai également demandé au directeur général de la police nationale d'entamer des actions de régionalisation de la sécurité publique. La sécurité publique, c'est plus de 60% de la délinquance constatée, plus de 55% des faits élucidés, plus de 78 000 hommes et femmes qui assurent au quotidien la sécurité de tous les Français.
Mais il y a des limites à l'action des forces de sécurité : et on le voit bien avec les violences aux personnes. Même si les violences gratuites, celles qui n'ont d'autre but que d'agresser, ne représentent que un fait sur 19, elles sont en progression. Nous avons mis en place des réponses. Par exemple, la création de la police ferroviaire. Par exemple, le plan de lutte contre la violence dans les stades.
Hélas ces violences aux personnes sont devenues, sous diverses formes, un phénomène de société. Et tout d'abord dans la sphère familiale et conjugale, où chacun peut en convenir, il est pour le moins difficile à la police d'intervenir. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que l'on prenne mieux en compte ce phénomène. Le projet de loi que je vous présente aujourd'hui le fait, avec deux dispositions : l'obligation de suivi thérapeutique du conjoint violent dans le cadre du suivi socio-judiciaire, afin d'éviter la récidive, et la création d'une infraction autonome destinée à sanctionner ceux qui se livrent à des violences habituelles au sein du couple.
Nous sommes, également, face à une hausse des violences et mauvais traitements à enfants qui appelle une réponse. Lorsque ces faits augmentent de près de 13 %, nous ne pouvons rester sans réaction. Nous devons notamment pouvoir détecter très vite les cas de maltraitance. Et là aussi, l'un des objets du projet de loi sur la prévention de la délinquance, c'est de mettre en place un dispositif qui ne permette plus de passer à côté des cas de violences sur enfants, où si souvent on entend dire "on n'avait rien vu".C'est pour cela que nous mettons en place une vraie coordination du travail social , grâce au partage des informations détenues sur le cas d'un enfant ,par les travailleurs sociaux .Cette coordination peut se révéler vitale dans certains cas , alors nous l'organisons ,dans le respect absolu du secret professionnel vis à vis des tiers .
Il faut donc aller plus loin que tout ce qui a été fait et sera encore fait pour aider les forces de sécurité dans leur action. Il faut à mon sens, si l'on veut faire refluer durablement la délinquance, faire front de trois façons, différentes, mais complémentaires.
D'abord, il faut faire appliquer la loi.
Ce que je veux dire par-là, c'est que les citoyens doivent pouvoir faire confiance à la loi, en étant sûrs qu'elle sera appliquée. Trop souvent ils ont le sentiment que ce n'est pas le cas, qu'il y a un fossé entre la loi et l'application qui en est faite. .Cela pose évidemment la question de l'appréciation par les magistrats. Sans entrer dans aucune polémique, je veux dire simplement que la loi est l'expression de la volonté du peuple, et que, comme telle, elle doit être respectée. Elle fait partie du corpus social.
Pourquoi ne pas penser à une sorte de guide d'application de la loi, à l'exemple des "guide lines" édictées par la Commission européenne vis à vis des juges nationaux, dans le domaine compliqué du droit de la régulation. Ce n'est pas moi qui en parle d'ailleurs, c'est le premier des magistrats de France, le premier président de la Cour de Cassation. Cela pour que la loi soit la même partout, sans porter atteinte bien évidemment à la liberté de juger des magistrats.
Et sur l'application de la loi, que les Français sont en droit d'attendre, il nous faut nous poser une autre question :celle de l'effectivité des peines. Il y a un problème de moyens de la Justice qu'il faudra régler, c'est évident, mais il faudra aussi ouvrir le débat des peines plancher, pour que certains criminels, récidivistes, n'aient pas le droit de briser à nouveau des familles. Je ne sais pas quoi répondre à ces familles lorsqu'elles me posent cette question. C'est une question profondément humaine, qui concerne chacun d'entre nous, et qu'on ne peut pas traiter simplement avec des arguments idéologiques.
Il faut aussi adapter la loi lorsque cela est nécessaire.
Nous en avons un exemple récent avec la loi du 9 mars 2004 sur les nouvelles formes de criminalité. Cette loi adapte les moyens d'enquête et institue des juridictions spécialisées pour le crime organisé ; mais elle renforce aussi l'efficacité des enquêtes de flagrance et des enquêtes préliminaires.
Il faut procéder de même lorsque l'on est confronté à des formes de crimes ou de délits nouveaux. Le fait de moderniser nos lois ne ressort pas d'une obsession répressive, mais du souci d'être efficace, pour protéger les Français de l'insécurité. Et on peut être efficace en restant parfaitement respectueux des droits de l'homme. Actuellement, je crois que nous avons trop tendance à nous abriter derrière des textes pour ne rien faire, ou pour mal faire. Un texte qui n'est pas adapté aux réalités est précisément un texte qui ne peut pas protéger les droits de l'homme. Ou bien il est inapplicable, et il ne sert à rien, il ne protège en rien les victimes. Ou bien il est insuffisant, et l'observation est la même. Ou bien il est trop coercitif, et on ne l'applique pas. Ne nous trompons pas, ce ne sont pas les droits de l'homme qui justifient cette situation; c'est plutôt une sorte d'abandon collectif, qui préfère s'en remettre aux évènements en espérant qu'ils s'arrangeront un jour par eux-mêmes.
