Déclaration de M. François Baroin, ministre de l'outre-mer, sur le projet de loisur le cadre statutaire des départements et territoires d'outre-mer, la mise en application de dispositions adoptées lors de la révision constitutionnelle de 2003 et la création des deux collectivités d'outre-mer de Saint-Barthélémy et Saint Martin, Paris le 30 octobre 2006.

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Texte intégral

Conformément à l'article 34 de la Constitution, ces deux textes vont être soumis en premier lieu à l'approbation de la Haute Assemblée.
Ils présentent un caractère austère et quelque peu volumineux qui pourrait à première vue décourager le lecteur, mais c'est paradoxalement ces textes complexes qui rendront une bonne partie du droit de l'outre-mer plus intelligible, plus moderne et donc moins susceptible d'engendrer des contentieux inutiles.
Le volume relatif de ces deux textes s'explique par la nécessité d'accorder à chaque collectivité un cadre statutaire qui lui soit propre et lisible sans renvois inutiles, et ensuite par le choix de la codification que nous avons privilégié, afin de bien montrer que les collectivités d'outre-mer font partie du grand ensemble des collectivités territoriales de la République, et qu'elles peuvent être également soumises au droit commun, et enfin par la nécessité de respecter le partage, parfois subtil, opéré par la Constitution et par la jurisprudence entre la loi organique et la loi ordinaire.
Ces deux textes répondent à plusieurs objectifs : tout d'abord mettre en oeuvre les dispositions de la Constitution qui structurent le nouveau cadre institutionnel et statutaire de l'outre-mer au sein de la République, conformément aux engagements pris par le Président de la République et inscrits, par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, dans notre loi fondamentale ; ensuite respecter les engagements pris lors des deux consultations du 7 décembre 2003, qui ont vu les électeurs de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin, s'exprimer très majoritairement en faveur de la transformation statutaire de ces deux îles ; et enfin, renforcer l'État de droit outre-mer, par une clarification des statuts en vigueur et l'amélioration de la démocratie locale.
Il s'agit en premier lieu de mettre en application certaines dispositions spécifiques à l'outre-mer adoptées lors de la révision constitutionnelle de 2003. Cette révision constitutionnelle, votre Haute Assemblée et sa commission des Lois la connaissent bien puisqu'elles ont joué un rôle tout à fait déterminant dans son écriture, en particulier pour sa partie relative à l'outre-mer, qui apporte à nos collectivités deux garanties essentielles : d'abord, celle de leur appartenance à la République, consacrée de manière solennelle par la mention de chacun d'elles dans notre Constitution, ensuite, celle que chaque évolution importante ne pourra se faire sans le consentement des populations concernées.
La Constitution révisée a assoupli le cadre institutionnel et juridique de l'outre-mer, en créant des marges de manoeuvre et d'adaptation, jamais atteintes.
Si pour les départements et les régions d'outre-mer le principe d'identité législative est réaffirmé dans l'article 73, il est toutefois prévu que les lois et règlements puissent faire l'objet d'adaptations tenant aux « caractéristiques et contraintes particulières » de ces collectivités. La Constitution prévoit qu'elles peuvent, sur habilitation législative préalable, adapter les lois et règlements dans les matière relevant de leur compétence, ou encore fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières. L'habilitation préalable du Parlement ne peut intervenir qu'à la demande des assemblées locales et le Parlement demeure libre de sa décision.
Compte tenu de l'importance des nouveaux pouvoirs, de nature quasi législative, donnés aux assemblées départementales et régionales, il était naturel que quelques règles viennent en assurer l'encadrement.
L'article premier du projet de loi organique y pourvoit, et votre commission des Lois a fort opportunément proposé de compléter le dispositif initial. Ces propositions recueillent mon approbation : elles préservent tout à la fois le nécessaire encadrement juridique des habilitations, les prérogatives du Parlement et un contrôle de légalité renforcé, ainsi que les modalités de la combinaisons des normes adaptées localement avec les normes nationales.
Les dispositions relatives à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et aux Terres australes et antarctiques françaises (T.A.A.F.) harmonisent les statuts existants avec la révision de 2003 sans altérer les grands équilibres institutionnels.
Pour Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, qui sont des collectivités d'outre-mer de l'article 74, il s'agit de reclasser en loi organique les règles statutaires et d'apporter quelques précisions.
Quant au statut de Mayotte, toute évolution institutionnelle de l'île supposera que les électeurs - consultés sur décision du chef de l'État - donnent leur consentement préalable. Le législateur ne peut y procéder unilatéralement. La seule possibilité est de réécrire le statut de Mayotte dans le cadre des collectivités d'outre-mer de l'article 74, catégorie à laquelle l'article 72-3 de la Constitution la rattache. Ce texte ne préjuge donc en rien d'une éventuelle évolution vers le régime de l'article 73. Il ne l'empêche pas ; et même il la favorise, car il marque un nouveau pas de Mayotte vers le droit commun en faisant évoluer son régime législatif de spécialité vers celui de l'identité assorti de quelques exceptions en matière de fiscalité, de droit social, de régime foncier et de droit des étrangers.
Il s'agit d'une disposition essentielle pour rapprocher Mayotte du droit commun, dans la logique d'une évolution progressive vers le statut de département d'outre-mer, valeur pour les élus de l'île.
