Déclaration de M. Christian Estrosi, secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, sur l'évolution du statut de Saint-Barthélemy, Saint-Barthélemy le 15 juillet 2007.

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Circonstance : Déplacement de M. Christian Estrosi en Guadeloupe et déclaration devant le conseil territorial de Saint-Barthélemy, le 15 juillet 2007

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les conseillers territoriaux,

C'est avec beaucoup de joie et de fierté que j'ai l'honneur de prononcer devant votre assemblée, nouvellement élue et réunie pour la première fois, le premier discours d'un membre du Gouvernement de la République.
Cet événement revêt une portée à la fois historique et politique qui justifient la présence avec vous, en ce jour si particulier, du ministre chargé de l'outre-mer. J'ai moi-même pris mes fonctions il y a un mois, et Saint-Barthélemy constitue mon tout premier déplacement outre-mer en cette qualité.
Avec la création officielle de la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy, ce dimanche 15 juillet 2007, se clôt un processus engagé depuis de longues années. Je sais la part éminente que vous y avez prise, cher Bruno MAGRAS, depuis les années soixante-dix et que ce fut pour vous un long combat, aujourd'hui couronné de succès. La longue marche de Saint-Barthélemy vers l'autonomie avait du être stoppée, à plusieurs reprises, devant des obstacles imprévus. Ainsi, l'Assemblée Nationale élue en mars 1993 avait déjà voté le principe d'un statut particulier pour Saint-Barthélemy et pour Saint-Martin, mais cette première tentative fut stoppée par la dissolution de mai 1997.
La révision constitutionnelle de mars 2003, adoptée conformément aux engagements électoraux de Jacques CHIRAC, présentée et soutenue avec talent et conviction par Brigitte GIRARDIN, et avec le plein accord de Nicolas SARKOZY, a fait disparaître les obstacles de nature constitutionnelle qui s'opposaient à la transformation de votre île en commune autonome. Cette loi constitutionnelle, je l'ai votée, car j'étais alors député des Alpes-Maritimes.
Ensuite, vos élus municipaux et votre conseiller général se sont accordés sur une évolution statutaire que les élus départementaux et régionaux de Guadeloupe ont unanimement approuvée. Les électeurs de Saint-Barthélemy, le 7 décembre 2003 ont massivement ratifié cette démarche, avec plus de 95 % des suffrages exprimés et un taux de participation remarquable. Ils donnaient ainsi le « consentement » exigé par les nouvelles dispositions de la Constitution.
Le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire, présentés en mai 2006 par le Gouvernement auquel j'appartenais, ont été adoptés à l'unanimité par les deux Assemblées du Parlement et validées par le Conseil constitutionnel qui n'y a corrigé que des points très limités. Elles ont été promulguées le 21 février dernier.
Voilà donc la première phase d'un parcours exemplaire, mêlant concertation politique approfondie, décision directe des électeurs et innovation juridique, qui s'achève aujourd'hui.
J'ajoute que votre élection brillante à plus de 72 %, Monsieur le Président et celle de vos co-listiers, témoigne de la grande confiance que vous ont manifestée les électeurs de Saint-Barthélemy, et de leur soutien à la gestion saine et éclairée de la commune, qui augure bien de celle, à venir, de la collectivité d'outre-mer. J'ajoute que le respect que vous témoigne aussi votre opposition - ce n'est pas si fréquent dans la vie politique locale - est également un signe très positif pour le futur : « l'ouverture », à Saint-Barthélemy, on sait ce que c'est...
Ce long processus de mise en place de la collectivité désormais clos, une page nouvelle de son histoire s'ouvre pour Saint-Barthélemy : celui de l'exercice des responsabilités que la loi vous confère, à vous, Monsieur le Président, comme aux autres conseillers territoriaux.
Ces responsabilités sont d'abord celles de trois niveaux de collectivité, puisque la collectivité d'outre mer de Saint Barthélemy est à la fois commune, département et région.
Mais ce sont aussi les responsabilités d'un législateur, puisque votre conseil territorial pourra désormais, comme l'y autorise l'article 74 de notre Constitution et la loi organique, intervenir dans le domaine de la loi.
Ces responsabilités sont immenses. L'exercice de ces nouvelles compétences va façonner l'avenir de votre île, et conditionner le maintien de sa prospérité économique et de son attractivité.
Vous pourrez, bien naturellement, compter sur l'appui du Gouvernement, dans son domaine de compétences, pour favoriser l'exercice de l'autonomie car - on ne le dira jamais assez - l'autonomie ne signifie en rien le désengagement de l'Etat. Celui-ci conserve des responsabilités éminentes dans des domaines comme la sécurité, l'application de la loi, ou encore la législation sociale, notamment. Les réformes qui seront décidées en métropole auront vocation à s'appliquer ici, avec les adaptations nécessaires, et je veillerai à ce que les votre nouvelle collectivité d'outre-mer ne soit pas oubliée dans la préparation des textes et dans celle des politiques publiques.
C'est parce que l'Etat sera fort que votre autonomie sera effective et nous travaillons donc, au-delà de la nécessaire amélioration de l'efficacité de l'Etat au niveau national, à la réorganisation et au renforcement de ses services, à Saint-Barthélemy comme à Saint-Martin.
Mes services continuent de préparer activement les textes nécessaires à l'application effective de votre nouveau statut. Plusieurs d'entre eux interviendront très prochainement. Vous en serez saisis pour avis.
Le processus d'évaluation des transferts de charges se fera d'ici la fin de l'année, en étroite concertation avec les élus de la Guadeloupe. Le régime des dotations de l'Etat à la collectivité sera, le cas échéant, précisé par la loi de finances pour 2008. Mais je sais que vous n'attendez pas d'abord l'aide financière de l'Etat : vous souhaitez surtout qu'il remplisse ses missions avec efficacité. C'est ce à quoi travaille le Gouvernement auquel j'ai l'honneur d'appartenir, sous la haute autorité du Président de la République. L'effort national de redressement, que nous entamons à peine et qui nécessitera des efforts constants, devra porter ses fruits en métropole comme en outre-mer, et donc à Saint-Barthélemy.
Je prépare activement, pour la fin de l'année, une loi de programme, qui viendra améliorer et amplifier les dispositifs en vigueur depuis la loi GIRARDIN.
Les aspects fiscaux des réformes à venir vous concerneront peu, eu égard à votre autonomie en ce domaine. Mais toutes les autres mesures, dans le domaine social, dans celui de la continuité territoriale, de la mobilité et de l'aménagement du territoire, notamment, vous concerneront tout autant que les autres collectivités françaises d'Amérique.
Votre nouveau statut vous permet d'accéder à l'émancipation politique qui vous a manqué jusqu'à présent, ce qui conduisait à ce que vos intérêts ne soient pas suffisamment pris en compte dans la définition des politiques menées par l'Etat. Désormais vos « intérêts propres » - ce sont les termes mêmes de la Constitution - sont représentés et incarnés, ici, par un conseil territorial et son président. Vous changez de dimension politique, en accédant à l'ensemble des collectivités françaises d'outre-mer dont vous serez l'une des douze composantes.
Cette nouvelle dimension, en attendant qu'entre en vigueur votre représentation parlementaire spécifique, dès septembre 2008 par le Sénat, vous assurera une visibilité et une reconnaissance nouvelles, qu'il vous faudra mettre à profit, en étroite coordination avec mon ministère, pour faire face aux défis qu'il va devoir désormais falloir affronter dans ce nouveau cadre. J'en citerai quelques-uns :
D'abord, la signature avec l'Etat de la convention fiscale prévue par la loi organique. On ne répétera jamais assez que votre nouveau statut ne crée pas un « paradis fiscal » : il fixe le nouveau cadre légal tout en reconnaissant vos fortes spécificités issues de l'Histoire. Il garantit à l'Etat les compétences dans les domaines comme le droit des sociétés ou le droit pénal, ainsi que l'application des conventions internationales contre le blanchiment, qui éviteront tout risque de dérive, comme d'ailleurs vous n'avez jamais cessé de le demander vous-même. Les intérêts de l'Etat comme ceux de Saint-Barthélemy convergent : il s'agit de mettre en oeuvre votre autonomie fiscale sans qu'il en résulte une attractivité qui, à terme, menacerait les équilibres de l'île et provoquerait des phénomènes d'évasion qui seraient insupportables pour l'Etat. Je prendrai donc ma part dans la négociation de cette convention. Je sais aussi que se pose la question d'un règlement équitable des situations individuelles issues du passé : il nous faudra, le moment venu, trouver une solution, convenable pour tous les intérêts en présence, à ce délicat problème.
Ensuite, votre statut européen : le Gouvernement ne pouvait pas, en ce domaine, prendre des initiatives sans avoir recueilli l'avis des élus de la nouvelle collectivité.
Vous savez que des négociations vont s'ouvrir sur la révision des traités communautaires.