Comme ce n'est pas ma vision des choses, je vous propose au contraire plusieurs modifications législatives dans ce projet de loi, sur des sujets de fond, qui aujourd'hui ne sont pas traités.
Je donnerai trois exemples, tous les trois inspirés par ce même souci, celui de coller à la réalité, pour être efficace.
Premier exemple. Nous devons absolument préserver les jeunes de nouvelles formes de violence. Je pense là encore à Internet, qui est devenu un moyen privilégié de communication, en particulier pour les adolescents. Je comprends bien qu'on ait envie de dialoguer sur Internet y compris et peut être surtout si on est jeune. Mais ne nous cachons pas que certains adultes en profitent honteusement. C'est pour cela que nous voulons punir ceux qui chercheraient à entrer en contact avec des mineurs pour des rencontres sexuelles. Là aussi, il serait tout à fait hypocrite de considérer que la liberté pour un jeune passe par des rencontres et des propositions sexuelles faites par des adultes via Internet. La liberté, ce ne doit pas être l'exposition délibérée, je dirai même démultipliée, à tous les risques. Ni l'une ni l'autre ne mènent au moindre épanouissement personnel. Nous sommes des adultes, nous le savons, nous devons donc en protéger les plus jeunes.
Et de même que nous devons protéger les mineurs, nous avons aussi le devoir absolu de lutter contre la délinquance des moins de dix huit ans. Lorsque je dis qu'un mineur de 2006 n'a plus grand chose à voir avec un mineur de 1945, ce n'est pas pour le dénoncer, c'est pour chercher un moyen de le préserver. Or, l'ordonnance de 1945 ne nous le permet pas, même si elle a été retouchée à plusieurs reprises pour apporter des débuts de réponse à ce phénomène, et dernièrement encore en mars 2004. Il ne faut donc pas s'interdire des règles nouvelles. Je le dis solennellement, si nous continuons avec la même quasi-impunité garantie aux mineurs délinquants, nous nous préparons à des lendemains très difficiles, et nous n'aurons à nous en prendre qu' à nous. Sur les dix dernières années, le nombre de mineurs mis en cause a augmenté 80% .Si ce n'est pas un signal d'alarme, je ne sais pas ce que c'est.
Face à cette réalité, nous vivons dans la culture de la répétition de mesures comme l'admonestation ou la remise à parents: comment espérer que ces mesures aient un quelconque effet pour des faits aussi graves que des agressions à main armée, ou des viols, commis par des jeunes gens mineurs mais parfaitement adultes physiquement ?
Qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit, et ce que je ne dirai pas. Je reste persuadé qu'une politique de prévention de la délinquance des mineurs doit rester fondée sur des mesures éducatives. Et les mesures contenues dans le projet de loi gardent précisément cette place centrale à l'éducatif. Mais trois progrès doivent être faits. D'abord, diversifier les réponses à la délinquance, afin d'éviter l'impunité :depuis l'obligation de devoirs scolaires pour un enfant de onze ans, jusqu'à l'éloignement du mineur de son milieu pendant un temps limité, pour un jeune de seize ans soumis au caïdat dans son quartier.
Et puis lorsque les autres voies sont épuisées ou inappropriées, une réponse plus ferme doit aussi pouvoir être appliquée. C'est pour cela que sont créés l'avertissement judiciaire et l'obligation de réparer le dommage causé. Il est nécessaire d'y adjoindre le placement extérieur. La possibilité de placer un mineur en centre éducatif fermé, dans le cadre d'un aménagement de peine prononcé en cours d'incarcération permettra d'élargir les possibilités offertes au juge des enfants et d'éviter ce qu'il est convenu d'appeler « une sortie sèche ».
Enfin, la délinquance des mineurs doit recevoir une réponse rapide, la rapidité important tout autant que le contenu de la réponse. La réponse de la société, pour avoir du sens, doit être très rapide. C'est pour cela, que pour des comportements asociaux, particulièrement graves et reconnus comme tels par la loi pénale dont les auteurs sont des mineurs de plus de 16 ans, réitérants ou récidivistes, la procédure de jugement immédiat ou quasi-immédiat doit pouvoir être décidée avec l'accord du mineur lui-même ou de ses représentants légaux. Il s'agit là de jeunes ayant commis à plusieurs reprises des actes graves, je pense à des agressions, qui ne peuvent pas recevoir pour réponse une convocation six mois plus tard.
