Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, sur la décentralisation et la question des compensations, la préparation des contrats de projets 2007-2013, les relations Etat régions et les assemblées des Conseils économiques et sociaux régionaux, Paris le 18 janvier 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion de l'Assemblée des Conseils Economiques et Sociaux Régionaux, à Paris le 18 janvier 2007

Texte intégral

Monsieur le Président de l'Assemblée des Conseils économiques et sociaux régionaux,
Madame, Messieurs les Présidents,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire le plaisir de vous rencontrer aujourd'hui, et le regret de ne pas avoir eu l'occasion de le faire plus tôt, en tout cas dans cette configuration, puisque j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer de nombreux Présidents lors de mes déplacements ou de diverses manifestations et j'ai eu, il y a plusieurs mois, un entretien avec le Président Boucherat, qui m'avait entretenu de vos préoccupations.
S'agissant d'une première rencontre "formelle", avec les Présidents des Conseils économiques et sociaux régionaux, je commencerai par dire l'attachement du gouvernement à vos assemblées : "la région", en tant que collectivité territoriale, ce n'est pas seulement le conseil régional - même si c'est la seule assemblée délibérante -, ce n'est pas seulement le Président du Conseil régional - même s'il est incontestablement l'élément le plus visible - c'est aussi, ainsi que l'a prévu la loi, le conseil économique et social régional qui, "par ses avis, concourt à l'administration de la région".
Je voudrais profiter de cette occasion de m'exprimer devant vous pour revenir sur quelques grands dossiers que j'ai eu à connaître depuis un an et demi qui concernent les régions.
A - La décentralisation et la question des compensations
1) L'acte II de la décentralisation avait vocation à être une réforme consensuelle, plus technique que politique
Les 9/10èmes des dispositions des lois de décentralisation sont la traduction du rapport de Pierre MAUROY, Président de la "Commission pour l'avenir de la décentralisation" rédigé en 2000 à la demande de Lionel JOSPIN.
L'idée d'une "nouvelle étape de la décentralisation" était une expression de Lionel JOSPIN, alors Premier ministre.
Le transfert des routes nationales, des TOS, des agents des DDE, de la formation professionnelle, des ports et aéroports... figurent dans ce rapport (la question de la gestion du RMI y est également posée).
Le rapport Mauroy proposait même d'aller plus loin dans certains domaines comme dans celui des universités où il suggérait de renforcer le rôle des régions.
2) Ces sujets n'auraient jamais cessé d'être consensuels si les résultats des élections de 2004 avaient été différents
Ce sont des sujets techniques, qui ne recelaient pas d'enjeux politiques, notamment aux yeux de nos concitoyens. En règle générale, cet acte II ne fait que prolonger les lois de 1982-83.
C'est exclusivement le basculement d'un grand nombre de régions et départements lors des élections de 2004 qui a fait que ce sujet de simple est devenu compliqué, de consensuel est devenu polémique.
3) Le gouvernement s'est efforcé de ramener cette réforme à ce qu'elle devait être, et à s'assurer que les choses se passent bien pour les agents en cause et pour les usagers concernés.
Le gouvernement a été d'une transparence irréprochable (dans le cadre de la Commission Consultative d'Evaluation des Charges et de la Commission nationale de Conciliation) et s'est efforcé de répondre à toutes les questions soulevées par les régions.
Tous les arrêtés fixant le montant des transferts de charges et les compensations ont été approuvés par la Commission Consultative d'Evaluation des Charges, sauf un (celui sur le STIF).
Là où des questions ont été soulevées, des réponses ont été apportées. Au total, le Gouvernement a rendu des arbitrages plus favorables pour les collectivités, au-delà de ses obligations constitutionnelles et légales à hauteur de 157 Meuros (voire même 575 Meuros si l'on ajoute les 400 Meuros de subventions au STIF pour le renouvellement de son matériel).
En réalité, le seul vrai sujet difficile qui a concerné les départements, c'est le RMI : non pas tant sur le principe de la juste compensation, celle-ci a eu lieu, mais du fait de la forte augmentation de la dépense des départements après le transfert.
Au total, vous le savez Jean-Pierre FOURCADE, qui préside la CCEC, a donné quitus au gouvernement de la juste compensation des transferts de compétence.
Avec un peu de recul, on sait désormais que les hausses d'impôts locaux décidées par les régions (+ 30 % en 2005, + 7,5 % en 2006) étaient inutiles et injustifiées. Je n'ai pas été particulièrement polémique sur ce point jusque là, mais l'examen des comptes de régions pour 2005 et 2006 montre très clairement que l'augmentation de produit fiscal se transforme en accroissement de l'épargne à due concurrence.
En 2005 les régions ont prélevé 700 Meuros d'impôt supplémentaire, en 2006, 400 Meuros et cette année, en majorant pour la plupart au maximum la fraction de TIPP qui leur revient, elles dégageront encore 520 Meuros supplémentaires.
