Texte intégral
Madame le garde des Sceaux,
Monsieur le premier président, monsieur le procureur général,
Mesdames et messieurs les présidents des tribunaux d'instance,
Mesdames et messieurs les procureurs,
Mesdames et messieurs les bâtonniers,
Mesdames et messieurs,
C'est avec une certaine gravité que je prends la parole pour la première fois dans une enceinte de justice en ma qualité de Premier ministre.
Ma foi en la République signe mon respect pour l'institution judiciaire. La responsabilité des femmes et des hommes qui servent cette institution est élevée. Le respect de nos valeurs communes comme la source de notre éthique sont, pour une large part, entre leurs mains, entre vos mains.
Je sais la fierté de votre engagement. Je sais sa dignité. Je sais la grandeur mais aussi les questionnements que recouvre le service de la justice.
L'ampleur des ambitions dont nous sommes porteurs m'a conduit à venir à votre rencontre. Et c'est avec confiance que je veux aborder avec vous l'avenir de notre organisation judiciaire.
Vous le savez, depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, et conformément à son mandat, nous sommes engagés dans un large mouvement de réformes qui a pour but de créer les conditions d'une France plus audacieuse, plus unie, plus sûre. Il est naturel et nécessaire que la justice se réforme elle aussi.
Quels sont vos principaux défis ?
D'abord, répondre à une nation qui, dans sa quête de repères, se tourne naturellement et anxieusement vers votre arbitrage. Répondre ensuite aux tourments d'une société qui, sous la pression de ses complexités et de ses contradictions, a tendance à se judiciariser. Répondre enfin à nos concitoyens qui, souvent impatients et décontenancés devant les violences et les atteintes à la loi, réclament ordre et réparation.
Tout ceci vous place dans une situation de grande exigence. Une situation où il convient tout à la fois d'agir plus vite pour ne laisser aucune place au sentiment d'impunité, d'agir plus efficacement pour ne laisser aucune prise aux accusations d'inefficacité, mais aussi d'agir toujours, oui toujours, dans la lumière du droit et de votre conscience.
Pour être relevés, ces défis exigent une politique pénale claire ; ils exigent des moyens ; ils exigent aussi des adaptations.
Depuis cinq mois, nous avons prouvé notre volonté de faire de la justice une priorité gouvernementale. Nous avons entendu l'appel des Français et de vous-mêmes en faveur d'évolutions qui doivent permettre à votre institution de mieux fonctionner.
Les juges, mais aussi les fonctionnaires, greffiers, notaires et avoués attendent ces évolutions et ils ont raison. L'exercice de leur métier est d'une difficulté méconnue, souvent insoupçonnée du public. C'est l'épreuve d'une profession confrontée directement à un monde trop souvent assailli par la brutalité, la souffrance et la solitude.
Cette épreuve, les avocats la partagent : de quelque côté de la barre qu'ils se tiennent, ils font face aux mêmes personnes, aux mêmes drames, aux mêmes interrogations.
Le manque de moyens ne crée pas ces difficultés, mais il peut les aggraver. Il ne se limite pas aux défaillances de la sécurité dans les tribunaux, et aux drames spectaculaires qu'elles engendrent parfois. Le quotidien des juges est souvent harassant, le dénuement de leurs services une réalité.
Quand les juges s'inquiètent et s'alarment, quand ils demandent que le fonctionnement de la justice soit amélioré, le Gouvernement doit les entendre. Les Français le demandent avec eux. Autorité, responsabilité, sécurité : ce sont les valeurs dont nos concitoyens exigent la pleine reconnaissance, et ce sont aussi vos valeurs.
Au cours des derniers mois, plusieurs affaires ont exposé ce que le public a interprété comme une faiblesse générale de l'institution judiciaire ; elles ont mis en question, parfois de manière hâtive, les procédures techniques complexes de l'instruction, de la mise en examen, de la libération conditionnelle ; tout cela pour le plus grand regret des Français, dont l'attachement à une justice respectée demeure intact.