Voilà ce que le projet de loi propose d'instituer, et je crois que personne de bonne foi ne pourrait y voir une volonté répressive, mais plutôt le souci de remettre à temps sur le droit chemin des jeunes qui s'engagent sur le mauvais, et aussi de leur rouvrir l'avenir . D'ailleurs, je note que le projet du parti socialiste s'inspire en partie de ces propositions, puisqu'il parle de réponse précoce, d'éloignement temporaire, de centre éducatif fermé. Et je dois dire que je me réjouis sincèrement de cette évolution.
Deuxième sujet de société auquel nous devons faire face : celui de la toxicomanie.
Là le parti socialiste a encore du chemin à faire car il considère que nous sommes "hors sujet»!...C'est tout le débat autour des "drogues douces". Hélas, la drogue "douce ", celle qui ne procure que du rêve et n'a pas de conséquences, cette drogue là n'existe pas. Et là encore, on ferme les yeux sur un phénomène grave. Qu'en est-il ? Il y a en France 3,5 millions de consommateurs de cannabis. Et la consommation va s'aggravant, car depuis le début des années 90, le niveau d'expérimentation des jeunes adultes a doublé. Or il est prouvé que cette consommation peut avoir des effets graves pour les consommateurs eux-mêmes - depuis l'échec scolaire jusqu'à l'augmentation du risque d'accident, en deux roues, ou en voiture. Plus grave encore, il est prouvé que le cannabis facilite le passage à l'acte agressif en créant une euphorie artificielle. Cela a été montré pour les viols: 40% des cas de viol à l'occasion desquels un laboratoire de toxicologie est désigné par la justice sont commis dans le cadre d'une ivresse mixte alcoolique et cannabique; et 20% environ des affaires d'homicides jugées par les Cours d'assises.
La situation actuelle est devenue un comble d'hypocrisie. Sur le papier, la répression est très dure. L'usage simple de stupéfiants est un délit réprimé par un an d'emprisonnement et 3.750 euros d'amende En pratique, cette mesure n'est aujourd'hui quasiment plus appliquée. Ceci parce qu'on ne va pas mettre en prison les consommateurs de cannabis, cela n'aurait pas beaucoup de sens. Moyennant quoi, on interpelle chaque année 100.000 personnes pour usage de stupéfiants dont 90.000 pour usage de cannabis. Et il ne se passe rien.
L'objectif recherché, c'est donc de redonner une réalité à l'interdit social de la drogue, c'est de rendre la loi applicable, notamment à l'égard des jeunes, qui représentent les deux tiers des consommateurs de produits. Là encore, j'estime que nous avons un devoir de protection. D'où l'avantage du traitement de l'infraction d'usage de drogue par la composition pénale qui sera désormais applicable aux mineurs, ou par la procédure de l'ordonnance pénale que l'on étend au délit d'usage pour les majeurs. Dans le premier cas , le procureur de la République , lorsque les faits seront reconnus, proposera aux mineurs de 13 à 18 ans une mesure qui devra être homologuée par le juge des enfants , avec l'accord du mineur et de ses représentants légaux .Dans le deuxième cas , celui de l'ordonnance pénale ,il s'agira d' un jugement sans audience , mais assorti de toutes les garanties des droits de la défense
Autant l'éducatif est primordial pour les mineurs, autant la prise en charge thérapeutique est nécessaire pour les usagers de stupéfiants. A cet effet, l'injonction thérapeutique pourra être prononcée à tous les stades de la procédure.
Et puis nous prévoyons de donner une vraie consistance aux injonctions thérapeutiques, en créant un médecin-relais qui sera chargé de la mise en oeuvre de la mesure, déterminera les modalités et contrôlera le suivi. Il est tout à fait indispensable qu'un médecin intervienne dans cette procédure qui peut être difficile à appliquer. Il ne suffit pas de prescrire. C'est comme cela que les autorités judiciaires pourront adapter leur réponse pénale, en connaissance de cause. De même seront créés des stages de sensibilisation aux dangers de la drogue, sur le modèle des stages de sensibilisation à la sécurité routière, tant comme peines de substitution à l'emprisonnement que comme peines complémentaires, ou comme mesures alternatives.
J'ai voulu aussi que l'on aborde la question des maladies psychiatriques, lorsqu'elles ont des conséquences sur la vie des autres. Une hospitalisation d'office, c'est grave, une sortie à l'essai, c'est sérieux. Dans le premier cas, nous voulons que le maire puisse intervenir avant le préfet si l'ordre public l'exige, tout en allongeant à un maximum de 72 heures la période d'observation qui conduira à la confirmation de la décision; nous voulons aussi qu'un fichier national des données administratives soit institué pour vérifier par exemple que l'on ne délivre pas une autorisation de port d'arme à quelqu'un qui ait fait l'objet d'une hospitalisation d'office : aujourd'hui, c'est tout à fait possible. S'agissant des sorties à l'essai, il nous paraît indispensable, à tout le moins, que le maire de la ville de résidence de l'intéressé soit informé. Là encore, il ne s'agit pas d'inquisition, mais de la protection minimale que nous devons à tous nos concitoyens.