Au total, si l'on ajoute les nouvelles hausses de taux prévues pour 2007, ce sont donc 2 milliards supplémentaires qui sont désormais prélevés par les régions.
4) La décentralisation ouvre des champs importants d'évaluation, de réflexion de la part de vos assemblées.
Le vrai sujet, désormais, c'est l'exercice des compétences décentralisées: l'Etat décentralise à chaque fois qu'il pense que les collectivités locales peuvent "faire mieux". Et là je crois qu'il y a matière à réflexion pour vos assemblées.
Faire mieux, c'est d'abord faire preuve de plus de réactivité; faire mieux c'est ensuite mieux adapter ces politiques aux réalités des besoins du territoire. Faire mieux, ce n'est pas nécessairement dépenser plus...
Il est clair que la décentralisation, la 1ère en tout cas, ou celle des transports ferroviaires de passagers, se traduit parfois par une forte remise à niveau des équipements.
Les capacités d'endettement des régions de 1986 à ce jour ont rendu possible cet effort d'équipement; mais la réponse doit être plus subtile. Il ne s'agit pas de dépenser "plus", il s'agit de dépenser "mieux". Compétence par compétence, les défis à relever ne sont pas les mêmes. Je crois véritablement que les CESR peuvent apporter cet éclairage qualitatif dont la décentralisation a besoin.
Au-delà, l'aboutissement de la deuxième étape de la décentralisation a fait ressurgir un certain nombre de questions. Je pense notamment à celle de l'enchevêtrement des compétences qui n'a pas été résolue.
Reconnaissons-le : nous aurons beau déployer des trésors d'imagination en matière de communication, nos concitoyens ne savent pas qui fait quoi.
Dans une interview récente, Alain ROUSSET, le Président de l'ARF, a évoqué la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements.
C'est une vraie question et c'est courageux de l'avoir posée : je pense en effet que la lisibilité de l'action des collectivités territoriales, plus même que leur crédibilité, suppose qu'elle soit mieux définie.
La véritable "concurrence" que se livrent parfois différentes collectivités publiques sur un même territoire n'est certainement pas le gage d'une action publique efficace. Elle n'est pas non plus, à l'évidence, le signe d'une dépense publique intelligente.
Je suis convaincu que cela n'échappe pas au regard critique du citoyen-contribuable-électeur.
Cette clause de compétence est héritée des grandes lois de la IIIème République mais, dès lors que les lois successives ont adopté, depuis, une logique de compétences d'attribution. On peut effectivement s'interroger sur le sens de cette clause.
Je crois que, tant localement, dans chacune de vos régions, qu'au niveau national, dans le cadre de votre Assemblée des CESR, c'est un sujet sur lequel vous pourriez utilement nourrir la réflexion.
B - La préparation des Contrats de projets 2007-2013
Là aussi, parlons franchement, le sujet a connu sa part de polémique.
Nous avons tous dans le passé, alternativement, dénoncé le décalage entre ce qui était affiché dans les CPER et ce qui était effectivement dépensé (voire parfois ce que dès le début nous savions pouvoir réaliser). Le gouvernement a donc mis fin à la technique des enveloppes destinées à financer un catalogue d'opérations sous-évaluées.
Tout au long de cette démarche, le gouvernement a été attentif aux demandes des régions.
1) D'abord, les régions sont bien restées le partenaire principal de l'Etat dans cette volonté de convergence et de programmation des stratégies de développement territorial.
Elles avaient des inquiétudes, je pense que le processus de négociation mené par les Préfets de région aura été l'occasion de les lever.
2) Le Gouvernement a accepté d'ouvrir le champ de la contractualisation et a amélioré les enveloppes en conséquence.
Le champ des contrats avait été restreint pour tenir compte du nouveau contexte créé par la décentralisation, mais sur le champ retenu le volume des financements mis en place était supérieur au plan précédent dés le début des discussions.
Compte tenu du recentrage des priorités, l'enveloppe pluriannuelle de crédits avait été arrêtée à environ 10,5 Mdseuros, soit une moyenne annuelle d'environ 1,4 Meuros. S'y ajoutent les crédits de l'ANRU et des agences de l'eau, soit un montant du même ordre que les crédits d'Etat réellement engagés entre 2000 et 2006 sur ces mêmes sujets (1331 Meuros/an).
Dès le mois de septembre le Premier ministre s'est engagé à élargir le champ des discussions à de nouvelles thématiques ou à de nouveaux projets, ceci a été fait et des crédits supplémentaires ont été mis en place.
A la suite de cette décision, 2 Mds euros ont été ajoutés dans les mandats complémentaires déjà notifiés, ce qui porte l'effort de l'Etat à 12,5 milliards soit plus de 1,8 milliard par an.
Les CPER et les contrats interrégionaux sont désormais en phase de signature.
C - Au-delà des CPER, je voudrais aussi souligner la collaboration Etat/régions dans le cadre des pôles de compétitivité
Le lancement de la politique des pôles à l'automne 2004 a créé une dynamique inédite de rapprochement des entreprises, des centres de recherche et des organismes de formation autour de projets innovants.