Nous avons besoin de connaître la position de votre conseil territorial sur les quatre possibilités qu'offre le droit communautaire,

  • la sortie complète de l'Union européenne, théoriquement possible, sans naturellement cesser d'appartenir à la République ;
  • le statut de « P.T.O.M. » soumis à un régime d'association ;
  • le statut de « R.U.P. » ;
  • le statut de droit commun, comme toute collectivité de métropole, et donc sans possibilité d'adaptation du droit communautaire désiré.

Sur cette question, il devient urgent que vous vous prononciez. Fort de votre position, le Gouvernement veillera à la défendre auprès de nos partenaires européens, étant entendus - cela va de soi - que ces négociations se font à 27....
Enfin, je ne mésestime pas d'autres problèmes, tels que la gestion de votre alimentation en énergie, ou encore l'absence d'intérêt pour Saint-Barthélemy, et aussi Saint-Martin, manifesté par certaines administrations. Nommé il y a moins d'un mois, je ne prétends pas vous apporter ici des réponses toutes faites. Vous voudrez bien m'accorder, ainsi qu'à mes collaborateurs, un « délai de grâce » pour prendre pleinement conscience de l'ampleur des défis à relever et préparer des solutions adaptées.
Je prends l'engagement devant vous de tout mettre en oeuvre pour que Saint-Barthélemy trouve pleinement sa place dans le nouveau paysage de l'outre-mer dont elle est désormais une composante à part entière.
Je sais que je peux compter sur votre concours pour défendre et promouvoir l'usage d'un outre-mer qui n'est pas seulement un ensemble de collectivités désireuses d'assistanat - c'est un cliché tellement répandu - mais qui est, au contraire, un ensemble de terres dynamiques, habités par l'esprit d'entreprise et par la volonté de promouvoir en tous domaines l'excellence française. Votre île en témoigne !
Je vous présente donc, au nom du Gouvernement de République, tous mes voeux les plus sincères et les plus forts de réussite dans cette extraordinaire aventure de l'autonomie dans la République.

Vive Saint-Barthélemy,
Vive la République,
Vive la France.

Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 16 juillet 2007