Enfin, le projet de loi vous propose un dispositif de prévention à proprement parler, c'est à dire un ensemble de mesures de nature à éviter les comportements violents .Pourquoi une politique spécifique ? Parce que tout ce qui a été tenté depuis vingt cinq ans dans ce domaine, avec des moyens, avec de la bonne volonté, à gauche comme à droite, n'a pas pu donner les résultats escomptés. La politique de la ville est nécessaire. Mais je pense qu'il faut mettre en place une politique à part, qui s'adresse à des hommes, à des femmes, à des situations, et non pas à des zones, à des quartiers, à des catégories sociales. Une politique qui se fixe des priorités nouvelles, et des moyens nouveaux.
Le premier objectif de la prévention doit être de lutter contre la banalisation de la violence. Reconnaissons le phénomène, hélas. Je prendrai l'exemple des violences conjugales. Les enquêtes menées au début de cette année l'ont confirmé : une femme meurt tous les quatre jours en France sous les coups de son conjoint. Tous les commentateurs ont été horrifiés et il y a de quoi l'être. Alors, on en a beaucoup parlé, et à juste titre au moment de la journée de la femme, en mars. Et puis on n'en a plus parlé. Pourquoi ? Parce que ce phénomène est mis sur le compte d'une violence générale, diffuse, qui finit par imprégner les esprits.
Ce qui est insupportable finit par devenir supportable, par accoutumance. Et puis, lorsqu'on n'est pas personnellement touché, on se résigne évidemment plus facilement à ce que des inconnus le soient. Cette attitude, elle permet bien sûr de vivre au quotidien en minimisant les faits. Notre pays, en quelque sorte, fait le gros dos, en pensant qu'il n'y a pas de solution à un mal inéluctable. Mais tout ceci renforce l'égoïsme et le repli dans une société qui aurait besoin de beaucoup plus de fraternité et d'ouverture aux autres.
L'accoutumance à la violence crée un autre cercle vicieux : celui de l'aggravation de la violence. On le voit d'ailleurs dans les faits qui se produisent aujourd'hui. Un vol de portable, il y a quelques années, ça paraissait fâcheux mais banal; aujourd'hui cela s'accompagne de vraies agressions physiques. La diffusion d'une délinquance considérée comme "ordinaire" pendant des décennies explique hélas que se commettent des actes de plus en plus graves. Qui aurait pu croire il y a quelques années, qu'on filmerait un viol entre jeunes, juste pour s'amuser à le diffuser ? Qui aurait pu croire qu'on pourrait torturer et tuer un jeune homme après l'avoir enlevé pour gagner de l'argent facile ? Qui aurait pu croire qu'on tuerait un jeune homme dans une cave à coups de battes de base ball, pour une affaire de jalousie ? Qui aurait pu croire que ce ne seraient pas des délinquants endurcis qui commettraient ces crimes ? Eh bien non, ce sont des jeunes gens, qui se sont essayés petit à petit à la délinquance habituelle sans rencontrer de vraie résistance. Un jour, ils ont franchi une étape et basculé dans la barbarie. Personne n'a pu ou su les en empêcher. Si on excuse la violence, il faut s'attendre à la barbarie.
Le premier but de la prévention, c'est d'empêcher la violence de se diffuser. C'est d'agir à la racine des choses. C'est de faire en sorte que toutes les difficultés de la vie ne deviennent pas les ingrédients de la violence ordinaire. Je préfère de beaucoup cette démarche à celle que nous avons trop connue et qui consiste, depuis vingt cinq ans, à invoquer tous ces éléments comme autant d'explications. (la délinquance, c'est la faute au chômage, à l'immigration, à l'école, aux transports, au logement ...)Car cette démarche, depuis vingt cinq ans, cette démarche de l'excuse, n'a rendu service ni aux victimes, ni aux coupables. Elle n'a en rien empêché la progression de la délinquance, bien au contraire.
On me reproche souvent de ne pas considérer la délinquance pour ce qu'elle serait : un phénomène "socio- politique". Mais qu'est ce que cela veut dire ? Je ne suis pas d'accord avec cette vision. Pourquoi ? Non pas parce que je ne comprends rien aux difficultés sociales de millions de Français. Je les rencontre et je discute avec eux régulièrement. Lorsqu'on fait ses devoirs sur le palier faute de place, il est évident que c'est plus dur que de suivre une classe préparatoire payée par ses parents ! Lorsqu'on envoie des centaines de cv qui restent sans réponse, c'est évidemment plus dur que lorsque l'on a décroché un emploi après une grande école. Bien sûr, la frustration, matérielle, affective, peut être une incitation à bousculer ceux qui ont ce que vous n'avez pas, à ne pas respecter ceux qui vous parlent d'une société qui vous exclut.