Nos concitoyens veulent que l'autorité judiciaire soit irréprochable, efficiente, qu'elle retrouve de meilleures perspectives. Ils veulent que l'image de la justice et la force du droit qu'elle incarne soient mieux préservées.
A cet égard, la réforme de la justice c'est d'abord et avant tout une réforme pour la justice. Cette réforme doit, en premier lieu, aller dans le sens de l'efficacité. Une partie de notre justice souffre de langueur et les Français en souffrent avec elle. Il faut sortir de la lenteur, de l'impuissance, sortir de l'impression d'impunité qu'elles engendrent.
Les gens de justice sont disponibles, passionnés, bien loin des caricatures du XIXe siècle ! Et c'est pourquoi, la garde des Sceaux a voulu que votre institution bénéficie de l'ensemble des technologies actuelles : l'équipement informatique, la possibilité d'organiser des audiences sous forme de visioconférences, les portiques de détection récemment installés dans les tribunaux... La loi Warsmann, votée en première lecture au Parlement, ouvre à cet effort de modernisation de nouvelles perspectives.
Mais au-delà de ces moyens, c'est aussi, mesdames et messieurs, dans la voie de l'autorité morale et du prestige de votre institution que nous voulons progresser. Vous le savez, la commission animée par Edouard Balladur réfléchit notamment à une réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Sa présidence, selon les propres voeux du chef de l'Etat, ne devrait ne plus incomber au président de la République. Son indépendance s'en trouverait ainsi symboliquement confirmée. Elle le sera aussi par sa composition, qui fait l'objet de réflexions approfondies.
Au nom de ce même principe, un contrôleur général des lieux privatifs de liberté sera bientôt nommé. L'image de l'autorité judiciaire s'en trouvera rehaussée car la force de la sanction doit être éclairée par la possibilité de s'amender dans des conditions strictes mais dignes.
Cette indépendance qui fait votre autorité suppose, en parallèle, que nous avancions vers plus de responsabilité. Une justice responsable, c'est une justice capable de montrer aux Français qu'elle fait le meilleur usage possible des moyens et des pouvoirs qui lui sont confiés. C'est une justice qui intègre, dans son ensemble, la notion d'efficacité.
Vouloir l'efficacité, ce n'est pas exiger un productivisme aveugle ! Vouloir l'efficacité, ce ne doit pas être la porte ouverte aux jugements hâtifs et expéditifs car il n'y a pas de justice sans hauteur de vue et sans sérénité.
L'efficacité, c'est promouvoir une justice qui se hausse, par la qualité de son organisation et donc de ses réponses, à la hauteur des attentes nationales.
La Revue générale des politiques publiques que nous avons lancée y aidera - comme elle va aider, pour la première fois, à une meilleure appréciation de l'ensemble des politiques publiques, de leur pertinence et de leur coût.
J'ai parlé d'efficacité, d'autorité morale, de responsabilité, d'efficacité... Sachez-le, toute notre ambition est tournée vers un objectif central : renforcer la qualité de notre justice. Avec Rachida Dati, nous voulons une justice qui a les moyens de travailler vite et bien, une justice qui a les moyens d'oeuvrer dans la collégialité et, pour cela, nous devons ensemble réorganiser et rationaliser notre carte judiciaire.
Faut-il refaire devant vous la carte d'une justice française qui se découpe encore parfois selon des logiques d'Ancien Régime ? Est-il nécessaire de mentionner une nouvelle fois ces tribunaux d'instance dont le siège comporte moins de 10 magistrats ? Ces ressorts dont la population varie de 1 à 67 ? Ces départements dépourvus de tribunal de commerce, et ceux où deux formes de justice commerciale se recouvrent ? Vous connaissez mieux que moi l'inconfort et l'incohérence de ces héritages de l'histoire.
Il est nécessaire de répondre aux aberrations géographiques. Nécessaire d'atténuer des disparités démographiques. Nécessaire d'effacer certains archaïsmes structurels et fonctionnels. Nous parlons de tout cela depuis si longtemps... et depuis si longtemps nous hésitons, nous reculons. Alors maintenant, agissons ensemble !