Le respect de la parole donnée est essentiel. Ces deux textes tirent pour les îles de Saint- Barthélémy et de Saint-Martin, les conséquences des résultats des consultations du 7 décembre 2003, qui ont vu les électeurs choisir le statut de collectivité d'outre- mer de l'article 74 et donner ainsi le « consentement » exigé par la Constitution.
Le gouvernement s'est fidèlement inspiré des demandes formulées par les élus. Ces documents ont été portés à la connaissance des électeurs avant la consultation et ont constitué la « feuille de route » de l'élaboration de ces textes. C'est pourquoi je ne peux que réfuter l'idée selon laquelle les deux îles n'auraient pas été traitées également. J'ai toujours affirmé aux élus de Saint-Martin, comme mon prédécesseur avant moi, que la rédaction du projet de statut devait, dans un premier temps, se limiter à respecter les orientations présentées aux électeurs, mais que des aménagements seraient envisageables à l'initiative du Parlement.
La création de ces deux collectivités d'outre-mer est justifiée sur le plan géographique, historique et administratif, tant ces deux îles sont différentes de l'archipel guadeloupéen auquel elles ont été rattachées pour des raisons administratives.
Les nouveaux statuts permettront de régler la délicate et très ancienne question fiscale. L'autonomie accordée n'est pas exceptionnelle : toutes les collectivités d'outre-mer de l'article 74 ainsi que la Nouvelle-Calédonie disposent du droit de déterminer leur régime fiscal et douanier.
Ce texte mettra donc fin à l'incompréhension mutuelle et à la non-application de la législation fiscale, au profit d'une autonomie pleinement responsable et encadrée par une convention entre ces nouvelles collectivités et l'État.
Incompréhension mutuelle, car les habitants de Saint-Barthélémy ont pu légitimement croire que leur régime fiscal coutumier était garanti par le traité franco-suédois de rétrocession de 1877, tandis que l'administration fiscale ne s'intéressait guère à l'île. À partir des années quatre-vingt, compte tenu des décisions du Conseil d'État, la situation juridique a changé et la situation de fait devenait intenable. Il convenait donc de clarifier et d'assainir la situation.
Le dispositif proposé est transparent, encadré et sécurisé. Considéré objectivement et sans parti pris, il répond tout à la fois à la nécessité de préserver les intérêts légitimes de l'État et de tenir compte des contraintes locales.
Il n'y aura donc à Saint-Barthélémy, pas plus qu'à Saint-Martin, ni « paradis fiscal » ni centre « off-shore » : l'État conservera ses compétences en matière de droit pénal et de procédure pénale, de droit monétaire, de droit bancaire, de droit des sociétés et de droit des assurances. L'ensemble des engagements internationaux en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux auxquels la France a adhéré continueront d'être applicables de plein droit dans les deux îles, tout comme la réglementation communautaire.
Il n'y aura pas non plus de risque d'évasion fiscale au détriment de la métropole, puisque le droit fiscal de l'État continuera de s'appliquer aux personnes non résidentes depuis au moins cinq ans. Cette disposition évitera l'arrivée massive de nouveaux habitants, que ces deux îles ne pourraient d'ailleurs pas accueillir, sans compromettre l'environnement, qui constitue l'un de leurs atouts majeurs.
L'autonomie fiscale permettra aux deux nouvelles collectivités d'outre-mer de s'organiser pour prendre en charge leurs nouvelles compétences.
Le nouveau statut de Saint-Martin sera l'occasion pour l'État de renforcer sa présence dans l'île. Il n'a pas toujours été exemplaire et il convient de renforcer la lutte contre la délinquance et contre l'immigration clandestine ; avec le ministère de la Justice, nous examinons les moyens de renforcer nos moyens locaux.
Pour les deux îles, la réforme statutaire sera un appel à plus de responsabilité. Ces textes sont prudents vis-à-vis de l'évolution statutaire de Saint- Martin, eu égard à l'ambivalence des relations de cette île avec la Guadeloupe comme avec la métropole. Le gouvernement examinera avec bienveillance les amendements qui proposeront de renforcer les compétences de la collectivité, y compris dans le cadre de l'autonomie prévue par l'article 74 de la Constitution.
Ces textes, enfin, renforcent de l'état de droit et la démocratie locale, en garantissant la sécurité juridique : harmonisation des règles de consultation des autorités territoriales sur les textes réglementaires et législatifs, meilleure diffusion des textes nationaux, garanties accordées aux élus minoritaires, définition des modalités d'organisation des consultations, des référendums locaux et du droit de pétition.
Des attributions importantes sont reconnues aux représentants de l'État, ce qui est légitime au regard des larges compétences conférées aux élus locaux.
De très nombreux amendements ont été déposés pour compléter et améliorer ce texte. Le gouvernement acceptera la plupart de ceux de la commission, laquelle a fait un travail remarquable. Je souhaite qu'un accord large soit trouvé, y compris sur la défiscalisation.
Avec ces textes, la République offre la capacité à chaque département, à chaque territoire, de prendre en main son développement en fonction de ses propres richesses, de sa propre diversité dans le respect, bien sûr, de nos valeurs communes.Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 2 novembre 2006