Mais considérer, de notre part, qu' exclusion égale délinquance, c'est faux. Des millions de gens vivent très modestement, hélas, mais tout à fait honnêtement. Et considérer par ailleurs que ces comportements violents n'appellent pas de réponse me paraît être une forme de mépris très grave, et cela d'abord vis à vis des victimes de ces violences.
Et que veut on faire croire sur les auteurs de violences ? Qu'ils ont toujours des excuses ? C'est en vérité un moyen commode, je le dis, de figer leur situation. Car tant que l'on passe du temps à expliquer que c'est l'ordre social qui est responsable, on reste dans une rhétorique qui ne sert à rien. Si l'on doit attendre le grand soir où chacun aura les mêmes chances, les mêmes moyens, les mêmes revenus, pour admettre que la délinquance n'est plus admissible, nous risquons d'attendre longtemps. En attendant, c'est un vaste gâchis qui est à l'oeuvre, qui ne mène à rien d'autre qu'à un délitement du lien social, et à la destruction de milliers de vies.
Mais j'observe là dessus un changement radical de discours chez certains responsables du parti socialiste, qui me paraît de bon augure. Lorsqu'on me réclame plus de fermeté, lorsqu'on écarte toute commisération pour les jeunes délinquants, cela veut dire, pour le moins qu'un tournant a été pris ! Et je m'en félicite .Quand au parti communiste, j'ai pu voir sur le terrain, à maintes reprises, à quel point ses élus avaient à coeur de rétablir la sécurité et le respect mutuel dans leurs villes, et cela aussi me donne beaucoup d'espoir pour le consensus qui devrait s'installer dans la discussion de ce texte.
Pour expliquer la démarche proposée par ce projet de loi, je prendrai l'exemple, qui n'est pas le plus facile, de la violence des jeunes.
Reprenons les choses dans l'ordre.
D'abord le sujet, tellement discuté, du dépistage précoce. Là où certains ont voulu faire croire à de l'inquisition, à de la répression, nous avons affirmé la volonté résolue d'aider les familles dont les enfants développent des difficultés de comportement. Il ne s'est jamais agi naturellement de repérer, encore moins de ficher, de futurs délinquants. Hélas la caricature est facile, lorsque l'on a décidé de ne rien faire et de laisser faire ! Ce n'est pas notre cas. Notre souci est de tendre la main à des enfants et des familles en difficulté, qui souvent n'ont pas les moyens de les résoudre. C'est pourquoi, avec le Ministre chargé de la famille, nous introduisons une disposition dans le projet de loi sur la protection de l'enfance, prévoyant des visites de médecine scolaire pendant toute la scolarité obligatoire. Et il s'agira, non pas d'examens superficiels, de poids, de taille, de vaccins, mais d' un bilan médical complet permettant le dépistage des troubles du langage, de l'apprentissage, ou des conduites à risque. Personne n'arrivera à me convaincre que cela n'est pas un grand progrès pour les enfants en difficulté !
L'école, ensuite. Elle doit prendre sa part dans la prévention.
Il sera d'abord affirmé dans le code de l'éducation le principe d'une participation de l'Education nationale à la prévention de la délinquance. Et à ce titre, sera généralisée dans tous les établissements, la création d'un comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté et l'élaboration d'un plan de sécurité et de prévention de la délinquance dans l'établissement.
Il faut aussi prendre à bras le corps la question de l'absentéisme scolaire, et cesser de faire semblant de croire, ou bien que ce n'est pas grave en soi, ou bien que c'est aux parents de s'en occuper. Il faut prendre la mesure du phénomène :une note récente de l'Education nationale révèle que la proportion d'élèves absents une semaine par mois, va de 10 à 16% , dans 10% des établissements .Réalisons que dans un département comme la Seine Saint Denis, ce sont 28 000 élèves qui manquent régulièrement à l'appel .C'est grave, parce que manquer l'école, c'est souvent l'antichambre de la délinquance en même temps que de l'échec. L'observation le montre partout. De plus en plus on constate que les mineurs délinquants ont commencé par arrêter l'école. Et quant aux parents, souvent des familles monoparentales, ils sont dans bien des cas dépassés par la situation.
Revenons aux fondamentaux : l'obligation scolaire existe légalement, jusqu'à seize ans. Ce que nous proposons, c'est tout simplement de faire respecter cette obligation, sur laquelle s'est construite notre République. Nous n'avons aucune raison d'y déroger.
Une fois ce principe affirmé, l'objet du projet de loi est d'inventer un dispositif pour le faire respecter. Car tout est là. Un adolescent décide un jour de ne plus aller à l'école, au collège. Que se passe-t-il ? Rien. Et pourtant, on a rénové sa cage d'escalier, peut être même son immeuble; et pourtant, on aide financièrement sa mère, qui l'élève toute seule. On lui proposera même peut être une activité de loisir pour les prochaines vacances, s'il ne peut pas partir. Et malgré tout cela, cette rupture dans sa vie va se produire. Alors comment faire ?