Agissons ensemble par le dialogue. Agissons ensemble de façon pragmatique. Agissons ensemble au cas par cas. Mais agissons !
Notre détermination est forte car le bénéfice attendu de cette réforme de la carte judiciaire est évident. La carte nouvelle nous permettra de mutualiser les moyens, de fédérer les équipes et les outils, de faire émerger des pôles de compétences spécialisés.
Elle permettra de réaliser, dans les faits, une collégialité de l'instruction que les Français réclament, que la loi de mars 2007 prévoit et qui, dans les plus petits tribunaux, est tout simplement impossible à mettre en oeuvre, faute de juges !
La solitude du magistrat face à la loi existe. On ne doit plus la redoubler d'un isolement professionnel et géographique. C'est le sens de cette nouvelle carte, qui devra aussi ouvrir de meilleures carrières à des personnels et à des magistrats hautement compétents dont la carte actuelle limite les moyens et bride les parcours.
Cette réforme, il faut la faire, et c'est pourquoi nous entendons la conduire avec soin. Nous avons d'ores et déjà commencé d'agir en concertation. C'est ma méthode et c'est celle du garde des Sceaux. Après avoir dressé, tout au long des dernières semaines, un diagnostic approfondi de la carte judiciaire, Rachida Dati continuera d'aller à votre rencontre autant que nécessaire pour vous entendre.
Avec le président de la République et le garde des Sceaux, nous n'avons pas l'intention de lancer un plan uniforme, mécanique, systématique. Nous voulons agir avec pragmatisme, en examinant au cas par cas les situations. Il s'agit d'agir juste, par étape, de façon optimale. J'ai vu que des prévisions alarmistes circulaient. Elles étaient prématurées, et elles étaient excessives.
Concertation, pragmatisme, progressivité, voilà la méthode que nous mettons au service d'une ambition que nous voulons partager. Cette ambition exige que l'Etat écoute tout le monde, mais elle exige aussi que chacun s'emploie à dépasser ses intérêts personnels dès lors qu'ils ne servent pas véritablement l'objectif d'une justice de qualité.
Celle-ci n'est pas incompatible avec une justice de proximité dont il convient de ne pas dénaturer le véritable sens.
Qu'est ce qu'une justice de proximité, aujourd'hui ? Ce n'est plus celle qu'on peut atteindre dans la journée à pied ou à cheval Ce n'est pas nécessairement celle qui est, dans un palais sans réels moyens, à quinze minutes de chez soi.
Non, une justice de proximité, c'est une justice ouverte, accessible aux arguments de chacun, au bon sens, à la douleur des victimes. C'est une justice sensible aux évolutions de la société et de ses requêtes. C'est une justice qui accepte de tenir des audiences foraines, ou de travailler à distance, bref, de devenir mobile quand les justiciables ne le sont plus ; c'est une justice dont l'autorité se fait sentir partout où elle est nécessaire, et qui porte bien au-delà des murs des tribunaux où elle est rendue.
Une justice de proximité, c'est une justice qui est présente dans nos vies, si elle n'est pas toujours présente dans nos villes.
Aujourd'hui, la réforme de la carte judiciaire s'annonce un peu comme d'autres réformes passées : le redéploiement Police/Gendarmerie voulu par Nicolas Sarkozy, la réforme du système hospitalier, celle de l'équipement.
Souvenons-nous : les élus locaux, les professionnels concernés, y étaient alors souvent hostiles. Grâce à des objectifs clairement affichés, grâce à une conciliation au plus près des territoires, ces réformes se sont faites et cela au profit de tous.