L'Etat a pleinement joué son rôle en donnant une reconnaissance nationale et une visibilité internationale à ces initiatives mais il a, en même temps, voulu marquer l'ancrage des pôles sur leur territoire.
Les collectivités territoriales et notamment les régions ont pris une part déterminante dans cette dynamique. Cette implication a une traduction financière, dans le financement de la gouvernance des pôles d'une part et bien évidemment, d'autre part, dans le soutien important au financement des projets de recherche et développement.
Dès l'année 2006, l'Etat aura apporté, via le fonds unique interministériel (c'est-à-dire non compris les diverses agences), environ 190 Meuros et les collectivités de l'ordre de 100 Meuros pour un montant d'investissement total en recherche et développement d'un peu plus de 1 Md euros.
C'est dire que l'effet de levier du financement public est important et que l'engagement des collectivités aux côtés de l'Etat y est déterminant.
Au bout du compte, lorsque l'on fait la part des choses entre ce qui relève davantage du jeu politique et de ce qu'aura été la réalité du dialogue entre l'Etat et les régions dans des conditions inédites, je crois qu'on peut observer une maturation de la relation entre la France et ses régions.
D - Quelques mots, enfin, sur ce qui concerne plus directement vos assemblées
1). sur le renouvellement de vos assemblées
Le dernier renouvellement ayant eu lieu en octobre 2001, et vos mandats durant 6 ans, le renouvellement des CESR doit avoir lieu en octobre 2007. Une circulaire est actuellement en préparation au Ministère de l'Intérieur puisqu'il revient désormais au Préfet de région de mener cette procédure de renouvellement et d'en élaborer le calendrier.
Dans un premier temps, les Préfets de régions devront prendre un arrêté qui fixe la liste des organismes de toute nature représentés au CESR, le nombre de leurs représentants et, le cas échéant, les modalités particulières de leur désignation. Cet arrêté devra être publié au plus tard le 15 octobre 2007 (15 novembre pour l'Outre mer).
Un second arrêté constate la désignation des représentants des entreprises et activités professionnelles non salariées, des organisations syndicales de salariés ainsi que des organismes et associations qui participent à la vie collective de la région.
Les préfets de région prendront enfin un troisième arrêté nommant les personnalités qui, en raison de leur qualité ou de leurs activités, concourent au développement de la région.
Ces deux derniers arrêtés devront être publiés au plus tard le 30 octobre 2007 (30 novembre 2007 pour l'Outre-mer).
Les nouvelles désignations prennent effet à compter du 1er novembre 2007 (1er décembre 2007 pour l'Outre-mer).
2) sur l'élargissement du 3ème collège et la place des associations
C'est un sujet important, à la fois pour le monde associatif, mais aussi pour la représentativité de vos assemblées qui étant élargie, s'en trouvera renforcée. Le Premier ministre a commandé un rapport au Président Boucherat ; ce rapport doit être remis fin mars à Jean-François Lamour.
Il y a essentiellement deux enjeux : l'un un peu méthodologique pour indiquer aux Préfets de régions comment assumer cette représentativité du monde associatif, l'autre, en termes d'équilibre et d'effectif, comme à chaque fois qu'on élargit, c'est soit en créant des postes supplémentaires - mais le lien entre les différents collèges invite sans doute à ne pas aller trop loin dans cette voie - soit en ajustant les diverses représentations. Je ne doute pas que le Président Boucherat saura nous apporter là lumière sur ce point, comme sur beaucoup d'autres.
3) sur la saisine des CPER par les Préfets de région
Le Premier ministre s'est dit favorable à cette saisine. Je crois en effet, dès lors que vos assemblées se sont inscrites dans le paysage régional comme un lieu de débat, d'échange, de concertation, et que ces débats permettent d'éclairer utilement les enjeux locaux, il n'y a que des avantages à ce que le Préfet puisse également bénéficier de vos lumières.
Je crois évidemment, compte tenu des liens étroits que vous avez avec les conseils régionaux, que cette proposition - qui n'attend qu'un vecteur législatif pour se traduire en droit - doit faire l'objet d'une concertation de votre part avec l'ARF.
Une Présidente de Conseil régional a récemment fait parler d'elle en proposant de soumettre l'activité des élus locaux à des jury de citoyens.
Je crois qu'avant d'en arriver là, il serait utile à notre démocratie de solliciter davantage les assemblées qui existent et qui ont désormais largement conquis leur légitimité : au niveau national, le Conseil Economique et Social, 3ème assemblée de la République, et au niveau local, les CES régionaux, seconde assemblée régionale, au même titre, mais avec une légitimité différente, que les Conseils régionaux.
De par les hommes et les femmes qui les composent, ces assemblées permettent de poser les termes d'un débat, d'en identifier les enjeux, de recueillir des visions riches de diversité, pour éclairer au mieux le débat public. Source http://www.interieur.gouv.fr, le 23 janvier 2007