La prévention sera là pour appréhender cette situation en tant que telle : non pas comme celle d'un jeune d'un quartier sensible, ou d'une famille monoparentale. Mais avant tout comme celle d'un jeune qui ne va plus à l'école. Et la prévention va consister à intervenir le plus en amont possible, et à mobiliser tous les acteurs pour remédier au problème. C'est à dire que l'on va commencer en vérifiant son inscription sur les listes scolaires; puis prévoir une information sur son absence; et enfin mettre en place en réseau une réaction adaptée à ce comportement ...Pourquoi ? Parce que l'absentéisme scolaire, cela peut être le symptôme de bien des choses différentes : le chômage des parents, qui dévalorise le travail; les difficultés à l'école, qui paraissent insurmontables; l'exiguïté du logement qui empêche de faire ses devoirs; la peur du racket et des représailles; l'influence de grands frères qui entraîne dans la rue, etc ...autant de situations difficiles, autant de solutions différentes. Aucune ne peut être trouvée de Paris, ni même du bureau d'une préfecture.
Alors, pour atteindre tous ces objectifs, comment allons nous nous y prendre ?
Il s'agit de mobiliser en même temps tous les acteurs de terrain, pour s'informer, et pour réagir de manière concertée. C'est pour cela que nous avons choisi le maire comme pivot du dispositif de prévention. Cette démarche de mobilisation générale est nouvelle dans notre droit Elle nécessite deux changements majeurs. D'abord, s'adapter aux réalités concrètes : c'est le contraire d'une logique de guichet. Ensuite, travailler en équipe : c'est le contraire de la logique des corps. Deux innovations qui vont nous demander beaucoup.
Au coeur de ce dispositif, il faut un interlocuteur pour tous les publics en difficulté, qui soit aussi celui des acteurs de la prévention. Seul le maire peut jouer ce rôle central. Mais je le dis tout de suite devant les maires que vous êtes, pour la plupart ici, nous ne demanderons pas au maire plus que ce qu'il peut et qu'il doit donner. Le maire ne devient ni un shérif, ni un procureur. Aucun pouvoir de sanction ou de coercition ne lui est confié.
En revanche, les conséquences sont tirées du rôle naturel qui est le sien, et que vous connaissez bien. Le maire représente ses concitoyens, il est leur interlocuteur, tout le monde se tourne vers lui. Nous le savons bien : les maires sont au premier plan lorsque des incidents se produisent.
Il est naturel qu'il puisse faire mieux et plus qu'un spectateur. Et il faut qu'il ait les moyens juridiques de faire mieux. Je crois que là dessus, tous les maires de France seront d'accord. D'ailleurs, le Conseil national des villes, dans sa plate forme commune, disait, dès 2004 : "les maires doivent faire travailler ensemble tous les acteurs de la prévention, la Police et la justice, et aider à décloisonner les cultures".
Alors jusqu'où faut-il aller ? Tout simplement jusque là où le rôle des autres commence, celui des travailleurs sociaux, de l'éducation nationale, des forces de sécurité ou de la justice. Nous ne demandons pas au maire, bien entendu, de faire la police ou de rendre la justice, ni d'être un éducateur. Mais nous lui donnons toutes les possibilités d'actionner, en amont, les acteurs de terrain. L'article 1er du projet de loi précise donc que le maire "anime et coordonne la politique de prévention de la délinquance, dans le respect des compétences du préfet et de l'autorité judiciaire ".
Ce mouvement est d'ailleurs largement engagé avec la création des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présidés par les maires depuis juillet 2002. Nous proposons de rendre obligatoires ces conseils dans les villes de plus de dix mille habitants. Ces conseils sont présidés par les maires, qui sont ainsi placés au coeur des informations, et qui pourront mettre en réseau l'action de tous les participants.
Les compétences des départements ne seront en aucune façon diminuées. Le département reste responsable, j'insiste, de la protection de l'enfance. Il continuera d'exercer pleinement cette responsabilité. Mais si certaines communes le souhaitent, elles pourront demander à exercer ces compétences par convention avec le département. C'est une lourde responsabilité, je le sais bien en tant que président de conseil général. Mais certaines communes, si elles sont équipées pour le faire, si elles estiment qu'elles sont les mieux placées pour intervenir, pourront demander à exercer ces compétences, naturellement par accord amiable avec le département. Ce type de conventions existe déjà, par exemple, pour l'insertion des bénéficiaires du RMI , ou l'aide aux familles en difficulté. Elles peuvent permettre de gagner en proximité .