Pour beaucoup, la réforme de la carte judiciaire, c'est la réforme impossible. C'est la réforme à laquelle tous les gouvernements ont renoncé depuis 1958. Mais c'est une réforme indispensable pour l'avenir même de la Justice. Elle doit être accomplie. Et elle le sera avec vous, et avec tous ceux qui savent que l'intérêt de la Justice se confond avec le bien public.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 octobre 2007
Monsieur le premier président, monsieur le procureur général,
Mesdames et messieurs les présidents des tribunaux d'instance,
Mesdames et messieurs les procureurs,
Mesdames et messieurs les bâtonniers,
Mesdames et messieurs,
C'est avec une certaine gravité que je prends la parole pour la première fois dans une enceinte de justice en ma qualité de Premier ministre.
Ma foi en la République signe mon respect pour l'institution judiciaire. La responsabilité des femmes et des hommes qui servent cette institution est élevée. Le respect de nos valeurs communes comme la source de notre éthique sont, pour une large part, entre leurs mains, entre vos mains.
Je sais la fierté de votre engagement. Je sais sa dignité. Je sais la grandeur mais aussi les questionnements que recouvre le service de la justice.
L'ampleur des ambitions dont nous sommes porteurs m'a conduit à venir à votre rencontre. Et c'est avec confiance que je veux aborder avec vous l'avenir de notre organisation judiciaire.
Vous le savez, depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, et conformément à son mandat, nous sommes engagés dans un large mouvement de réformes qui a pour but de créer les conditions d'une France plus audacieuse, plus unie, plus sûre. Il est naturel et nécessaire que la justice se réforme elle aussi.
Quels sont vos principaux défis ?
D'abord, répondre à une nation qui, dans sa quête de repères, se tourne naturellement et anxieusement vers votre arbitrage. Répondre ensuite aux tourments d'une société qui, sous la pression de ses complexités et de ses contradictions, a tendance à se judiciariser. Répondre enfin à nos concitoyens qui, souvent impatients et décontenancés devant les violences et les atteintes à la loi, réclament ordre et réparation.
Tout ceci vous place dans une situation de grande exigence. Une situation où il convient tout à la fois d'agir plus vite pour ne laisser aucune place au sentiment d'impunité, d'agir plus efficacement pour ne laisser aucune prise aux accusations d'inefficacité, mais aussi d'agir toujours, oui toujours, dans la lumière du droit et de votre conscience.
Pour être relevés, ces défis exigent une politique pénale claire ; ils exigent des moyens ; ils exigent aussi des adaptations.
Depuis cinq mois, nous avons prouvé notre volonté de faire de la justice une priorité gouvernementale. Nous avons entendu l'appel des Français et de vous-mêmes en faveur d'évolutions qui doivent permettre à votre institution de mieux fonctionner.
Les juges, mais aussi les fonctionnaires, greffiers, notaires et avoués attendent ces évolutions et ils ont raison. L'exercice de leur métier est d'une difficulté méconnue, souvent insoupçonnée du public. C'est l'épreuve d'une profession confrontée directement à un monde trop souvent assailli par la brutalité, la souffrance et la solitude.
Cette épreuve, les avocats la partagent : de quelque côté de la barre qu'ils se tiennent, ils font face aux mêmes personnes, aux mêmes drames, aux mêmes interrogations.
Le manque de moyens ne crée pas ces difficultés, mais il peut les aggraver. Il ne se limite pas aux défaillances de la sécurité dans les tribunaux, et aux drames spectaculaires qu'elles engendrent parfois. Le quotidien des juges est souvent harassant, le dénuement de leurs services une réalité.
Quand les juges s'inquiètent et s'alarment, quand ils demandent que le fonctionnement de la justice soit amélioré, le Gouvernement doit les entendre. Les Français le demandent avec eux. Autorité, responsabilité, sécurité : ce sont les valeurs dont nos concitoyens exigent la pleine reconnaissance, et ce sont aussi vos valeurs.
Au cours des derniers mois, plusieurs affaires ont exposé ce que le public a interprété comme une faiblesse générale de l'institution judiciaire ; elles ont mis en question, parfois de manière hâtive, les procédures techniques complexes de l'instruction, de la mise en examen, de la libération conditionnelle ; tout cela pour le plus grand regret des Français, dont l'attachement à une justice respectée demeure intact.