Comment le maire exercera -t- il ces responsabilités ? Il sera le président du conseil des droits et devoirs des familles, également rendu obligatoire dans les villes de plus de 10 000 habitants. La création de ce conseil, elle aussi, est inspirée par l'expérience. Convoquer des parents dont les enfants perturbent la classe, c'est fréquent et facile en milieu rural, où les gens se connaissent ; c'est plus compliqué en ville, et encore plus dans les grandes villes. Et ce sont de nombreux maires de communes urbaines qui ont exprimé le souhait de formaliser ces rencontres. Ce conseil est celui où pourra se faire un rappel à l'ordre, mais ,je le précise tout de suite , pour les seuls faits non pénalement punissables. Une instance aussi où pourra être proposé dans un deuxième temps, aux parents un accompagnement parental. Dans un troisième temps, le maire pourra demander au président du Conseil général d'établir un contrat de responsabilité parentale. Il pourra demander au directeur de la CAF de mettre en place un dispositif d'accompagnement assurant une utilisation des prestations familiales conforme à l'intérêt de l'enfant. Enfin, il pourra saisir le juge des enfants en vue de la mise en oeuvre de mesures de tutelle aux prestations familiales, en cas de non-respect du contrat de responsabilité parentale. Et il pourra enfin saisir le Procureur de la République en cas de mise en danger de la santé, de la sécurité, de la moralité ou de l'éducation des enfants mineurs.
On le voit bien, dès que les démarches amiables sont épuisées, si les enfants et adolescents, leurs familles, ne font preuve d'aucune bonne volonté, le maire passe la main, en quelque sorte. Les pouvoirs qui lui sont conférés sont alors des pouvoirs de saisine d'autres autorités.
La mise en oeuvre de mesures de tutelles aux prestations familiales s'inscrit dans le cadre du suivi du contrat de responsabilité parentale; et ce dispositif, créé par la loi "égalité des chances", repose pour l'essentiel sur le président du Conseil général.
Deuxième sujet de discussion : le secret professionnel. J'ai tenu à ce que puisse être instauré un partage des informations détenues sur le cas d'un enfant ou d'un jeune, par les travailleurs sociaux. Pourquoi ? Parce que faute de communication, la coordination du travail social ne peut pas se faire. Et on a beau faire intervenir plusieurs travailleurs sociaux, des situations graves peuvent se développer sans qu' on le sache, par manque d'informations partagées. Ce n'est qu' en recoupant des informations sur le comportement à l'école, sur les habitudes de vie des parents, sur les antécédents familiaux, sur les conditions de logement, que l'on peut savoir souvent, qu'un enfant est maltraité. On l'a vu hélas : savoir qu'il manque l'école et que les parents sont peu sociables ne suffit pas à éviter les pires drames. Le partage de l'information n'a qu'un objet:la coordination et donc l'efficacité du travail social. Il vous est donc proposé que le maire, en liaison avec le président du Conseil général désigne un coordonnateur parmi les travailleurs sociaux, lorsqu'ils sont plusieurs à intervenir. Le coordonnateur anime le travail social et organise l'échange d'informations. Lui seul fait part au maire parmi ces informations, de celles dont il a besoin pour l'exercice des responsabilités que la loi lui confie .L'obligation du secret demeure .
Il y a évidemment beaucoup d'autres innovations législatives dont nous aurons à débattre. Je pense aux dispositions que nous avons introduites pour éviter aux mineurs les méfaits du démarchage sexuel sur internet par des adultes. Je pense également au traitement concret des troubles de voisinage, dont nous proposons de faire un motif de résiliation du bail locatif, pour permettre de rendre à nouveau la vie de certains quartiers vivable.
Je veux insister sur la qualité du travail qui a été mené sur tous ces sujets , sensibles , difficiles , avec Jean René Lecerf, Jean Jacques Hyest , et la commission des lois, avec Nicolas About et la commission des affaires sociales. Je les en remercie. Nous n'étions pas d'accord sur tout , mais nous avons été au fond des choses .Je sais à quel point le Sénat , à juste titre, défend le rôle des collectivités locales . J'insiste sur ce point : ce texte s'inscrit parfaitement dans le respect de la décentralisation. Il ne retire rien aux départements, il donne aux maires un rôle qui n'est joué actuellement par personne, celui de pivot d'un dispositif , celui d'interlocuteur de proximité .Il prévoit la concertation entre maires et présidents de conseils généraux. Naturellement, nous allons être particulièrement attentifs aux suggestions de la Haute Assemblée sur cette question, car nous savons bien que sur ces bancs siègent des élus locaux conscients de leurs responsabilités.
Je veux d'ores et déjà me réjouir que la Commission des lois ait su faire émerger, sur la question sensible posée par l'article 5 du projet de loi, qui définit les modalités de nomination du coordonnateur et celles du secret partagé, une position très équilibrée : elle a su prendre en compte à la fois les demandes de la Commission des affaires sociales et de son Président, les attentes des associations d'élus et les préoccupations de nombreux sénateurs, dont les Présidents MERCIER et de BROISSIA.
Le Gouvernement sera très attentif aux préoccupations exprimées par les élus locaux, sur tous les sujets que comporte ce projet de loi, car il touche essentiellement à la vie quotidienne, et donc à la vie locale .
Je souhaite, à ce stade, dire que je fais très clairement la distinction entre ceux qui adoptent des postures idéologiques, sur ces sujets comme sur d'autres, et ceux qui, sur tous les bancs de la Haute Assemblée, parce qu'ils connaissent les réalités du terrain, ont déposé des amendements inspirés par le pragmatisme et l'efficacité.
Je pense à des amendements nés de l'expérience d'élus de proximité, Maires, Présidents de Conseil Général, par exemple les amendements du Sénateur HERISSON pour prévenir les troubles occasionnés par les stationnements illicites des gens du voyage, ceux du Président MERCIER ou du Sénateur-Maire de Mulhouse Jean-Marie BOCKEL.
Je voudrais aussi, dès maintenant, apporter à la Haute Assemblée une précision qui me semble fondamentale. Je sais que, sur plusieurs bancs, des interrogations vont s'exprimer sur une question importante, celle du financement des mesures qui sont proposées. Certains groupes ont même décidé d'instrumentaliser cette question pour en faire un sujet de polémique et l'argument principal de leur opposition au texte.
Le Gouvernement entend répondre à l'attente qui s'est exprimée, sans esprit de polémique. Nous serons donc favorables à l'amendement, présenté par la Commission des lois, créant un Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Ce nouvel outil a vocation à "sanctuariser", dans une enveloppe globale, différents crédits mobilisés pour la prévention de la délinquance.
Je veux, aussi, rassurer Monsieur BADINTER et lui dire que j'ai déjà fait nommer, depuis 2004, 76 intervenants sociaux dans les commissariats. J'entends poursuivre cette politique, que jamais la gauche n'avait eu le courage d'engager. Il en est de même pour les psychologues : depuis janvier 2006, ils sont 20 supplémentaires dans les commissariats. Nous continuons cette politique engagée depuis 2004. Et nous n'avons pas de leçons à recevoir de la gauche qui, elle, n'a jamais voulu ou jamais su mettre en oeuvre ce choix fondamental.
Enfin le projet de loi comporte l'amorce d'un projet beaucoup plus vaste, qui est celui de l'égalisation des chances. Bien sûr, la prévention n'est pas un but en soi, elle doit préparer, accompagner une ambition pour notre société. Celle de donner à tous les mêmes chances sur la ligne de départ de la vie. C'est très ambitieux, mais c'est indispensable pour renouer avec une espérance collective. Deux mesures, limitées au champ du ministère de l'intérieur, mais emblématiques sont contenues dans ce texte : la création d'un service volontaire citoyen de la police nationale, et la prise en compte de la période de service civil volontaire pour l'accès à la fonction publique. Ces dispositifs ont clairement pour objet d'insérer dans la vie sociale et professionnelle des jeunes à travers un engagement au service de valeurs positives.
Alors bien évidemment, la liste est longue de ce qui doit être mis en oeuvre pour égaliser les chances des jeunes de ce pays : intégrer l'éducation civique dans le parcours scolaire, développer l'accès aux internats d'excellence, laisser une chance aux jeunes jusqu'à ce qu'ils sortent de la scolarité obligatoire, à travers une pédagogie différenciée ; organiser des études dirigées ou surveillées après les cours à partir du collège; relancer les bourses au mérite. Mais cela dépasse le cadre de ce seul projet .
Je voudrais terminer en vous disant ma conviction que la prévention de la délinquance est une étape indispensable pour redonner de la confiance à notre société. Il n'est pas possible de redonner toute leur valeur au travail, à l'effort, au respect, il n'est pas possible de demander aux Français de croire en ces valeurs, de les transmettre, si on admet par ailleurs qu'elles soient sans cesse bafouées.
Or je crois à la nécessité absolue de redonner des repères à notre pays. Je crois que l'absence de valeurs détruit, que la présence de valeurs construit. Il n'y a pas d'autre voie, une voie où on se moquerait des principes, de la morale, de l'éthique, au nom de la seule liberté individuelle . On le voit depuis maintenant des décennies, on a considéré que le manque de respect, des jeunes envers les anciens, des hommes envers les femmes, des élèves envers leurs maîtres, n'était pas si grave, puisqu'il relevait de la liberté. Et on se réveille maintenant avec les plus grandes difficultés à convaincre que le respect, que la confiance, sont nécessaires à l'harmonie d' une vie collective. Avec une délinquance qui a progressé dans les esprits peut être autant que dans les comportements.
Pour ma part, je me refuse à considérer que la délinquance est une régulation sociale inévitable. Je considère au contraire qu'elle traduit l'impuissance des politiques à trouver de vraies solutions aux vrais problèmes .L'éducation, le logement, le travail, l'intégration, méritent des solutions nouvelles, puissantes, qui permettent de proposer aux Français, quels qu'ils soient, où qu'ils vivent, autre chose que la violence. Ce texte est une étape, importante, sur ce chemin.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 14 septembre 2006