Nos concitoyens veulent que l'autorité judiciaire soit irréprochable, efficiente, qu'elle retrouve de meilleures perspectives. Ils veulent que l'image de la justice et la force du droit qu'elle incarne soient mieux préservées.
A cet égard, la réforme de la justice c'est d'abord et avant tout une réforme pour la justice. Cette réforme doit, en premier lieu, aller dans le sens de l'efficacité. Une partie de notre justice souffre de langueur et les Français en souffrent avec elle. Il faut sortir de la lenteur, de l'impuissance, sortir de l'impression d'impunité qu'elles engendrent.
Les gens de justice sont disponibles, passionnés, bien loin des caricatures du XIXe siècle ! Et c'est pourquoi, la garde des Sceaux a voulu que votre institution bénéficie de l'ensemble des technologies actuelles : l'équipement informatique, la possibilité d'organiser des audiences sous forme de visioconférences, les portiques de détection récemment installés dans les tribunaux... La loi Warsmann, votée en première lecture au Parlement, ouvre à cet effort de modernisation de nouvelles perspectives.
Mais au-delà de ces moyens, c'est aussi, mesdames et messieurs, dans la voie de l'autorité morale et du prestige de votre institution que nous voulons progresser. Vous le savez, la commission animée par Edouard Balladur réfléchit notamment à une réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Sa présidence, selon les propres voeux du chef de l'Etat, ne devrait ne plus incomber au président de la République. Son indépendance s'en trouverait ainsi symboliquement confirmée. Elle le sera aussi par sa composition, qui fait l'objet de réflexions approfondies.
Au nom de ce même principe, un contrôleur général des lieux privatifs de liberté sera bientôt nommé. L'image de l'autorité judiciaire s'en trouvera rehaussée car la force de la sanction doit être éclairée par la possibilité de s'amender dans des conditions strictes mais dignes.
Cette indépendance qui fait votre autorité suppose, en parallèle, que nous avancions vers plus de responsabilité. Une justice responsable, c'est une justice capable de montrer aux Français qu'elle fait le meilleur usage possible des moyens et des pouvoirs qui lui sont confiés. C'est une justice qui intègre, dans son ensemble, la notion d'efficacité.
Vouloir l'efficacité, ce n'est pas exiger un productivisme aveugle ! Vouloir l'efficacité, ce ne doit pas être la porte ouverte aux jugements hâtifs et expéditifs car il n'y a pas de justice sans hauteur de vue et sans sérénité.
L'efficacité, c'est promouvoir une justice qui se hausse, par la qualité de son organisation et donc de ses réponses, à la hauteur des attentes nationales.
La Revue générale des politiques publiques que nous avons lancée y aidera - comme elle va aider, pour la première fois, à une meilleure appréciation de l'ensemble des politiques publiques, de leur pertinence et de leur coût.
J'ai parlé d'efficacité, d'autorité morale, de responsabilité, d'efficacité... Sachez-le, toute notre ambition est tournée vers un objectif central : renforcer la qualité de notre justice. Avec Rachida Dati, nous voulons une justice qui a les moyens de travailler vite et bien, une justice qui a les moyens d'oeuvrer dans la collégialité et, pour cela, nous devons ensemble réorganiser et rationaliser notre carte judiciaire.
Faut-il refaire devant vous la carte d'une justice française qui se découpe encore parfois selon des logiques d'Ancien Régime ? Est-il nécessaire de mentionner une nouvelle fois ces tribunaux d'instance dont le siège comporte moins de 10 magistrats ? Ces ressorts dont la population varie de 1 à 67 ? Ces départements dépourvus de tribunal de commerce, et ceux où deux formes de justice commerciale se recouvrent ? Vous connaissez mieux que moi l'inconfort et l'incohérence de ces héritages de l'histoire.
Il est nécessaire de répondre aux aberrations géographiques. Nécessaire d'atténuer des disparités démographiques. Nécessaire d'effacer certains archaïsmes structurels et fonctionnels. Nous parlons de tout cela depuis si longtemps... et depuis si longtemps nous hésitons, nous reculons. Alors maintenant, agissons ensemble !
Agissons ensemble par le dialogue. Agissons ensemble de façon pragmatique. Agissons ensemble au cas par cas. Mais agissons !
Notre détermination est forte car le bénéfice attendu de cette réforme de la carte judiciaire est évident. La carte nouvelle nous permettra de mutualiser les moyens, de fédérer les équipes et les outils, de faire émerger des pôles de compétences spécialisés.
Elle permettra de réaliser, dans les faits, une collégialité de l'instruction que les Français réclament, que la loi de mars 2007 prévoit et qui, dans les plus petits tribunaux, est tout simplement impossible à mettre en oeuvre, faute de juges !
La solitude du magistrat face à la loi existe. On ne doit plus la redoubler d'un isolement professionnel et géographique. C'est le sens de cette nouvelle carte, qui devra aussi ouvrir de meilleures carrières à des personnels et à des magistrats hautement compétents dont la carte actuelle limite les moyens et bride les parcours.
Cette réforme, il faut la faire, et c'est pourquoi nous entendons la conduire avec soin. Nous avons d'ores et déjà commencé d'agir en concertation. C'est ma méthode et c'est celle du garde des Sceaux. Après avoir dressé, tout au long des dernières semaines, un diagnostic approfondi de la carte judiciaire, Rachida Dati continuera d'aller à votre rencontre autant que nécessaire pour vous entendre.
Avec le président de la République et le garde des Sceaux, nous n'avons pas l'intention de lancer un plan uniforme, mécanique, systématique. Nous voulons agir avec pragmatisme, en examinant au cas par cas les situations. Il s'agit d'agir juste, par étape, de façon optimale. J'ai vu que des prévisions alarmistes circulaient. Elles étaient prématurées, et elles étaient excessives.
Concertation, pragmatisme, progressivité, voilà la méthode que nous mettons au service d'une ambition que nous voulons partager. Cette ambition exige que l'Etat écoute tout le monde, mais elle exige aussi que chacun s'emploie à dépasser ses intérêts personnels dès lors qu'ils ne servent pas véritablement l'objectif d'une justice de qualité.
Celle-ci n'est pas incompatible avec une justice de proximité dont il convient de ne pas dénaturer le véritable sens.
Qu'est ce qu'une justice de proximité, aujourd'hui ? Ce n'est plus celle qu'on peut atteindre dans la journée à pied ou à cheval Ce n'est pas nécessairement celle qui est, dans un palais sans réels moyens, à quinze minutes de chez soi.
Non, une justice de proximité, c'est une justice ouverte, accessible aux arguments de chacun, au bon sens, à la douleur des victimes. C'est une justice sensible aux évolutions de la société et de ses requêtes. C'est une justice qui accepte de tenir des audiences foraines, ou de travailler à distance, bref, de devenir mobile quand les justiciables ne le sont plus ; c'est une justice dont l'autorité se fait sentir partout où elle est nécessaire, et qui porte bien au-delà des murs des tribunaux où elle est rendue.
Une justice de proximité, c'est une justice qui est présente dans nos vies, si elle n'est pas toujours présente dans nos villes.
Aujourd'hui, la réforme de la carte judiciaire s'annonce un peu comme d'autres réformes passées : le redéploiement Police/Gendarmerie voulu par Nicolas Sarkozy, la réforme du système hospitalier, celle de l'équipement.
Souvenons-nous : les élus locaux, les professionnels concernés, y étaient alors souvent hostiles. Grâce à des objectifs clairement affichés, grâce à une conciliation au plus près des territoires, ces réformes se sont faites et cela au profit de tous.
Pour beaucoup, la réforme de la carte judiciaire, c'est la réforme impossible. C'est la réforme à laquelle tous les gouvernements ont renoncé depuis 1958. Mais c'est une réforme indispensable pour l'avenir même de la Justice. Elle doit être accomplie. Et elle le sera avec vous, et avec tous ceux qui savent que l'intérêt de la Justice se confond avec le bien public.Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 15 octobre 2007